Tguiot a écrit :
Cette conclusion n'est pas correcte. Un espace non local ne signifie pas qu'un "hors-l'espace" existe.
Il va bien falloir qu’un jour vous m’expliquiez comment vous interprétez le paradoxe EPR messieurs. Ce paradoxe soulève un questionnement philosophique très profond qui concerne d’un côté la notion de « réalité » et de l’autre la notion de « localité ». Ces deux notions sont devenues incompatibles et nous devons abandonner l’une d’entre elles, voire peut-être les deux.
Effectivement, étant donné qu’abandonner la notion de réalité paraît encore pire que d’abandonner celle de localité, le monde scientifique préfère donc parler de « non localité ».
Va pour la « non localité » donc, je ne parlerai pas de l’abandon de la notion de « réalité » afin de ne pas alourdir le débat.
Qu’est-ce que signifie qu’un objet est non local ? Cela signifie tout simplement que deux particules intriquées séparées par une très grande distance forment un seul et même objet qui s’étale sur tout l’univers…
Alors je veux bien que vous parveniez à interpréter ce FAIT sans passer par la nécessaire existence d’un autre niveau de réalité, sans passer par l’existence d’une influence causale sur notre monde qui ne soit constituée ni de matière ni d’énergie (que j’ai appelé « causalité globale »), mais il va falloir m’expliquer cela très en détail et très très précisément.
Tguiot a écrit :
Alors, tu ne peux rien en dire, jusqu'à son existence.
Que tu fasses une "expérience", une "méditation", une "réflexion métaphysique", c'est aussi placer l'objet de ces approches dans le champ du connaissable. Il convient alors de vérifier que cet objet a une existence réelle (par les outils de la logique et de la science).
Non puisque le connaissable est ce qui est conceptualisable.
Comme il existe des expériences d’états de conscience sans pensée, donc sans concept, alors il existe des expériences où l’on se situe hors du connaissable. C’est toute la différence entre la pensée et la conscience messieurs, et ce que vous niez réellement sans même oser vous l’avouer, c’est que de tels états aient été réellement expérimentés.
Vous allez encore me répéter que ces états sont une sorte d’hallucination ou qu’ils sont explicables en termes de chamboulement neural. Mais j’ai défini la conscience telle qu’étudiée scientifiquement (centre où se réalise toute perception : perceptions émotionnelles, perception de soi-même en tant qu’être unique, perception de nos pensées, perceptions du monde qui nous entoure venues des cinq sens).
Or la science est pour l’instant incapable d’en expliquer la nature, et elle est donc a fortiori encore plus incapable d’en attribuer la nature au fonctionnement neural.
C’est donc pure spéculation de votre part, cette hypothèse étant de plus contredite par ladite expérience.
Ce que vous avez du mal à concevoir, c’est que l’on réalise lors de ce type d’expérience (mais aussi lors d’une NDE par exemple lorsqu’on se voit dans la salle d’opération vu du plafond) la réalité de notre nature fondamentale comme étant cette conscience ; que l’on réalise que l’existence de la conscience est préalable à l’existence de notre corps et indépendante de celui-ci.
Tguiot a écrit :
Sans doute pas. Sa définition de "réalité" (que je partage), implique, comme un postulat, qu'il y a un réel (en soi).
On est d'accord. Toutefois, je ne sais pas sur quoi tu te bases lorsque tu passes de la première partie de la phrase à la seconde, avec "alors".
De notre côté, le "alors" se base sur le fait que notre rapport au réel est médiat, c'est-à-dire qu'il n'est pas direct mais indirect, à travers le filtre de notre entendement.
Si nous sommes d’accord, alors tout va bien.
Je vais cependant expliquer le « alors » qui te pose problème :
- le réel en soi existe nécéssairement, faute de quoi rien n’existe,
- toute connaissance necessite un sujet connaissant et un objet connu
- toute réalité connue est donc relative au sujet connaissant de par notre « rapport médiat » au réel selon tes propres mots, de par la dualité sujet-objet selon les miens,
- conclusion : le réel en soi ne peut pas être connaissable.
Tguiot a écrit :
Aucunement. Je verrais plutôt un problème de logique à vouloir étendre nos réflexions sur l'inconnaissable, puisque par définition nous ne savons rien de ce champ et de ce qu'il contiendrait, jusqu'à son existence.
C'est justement en toute logique que nous ne pouvons nous cantonner que sur le champ du connaissable; c'est le seul auquel on ait accès.
Nous en revenons donc au gentleman qui cherche ses clés sous le lampadaire sous prétexte que c’est la seule portion éclairée du sol.
