L’État français ne reconnaissant aucun culte, conformément à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il n’existe dès lors aucune religion officielle ou reconnue. De la même manière, puisque le droit français n’en renferme aucune définition, la notion de « secte » reste juridiquement inconnue, comme l’admet Alain Osmont, délégué général de l’ex-Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS devenue Miviludes) : « D’ailleurs, en droit français, le mot secte n’existe pas. Par conséquent, on ne peut pas condamner une association qualifiée de “mouvement à dérive sectaire” par le rapport parlementaire de 1995. On ne peut juger ces associations qu’en fonction d’actes qui seraient susceptibles de nuire à l’ordre public, par exemple
![trophy [1]](./images/smilies/trophy.gif)
. »
![trophy [1]](./images/smilies/trophy.gif)
La Gazette des communes, 4 mars 2002.
Les rapports parlementaires
Pourtant, d’aucuns affirment encore régulièrement, et cela à tort, que les témoins de Jéhovah sont officiellement recensés comme « secte » en France, en s’appuyant principalement sur le rapport parlementaire intitulé Les sectes en France
![silver [2]](./images/smilies/silver.gif)
et rendu public au début de l’année 1996. Primo, les témoins de Jéhovah ne sont pas comptés parmi les 172 « mouvements recensés par la DCRG et répondant à l’un des critères de dangerosité
![bronze [3]](./images/smilies/bronze.gif)
» (p. 15), malgré l’ambiguïté entretenue à ce sujet [4]. Ils sont simplement inclus dans les 173 « sectes retenues dans l’étude des renseignements généraux [5] » (p. 60). Secundo, ce rapport n’engage que ses auteurs, en l’occurrence une commission composée de quelques députés seulement [6], et non l’Assemblée nationale dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle tant le gouvernement que les juridictions administratives et civiles ont rappelé qu’il ne constitue qu’un document informatif, sans aucune valeur juridique ni normative [7]. Ainsi le ministre de l’Intérieur a-t-il émis cette précision dans une circulaire adressée aux préfets : « Ces rapports parlementaires ne constituent qu’un élément d’information et de proposition, ils ne prétendent pas avoir valeur normative et ne sauraient fonder ni des distinctions entre les associations qualifiées de “sectaires” et celles qui ne le sont pas au regard desdits rapports ni des sanctions quelconques [8]. »
![silver [2]](./images/smilies/silver.gif)
Jacques Guyard, Les sectes en France, rapport n° 2468, Assemblée nationale, 1995.
![bronze [3]](./images/smilies/bronze.gif)
Les 172 sectes dangereuses sont supposées répondre au minimum à l’un de ces dix critères : la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières, la rupture induite avec l’environnement d’origine, les atteintes à l’intégrité physique, l’embrigadement des enfants, le discours plus ou moins antisocial, les troubles à l’ordre public, l’importance des démêlés judiciaires, l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels, les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.
[4] C’est ce qu’indique clairement la représentation géographique : alors que les deux premières cartes localisent les organisations mères, avec l’ajout des filiales dans la deuxième, émanant des 172 sectes, les témoins de Jéhovah ne sont considérés que dans une troisième carte, seulement à titre indicatif. D’ailleurs, il est évident que le millier d’associations locales rattachées à leur culte n’est pas compté parmi les 800 filiales dépendant des 172 organisations-mères. Enfin, il y a bien 172 mouvements qui sont énumérés, avant que le rapport mentionne les effectifs attribués aux témoins de Jéhovah, sous forme d’une phrase qui se distingue du reste par sa justification centrée.
Il se révèle donc erroné de considérer que les 130 000 Témoins de Jéhovah sont compris dans les 160 000 adhérents aux 172 sectes. C’est pourquoi le rapporteur de la commission, Jacques Guyard, a indiqué lors d’une interview à la suite de la rédaction du rapport : « Cent soixante-dix mouvements nationaux regroupant entre cent cinquante et cent soixante mille personnes au sein d’au moins huit cents groupes locaux actifs ont été recensés. Sans compter les cent trente mille Témoins de Jéhovah. » (Le Monde, 27 décembre 1995.)
[5] Le Quid 2007 (p. 717) effectue bien cette séparation : « Nombre de sectes. 173 dont 172 associations remplissant au moins 1 de ces 10 critères sont considérées comme des sectes + les Témoins de Jéhovah ».
« Les chiffres entre parenthèses correspondent à une répartition par “type dominant” des 172 sectes recensées dans le rapport, auxquelles s’ajoutent les Témoins de Jéhovah » (Le Monde, 11 janvier 1996).
« Le rapport parlementaire faisait état d’une liste de “mouvements sectaires” établie par les renseignements généraux, soit 172 sectes regroupant 160.000 adeptes et 100.000 sympathisants, sans compter quelque 130.000 membres des Témoins de Jéhovah. » (AFP, 13 novembre 1996.)
[6] Cette commission d’enquête ne comptait qu’une trentaine de membres parmi les 577 députés qui formaient alors l’Assemblée nationale. Comble de tout, ce rapport n’a été voté qu’à « l’unanimité » de sept membres présents à ce moment-là (L’Humanité, 11 janvier 1996).
[7] Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité a déclaré que le rapport parlementaire sur les sectes « n’a aucune valeur juridique » (Courrier Juridique des Affaires sociales, mai-juin 1998, p. 2).
« Le rapport susvisé ne constitue qu’un élément d’information, soumis à discussion, et n’a aucune valeur normative. » (CA Anger, 10 mars 1997, n° 181/97.)
[8] Ministère de l’Intérieur, circulaire du 20 décembre 1999 sur la lutte contre les agissements répréhensibles des mouvements sectaires, n° NOR/INT/D/99/00262/C.