Je vais essayer de ne pas faire de doublon avec ce que j'ai écrit ici (
http://www.forum-religion.org/christian ... 53670.html) où j'y expliquais que la notion de
"péché originel" était fallacieuse et mal comprise :
le premier péché commis dans la Bible n'est pas la désobéissance d'Adam et d'Eve mais le meurtre d'Abel par Caïn. L'origine du mal moral (le péché) est donc à revoir d'un point de vue théologique chrétien.
C'est ce que je vais m'employer à faire.
Je me demandais en réfléchissant à ce que j'avais écris, ce qu'on pouvait entendre par transgression de la Loi, car on sait tous qu'Adam et Eve ont transgressé la loi...mais...
qu'est-ce que cela signifie davantage encore ?
Que nous apprend ce mal moral que l'on associe à la transgression de la Loi d’Élohim ?
"le jour où tu en mangeras, tu mourras" est-il dit en Genèse 2, 17, et là tout le monde a entendu ce qu'on nous as appris : la pauvre Eve, tentée par le serpent, mange de l'arbre défendu, transgresse, en donne à Adam son compagnon, déclenche la colère divine...engendrant un véritable cataclysme pour le couple... Il s'en suivra... que ces deux êtres seront punis, condamnés, et précipités dans les souffrances de la vie... eux et toute leur descendance...
Telle est du moins l'imagerie commune.
Mais qu'en est-il en fait au juste ?
...la pauvre Eve...
Comment chacun d'entre nous, nous comportons-nous devant une interdiction ? De manière générale, l'être humain se divise en deux catégories : ceux dont l'interdit aiguise le désir de la transgression, et ceux au contraire qui penchent naturellement vers l'obéissance.
D'après le récit biblique, la petite Eve fait clairement partie de la première catégorie, et me concernant moi de même, j'avoue que ce qui est généralement défendu m'attire. Je veut dire par là que si je me promène dans un lieu où tout est accessible, et que soudainement je vois que quelque chose est défendu à un endroit, cela va m'intriguer, mon regard va se tourner avec davantage d'insistance sur cela, jusqu'à piquer ma curiosité, et je vais me sentir démangé par la tentation d'aller voir, rien que par désir de relever le défi...
Est-ce que j'aurais transgressé à la loi d'un Dieu d'Amour en suivant mon penchant naturel ? Comme Eve, j'aurais succombé...
Et puis qui était Eve ?
Tout ce qui nous est dit d'elle dans la Genèse témoigne d'une méconnaissance des réalités de la nature, elle ignore (et Adam aussi) qu'elle est nue (Genèse 3, 7), ce qui signifie qu'elle n'a donc aucune conscience d'elle-même, elle est étrangère à sa propre apparence. Adam et Eve ne savent pas qui ils sont : ils vivent dans l'inconscience d'eux-mêmes. Ils sont comme deux animaux, sans conscience de leur mortalité.
Il n'est pas faux alors de dire qu'Eve est dans ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui
un état de somnolence préconsciente. Un peu comme, chacun d'entre nous en a fait l'expérience au matin, quand le sommeil nous a déjà quitté sans que le réveil nous ait encore rappelé à la vie, juste avant d'ouvrir les yeux. Juste avant d'ouvrir les yeux, nous ignorons que nous allons les ouvrir. Ce n'est qu'une fois ouverts que nous retrouvons le savoir de nous-mêmes.
...tentée par le serpent...
Euh... comment un serpent s'y prend-il pour influencer une femme ???
La genèse donne sa réponse : le serpent est
'aroum selon le texte.
C'est-à-dire très rusé et nu.
On a donc affaire à un serpent rusé et nu, et en quel sens est-il rusé ? et nu ?
La genèse donne encore une fois la réponse... il est rusé parce qu'il questionne Eve pour vérifier s'il est vrai qu'Elohim à interdit de manger de l'arbre. Eve répond clairement, précisément et en affirmant sans ambiguïté apparente
"de l'arbre qui est au Milieu du Jardin, Elohim à dit : vous ne mangerez pas de lui et vous n'y toucherez pas sous peine de mourir" (Genèse 3, 3)
Que veut dire ce tout nouveau sens ??
D'un côté on a
"sous peine de mourir" (Genèse 3, 3) et de l'autre côté on a
"tu mourras" (Genèse 2, 17) ...
C'est pas du tout la même chose !
Supposons qu'un médecin me dise :
"Ne fumez pas, sous peine d'avoir un cancer du poumon".
Cette formulation est très éloignée de la suivante :
"Si vous fumez, vous serez puni par une maladie mortelle qui vous emportera"...
Dans le premier cas, je me sens simplement informé, dans le deuxième cas je me sens menacé... Ce n'est pas du tout la même chose.
