J'm'interroge a écrit : 20 sept.20, 10:04
Je pense que l'on se trompe sur l'anatman du bouddhisme. L'anatman, le non soi, réfère à la non-existence intrinsèque de quoi que ce soit en dehors de sa relation à tout le reste.(1)
(Je l'interprète comme un antidote conceptuel au substantialisme.)(2)
>> > Le bouddhisme ne révoque pas l'existence d'une conscience non réductible au seul fonctionnement du cerveau. <<<
Quand au principe d'impermanence, il s'applique à tout ce qui est dans une temporalité vécue. (3)
Héraclite était plus subtil quand il déclarait que
"nul ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". Aphorisme qui peut s'interpréter aussi dans le cadre d'une approche fixiste qui considère tout changement comme une illusion.
Disciple Laïc a écrit : 20 sept.20, 10:47
(1)C'est aussi comme cela que je le comprends. C'est pourquoi le bouddhisme nie l'existence de l'atman (A)
comme quelqu'un chose d'immuable et indépendant, autonome, existant par soi totalement indépendamment du corps (B). Le bouddhisme n'est pas un nihilisme ni un eternalisme (C). Le Bouddha se place comme il le dit lui même, au milieu des 2 extrêmes que sont le nihilisme (rien n'existe vraiment) et l'éternalisme (il existe quelque chose d'immuable et éternel) (D).
Pour le Bouddha ces 2 extrêmes sont des perceptions erronées de la réalité qui mènent chacune à dukkha, la souffrance/insatisfaction (E). Pour le bouddhisme dans cette réalité (le samsara), tout est interdépendant, impermanent, conditionné, il ne peut donc pas exister quelque chose d'immuable ou éternel comme une âme telle que pensée dans l’hindouisme ou les religions monothéïstes (F).
Mais il y a bien quelque chose, un "flux" en constant changement (G).
Le bouddhisme emploie aussi l'image de la rivière de la même façon que chez Héraclite, mais pas tout à fait formulée de la même manière. Le "flux" de conscience karmique est comme un fleuve, changeant à chaque instant mais constitué d'eau (H).
L'image aussi employée est celle du collier de perle : chaque perle est une renaissance bien particulière et "différente" de la précédente mais toutes sont reliées par un même lien de causalité : le fil du collier (I). Cela forme un tout. Ainsi d'une renaissance à l'autre (et non pas d'une réincarnation à l'autre, l'hindouisme prêche la réincarnation (J)- une même âme stable s'incarnant de corps en corps) il y a des individus successifs mais reliés entre eux par la causalité, le karma, les conséquences des actes des individus successifs passés d'une même lignée. Dans cette même lignée karmique chaque être qui renaît n'est ni totalement identique ni totalement indépendant du précédent (K).
(A) : Il nie une certaine conception de l'ātman parmi d'autres. Savais-tu que les bouddhistes ont perdu des joutes dialectiques avec des écoles hindoues dont notamment une école de l'advaïta vedanta ?
(B) : Oui c'est exact, mais nie-t-il une âme conditionnée non réductible à un effet d'une activité cérébrale ? La réponse est non, sans quoi il nierait gratuitement.
(C) : Vrai, mais les postulats du bouddhisme souffrent aussi de quelques biais s'ils sont généralisés à tout, dont ce qui ne se situe pas dans une temporalité vécue.
(D) : Le réel en soi (réel fondamental) est pourtant logiquement immuable est éternel (hors de toute temporalité vécue), c'est le champ des possibles en soi qui contiennent l'ordre structurel de toute expérience vécue.
------ Mais le Bouddha a d'une certaine manière raison pour ce qui est dans une temporalité vécue.
(E) : Le Bouddha n'a pas réalisé que le changement est également une vue erronée.
(F) : Dans le samsara (la temporalité vécue) tout est interdépendant, oui. Et tout y est conditionné oui. Mais ça revient à dire la même chose qu'en disant que tout y est interdépendant. Ceci dit, non, parler d'impermanence est une erreur.
C'est vrai dans le samsara qui est décrit comme une illusion. En soi par contre, autrement dit en réalité : tout est interdépendant, immuable, insubstantiel.
Ce n'est pas du tout une preuve qu'il ne pourrait pas exister quelque chose d'immuable ou éternel comme une âme telle que pensée dans l’hindouisme ou les religions monothéïstes.
(Je dis ça mais je précise que selon ce que j'en comprends et comme je la définis, une âme a un début et peut-être une fin, mais est éternelle dans l'éternité atemporelle en tant que structure fixe parmi d'autres, incréée, nécessaire car possible en soi, non produite, au sein du réel en soi qui n'est autre que le champ des possibles en soi, à distinguer des possibles en soi selon nous, par hypothèse.)
Le Bouddhisme n'a pas su répondre à un argument de Shankara, celui du principe de réalité.
