Bouddhisme école Chan Lin Tsi le "sans appui"
Posté : 21 déc.13, 11:41
Entretiens du Maitre Bouddhiste Lin Tsi , école Tchan.
Il n'y a point de paix dans le Triple Monde ; il est comme une maison en feu. Le démon tueur de l'impermanence frappe en un seul instant, sans tenir compte de la condition des personnes.
Vénérables, le temps est précieux, mais vous ne pensez qu'à vous agiter comme les vagues de la mer, recourant à d'autres pour apprendre la méditation, pour apprendre la Voie, ne voulant connaître que des noms et des phrases, cherchant le Bouddha, cherchant les patriarches, cherchant des amis de bien et vous livrant à des spéculations. Vous avez eu un père et une mère. Que voulez-vous de plus ? Retournez votre vision vers vous-même !
Ceux qui séjournent tout seuls sur un pic isolé, ou qui font un seul repas maigre au petit jour, ou qui restent longtemps assis sans se coucher.. sont hommes qui fabriquent de l'acte... De telles idées qui tendent à faire souffrir le corps ou l'esprit, attirent des fruits de souffrance. Mieux vaut être simple, sans affaires.
Vous dites de toutes parts qu'il y a des pratiques à cultiver, des fruits à éprouver... Vous dites que vous cultivez tout ensemble les dix mille pratiques des six Perfections : je ne vois là que fabrication d'actes. Chercher le Bouddha, chercher la Loi : autant d'actes fabricateurs d'enfer.
Moi, le moine de montagne, je n'ai aucune Loi à donner, je ne fais que dénouer des liens. Adeptes qui venez à moi, essayez de ne pas dépendre des choses.
Si je parle de la Loi, de quelle Loi s'agit-il ? Il s'agit d'une Loi qui est terre de l'esprit. Par l'esprit on peut accéder au profane comme au sacré, à la pureté comme à l'impureté, à la vérité absolue comme à la vulgaire... Tenez-vous y pour agir, mais ne leur donnez pas de noms ! J'appelle ça l'idée mystérieuse.
Vous venez de toutes parts avec l'idée de chercher la délivrance, la sortie du Triple Monde. Sortir du Triple Monde, imbéciles ! Pour aller où ? Le Bouddha et les patriarches, ce ne sont que des noms dont on prend plaisir à se laisser lier. Voulez-vous connaître le Triple Monde ? Il n'est autre que la terre de votre propre esprit.
Les bodhisattva qui ont pleinement satisfait aux dix étapes de leur carrière sont comme des salariés. Ceux qui ont atteint l'éveil merveilleux sont des gaillards enchaînés. Les saints arhat et les bouddha-pour-soi sont de la merde, l'éveil et le nirvâna, des pieux à attacher les ânes. C'est seulement, parce que vous n'êtes pas parvenus à concevoir la vacuité de toutes les pratiques qu'il y a en vous cet obstacle. Un véritable religieux liquide ses actes au fur et à mesure. Il s'habille au hasard ; lorsqu'il veut marcher, il marche ; lorsqu'il veut s'asseoir il s'assied et ne songe pas à désirer ou à chercher le fruit du Bouddha.
Les trois Véhicules et le dodécuple enseignement sont de vieux papiers bons à se torcher. Le Bouddha est un corps de métamorphose fantasmagorique, les patriarches, de vieux bonzes. Vous ne pensez qu'à vous tourner vers l'extérieur et à chercher auprès d'autrui, quêtant des marchepieds : vous vous trompez ! Vous ne pensez qu'à chercher le Bouddha. Le Bouddha est un nom. Et celui-là même qui court, cherche, le connaissez-vous seulement ?
Si vous rencontrez un Bouddha, tuez-le ! Si vous rencontrez un patriarche, tuez-le ! Si vous rencontrez un arhat, tuez-le ! Si vous rencontrez un père et une mère, tuez-les ! C'est là le moyen de vous délivrer, c'est là l'évasion, l'indépendance.
Le vrai Bouddha est sans figure, la vraie Loi est sans marques... quant au véritable apprenti du Chemin, il ne s'attache pas au Bouddha, ni aux bodhisattva, ni aux arhat... Loin de tout, seul, dégagé, il n'est pas gêné par les choses. Ce sont là fantasmes de rêve, fleurs dans l'air : pourquoi se fatiguer à vouloir les saisir ?
