Tan a écrit :Je commencerai par un rappel de certaines notions utilisées :
- "Epistémologie : Etude critique des sciences"
Ça, c'est une définition qui date un peu me semble-t-il. Le champ que j'ai défini tire parti des développements des dernières décennies dans ce domaine et réinvestit cette discipline de la finalité d'examiner le champ du connaissable (ce qui implique, pour une part importante, l'étude critique des sciences mais qui ne saurait s'y réduire).
Tan a écrit :- "Science : Connaissance exacte et approfondie - Ensemble de connaissances d’une valeur universelle, caractérisé par un objet et une méthode déterminés et fondé sur des relations objectives vérifiables".
Le problème de cette définition, c'est qu'elle est presque tautologique. La notion d'exactitude, de valeur, d'universalité me semblent problématiques.
Je préfère m'en tenir à cette définition plus simple : Discours sur les manifestations du réel à caractère prédictif, vérifiable et réfutable.
Tan a écrit :Le premier constat que je fais concernant l'approche de Vicomte est donc naturellement que nulle part dans la définition du mot "science" il n'est précisé que la science se limite à l’étude des phénomènes ayant des causes naturelles ou matérielles.
En quoi est-ce un problème ? La cognition est un phénomène dont les causes sont uniquement naturelles et matérielles. Or comme c'est à partir d'elle que l'on pense le monde, je ne vois pas pourquoi cela discréditerait mon approche consistant à m'intéresser à cette question : Quand quelqu'un affirme que dieu existe, que dit-il ?
Tan a écrit :Je m'attarde ensute sur la partie "C" qui me paraît bien embrouillée : "c'est le détenteur des concepts qui produit l'objet". D'accord, mais qu'est-ce qui produit le détenteur des concepts? Le détenteur des concepts est-il un objet? Si oui, ta démonstration ne veut plus rien dire.
Et par quel prodige ? Pourquoi le sujet connaissant ne pourrait pas s'objectiver lui-même dans le mouvement de sa pensée ?
Tan a écrit :Si non, alors tu assimiles le détenteur des concepts à la conscience, c'est-à-dire à un esprit plutôt qu'à un objet.
Pourquoi introduis-tu la notion de conscience ? Quelle relation fais-tu entre conscience, esprit et sujet ?
Tan a écrit :"lequel (l'objet) est dans son esprit et non dans le réel. (Donc rien n'existe sans le sujet : penser par exemple que les arbres existeraient même en l'absence de l'homme c'est oublier que c'est l'homme qui a défini ce qu'est un arbre, donc les arbres n'existeraient pas en l'absence des hommes.)"
Nous arrivons ici à un amalgame volontairement ou involontairement instauré par Vicomte : la nature du réel. Effectivement, depuis Niels Bohr, Werner Heinsenberg et Erwin Schrödinger, nous savons que les propriétés des particules élémentaires dépendent en partie de la façon dont les observateurs humains conçoivent les expériences, autrement dit les objets ne sont que le produit d'une interraction avec notre appareil sensoriel et cognitif. Bref, Vicomte s'appuie tout le long de sa démonstratiion sur le réel, sans avoir au préalable défini ce qu'il entend par "réel". J'aimerai donc qu'il nous explique ce qu'il entend par "réel" pour clarifier le débat.
Je ne vois pas en quoi j'ai fait un amalgame.
Quant à la définition du réel, je m'en suis expliqué dans les pages qui ont suivi. Afin d'éviter les redites, je t'invite à lire l'entièreté du débat avant de te prononcer.
Toutefois, pour résumer, disons que je ne nie en aucun cas qu'il y a un réel (puisqu'effectivement quelque chose se manifeste à l'entendement humain) mais que celui-ci n'est accessible que par la médiation de notre filtre cognitif, et nous apparaît sous la forme d'une réalité.
Tan a écrit :Bien, j'en viens donc à cette affirmation : "B0. Le réel n'est donc connaissable qu'à partir du traitement par l'esprit de ses manifestations." Nous sommes là en pleine contradiction puisque ce n'est pas le réel qui est connaissable, mais uniquement ce que nous observons, et ce que nous observons est relatif à celui qui observe, à l'observateur. Ce n'est donc pas le REEL qui est connaissable, mais une manifestation relative du réel.
