Critique de Comte-Sponville - 0.1: Intro et agnosticisme fort

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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
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ChristianK

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Critique de Comte-Sponville - 0.1: Intro et agnosticisme fort

Ecrit le 25 mai22, 15:11

Message par ChristianK »

André Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme, Albin Michel, 2006.

Ma critique concernera chacun des 6 arguments avancés, dont chacun occupera un fil. J’ajoute dans un 1er fil quelques cnsidérerations générales, les forces et les faiblesses, qui expliquent quelques erreurs graves par la suite.

On peut trouver une brève présentation ici :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/L'Espri ... %C3%A9isme



Les qualités du livre :
-La clarté et une classification précise : 3 arguments sceptiques de non-croyance, et 3 arguments de croyance athée. Et la distinction entre les 2 groupes.
-la faible charge de preuve car il s’agit d’un athéisme probabiliste et les probabilités ne sont pas proches de la certitude, car l’auteur présente ses positions comme des opinions (traditionnellement ca implique un doute assez positif), plutôt que comme des convictions (croyance à doute plus faible); simplement pour lui les arguments font pencher la balance du coté de l’athéisme.

Les faiblesses
-UN agnosticisme hyperfort extrêmement dogmatique en métaphysique (cela lui vient sans doute de Kant dont on soupconne qu’il le juge indépassable). Ne voit pas du tout le caractère dogmatique de son agnosticisme, très fermé.
-confusion entre le Dieu des philos.et le Dieu des religions. Donc entre la foi et la métaphysique.
-manque d’analyse et distinction entre foi religieuse surnaturelle ( ou théologale) et foi naturelle (confiance en la parole de qui que ce soit en tout domaine).
-Sophisme ad ignorantiam en classant l’argument freudien (le 6e) dans le 2e groupe, celui de la croyance athée.
-erreurs philosophiques ponctuelles ou affimations douteuses.
-spiritualité athée à mi-chemin de stoicisme et esthétisme, pas mal de pathos. Mais pas de fondement externe (contrairement aux religions).
-Accent sur l’importance de la Morale , mais ne voit pas qu’en général la religion est plus efficace en ce domaine car facile d’accès


(la parenthèse signifie que ce n’est pas nécessairement verbatim)
------------------





Le défaut de base qui colore absolument tout est un agnosticisme hyperfort en métaphysique, i.e. concernant le Dieu des philosophes (pire encore, peut-être en philo tout court) . Il faut analyser très précisément son fondement :


13 (L’existence de Dieu est douteuse
81 (personne n’a de preuve, seulement des raisons ou arguments
68 (Seule vérité : nous ne savons rien sur Dieu et l’après-vie
79 (aucune science ne répondra jamais à la question de Dieu


--Il est incompréhensible que sur cette question il passe la philo sous silence pour ne considérer que les sciences empiriques (si c’est bien cela qu’il appelle science)…



82 (personne ne sait; donc l’agnosticisme de savoir perd son sens, tout le monde est agnostique. Donc ne reste comme significatif que l’agnosticisme de croyance. Seul un imbécile dit qu’il sait que Dieu n’existe pas. Idem pour théiste qui prend sa foi pour un savoir.

--évidemment faux. Sartre apporte une démarche démonstrative de son athéisme fort. Sartre est un imbécile moins doué que CS?? Et pourquoi, si les athées forts sont des imbéciles, les théistes forts ne le sont-ils pas? Incompréhensible.
Sur la foi : un philosophe sans foi peut dire je sais que la probabilité d’existence est plus forte que son contraire. Il pourrait y avoir un savoir philosophique de probabilité.


104 (il ne peut ^pas y avoir de preuve… La métaphysique n’est pas une science

--Au sens de science empirique? Ou science philosophique? OU est-ce tout simplement la philo qui n’est jamais une science?. Certes pas une science empirique. Mais pas une science philosophique non plus? Tout un monde énorme est impliqué par ces quelques mots…


89 (il y a longtemps que les philosophes ont renoncé à prouver

--Faux pour Sartre, Les thomistes. Tous les philosophes seraient agnostiques sur tout sujet pcq on ne peut prouver en philo?? Ou est-ce seulement sur Dieu et pas en morale ou philo des sciences? CS devrait être plus clair sur ces implications.


42 (croire en Dieu n’est pas l’essentiel; il ne faut pas soumettre le destin d’une civilisation à une question objectivement indécidable

--conséquence importance de L’agnosticisme fort.


85 (ceci n’interdit pas le choix. Philosopher c’est penser plus loin qu’on ne sait; faire de la métaphysique c’est penser aussi loin qu’on peut

--Attention. ON peut reconnaitre là ses maitres plutôt sceptiques Marcel Conche et Montaigne.
Donc ce n’est plus seulement la métaphysique qui ne serait pas un savoir, mais la philo elle-même, ce qui n’est rien d’autre que le « savoir » de la philo sceptique. Comment peut-il savoir ca? Veut-il dire que la philo avance dans le non savoir? Ou peut-être qu’elle avance seulement dans un type de savoir probabiliste (Scepticisme mitigé, comme chez Cicéron, esprit pratique)?
Plus bas il soutiendra des opinions, on peut en conclure que la philo serait une philodoxie? Donc toujours douteuse en tout argument quel qu’il soit? Ca va entrainer des paradoxes insupportables comme on le verra.