(G) : Il y a bien dans notre expérience consciente des choses qui sont interprétées comme des flux, mais c'est toujours une interprétation biaisée comme je l'ai montré dans mon sujet sur l'impossibilité du mouvement.
-----> En effet, l'on ne constate jamais un changement quel qu'il soit, l'on conclut à tort à partir de données fixes comparées (apparences), que telle apparence se mue en telle autre, mais c'est une conclusion qui ne repose sur aucun raisonnement consistant.
La croyance en un changement repose sur une identité supposée entre une apparence et une autre.
(H) : Bien c'est très différent de ce que dit Héraclite. Quand on lit bien l'aphorisme cité, il n'y est pas nécessairement question de changement, mais plutôt d'absence d'identité.
(I) : L'image du collier de perle est plutôt celle que critique le bouddhisme en général qui lui préfère l'image de dès empilés les uns sur les autres.
(J) : Oui, selon le bouddhisme, les existences successives sont conditionnées par les précédentes par un lien causal qui est le karma. Mais cela n'explique pas vraiment la continuité de conscience. A ce sujet certaines écoles de l'hindouisme donnent des explications plus approfondies, ne considérant notamment pas le karma comme étant l'unique lien causal d'une existence à une autre. Certaines d'entres elles expliquent par exemple l'importance des saṃskāras et des vāsanās, ainsi que le rôle que joue l'antaḥkaraṇa (pas le symbole reiki ou tibétain, mais ce que l'on pourrait traduire en français par l' "organe psychique" ou l' "organe interne" dont il est question dans certains enseignements de ces écoles).
(K) : On en revient à cette notion biaisée d'identité.
Disciple Laïc a écrit : 20 sept.20, 10:47
(2) pour le substantialisme comme je ne sais pas ce que c'est je ne saurais dire.
Approche selon laquelle il existerait en soi des substances : c'est à dire des éléments insécables, éternels dont les choses seraient faites (conception atomiste) ou un fluide ou une énergie dont les choses seraient faites (conception substantialiste alternative).
Perso je rejette tout substantialisme, et il me semble que le bouddhisme aussi.
Disciple Laïc a écrit : 20 sept.20, 10:47
(3) tout ce qui est dans le samsara est : impermanent, interdépendant, dénué d’existence autonome donc, et conditionné. Le tout étant profondément insatisfaisant, pénible, douloureux, non souhaitable (un enfer : lieu de grande souffrance). Et le but ultime dans le bouddhisme est de ne plus jamais renaître dans le samsara, couper le flux de causalité karmique pour toujours. Sachant que ce qui s'extrait du samsara est indescriptible par nous avec des mots et concepts tant que nous ne l'avons pas éprouvé (L). Je crois qu'on peut dire que c'est un état ou il n'y a plus ni temps, ni espace/matière ni impression d'individualité, il n'y a rien de "particulier" qui atteint cet état quand il est atteint. Ce qui est je crois "impensable" et inimaginable pour nous. Nous ne sommes pas équipés mentalement pour, tant que l'état de bouddha n'est pas atteint.
J'ai déjà pour l'essentiel répondu plus haut.
(L) : s'agit-il vraiment dans ce cas de quelque chose que l'on pourrait éprouver ? Perso je ne le crois pas. Ce que l'on éprouve c'est le samsara avec ou sans illusion, avec ou sans erreur d'interprétation, avec ou sans affects négatifs. Selon que ce soit avec ou sans, l'on parle de nirvana ou de samsara.
(Faut ce méfier des abstractions creuses et de certaines formulations au sujet de la vacuité bouddhiste ou du nirvana.)
Disciple Laïc a écrit : 20 sept.20, 10:47
J'ai lu que l’hindouisme place l'âme ou atman dans le cœur.
Il y a des enseignements très divers dans l'hindouisme qui comporte de très nombreuses écoles.
Disciple Laïc a écrit : 20 sept.20, 10:47
Du coté du bouddhisme on peut par exemple s'exercer a essayer, dans un état de concentration important, de localiser le point d'émission précis dans le corps des pensées. Et on constate qu'on peine à le trouver, qu'on a bien du mal à savoir ou précisément dans le corps la pensée est émise. Essayez, fermez les yeux, concentrez vous, vous verrez
C'est aussi ce qu'enseigne l'advaïta. (Voir Ātma vicāra).
Wikipédia :
Ātma vicāra (en sanskrit IAST ; devanāgarī : आत्म विचार)1 désigne l'enquête ou l'investigation permanente sur la nature ultime de sa propre réalité intérieure2. L'ātma vicāra est surtout connu par le biais de Ramana Maharshi3 qui inlassablement ramenait ceux qui le rencontraient pour le questionner à la seule question « Qui-suis-je? »4.