Retournez votre lumière, intériorisez votre vision. Ne cherchez plus ! Sachez que, de corps comme d'esprit, vous ne différez point du Bouddha-patriarche, et aussitôt vous serez sans affaires.
Comment appeler cette chose bien distincte, cette lumière solitaire à quoi rien n'a jamais manqué, mais que l'œil ne voit pas, que l'oreille n'entend pas ? Un ancien l'a dit : "Dire que c'est une chose, c'est manquer la cible." Regardez en vous-même !
Chercher le Bouddha, c'est perdre le Bouddha ; chercher les patriarches, c'est perdre les patriarches ; chercher la Voie, c'est perdre la Voie... Tout ce qu'il faut c'est avoir la vue juste. C'est cette vue qu'il faut rechercher instamment. C'est seulement si l'on parvient à la clarté parfaite de la vue juste que tout se parachève.
Seul existe réellement le religieux sans appui, qui est là à écouter l'enseignement. Il est la mère de tous les Bouddha, et en ce sens les Bouddha naissent du sans-appui. Pour qui comprend le sans-appui, l'état de Bouddha n'est pas à obtenir. Voir les choses ainsi, c'est cela la vue juste.
Bien qu'à longueur de journée je prodigue aux apprentis explications et réfutations, ils n'en tiennent aucun compte. Ils piétinent. C'est qu'ils n'ont pas assez de confiance en leur lumière solitaire. Ils vont chercher des interprétations dans les noms et les phrases. Jusqu'à l'âge d'une demi-siècle, ils n'ont souci que de compter sur autrui. C'est parce que vous n'avez pas suffisamment de confiance en vous-mêmes, que nous voilà empêtrés à cette heure dans toutes ces lianes parasites de vains mots !... Hommes de peu de confiance. On n'en finit jamais avec vous !
Sur votre agglomérat de chair, il y a un homme vrai sans situation, qui sans cesse sort et entre par les portes de votre visage... Tenez-vous en à l'homme qui est là en train d'écouter l'enseignement, à cet homme sans forme ni marque, sans racine ni tronc, sans demeure stable, tout vif comme le poisson qui saute dans l'eau et ne se fixe nulle part.
Si l'on sait réaliser l'homme vrai, il n'est plus rien qui ne soit très profond, rien qui ne soit délivrance. Vénérables, sachez reconnaître l'homme en vous qui joue avec des reflets : c'est lui qui est la source originelle de tous les Bouddhas ; c'est lui, adeptes, en qui vous trouvez refuge où que vous soyez.
Tout ce qu'il fous faut, c'est vous comporter le plus ordinairement du monde. Adeptes, il n'y a pas de travail à faire dans le bouddhisme; le tout est de se tenir dans l'ordinaire, et sans affaires : zchier et pisser, se vêtir et manger. Quand vient la fatigue, je dors ; le sot se rit de moi, le sage me connaît... Soyez votre propre maître, où que vous soyez, et sur le champ vous serez vrais. Les objets qui viennent à vous ne pourront vous égarer.
C'est l'arrêt de toute pensée en vous, que j'appelle l'arbre de l'éveil ; et l'incapacité d'arrêter vos pensées, l'arbre de l'ignorance... Le recueillement d'Avalokiteshvara, c'est votre propre esprit capable en chacune de ses pensées de se défaire de ses liens et de se libérer point par point.
Entretiens de Lin-tsi (Fayard - 1972), trad. Paul Demiéville.
APERÇU BIOGRAPHIQUE
Lin-tsi compte parmi les grands maîtres du bouddhisme tch'an. Disciple de Houang-Po, il vécut comme lui au IXème siècle. La vigueur et l'originalité de son enseignement émergent dans cette période troublée et difficile pour le bouddhisme.