Voici le nœud fondamental de toute l’affaire , pour moi de tout le livre :


80 (aucun savoir ne répond à la question (SI L’ON ENTEND PAR SAVOIR, COMME IL CONVIENT, LE RÉSULTAT COMMUNICABLE ET CONTROLABLE D’UNE DÉMONSTRATION OU D’UNE EXPERIENCE)

--Trop large ou pas assez. Va pour expérience de labo, mais tout argument valide est communicable même s’il n’est pas controlable par la science empirique. Les démonstrations de Spinoza sont communicables, non controlables au labo, et si elles sont valides elles sont un savoir par définition. Si on prend les mots ci-haut de facon restreignante on aura un positivisme, qui est une philo, pas une science, donc pas un savoir (C’est pourquoi il écrit « si » , pour éviter un scepticisme incohérent – self defeating) . si on les prend de facon large, on ne pourra plus exclure d’office la métaphysique des savoirs .
C’est toutjours le même problème avec le scepticisme, une illusion répandue : il doit faire une exception pour lui-même. Or il n’est qu’une philo parmi d’autres, plus mineure, pas au dessus, surplombante, « vraie ».

Un peu plus précis dans la même ligne :

83 (Savoir=créance subjectivement et objectivement suffisante. En tel cas on devrait pouvoir nous convaincre (le propre d’un savoir= transmissible à tout individu normalement intelligent et cultivé


--Mais Spinoza, toute doctrine philosophique est transmissible, avec toutefois une très grande difficulté en certains cas , comme Hegel, pour des raisons de vocabulaire et d’éloignement du sens commun.

Il semble bien que CS fasse sien l’argument sceptique ultra classique depuis les grecs, les Contradiction des philosophes. Certes les désaccords doivent inciter à la prudence sont ils une preuve de non vérité d’une position et de vérité du scepticisme. Non, pour la raison ci-haut : tous les non sceptiques , les théistes et athées forts, rejettent le scepticisme et son argument des contradictions, car les non sceptiques contredisent la philo sceptique, qui ainsi d’autoréfute et il faut être sceptique concernant la philo sceptique elle-même. Ce que CS est obligé de faire, et il ne le fait pas, c’est réfuter méticuleusement tous les athées forts comme Sartre et tous les théistes forts comme Leibniz, pour prouver qu’ils se trompent tous et que ce sont les probabilistes commme Cicéron et les sceptiques comme Sextus empiricus qui ont raison. Dans un désaccord, l’un des protagonistes peut avoir raison et les autres tort.

Plus grave encore, on pourra pas stopper à la métaphysique, toute la philo va y passer, morale, épistémologie, anthropologie philosophique, politique, esthétique… de ce point de vue il y une parenté évidente entre théologie naturelle et morale, qui traitent toutes 2 de formes de transcendance (ontologique, ou transcendance des valeurs par rapport aux faits)

D’autre part l’usage commun du langage nous faire dire (strictement de facon fautive, car ce n’est pas un savoir démonstratif) qu’on SAIT que César est mort le 15 mars, alors que rigoureusement ce n’est qu’une croyance de foi (testimoniale).
Alors pourquoi être strict en religion et large en histoire, du pt de vue de l’usage du langage?


83 (mon athéisme est une opinion plutôt qu’une conviction;
86 (je n’ai pas de preuve, seulement des croyances; l’athéisme est une croyance


--Logique. Opinion implique un certain doute. Important d’admettre que cet athéisme est une croyance.


85 (massacres religieux sont une preuve de l’ignorance. ON ne s’entretue pas pour une science; s’il y avait des preuves il n’y aurait pas de conflit

--Peut-être, mais il y aura massacres pour une morale, et avant tout une politique. Alors il n’y aurait pas de vérité en morale? En politique? Aucune ? Tout est permis? Ca tient pas.


88 (la religion et l’antireligion causent des massacres

--non, les massacres sont surtout politiques, avec ses exemples : St Barthelemy, Croisades, guerres de religion, Djihad, 11 septembre, Staline, Mao, Pol pot.


34 (la fidélité concerne les valeurs, l’histoire; la foi relève de l’imaginaire ou de la grâce
36 (la foi , en théologie, est une grâce


-Conséquence normale de son agnosticisme dogmatique. Malheureusement il ne distingue pas assez Dieu des philosopĥes (savoir potentiel au moins) et Dieu des religions (foi en des témoins) et foi surnaturelle. Toute foi, même religieuse n’est pas une grâce, on peut avoir une foi naturelle, non théologale.


