L’incroyable amour du grizzli aux yeux verts.
Posté : 19 mai09, 09:17
La mésange … ou la joie d’un dieu …
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Mon expérience de vie intègre un événement qui m’a marqué, lorsque j’habitais encore chez mes parents. J’avais à peine plus de 20 ans.
C’était l’été, la fenêtre du salon était entrebâillée, et j’étais assis à table, à lire je crois.
Un battement d’aile me fait dresser la tête ; j’avais un hôte : il me semble que c’était une mésange.
Le frêle oiseau volette de-ci, de-là, faisant parfois de courts ‘sur place’ devant une armoire, un bibelot au mur, tente de se poser sur le plafonnier qui, surface de verre lisse et incurvée, ne lui offre aucune prise ; en tombe, se rétablit d’un battement d’aile, puis reprend son manège, pour finalement s’arrêter sur le seul véritable perchoir digne de ce nom, un lampadaire d’angle, muni de plusieurs branches.
Je retourne mon livre, et reste là à la regarder, plus surpris de sa présence que curieux, car l’ouverture dans la fenêtre n’est pas bien large.
Lui ai-je dit un « bonjour, toi ! » ? Probablement, car je suis de ceux qui parlent aux animaux.
Certainement, après s’être nettoyée le bec, m’a-t’elle zinzinulé sa réponse, comme savent le faire les mésanges, mais sans m’offrir de témoignage de sa tendre et fraternelle affection, comme elle aurait pu le faire en se posant sur mon épaule.
Bref, nous vivons notre surprise, moi d’avoir de la compagnie, elle de se trouver dans un espace inhabituellement restreint, chacun dans son coin ; et au sens propre pour ce qui la concerne !
Ce petit être vit en perpétuel accéléré, et le temps doit lui sembler beaucoup plus long qu’à moi, car la voilà de nouveau en mouvement, à tenter un autre perchoir : la pendule qui se trouve juste dans mon dos.
Je me retourne pour la regarder, et … le mouvement brusque, mais surtout je pense, la vue de mes yeux verts ont dû lui évoquer le matou local, car, comme une flèche, elle retourne sur son lampadaire, dans l’angle le plus éloigné : son attitude tétanisée ressemble maintenant à celle d’un athlète en attente de coup de pistolet !
Elle est terrorisée !
Je reste un instant à la contempler dans son immobilité, lorsqu’elle fonce vers la fenêtre, se heurte auparavant aux rideaux ; mais sa vitesse est telle que j’entends malgré tout le ‘slang’ de l’impact contre la vitre.
Les pattes griffues emmêlées dans le tissu la maintiennent où elle se trouve ; mais ses battements intenses finissent par la libérer alors que je me lève de table pour le faire.
Cette approche la rendue comme folle, et la voilà qui vole maintenant en tous sens, à se heurter à toute vitesse et à toutes choses sur sa trajectoire.
Il faut faire vite, car elle va se tuer. Je me précipite et ouvre en grand les deux battants, libérant l’ouverture de la fenêtre au maximum.
Elle se trouve à nouveau maintenant sur son perchoir, dans la même attitude, et me regarde intensément. Elle a compris l’erreur que la grosse bestiole vient de faire : Elle sait que sa liberté et sa vie se trouvent juste derrière le monstre : Elle doit passer coûte que coûte !
Je m’écarte vers la pendule, sur sa droite, libérant la fenêtre.
Instantanément elle profite de cette deuxième erreur du prédateur pour foncer sur sa gauche, longe le mur au plus loin du monstre, c’est à dire au plus près des cadres, au ras des tableaux, vire sur l’aile dans l’angle, pour … pour se flanquer une nouvelle fois dans la même fenêtre, qui, ouverte à son maximum, forme maintenant un angle piégeur avec le mur, lorsqu’on arrive de côté ! Elle s’y enfonce et se perd dans le double rideau.
Je m’y précipite ; elle s’envole … Je me place sur la gauche ; elle fonce à droite … et réalise la même manœuvre, mais de l’autre côté.
