Dans le Coran, on trouve deux passages qui parlent de l'habillement des femmes :
« Commande aux croyantes de baisser les yeux et d'être chastes, de ne découvrir de leurs formes que ce qui est en évidence, de couvrir leur poitrine, de ne faire voir leurs charmes qu'à leur mari ou à leur père, ou au père de leur mari, à leurs fils ou aux fils de leur maris […] » (sourate XXIV, v. 31)
« Un autre verset dit : Prescrit à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, d'abaisser un voile [« jalabib », un manteau ou survêtement] sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes. » (sourate XXXIII, v. 57)
Ce verset a été écrit dans un contexte de guerre civile où des clans rivaux s'attaquaient aux femmes libres pour les capturer et les violer en prétextant qu'on ne pouvait pas les distinguer des esclaves. Le rabattement du jalabib servait donc à distinguer le statut social des femmes (libres par rapport à esclaves). Les historiens reconnaissent que cette pratique était antérieure à l'islam.
Rien dans ces deux versets ne concerne les cheveux. Quant aux charmes qu'il faut cacher, il est manifeste que les yeux et la bouche sont des charmes plus susceptibles de séduire que les cheveux et les oreilles!
À toutes les époques, le port du voile a été contesté au sein même du monde musulman. À commencer par l'arrière-petite-fille de Mahomet, Sukaïna Bint El Hussein, qui refusait obstinément de porter le voile et affirmait que « si Dieu lui avait fait don de sa beauté », elle ne voyait pas pourquoi elle devrait la cacher sous un voile (Geadah). La franchise de cette affirmation est considérée comme significative de la résistance au port du voile.
Au 9e siècle à Bagdad, soit en plein âge d'or de l'islam, un iman considérait que le Coran ne commandait le voile qu'aux femmes de Mahomet et que toute femme qui se voilait le visage commettait la faute de se prendre pour la femme de Mahomet et était passible de 80 coups de fouet (Kacimi).
Au 19e siècle, un mouvement réformiste égyptien, la Nahdha, réclamait la scolarisation des filles et l'abandon du port du voile. À l'exemple de la leader féministe Hoda Charaoui, fondatrice de la Ligue des femmes égyptiennes, les Égyptiennes abandonnaient le voile dans les années 1920. En 1924, la Turquie interdit le voile et l'Iran fait de même en 1935.
Ce n'est qu'avec la révolution khomeyniste de 1979 en Iran que le voile est devenu une véritable obsession de la part des musulmans intégristes. Cette fois c'est le tchador iranien qui s'impose à tout le monde arabe, même au Maghreb où ce revêtement total était inconnu.
Quant au hidjab, portée par les musulmanes occidentales, il n'existe dans aucune tradition vestimentaire. Il est une création des islamistes égyptiens des années 70.
En France, alors que l'on comptait déjà entre 2,5 et 3 millions de musulmans à la fin des années 70, ce n'est qu'en 1989 que le premier cas de revendication du port du hidjab à l'école s'est présenté. 1989, c'est l'année où le Front islamique du salut (FIS) a lancé sa campagne d'interdits en Algérie, appuyé par le Groupe islamique armé (GIA). Dans les années qui ont suivi, de l'Algérie à l'Afghanistan en passant par l'Arabie et l'Iran, des milliers de femmes ont été battues, fouettées, violées, défigurées au vitriol, assassinées (on se souvient des centaines des jeunes algériennes égorgées) pour avoir exposé trop de cheveux ou trop d'épiderme au goût des milices intégristes.
Pour la psychanalyste française d'origine tunisienne, Fethi Benslama, le voile « ne relève pas du langage sur l'identité mais d'un système d'interdit ». C'est un discours régissant les rapports entre les sexes et affirmant de façon tangible, ostentatoire, l'assujettissement des femmes. Il est un instrument de contrôle du désir masculin.
Chahdortt Djavann, auteure de Bas les voiles! , rappelle pour sa part qu'en Iran le voile est associé à la sharia. Elle-même d'origine iranienne, elle raconte qu'elle a porté le voile pendant 10 ans : « C'était ça ou la mort », affirme-t-elle. Elle invite les musulmanes française qui se disent « libérées par le voile » à aller faire un séjour en Afghanistan. « Elles ne peuvent prétendre, dit-elle, qu'ici et là il ne s'agit pas du même voile ». D'ailleurs, le mouvement des femmes voilées qui s'oppose au rapport Stasi en France a reçu l'appui de la dictature islamiste iranienne qui pratique la lapidation des apostats et des homosexuels, qui ordonne l'amputation des membres et l'arrachage des yeux comme peines judiciaires, qui fouette les femmes qui dévoilent trop de leur chevelure.
Pour Djavann, le voile n'est rien d'autre qu'un « symbole pornographique qui autorise toute forme de violence à l'endroit des femmes et les place dans le non-droit. » Il n'est pas un signe du droit à la différence mais le signe d'une différence de droit.