37 (les fanatiques prennent leur foi pour un savoir… il n’y a qu’à croire et obéir… Ils sont du coté de Dieu, comment pourraient-ils avoit tort?...fondamentalisme


--Ca va beaucoup trop vite. St Thomas n’est pas fanatique et enseigne que oui, croire n’est pas savoir, mais que sous un certain angle la certitude de foi est supérieure à la certitude de science, en faisant les nuances nécessaires.

https://www.forum-religion.org/viewtopic.php?t=68638


143 (fanatisme : prendre sa foi pour un savoir, ou vouloir l’imposer par la force, les deux presque toujours vont de pair

--non. Pas dans les 2 sens. Comme en science, on peut très bien savoir et renoncer à la force SAUF si le bien commun, donc la politique, est en cause.


84 (Objection des croyants qui disent que Dieu leur a donné la vérité, la révélation suffit; mais cela ne vaut que pour celui qui y croit; comment choisir parmi les révélations innombrables

--encore les contradictions des doctrines. Lui-même croit en une non-révélation, et ca ne vaut que pour celui qui y croit; lui-même n’est nullement ignorant que personne ne sait, il le sait. C’est une Incohérence, un argument faible.


53 (perdre la foi cela ne change rien à la connaissance; les sciences restent les mêmes; ca ne change presque rien à la morale

-Certainement pas presque rien, bien qu’il soit exact que la morale d’Aristote est indépendante du théisme. D’abord il y a tout le problème de la rétribution : les vertueux moraux méritent (comme dit Kant) et ce monde est insuffisant à les récompenser. Ensuite il y a le fait que la philo morale n’est accessible qu’à une minorité, qui a donc besoin d’une religion pour disposer d’un argument d’autorité plus solide que la simple tradition profane.
L’exemple même que CS donne 2 pages plus loin prouve qu’il se trompe :

55 (le préservatif et l’homosexualité ne sont pas des problèmes moraux, entre adultes consentants

--Cette simple phrase contient implicitement tout un monde de faiblesse morale. Elle implique que le consentement est la norme et on peut d’abord penser au sadomasochisme, bestialité, inceste, scatologie, prostitution etc etc. Plus grave, elle aura tendance à impliquer qu’il n’y a pas de devoir envers soi-même (disons masturbation, automutilations érotiques etc), donc que 3 des 4 vertus cardinales tombent, ne restant que la justice : il n’y a plus de critère pour la tempérance, le vice de gloutonnerie n’existe plus, le courage de se cultiver tombe, la prudence dans le choix des bons moyens (formation etc) pour bien vivre n’a plus de sens. Car le vicieux consent, peut avoir le consentement d’autrui pour entretenir ces vices.
De plus, bien que ce ne soit pas explicite, CS laisse la poste ouverte à l’idée que le consentement au seul plaisir sexuel ne pose pas de problème moral, et là même la vertu de justice finira par tomber, par implication, car l’homme injuste n’est pas celui qui commet l’injustice, pour Aristote, mais celui qui commet l’injustice avec plaisir (s’il a du chagrin, il est seulement incontinent, pas vicieux). Une fois le plaisir admis comme norme, il ne peut plus y avoir de moralité, Hitler a du plaisir à éliminer les juifs comme le client des prostituées a du plaisir sexuel, peut-être aussi celui de dominer, consommer, etc.
La religion sert entre autre à protéger contre de telles erreurs, comme une 2e cartouche au cas ou des errements se produisent en philo morale, une discipline plutôt complexe et « savante ». Il est plus prudent de disposer de cette 2e cartouche, ne serait-ce qu’à titre d’argument d’autorité (religion=une part de la tradition).

Pourtant il écrit, en sens contraire :

58 (contre l’antimoralisme de Nietzsche; sottise de mai 68, il est interdit d’interdire; cela mène à la décadence ou barbarie, plus de valeur ni devoir, il n’y a que mon plaisir ou ma lâcheté


62 (sans Dieu, pas d’espoir.
63 (athée lucide ne peut échapper au désespoir


--il reconnait que le théisme a un plus.


66 (Une fin au voyage – mort - ne justifie pas de rester sur place

-non mais la justification sera nettement plus faible, chaque acte aura une fin prochaine, mais l’ensemble des actes n’aura pas de fin ultime.


71 (la vie éternelle n’a d’importance que narcissique;

--ceci est contradictoire avec l’idée que c’est elle qui donne de l’ espoir. Cet espoir, chez Kant p.ex., est justifié rationnellement et n’est pas affectif, donc pas narcissique. Pour St Thomas, notre volonté (« appétit rationnel ») est complètement braqué sur la béatitude, au-delà du souverain bien d’Aristote, rien n’est plus naturel, selon l’ ordre du monde naturel dont nous faisons partie, cette soif naturelle du bonheur ne saurait être narcissique car le narcissisme est un déséquilibre d’excès.


77 (croit au xt sauf pour les 3 derniers jours; est-il raisonnable de donner plus d’importance à ces 3 jours qu’aux 33
ans précédents?


--oui car ces 3 jours constituent la « preuve », le fondement du reste, la fin ultime.
《10,000 difficultés ne font pas un seul doute》(Newman)
《J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison》 (Voltaire , 1766)

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