Combien d’échecs semblables ? …Suffisamment pour remplir la pièce de plus de plumes encore que de cris… Je tente maintenant de l’attraper. C’est encore pire … Que faire ?... La calmer en quittant la pièce bien sûr !
Je n’ai même pas le temps de refermer la porte après mon départ, qu’un froufroutement me dit qu’elle n’est plus là.
Ah, petite mésange … Après avoir remis les choses en place, je me surprends à rêver avec nostalgie …
Elle était là, sur la pendule, et moi assis à la regarder.
Son instinct lui avait commandé la fuite. Elle aurait pu se résigner, fermer ses yeux et faire comme si … comme si elle était au nid, avec ses oisillons. Mais son imagination se serait montrée plus tenace que ses désirs, et après avoir fermé les paupières sur des yeux verts, elle n’aurait vu que l’image d’horribles crocs !
Je la veux victorieuse, ma mésange : elle doit combattre ! Mais comment une mésange peut-elle combattre un ours ? …
Refuser d’être gibier, pardi ; et rester mésange jusqu’au bout !... Refuser d’offrir au monstre une viande finement assaisonnée de terreur, et remplir son âme de toutes les merveilleuses images de ce qu’elle veut de la vie !
Oui, le bleu du ciel, et cet air d’été, si frais lorsqu’on fonce entre les nuages. Les branches, leurs feuilles, leurs fruits … Les jeux avec les amies … Mieux les voir, une dernière fois, pour que la conscience s’éteigne, habitée par le paradis des mésanges.
Mieux les voir, ils sont presque là, derrière l’entrebâillement de la fenêtre. Se rapprocher, un coup d’aile ; quel bon perchoir, cette tête, et quelle vue … Une grosse fiente pour exprimer cette ultime extase ; et un autre petit coup d’aile pour se rapprocher encore de ce débordement de grâce aérien !... Et encore un, et …
Et … Et la voilà dehors !!!
Quel destin, mais quel extraordinaire destin ! Et quelle merveilleuse histoire à raconter au nid médusé !
Pensez donc ! Avoir su offrir une occasion de champoing à un grizzli aux yeux verts !
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Mon expérience de vie intègre un événement qui m’a marqué, lorsque j’habitais encore chez mes parents. J’avais à peine plus de 20 ans.
C’était l’été, la fenêtre du salon était entrebâillée, et j’étais assis à table, à lire je crois.
Un battement d’aile me fait dresser la tête ; j’avais un hôte : il me semble que c’était une mésange.
Le frêle oiseau volette de-ci, de-là, faisant parfois de courts ‘sur place’ devant une armoire, un bibelot au mur, tente de se poser sur le plafonnier qui, surface de verre lisse et incurvée, ne lui offre aucune prise ; en tombe, se rétablit d’un battement d’aile, puis reprend son manège, pour finalement s’arrêter sur le seul véritable perchoir digne de ce nom, un lampadaire d’angle, muni de plusieurs branches.
Je retourne mon livre, et reste là à la regarder, plus surpris de sa présence que curieux, car l’ouverture dans la fenêtre n’est pas bien large.
Lui ai-je dit un « bonjour, toi ! » ? Probablement, car je suis de ceux qui parlent aux animaux.
Certainement, après s’être nettoyée le bec, m’a-t’elle zinzinulé sa réponse, comme savent le faire les mésanges, mais sans m’offrir de témoignage de sa tendre et fraternelle affection, comme elle aurait pu le faire en se posant sur mon épaule.
Bref, nous vivons notre surprise, moi d’avoir de la compagnie, elle de se trouver dans un espace inhabituellement restreint, chacun dans son coin ; et au sens propre pour ce qui la concerne !
Ce petit être vit en perpétuel accéléré, et le temps doit lui sembler beaucoup plus long qu’à moi, car la voilà de nouveau en mouvement, à tenter un autre perchoir : la pendule qui se trouve juste dans mon dos.