Et le hidjab ne vient jamais seul. Comme l'affirme le philosophe et auteur Raphaël Lellouche :
« Si l'on tire le fil du tricot du voile, c'est tout le système anthropologique, juridique, culturel et politique de l'islam qui se dévide. Le voile est une métonymie de tout l'islam intégriste. Ce n'est que la partie d'un tout. Derrière le voile, il y a la supériorité du musulman sur l'infidèle, l'interdiction de l'apostasie, le refus de la liberté de conscience, le code de la famille, la polygamie, les mariages arrangés, le refus des mariages interreligieux, le statut de minorité des femmes, leur inégalité dans la succession et le témoignage, la répudiation, la lapidation, l'homophobie, l'intolérance, l'antisémitisme, etc. Bref, c'est toute la sharia qui vient et c'est elle tout entière qui pose un gros problème de contrainte interne et même externe pour une société démocratique. »
Propos exagérés? Voici une déclaration faite à l'antenne de TF1 par l'une des jeunes musulmanes (Alma et Lila Lévy), scolarisée à l'école publique laïque, à l'origine du dernier incident lié au hidjab en France à l'automne 2003 : « Si j'étais une femme qui avait trompé son mari, j'accepterais de me faire lapider »!
Fadela Amara, musulmane française croyante, auteure de Ni putes ni soumises (volume qui a donné naissance au mouvement de protestation du même nom), dénonce la violence de plus en plus répandue faite aux filles non voilées dans les quartiers arabes en France. Celles qui osent sortir sans foulard « sont traitées de putes, quant elles ne sont pas violentées ou même violées, écrit Fadela Amara. Le mythe de la virginité revient en force alors qu'on l'a combattu pendant des années. » De plus en plus de filles sont contraintes de quitter l'école à 16 ans et les mariages forcés se multiplient. La situation s'aggrave au fil des ans et en octobre 2002, une jeune fille était brûlée vive à Vitry-sur-Seine.
C'est précisément pour contrer cette violence, pour assurer l'ordre public et pour affirmer les valeurs républicaines que le rapport Stasi a demandé l'interdiction des signes religieux ostensibles à l'école.
Dans certains pays européens où le hidjab a été toléré à l'école, les islamistes ont ensuite revendiqué le port du tchador pour couvrir le visage. C'est arrivé notamment en Belgique et aux Pays-Bas, ce qui a obligé les ministres concernés à intervenir. Plusieurs musulmanes réclament également l'exemption des cours d'éducation physique, de biologie, d'éducation sexuelle ou refusent un examen oral dirigé par un enseignant masculin (MMLF). Au Québec, il y a déjà eu un tribunal islamique, alors qu'un tribunal de la sharia est maintenant réclamé en Ontario.
À Montréal, le premier cas de hidjab à l'école s'est présenté en 1994. Quelques années auparavant, on ne voyait aucun hidjab même si la ville comptait déjà 45 000 musulmans. On assiste depuis deux ans à une véritable prolifération de femmes voilées et il n'est pas rare de voir des tchadors noirs iraniens couvrant la femme de la tête aux pieds y compris le visage. Certaines femmes ainsi vêtues vont jusqu'à se cacher les yeux derrière un journal en marchant! Cette augmentation de femmes voilées ne saurait s'expliquer par l'augmentation de l'immigration musulmane sur une décennie. Qu'est-ce qui a donc changé? L'islam ou le message diffusé dans les mosquées?
Le discours que véhicule le voile est donc un discours du refus : refus de l'égalité des hommes et des femmes, de la mixité, de la laïcité de l'espace public, de la préséance du droit civil sur les préceptes religieux, refus des fondements de notre démocratie. Les femmes qui disent le porter volontairement sans rejeter la modernité ne peuvent ignorer son origine et le message antimodernité qu'il véhicule. Elles ne peuvent ignorer l'image qu'elles projettent en le portant. Leur position consacre en fait le triomphe de l'intégrisme dont le symbole est banalisé. Le discours sur l'identité voilée ne peut être détaché du système symbolique d'où émerge cette identité. Ce repli identitaire, ce refus obsessionnel de la féminité dans toutes ses dimensions est un refus de l'humanité.
Les Occidentaux qui ne voient dans le hidjab qu'un symbole identitaire doivent donc tenir compte des faits suivants : 1. comme soi-disant symbole de l'islam, il ne concerne curieusement que les femmes; 2. la vague actuelle n'est apparue qu'avec la montée de l'intégrisme islamique à partir des années 80 et les musulmanes occidentales n'avaient éprouvé, jusque-là, aucune nécessité d'exprimer leur identité de cette façon; 3. ce vêtement a toujours été contesté au sein du monde musulman; 4. dans les pays islamistes, comme en Égypte, en Iran et en Arabie, on l'impose également aux non musulmanes, ce qui révèle sa véritable nature (on a tous vu Céline Galipeau, à Radio-Canada, être obligée de se voiler pour faire ses reportages en Iran); 5. de nombreux autres signes identitaires nettement visibles ne posent aucun problème : le sari des hindoues, le turban des sikhs, le foulard des juives, les tenues africaines. Même le foulard de Benazir Bhutto passe sans problème. Ces signes identitaires, à la différence du hidjab, ne sont pas des signes d'ostracisme politique et ils ne véhiculent pas de message de refus.