Re: M SERVET sacrifié sur l'autel des idées.
Posté : 26 sept.09, 02:27
La polémique à propos de Servet
Castellion, alors qu'il vit à Bâle, s'oppose durement à Calvin à propos de l'exécution de Michel Servet.
Michel Servet
Servet, médecin espagnol, publie en 1531, à Haguenau, un petit livre d'environ 120 pages intitulé De Trinitatis erroribus qui attaque violemment la doctrine trinitaire. On trouve un exemplaire de l'édition princeps (quatre ou cinq seulement ont été conservés) à la bibliothèque de la Faculté de Théologie protestante de Montpellier. Au seizième siècle, les antitrinitaires passent pour de dangereux et odieux blasphémateurs. Ni les catholiques, ni les réformés, ni les luthériens n'ont pour eux la moindre indulgence. Partout en Europe, à l'exception de la Pologne et de la Transsylvanie, ils sont pourchassés, arrêtés, condamnés, exécutés. Servet se cache sous un nom d'emprunt, et exerce la médecine à Vienne, dans la vallée du Rhône. En même temps, en secret, il rédige un ouvrage intitulé Christianismi Restitutio, par quoi il faut entendre le retour au christianisme originel, celui de Jésus et des disciples, antérieur aux formulations trinitaires et christologiques des grands conciles des quatrième et cinquième siècles.
En 1553, Servet fait imprimer clandestinement son livre et en envoie un exemplaire à Calvin, en lui demandant "son opinion fraternelle". Un proche de Calvin communique ce texte depuis Genève à l'un de ses cousins catholiques habitant Lyon, qui le remet à l'inquisition (avec des lettres que Servet avait adressées à Calvin et qui permettent de le localiser et de l'identifier). Cette transmission s'est elle faite à l'insu, sur les instructions, avec l'accord, ou avec la complicité passive du Réformateur ? On n'en sait rien, mais cet épisode alimente un soupçon qui pèse lourdement sur la mémoire de Calvin. L'inquisition fait arrêter Servet, qui parvient à s'échapper, et qui tente de gagner Zurich, pour aller de là se cacher en Italie. Il passe par Genève, où il se rend au culte. Il est immédiatement reconnu et arrêté, passant ainsi, en quelques semaines, des geôles catholiques aux protestantes.
L'exécution
Servet est rapidement jugé et condamné. Ce n'est pas Calvin, mais le Conseil de Genève qui prononce la sentence. Il n'en demeure pas moins hautement probable que si le Réformateur s'y était opposé ou avait conseillé un bannissement, il aurait été suivi. Servet, condamné, demande d'avoir un entretien en tête à tête avec Calvin qui accepte. D'après Calvin, qui a raconté cette scène avec une froideur féroce, Servet "voulait lui crier merci", et le réformateur lui répond par un cours de théologie, comme s'il argumentait dans un salle de classe. Servet est brûlé vif sur le plateau de Champel, aux portes de Genève, le 27 octobre 1553. Devant le bûcher, Servet prie : "Jésus, Fils du Dieu éternel, ai pitié de moi". D'après l'un des récits de l'exécution (ils ne concordent pas tous), Farel, censé l'assister, lui dit : "au lieu de 'Fils du Dieu éternel', tu dois dire 'Fils éternel de Dieu'." S'il avait prononcé cette deuxième formule, commente Théodore de Bèze, il n'aurait pas été exécuté. Il y a certes une différence théologique considérable entre les deux énoncés, mais valent-elles la vie d'un homme ? La condamnation de Servet inquiète, trouble, agite l'opinion protestante qui a de la peine à l'admettre. Avant l'exécution, le Conseil de Genève consulte les grandes cités réformées pour avoir leur avis, tandis que Calvin publie en février 1554 un livre terrible, Déclaration pour maintenir la vraie foi, qui légitime la mise à mort des hérétiques.
La réaction de Castellion
Castellion entre alors en scène. L'exécution de Servet l'indigne, le révolte ; elle lui paraît criminelle, et contraire aux principes défendus, proclamés par la Réforme. Comment peut-on à la fois reprocher aux catholiques de persécuter les réformés, et se faire soi-même persécuteur ? Le persécuteur, quel qu'il soit, est toujours coupable d'inhumanité. Le persécuteur protestant est doublement coupable, car il se contredit lui-même ; il nie la cause et les principes qu'il prétend représenter.