Je me retourne pour la regarder, et … le mouvement brusque, mais surtout je pense, la vue de mes yeux verts ont dû lui évoquer le matou local, car, comme une flèche, elle retourne sur son lampadaire, dans l’angle le plus éloigné : son attitude tétanisée ressemble maintenant à celle d’un athlète en attente de coup de pistolet !
Elle est terrorisée !
Je reste un instant à la contempler dans son immobilité, lorsqu’elle fonce vers la fenêtre, se heurte auparavant aux rideaux ; mais sa vitesse est telle que j’entends malgré tout le ‘slang’ de l’impact contre la vitre.
Les pattes griffues emmêlées dans le tissu la maintiennent où elle se trouve ; mais ses battements intenses finissent par la libérer alors que je me lève de table pour le faire.
Cette approche la rendue comme folle, et la voilà qui vole maintenant en tous sens, à se heurter à toute vitesse et à toutes choses sur sa trajectoire.
Il faut faire vite, car elle va se tuer. Je me précipite et ouvre en grand les deux battants, libérant l’ouverture de la fenêtre au maximum.
Elle se trouve à nouveau maintenant sur son perchoir, dans la même attitude, et me regarde intensément. Elle a compris l’erreur que la grosse bestiole vient de faire : Elle sait que sa liberté et sa vie se trouvent juste derrière le monstre : Elle doit passer coûte que coûte !
Je m’écarte vers la pendule, sur sa droite, libérant la fenêtre.
Instantanément elle profite de cette deuxième erreur du prédateur pour foncer sur sa gauche, longe le mur au plus loin du monstre, c’est à dire au plus près des cadres, au ras des tableaux, vire sur l’aile dans l’angle, pour … pour se flanquer une nouvelle fois dans la même fenêtre, qui, ouverte à son maximum, forme maintenant un angle piégeur avec le mur, lorsqu’on arrive de côté ! Elle s’y enfonce et se perd dans le double rideau.
Je m’y précipite ; elle s’envole … Je me place sur la gauche ; elle fonce à droite … et réalise la même manœuvre, mais de l’autre côté.
Combien d’échecs semblables ? …Suffisamment pour remplir la pièce de plus de plumes encore que de cris… Je tente maintenant de l’attraper. C’est encore pire … Que faire ?... La calmer en quittant la pièce bien sûr !
Je n’ai même pas le temps de refermer la porte après mon départ, qu’un froufroutement me dit qu’elle n’est plus là.
Ah, petite mésange … Après avoir remis les choses en place, je me surprends à rêver avec nostalgie …
Elle était là, sur la pendule, et moi assis à la regarder.
Son instinct lui avait commandé la fuite. Elle aurait pu se résigner, fermer ses yeux et faire comme si … comme si elle était au nid, avec ses oisillons. Mais son imagination se serait montrée plus tenace que ses désirs, et après avoir fermé les paupières sur des yeux verts, elle n’aurait vu que l’image d’horribles crocs !
Je la veux victorieuse, ma mésange : elle doit combattre ! Mais comment une mésange peut-elle combattre un ours ? …
Refuser d’être gibier, pardi ; et rester mésange jusqu’au bout !... Refuser d’offrir au monstre une viande finement assaisonnée de terreur, et remplir son âme de toutes les merveilleuses images de ce qu’elle veut de la vie !
Oui, le bleu du ciel, et cet air d’été, si frais lorsqu’on fonce entre les nuages. Les branches, leurs feuilles, leurs fruits … Les jeux avec les amies … Mieux les voir, une dernière fois, pour que la conscience s’éteigne, habitée par le paradis des mésanges.
Mieux les voir, ils sont presque là, derrière l’entrebâillement de la fenêtre. Se rapprocher, un coup d’aile ; quel bon perchoir, cette tête, et quelle vue … Une grosse fiente pour exprimer cette ultime extase ; et un autre petit coup d’aile pour se rapprocher encore de ce débordement de grâce aérien !... Et encore un, et …
Et … Et la voilà dehors !!!
Quel destin, mais quel extraordinaire destin ! Et quelle merveilleuse histoire à raconter au nid médusé !
Pensez donc ! Avoir su offrir une occasion de champoing à un grizzli aux yeux verts !