Si je suis la logique de Vicomte, puisque le réel en soi n’est pas connaissable, alors le réel en soi n’existe pas épistémologiquement. Mais comme rien ne pourrait exister si le réel en soi n’existait pas, alors le réel en soi existe.
C’est pareil pour « Dieu », et ça tombe bien puisque « Dieu », que je préfère appeler l’ « Etre », EST le réel en soi.
Bref, comme dans tout système logique et conformément à Gödel, nous ne pouvons que tourner en rond puisqu’il existe de l’indécidable, et Vicomte n’a rien démontré du tout, à part la confirmation pratique du théorème de Gödel.
L’ « Etre » fait partie du champ de l’indécidable, mais il nous est accessible maintenant comme étant notre véritable nature : je Suis. Je Suis bien avant d’être « ceci » ou « cela ».
Nous ne pouvons saisir l’Etre avec notre mental ni le comprendre. Nous pouvons l’appréhender seulement lorsque notre mental se tait. Quand nous sommes présent, quand notre attention est totalement et intensément dans le présent, nous pouvons sentir l’Etre. Retrouver cette présence à l’Etre et se maintenir dans cet état de « sensation de réalisation », c’est cela l’illumination.
Tguiot a écrit : N'oublie pas non plus que si le champ de l'inconnaissable existe, et si un objet en faisant partie était capable d'avoir un effet dans le champ du connaissable, alors, cet objet devient connaissable aussi. Par exemple, l'hypothèse d'un Dieu inconnaissable, mais capable d'agir sur notre monde réel (en exauçant des prières par exemple) est un paradoxe. Ce dieu-là est en fait connaissable.
Exemple typique de la logique circulaire : ce qui est inconnaissable est en fait connaissable, mais finalement pas vraiment connaissable, mais un peu quand même. Tous les Grecs sont des menteurs disait un Grec…
Je soumets à ta réflexion circulaire cette petite question : puisque « Dieu », l’ « Etre », est notre essence fondamentale bien que nous en soyons inconscients, agit-il oui ou non sur le monde ?
Tguiot a écrit :
Les mathématiques sont un outil très utile pour formaliser les assertions scientifiques.
Dans le déroulement normal d'un travail scientifique, les mathématiques sont utilisées dans un second temps par rapport à la formulation d'une découverte. De temps en temps elles permettent de découvrir de nouvelles choses, uniquement en se basant sur elles. Mais ces découvertes sont faites grâce à la logique qui sous-tend les mathématiques. Ce qui implique que ces découvertes aussi auraient pu être faites sans mathématiques.
Donc, non, la science ne "repose" pas sur les mathématiques, mais s'en sert abondamment grâce à leur capacité de synthèse et d'expression logique. Il n'existe d'ailleurs pas de formulation mathématique qui ne soit pas énonçable dans le langage. Les mathématiques ne sont qu'un autre langage, plus puissant que le français (ou autre langue) pour dire ce que la science dit.
Si tu avais lu mon post précédent celui auquel tu viens de répondre, tu aurais vu que j’ai écrit que les sciences reposent sur les mathématiques, qui elles-mêmes reposent sur la logique. Or la logique ne repose pas sur elle-même, comme l’a montré Gödel : il existe un « au-delà » de la logique.
Je reformule donc la question : peux-tu (toi ou Vicomte) décrire une science exacte qui ne repose pas sur la logique ?
Tguiot a écrit :
Tu sors les théorèmes de Gödel de leur contexte, pour leur faire prendre un sens qu'ils n'ont pas. On respire Jean Staune.
On ne « respire » pas Jean Staune : la phrase « la notion de vérité est plus vaste que la notion de démonstrabilité » est une citation archi-connue de Gödel.
Evidemment : il a énormément insisté sur ce point parce qu’il avait déjà affaire à son époque au même genre de critiques que celles auxquelles j’ai droit de votre part.
Qui s’adonne à la distorsion des faits parce qu’ils dérangent sa vision du monde ? Réalises-tu que les facultées et les écoles sont, à l’instar de toute la société, sous l’influence du paradigme matérialiste ?
Tguiot a écrit :
Alors, tout ce qui en est dit est faux. Les écritures en particulier sont fausses. Même ta phrase "Dieu n'est pas conceptualisable" est alors fausse.
Il est impossible de seulement prononcer le mot "Dieu", sans le faire rentrer automatiquement dans le champ du connaissable, et donc du conceptualisable. Car ce qui est non conceptualisable, non connaissable, est également non dicible.