Je ne vois pas où il y a une contradiction. Le seul réel accessible à l'entendement est un réel
pour nous et pas un réel
en soi (pour paraphraser Bernard d'Espagnat). Prétendre connaître le réel, c'est en fait prétendre connaître ses manifestations relatives à notre filtre cognitif. Mais la cognition n'est certainement pas réductible à l'observation.
Tan a écrit :Le réel n'est pas connaissable par l'expérimentation, il "émerge" d'un niveau de réalité qui nous est inaccessible précisément parce qu'on sait que tout ce que nous pouvons en observer n'en sont que des manifestations relatives à nous.
Là, c'est une question de vocabulaire mais il me semble que nous sommes d'accord, en fait. (À la précaution près de la définition du mot "observer", qui me semble réductrice.)
Tan a écrit :MAIS cela n'implique pas que le réel absolu n'existe pas.
Définis ce que signifie "exister" et je te dirai si le "réel absolu" existe.
Tan a écrit :Bien au contraire, nous savons que le réel existe, et nous savons que nous n'y avons pas accès, à cause du principe d'incertitude notamment.
Je propose de faire la distinction entre "exister", notion décrivant la relation d'un sujet aux manifestations du réel, et "y avoir", notion permettant de supposer des causes, inaccessibles, de ces manifestations.
Je propose de dire qu'
il y a un réel, inaccessible, qui manifeste sa présence dans sa globalité (et en ce sens on peut dire qu'il
existe), et qu'en l'absence de l'homme
il y aurait toujours ce réel, même s'
il n'existerait plus (puisque plus d'homme).
Tan a écrit :C'est là que je m'inscris en faux par rapport à l'approche de Vicomte, car il sous-entend, ou semble sous-entendre, qu'il n'existe pas de réalité sans observateur pour l'observer. Rien ne permet d'écrire cela, rien ne permet de dire que rien n'existe en dehors de l'espace et du temps, et j'ajoute que rien n’empêche théoriquement la science de rencontrer une situation dans laquelle elle devrait admettre l’existence de Dieu.
Là, si je puis me permettre, c'est toi qui fais un amalgame.
1. Il faut distinguer "réel" et "réalité".
Le réel est inaccessible directement mais se manifeste à travers notre filtre cognitif, pour produire ce qu'on appelle
une réalité. J'entends donc "réalité" comme une représentation du réel dépendante du sujet connaissant. La réalité que tente de construire la science essaie d'être la plus prédictive et vérifiable possible, mais elle demeure foncièrement humaine.
2. Lorsqu'un sujet émet l'hypothèse dieu, il ne la décrit pas juste comme "Ce qui échappe à l'investigation de la pensée". Il y agglomère arbitrairement des traits qui sont ceux d'un agent surnaturel, généralement à caractère personnel, voire interventionniste. Dès lors qu'on ouvre la définition de dieu à ce que tu évoques, on casse nécessairement cet agglomérat et le concept "dieu" ne signifie plus rien.
Et quand bien même, par le plus grand des hasards, un humain décrirait un dieu correspondant exactement à un pan (ignoré) du réel, nous tomberions dans le paradoxe de la montre arrêtée.
Tan a écrit :J'ajoute que le matérialisme méthodologique n'est plus un fondement de la science puisqu’il ne s’applique pas complètement au domaine traitant de la nature des constituants de la matière (voir paradoxe EPR) et que l’on peut bâtir des exemples théoriques montrant qu’il peut potentiellement être réfuté dans d’autres domaines.
Je ne vois pas ce que tu tentes de démontrer. Il est très clair que l'expérience d'Alain Aspect et toutes celles qui ont suivi ont achevé de démontrer la non-localité. Faisant cela, elle n'ont discrédité ni les modèles scientifiques (elles en ont seulement définis plus précisément les limites) ni remis en cause le réel lui-même mais simplement rappelé la relativité de la réalité que l'on tente de construire à partir des manifestations du réel.