Voici comment il décrit lui-même son parcours : "Naguère je m'étais intéressé au Vinaya, et j'avais fait des recherches sur les Textes et sur les Traités. Puis je m'aperçus que ce n'était là que drogues bonnes à soigner le monde, et discours de surface ; et d'un seul coup, je rejetai tout cela. Je me mis alors à m'informer de la Voie en consultant des maîtres de Tch'an, et je rencontrai enfin un grand ami de bien ; c'est alors seulement que mon œil de Voie commença à voir clair. Je reconnus en lui un de ces vieux maîtres dignes d'être révérés par le monde entier et je sus que la connaissance de ce qui est pervers et de ce qui est droit ne s'acquiert pas en naissant de sa maman. Il faut encore sonder les choses en personne, s'épurer comme un minerai, se polir comme un miroir, puis, un beau matin on s'éveille."
Ayant atteint l'illumination, Lin-tsi se mit au service de la lumière reçue et développa une pédagogie de l'éveil des plus originales. Voici par exemple comment il décrit lui-même sa façon d'accueillir les chercheurs : "Quand quelqu'un vient à la recherche, je sors le regarder. Il ne me reconnaît pas. Je mets alors toutes sortes de vêtements qui font naître chez lui des interprétations ; et tout à coup il se laisse prendre à mes paroles et à mes phrases. Ce tondus aveugles qui n'ont pas l'œil s'emparent des vêtements que j'ai mis pour me voir bleu, jaune, rouge, blanc. Et si je les enlève pour aborder des domaines purs, voilà les apprentis qui aspirent aussitôt à la pureté ; et si j'enlève encore ce vêtement de pureté, les voilà tout perdus et frappés de stupeur; ils se mettent à courir comme fous, en disant que je suis nu ! Je leur dis alors : "Le reconnaissez-vous, enfin, l'homme en moi qui met les vêtements ?" Et soudain ils tournent la tête, et voilà qu'ils me connaissent."
Après sa mort, l'école de Lin-tsi est devenue, avec l'école Tsao-Tung, l'une des plus vigoureuses du bouddhisme tch'an. Elle est passée au Japon au XIIème siècle sous le nom d'école Rinzaï et y existe encore aujourd'hui.
L'ŒUVRE
Les Entretiens de Lin-tsi (Lin-tsi yu-lou ou plus brièvement Lin-tsi lou) ont été rédigés par un de ses disciples directs : Houei-jan de San-cheng. Réédités en chinois au cours des siècles ils ont été traduits récemment par Paul Demiéville : Les Entretiens de Lin-Tsi (Fayard - 1972).
Il n'y a point de paix dans le Triple Monde ; il est comme une maison en feu. Le démon tueur de l'impermanence frappe en un seul instant, sans tenir compte de la condition des personnes.
Vénérables, le temps est précieux, mais vous ne pensez qu'à vous agiter comme les vagues de la mer, recourant à d'autres pour apprendre la méditation, pour apprendre la Voie, ne voulant connaître que des noms et des phrases, cherchant le Bouddha, cherchant les patriarches, cherchant des amis de bien et vous livrant à des spéculations. Vous avez eu un père et une mère. Que voulez-vous de plus ? Retournez votre vision vers vous-même !
Ceux qui séjournent tout seuls sur un pic isolé, ou qui font un seul repas maigre au petit jour, ou qui restent longtemps assis sans se coucher.. sont hommes qui fabriquent de l'acte... De telles idées qui tendent à faire souffrir le corps ou l'esprit, attirent des fruits de souffrance. Mieux vaut être simple, sans affaires.
Vous dites de toutes parts qu'il y a des pratiques à cultiver, des fruits à éprouver... Vous dites que vous cultivez tout ensemble les dix mille pratiques des six Perfections : je ne vois là que fabrication d'actes. Chercher le Bouddha, chercher la Loi : autant d'actes fabricateurs d'enfer.
Moi, le moine de montagne, je n'ai aucune Loi à donner, je ne fais que dénouer des liens. Adeptes qui venez à moi, essayez de ne pas dépendre des choses.
Si je parle de la Loi, de quelle Loi s'agit-il ? Il s'agit d'une Loi qui est terre de l'esprit. Par l'esprit on peut accéder au profane comme au sacré, à la pureté comme à l'impureté, à la vérité absolue comme à la vulgaire... Tenez-vous y pour agir, mais ne leur donnez pas de noms ! J'appelle ça l'idée mystérieuse.