Mon médecin me disant cela, on comprend que puisqu'il connaît les effets du tabac sur la santé, il souhaite simplement m'en faire prendre conscience, sans attirer aucune foudre sur moi !
Il faut bien distinguer l'avertissement de la condamnation !
Si nous disons à un enfant qu'il risque d'attraper froid parce qu'il fait froid dehors, nous le prévenons, alors s'il s'enrhume parce qu'il a refusé de se couvrir, aura-t-il été puni ?
Vous comprenez ?
L'avertissement diffère de la condamnation... les confondre reviendrait à mélanger moralité et causalité...
Cette même idée vaut pour Eve : il ne faut pas confondre la conséquence de l'acte et la sanction.
Le récit ne parle pas de sanction, mais seulement de conséquence de l'acte et la conséquence est une certaine relation avec la mort. Est-il vraiment question de mourir ? Comme nous l'avons dit, Eve ne savait pas ce que signifiait la mort...elle n'avait nulle conscience de sa mortalité, comment Dieu peut-il alors les condamner à mort puisqu'ils n'avaient nulle conscience de cela ? Cela n'a pas de sens.
Alors ce serpent qui questionne...et que certains en feront un sale menteur...
Ce reptile qui assure Eve que manger de l'arbre n'entraînera ni sa mort ni celle d'Adam
parce qu'en désobéissant ils deviendront simplement comme Elohim connaissant la dualité bien / mal.
Soyons cohérent, et pour cela
basons-nous sur l'Interprétation grammaticale plutôt que sur la Tradition : le serpent se dit en hébreu
na'hach, il est construit de la même manière que le verbe "deviner", "faire parler", il se construit au travers des lettres n, 'h, et ch, qui incitent à penser que ce n'est pas un reptile qui dialogue avec Eve, mais qu'il s'agit plutôt de son intuition, de son intelligence profonde qui gît au fond d'elle-même. En tant qu'être humain, Eve ressent le désir de ne pas rester dans sa condition première, comme n'importe qui.
Elle à deviné ce qui se joue dans la connaissance de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le texte le souligne, elle réalise combien l'arbre est précieux pour l'intelligence (Genèse 3, 6). Eve décidera alors de transgresser l'interdit au nom d'une aspiration supérieure, pour elle, il ne s'agit pas d'un péché, mais d'une découverte majeure !
Donc contrairement à l'interprétation traditionnelle, qui condamne la femme en lui imputant les malheurs de l'humanité entière..., une toute autre histoire se présente, la plus belle :
c'est Eve qui est responsable de plus grande aventure humaine qui soit, celle de l'effort de la lumière vers la connaissance.
Sans elle, Eve, qui joue pour ainsi dire le rôle déterminant de la conscience de l'homme, ce dernier serait resté le jardinier d'un espace merveilleux, un
Lou ravi comme on le dit en provençal,
un brave type un peu niais, un brave gars qui vit tranquillement sans se soucier de savoir pourquoi il en est ainsi. Tandis qu'Eve s'interroge, elle désire comprendre, elle subit la force inconsciente d'attraction du savoir.
Et choisir la connaissance, c'est accepter ce qui l'accompagne, le travail, l'effort, la peine, l'endurance, car jamais le travail ne se livre sans effort. Adam et Eve prennent conscience d'eux-mêmes, ils ouvrent les yeux, ils découvrent que la terre et le serpent sont ce qu'ils sont, ils réalisent qu'ils devront "faire avec", que la Nature est difficile, qu'auparavant ils ignoraient tout d'eux-mêmes, de leur environnement et de leur insertion dans cet univers.
Il ne s'agit donc pas d'un châtiment divin...
La femme apprend qui elle est, elle prend conscience de son corps, elle ne peut plus méconnaître son corps, ce qui fait d'elle une femme, désormais, elle ne pourra plus ignorer que ses grossesses s'imposeront à elle après ses relations sexuelles avec l'homme, où elle n'aura plus la même liberté que l'homme (Genèse 3, 16), qu'elle sera astreinte à l'enfantement dans la douleur. Eve n'est pas punie, mais sa condition d'être humain est portée à sa propre lumière.
En conclusion, manger de l'arbre n'entraîne pas la mort, cela conduit seulement à découvrir qu'on est mortel, ce qui est le propre de la condition humaine.
Le rédacteur du livre de la Genèse ne pouvait pas imaginer ce qu'allait réaliser l'humanité au XXème siècle, dissocier le plaisir sexuel de la procréation, libérer la femme des douleurs de l'accouchement par les méthodes d'anesthésie péridurale, et rendre la fécondation
in vitro.
Cordialement,
Ase