Castellion, alors qu'il vit à Bâle, s'oppose durement à Calvin à propos de l'exécution de Michel Servet.
Michel Servet
Servet, médecin espagnol, publie en 1531, à Haguenau, un petit livre d'environ 120 pages intitulé De Trinitatis erroribus qui attaque violemment la doctrine trinitaire. On trouve un exemplaire de l'édition princeps (quatre ou cinq seulement ont été conservés) à la bibliothèque de la Faculté de Théologie protestante de Montpellier. Au seizième siècle, les antitrinitaires passent pour de dangereux et odieux blasphémateurs. Ni les catholiques, ni les réformés, ni les luthériens n'ont pour eux la moindre indulgence. Partout en Europe, à l'exception de la Pologne et de la Transsylvanie, ils sont pourchassés, arrêtés, condamnés, exécutés. Servet se cache sous un nom d'emprunt, et exerce la médecine à Vienne, dans la vallée du Rhône. En même temps, en secret, il rédige un ouvrage intitulé Christianismi Restitutio, par quoi il faut entendre le retour au christianisme originel, celui de Jésus et des disciples, antérieur aux formulations trinitaires et christologiques des grands conciles des quatrième et cinquième siècles.
En 1553, Servet fait imprimer clandestinement son livre et en envoie un exemplaire à Calvin, en lui demandant "son opinion fraternelle". Un proche de Calvin communique ce texte depuis Genève à l'un de ses cousins catholiques habitant Lyon, qui le remet à l'inquisition (avec des lettres que Servet avait adressées à Calvin et qui permettent de le localiser et de l'identifier). Cette transmission s'est elle faite à l'insu, sur les instructions, avec l'accord, ou avec la complicité passive du Réformateur ? On n'en sait rien, mais cet épisode alimente un soupçon qui pèse lourdement sur la mémoire de Calvin. L'inquisition fait arrêter Servet, qui parvient à s'échapper, et qui tente de gagner Zurich, pour aller de là se cacher en Italie. Il passe par Genève, où il se rend au culte. Il est immédiatement reconnu et arrêté, passant ainsi, en quelques semaines, des geôles catholiques aux protestantes.
L'exécution
Servet est rapidement jugé et condamné. Ce n'est pas Calvin, mais le Conseil de Genève qui prononce la sentence. Il n'en demeure pas moins hautement probable que si le Réformateur s'y était opposé ou avait conseillé un bannissement, il aurait été suivi. Servet, condamné, demande d'avoir un entretien en tête à tête avec Calvin qui accepte. D'après Calvin, qui a raconté cette scène avec une froideur féroce, Servet "voulait lui crier merci", et le réformateur lui répond par un cours de théologie, comme s'il argumentait dans un salle de classe. Servet est brûlé vif sur le plateau de Champel, aux portes de Genève, le 27 octobre 1553. Devant le bûcher, Servet prie : "Jésus, Fils du Dieu éternel, ai pitié de moi". D'après l'un des récits de l'exécution (ils ne concordent pas tous), Farel, censé l'assister, lui dit : "au lieu de 'Fils du Dieu éternel', tu dois dire 'Fils éternel de Dieu'." S'il avait prononcé cette deuxième formule, commente Théodore de Bèze, il n'aurait pas été exécuté. Il y a certes une différence théologique considérable entre les deux énoncés, mais valent-elles la vie d'un homme ? La condamnation de Servet inquiète, trouble, agite l'opinion protestante qui a de la peine à l'admettre. Avant l'exécution, le Conseil de Genève consulte les grandes cités réformées pour avoir leur avis, tandis que Calvin publie en février 1554 un livre terrible, Déclaration pour maintenir la vraie foi, qui légitime la mise à mort des hérétiques.
La réaction de Castellion
Castellion entre alors en scène. L'exécution de Servet l'indigne, le révolte ; elle lui paraît criminelle, et contraire aux principes défendus, proclamés par la Réforme. Comment peut-on à la fois reprocher aux catholiques de persécuter les réformés, et se faire soi-même persécuteur ? Le persécuteur, quel qu'il soit, est toujours coupable d'inhumanité. Le persécuteur protestant est doublement coupable, car il se contredit lui-même ; il nie la cause et les principes qu'il prétend représenter.