Vous venez de toutes parts avec l'idée de chercher la délivrance, la sortie du Triple Monde. Sortir du Triple Monde, imbéciles ! Pour aller où ? Le Bouddha et les patriarches, ce ne sont que des noms dont on prend plaisir à se laisser lier. Voulez-vous connaître le Triple Monde ? Il n'est autre que la terre de votre propre esprit.
Les bodhisattva qui ont pleinement satisfait aux dix étapes de leur carrière sont comme des salariés. Ceux qui ont atteint l'éveil merveilleux sont des gaillards enchaînés. Les saints arhat et les bouddha-pour-soi sont de la merde, l'éveil et le nirvâna, des pieux à attacher les ânes. C'est seulement, parce que vous n'êtes pas parvenus à concevoir la vacuité de toutes les pratiques qu'il y a en vous cet obstacle. Un véritable religieux liquide ses actes au fur et à mesure. Il s'habille au hasard ; lorsqu'il veut marcher, il marche ; lorsqu'il veut s'asseoir il s'assied et ne songe pas à désirer ou à chercher le fruit du Bouddha.
Les trois Véhicules et le dodécuple enseignement sont de vieux papiers bons à se torcher. Le Bouddha est un corps de métamorphose fantasmagorique, les patriarches, de vieux bonzes. Vous ne pensez qu'à vous tourner vers l'extérieur et à chercher auprès d'autrui, quêtant des marchepieds : vous vous trompez ! Vous ne pensez qu'à chercher le Bouddha. Le Bouddha est un nom. Et celui-là même qui court, cherche, le connaissez-vous seulement ?
Si vous rencontrez un Bouddha, tuez-le ! Si vous rencontrez un patriarche, tuez-le ! Si vous rencontrez un arhat, tuez-le ! Si vous rencontrez un père et une mère, tuez-les ! C'est là le moyen de vous délivrer, c'est là l'évasion, l'indépendance.
Le vrai Bouddha est sans figure, la vraie Loi est sans marques... quant au véritable apprenti du Chemin, il ne s'attache pas au Bouddha, ni aux bodhisattva, ni aux arhat... Loin de tout, seul, dégagé, il n'est pas gêné par les choses. Ce sont là fantasmes de rêve, fleurs dans l'air : pourquoi se fatiguer à vouloir les saisir ?
Retournez votre lumière, intériorisez votre vision. Ne cherchez plus ! Sachez que, de corps comme d'esprit, vous ne différez point du Bouddha-patriarche, et aussitôt vous serez sans affaires.
Comment appeler cette chose bien distincte, cette lumière solitaire à quoi rien n'a jamais manqué, mais que l'œil ne voit pas, que l'oreille n'entend pas ? Un ancien l'a dit : "Dire que c'est une chose, c'est manquer la cible." Regardez en vous-même !
Chercher le Bouddha, c'est perdre le Bouddha ; chercher les patriarches, c'est perdre les patriarches ; chercher la Voie, c'est perdre la Voie... Tout ce qu'il faut c'est avoir la vue juste. C'est cette vue qu'il faut rechercher instamment. C'est seulement si l'on parvient à la clarté parfaite de la vue juste que tout se parachève.
Seul existe réellement le religieux sans appui, qui est là à écouter l'enseignement. Il est la mère de tous les Bouddha, et en ce sens les Bouddha naissent du sans-appui. Pour qui comprend le sans-appui, l'état de Bouddha n'est pas à obtenir. Voir les choses ainsi, c'est cela la vue juste.
Bien qu'à longueur de journée je prodigue aux apprentis explications et réfutations, ils n'en tiennent aucun compte. Ils piétinent. C'est qu'ils n'ont pas assez de confiance en leur lumière solitaire. Ils vont chercher des interprétations dans les noms et les phrases. Jusqu'à l'âge d'une demi-siècle, ils n'ont souci que de compter sur autrui. C'est parce que vous n'avez pas suffisamment de confiance en vous-mêmes, que nous voilà empêtrés à cette heure dans toutes ces lianes parasites de vains mots !... Hommes de peu de confiance. On n'en finit jamais avec vous !
Sur votre agglomérat de chair, il y a un homme vrai sans situation, qui sans cesse sort et entre par les portes de votre visage... Tenez-vous en à l'homme qui est là en train d'écouter l'enseignement, à cet homme sans forme ni marque, sans racine ni tronc, sans demeure stable, tout vif comme le poisson qui saute dans l'eau et ne se fixe nulle part.