Et ce n'est pas parce que la science se trompe ou que son discours est relatif que ça donne une chance à dieu d'exister. En tout cas pas celui auquel les croyants croient, au regard de la totalité des définitions qui en ont été données jusqu'à présent.
Tan a écrit :"Mais rien ne manifeste que cette origine (de l'Univers) a une pensée structurée comme celle des primates que nous sommes".
C'est faux, il y a des indices forts qui semblent le montrer, comme l'infinie précison du réglage des 15 grandes constantes de l'Univers (constantes de couplage entre les 4 forces, rapport masse du proton/masse du neutron, densité initiale de l'Univers etc. La probabilité pour que le hasard aboutisse à une telle précision est estimée à 1 sur 10 puissance 60. Croire en l'hypothèse du hasard est l'équivalent du condamné à mort devant être fusillé au poteau par une petite troupe de soldats qui réchappe miraculeusement à l'exécution et qui croirait que c'est le hasard et non une machination qui a fait que chaque soldat du peloton a manqué son tir. C'est une position pour le moins irrationelle.
1. Quel rapport avec ces probabilités que tu mets en place et la pensée des primates ?
2. Tu introduis dans ton exemple un artéfact épistémologique en évaluant les chances après-coup d'un tirage donné avant-coup.
Illustrons ceci par un exemple : Lançons un million de fois un dé. Nous obtenons une suite : "1, 3, 2, 5, 5, 4, ..., 6, 1, 2, 3, 6, 4"
L'attitude du scientifique est de dire : "Ce tirage avait une chance sur 6^1000 de sortir, chaque tirage étant équiprobable" (donc rien d'anormal).
L'attitude du croyant est de dire : "Avez-vous vu ce tirage ? Il n'y avait qu'une chance sur 6^1000 que ce soit celui-là qui sorte. Il y a donc forcément une volonté derrière tout cela".
Tan a écrit :Bref, j'ai quelques remarques à faire concernant cette démonstration :
1- Elle est très difficle à lire et manque singulièrement de clarté.
Je te le concède volontiers. Si tu as une traduction plus claire à en faire, je suis preneur.
Tan a écrit :2- On n'énonce pas des princpes de mécanique quantique (relativité sujet-objet) sans préciser ce que la MQ conclut quant à la nature du réel et en laissant entendre que le réel n'a que des composantes relatives : c'est faux, le réel existe mais nous savons que nous n'y avons pas et nous n'y aurons jamais accès par l'expérimentation.
Cf. ce que je dis plus haut.
Tan a écrit :3- L'approche épistémologique est à redéfinir puisque le matérialisme méthodologique n'est plus de mise dans certains cas, et notamment dans tous les cas qui concernent l'étude du réel.
Si les termes te gênent, on peut le dire autrement : compte tenu de l'état actuel de nos connaissances sur le fonctionnement de la cognition humaine que peut-on déduire sur la nature de la pensée et, par là, sur l'existant et sur les certitudes ?
Tan a écrit :4- Questions simples pour le Vicomte : puisque les propriétés des objets dépendent de la conscience, de l'esprit qui les observe, alors comment la conscience pourrait-elle être elle-même sécrétée par des objets (les neurones)? Quelle est ta définition du réel?
Une même portion du réel nous apparaît très différemment en fonction du filtre avec laquelle on l'appréhende. Concernant la conscience, elle constitue pour le sujet une représentation alternative (en n'identifiant pas les mêmes "mêmes" — cf. bien plus haut dans la discussion) à celle qui correspond à l'organisation des neurones du sujet. Ce n'est pas que les neurones "secrètent" de la pensée (représentation abandonnée dans le courant des années 1950 environ) mais qu'ils
sont cette pensée (mais comme le sujet pensent précisément avec eux, il ne peut pas en faire l'expérience directe).
Tan a écrit :5- En vertu de quoi le "connaissable" devrait-il se limiter à notre entendement, c'est-à-dire à la pensée humaine? Sur quoi s'appuie ce postulat?
Là, je t'invite à bien relire la démonstration, en prenant bien en compte les précisions que je viens de te donner.
(Encore une fois, je veux bien croire que je n'ai pas été très clair. C'est toujours le problème entre précision et concision : où placer le curseur ?)