Ātma vicāra est une pratique du Jñāna Yoga qui s'inscrit dans la tradition de l'école philosophique de l'Advaita Vedānta. Ramana Maharshi nommait cette approche : « la voie directe », invitant le chercheur dans son investigation (« qui suis-je? ») à fixer le mental sur la pensée « Je », afin de découvrir qui est ce « Je » et d'en trouver la source. C'est en cela qu'Ātma vicāra est une voie « directe » vers la Réalité, le Soi (Ātman), le Brahman5.
Ramana Marharshi précisait aussi que lorsque l'on fait cela l'on ne trouve personne, mais que le sens du moi en est profondément déstabilisé au point d'être finalement perçu comme illusoire.
Il faut bien prendre conscience du fait qu'afin de se démarquer, les bouddhistes ont tendance à faire de l'hindouisme un homme de paille, en laissant croire que le Soi de l'advaïta par exemple serait la même chose que le "sens du moi", ce que justement l'advaïta désigne être l'illusion fondamentale.
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avatar a écrit : 21 sept.20, 02:56
Pourquoi limiter aux 3 religions du Livre ? L'idée que quelque chose de l'homme survit à sa mort physique est aussi vieille que les hommes et certainement même plus vieille puisque les néandertaliens, par leur façon d'enterrer leurs morts, semblaient eux aussi croire à une vie après la mort.
Disciple Laïc a écrit : 21 sept.20, 03:58
Parce que ici sur ce forum ce sont les 3 religions les plus représentées. Donc là ou il y a le plus de chance d'avoir des interlocuteurs les plus compétents dans la connaissance de ces 3 religions et donc les plus aptes à répondre (
même si la compétence n'est pas garantie, chacun ayant tendance a faire un peu sa sauce avec sa propre religion affichée, consciemment ou non, conservant ce qui lui convient et ignorant ce qui ne lui convient pas... j'ai observé cela très très souvent.
Et réagissant assez mal quand on leur mettait le nez dans leur fourvoiement, références fiables à l'appui.).
A moins qu'on ai ici des représentants du shintoïsme par exemple ? Du Taoïsme ? Du Chamanisme ? Du Zoroastrisme ou de l’Hindouisme,
ce qui serait des plus rafraîchissant !

Je peux aussi parler de chamanismes traditionnels, de mes expériences en la matière et un peu de la conception et de la mystique taoïste.
Disciple Laïc a écrit : 21 sept.20, 03:58
Cela fait un moment déjà (et je n'estime nullement être original en la matière) que je pense que l'inhumation des morts est la base de la base de la base de la religion chez nos ancêtres les plus lointains connus (j'ai du le lire quelque part). A un instant T dans le passé nos ancêtres ont probablement acquis un niveau de complexité cérébrale suffisant pour développer une pensée abstraite, imaginaire, "métaphysique", minimale et une maturité affective minimale suffisante pour leur faire considérer sous un oeil nouveau le corps de leur proche mort.
Il ne faudrait pas négliger aussi l'importance accordée au rêve et les interprétations de cet état de conscience ordinaire, l'usage de plantes et breuvages psychotropes et le phénomène de la transe spontanée puis induite par d'autre méthodes (sans substance), laquelle à la base n'a rien à voir avec des croyances.
Disciple Laïc a écrit : 21 sept.20, 03:58
Et pour moi, l'idée d'une "âme" qui s'est ensuite développée repose toujours sur un double refus d'accepter la perte de ceux que l'on a aimé et la perte de sa propre identité qu'on chérie beaucoup, peut être par dessus tout.
Selon moi, l'idée de l'âme viendrait plutôt à l'origine d'expériences non ordinaires comme celle de la transe ou ordinaires comme celle du rêve.
Je ne suis pas certains du tout que la peur de la mort explique à elle seule l'émergence de cette idée.
Disciple Laïc a écrit : 21 sept.20, 03:58
Le premier à m'avoir apaisé sur cette question ce fut Socrate dans sont apologie par Platon, en terminal, en philosophie. Face à la crainte de la mort et à la condamnation (malhonnête) de ses accusateurs, Socrate répondit que quoi qu'il advienne de lui après la mort il ne pouvait être que gagnant.
Soit il y avait bien quelque chose, il retrouverait des héros du passé et vivrait éternellement auprès d'eux (de la guerre de Troie) et il en était ravi,
soit il n'y avait rien donc il ne risquait pas de souffrir.Et il désillusionna ses accusateurs, si ceux-ci croyaient le punir en le faisant condamner à mort, ils en seraient pour leur frais. Socrate estimant qu'il ne pouvait être perdant dans aucun des cas. Par contre ses accusateurs eux seraient perdant, car ils allaient continuer à vivre et devraient gérer dans leur vie les conséquences de leur complot contre lui.
Epicure était plus radical :
"Quand nous sommes, la mort n'est pas. Quand la mort est, nous ne sommes plus. La mort n'est rien pour nous."
(Epicure.)
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