Si l'on sait réaliser l'homme vrai, il n'est plus rien qui ne soit très profond, rien qui ne soit délivrance. Vénérables, sachez reconnaître l'homme en vous qui joue avec des reflets : c'est lui qui est la source originelle de tous les Bouddhas ; c'est lui, adeptes, en qui vous trouvez refuge où que vous soyez.
Tout ce qu'il fous faut, c'est vous comporter le plus ordinairement du monde. Adeptes, il n'y a pas de travail à faire dans le bouddhisme; le tout est de se tenir dans l'ordinaire, et sans affaires : zchier et pisser, se vêtir et manger. Quand vient la fatigue, je dors ; le sot se rit de moi, le sage me connaît... Soyez votre propre maître, où que vous soyez, et sur le champ vous serez vrais. Les objets qui viennent à vous ne pourront vous égarer.
C'est l'arrêt de toute pensée en vous, que j'appelle l'arbre de l'éveil ; et l'incapacité d'arrêter vos pensées, l'arbre de l'ignorance... Le recueillement d'Avalokiteshvara, c'est votre propre esprit capable en chacune de ses pensées de se défaire de ses liens et de se libérer point par point.
Entretiens de Lin-tsi (Fayard - 1972), trad. Paul Demiéville.
APERÇU BIOGRAPHIQUE
Lin-tsi compte parmi les grands maîtres du bouddhisme tch'an. Disciple de Houang-Po, il vécut comme lui au IXème siècle. La vigueur et l'originalité de son enseignement émergent dans cette période troublée et difficile pour le bouddhisme.
Voici comment il décrit lui-même son parcours : "Naguère je m'étais intéressé au Vinaya, et j'avais fait des recherches sur les Textes et sur les Traités. Puis je m'aperçus que ce n'était là que drogues bonnes à soigner le monde, et discours de surface ; et d'un seul coup, je rejetai tout cela. Je me mis alors à m'informer de la Voie en consultant des maîtres de Tch'an, et je rencontrai enfin un grand ami de bien ; c'est alors seulement que mon œil de Voie commença à voir clair. Je reconnus en lui un de ces vieux maîtres dignes d'être révérés par le monde entier et je sus que la connaissance de ce qui est pervers et de ce qui est droit ne s'acquiert pas en naissant de sa maman. Il faut encore sonder les choses en personne, s'épurer comme un minerai, se polir comme un miroir, puis, un beau matin on s'éveille."
Ayant atteint l'illumination, Lin-tsi se mit au service de la lumière reçue et développa une pédagogie de l'éveil des plus originales. Voici par exemple comment il décrit lui-même sa façon d'accueillir les chercheurs : "Quand quelqu'un vient à la recherche, je sors le regarder. Il ne me reconnaît pas. Je mets alors toutes sortes de vêtements qui font naître chez lui des interprétations ; et tout à coup il se laisse prendre à mes paroles et à mes phrases. Ce tondus aveugles qui n'ont pas l'œil s'emparent des vêtements que j'ai mis pour me voir bleu, jaune, rouge, blanc. Et si je les enlève pour aborder des domaines purs, voilà les apprentis qui aspirent aussitôt à la pureté ; et si j'enlève encore ce vêtement de pureté, les voilà tout perdus et frappés de stupeur; ils se mettent à courir comme fous, en disant que je suis nu ! Je leur dis alors : "Le reconnaissez-vous, enfin, l'homme en moi qui met les vêtements ?" Et soudain ils tournent la tête, et voilà qu'ils me connaissent."
Après sa mort, l'école de Lin-tsi est devenue, avec l'école Tsao-Tung, l'une des plus vigoureuses du bouddhisme tch'an. Elle est passée au Japon au XIIème siècle sous le nom d'école Rinzaï et y existe encore aujourd'hui.
L'ŒUVRE
Les Entretiens de Lin-tsi (Lin-tsi yu-lou ou plus brièvement Lin-tsi lou) ont été rédigés par un de ses disciples directs : Houei-jan de San-cheng. Réédités en chinois au cours des siècles ils ont été traduits récemment par Paul Demiéville : Les Entretiens de Lin-Tsi (Fayard - 1972).