Je te renvoie à nouveau au réel en soi : n’étant pas dans le champ du connaissable, tout ce qu’on dit sur le réel est-il absolument faux pour autant ? Non.
C’est la même chose pour l’ « Etre » : effectivement c’est hors du champ du connaissable donc non dicible, mais il est impossible de relater une expérience vécue sans utiliser de mots. L’absolu réside dans l’expérience transcendentale elle-même. Les mots employés ensuite comme « absolu », « infinité » ou « éternité » ne sont que des « directions ». Les mots en eux-mêmes n’ont aucune valeur absolue, et il est futile de s’y accrocher.
Tguiot a écrit :Je voulais juste rajouter que ce n'est pas seulement non dicible, mais aussi non expérimentable. Étant donné qu'une grande partie de notre vécu passe par l'expérience plutôt que par les mots, il était important de le préciser.
Je te renvoie à ce que j’ai écrit au début de ce post sur la conscience.
Tguiot a écrit :Sinon, Tan, je t'ai vu parler beaucoup des expériences de Libet, qui selon toi infirment clairement la position moniste et confirment la position dualiste. Pourrais-tu m'expliquer en gros quelles sont ces expériences? Ou simplement m'envoyer un lien?
J'aimerais examiner ce cas de plus près. Vérifier que le protocole expérimental est rigoureux, et que les conclusions que tu tires sont valables d'après ces expériences.
Personnellement, je connais les expériences de Libet parce que j’ai lu son livre (« Mind Time »), mais je ne l’ai pas sous la main actuellement (je ne suis pas chez moi depuis plus d’un mois). Je pourrais donc t’en dire plus lorsque je serai rentré (aux environs de Noël).
Pour résumer vulgairement, son expérience consiste à effectuer des piqûres sur le doigt d’un patient et à stimuler la zone correspondante du cerveau. Il montre ainsi qu’un délai de 500 millisecondes s’écoule entre une stimulation et la perception de celle-ci par notre conscience, alors que la sensation subjective par le patient de la stimulation ne s’effectue qu’en quelques dizaines de ms (une trentaine je crois).
Cela indiquerait donc que la conscience serait capable de « remonter le temps », ce que Libet appelle l’ « antédatage » de la perception par la conscience. En tous les cas, cela disqualifie l’identité entre état mental et état neuronal postulée par ceux qui pensent que le cerveau sécrète la conscience, et cela ouvre des perspectives fabuleuses sur la démonstration de la nature atemporelle de la conscience.
A ce sujet, je m’adresse plus particulièrement à toi Vicomte : tu restes globalement sur ta position (démonstration faite de l’inexistence épistémologique de « Dieu »), ce que je peux comprendre car je connais la force de l’identification à ses propres convictions, mais tu n’as toujours pas commenté les arguments en faveur du dualisme que j’ai exposé, pas plus que tu n’as commenté l’incapacité actuelle des neurosciences à décrire la nature de la conscience. Faut-il que je les remette une énième fois en copie ?
Tu sembles ainsi ne pas reconnaître le simple fait que la science admet officiellement que la conscience telle que je la décris (centre où se réalise toute perception : perceptions émotionnelles, perception de soi-même en tant qu’être unique, perception de nos pensées, perceptions du monde qui nous entoure venues des cinq sens) existe, qu’elle est étudiée scientifiquement, et que sa nature demeure pour l’instant un mystère.
La question est donc : admets-tu oui ou non que la conscience (je dis bien la conscience, et non la pensée) existe ?
Si oui, admets-tu que sa nature est pour l’instant inexpliquée ?
Tguiot a écrit :Tu sembles accorder beaucoup de crédit à "l'expérience" quand il s'agit d'énoncer des vérités. Pourtant, il est bien connu que l'expérience personnelle n'est pas un élément fiable. Comment pourrions-nous, surtout en tant que scientifiques, accorder le moindre crédit à ce genre d'arguments? Est-ce que tu trouves de ton côté que c'est convaincant de faire appel à l'expérience?
L’expérience dont je parle n’est pas personnelle dans le sens ou il s’agit justement de l’expérience de la conscience universelle dans laquelle la personnalité n’existe plus. Ce que ce vécu enseigne, c’est qu’il est possible de transcender la dualité sujet-objet en faisant l’expérience de l’absolu. Cette prise de conscience, c’est la réalisation que tout ce qui existe est une émanation de l’Etre, de l’Un, de la pierre à l’être humain, de l’électron à la fleur.
La personnalité est une illusion, un rêve, mais c’est le propre du rêveur que de ne pas avoir conscience qu’il est en train de rêver…
L’illumination, c’est se réveiller du rêve de l’identification à la forme.