Page 1 sur 1

Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 02:38
par Numide Deiste
slt,


J'ai beaucoup aimé l'article de Abdelwahab Meddeb, qui retrace assez bien le parcours de la censure dans le monde musulman, de sa création a nos jours.
Il m'est apparu intéressant de le partager avec vous.



Peut-on critiquer l'islam ?
Le retour de la censure - par Abdelwahab Meddeb dans mensuel n°317 daté février 2007 à la page 44
[/b]
http://www.histoire.presse.fr/dossiers/ ... -2007-7798

Abdelwahab Meddeb.
Poète, islamologue, essayiste et romancier, né en 1946 à Tunis, Abdelwahab Meddeb est mort à la clinique Bizet, à Paris, mercredi 5 novembre 2014, d’un cancer du poumon. Grand érudit, pétri de culture musulmane et occidentale, il plaidait sans relâche pour un Islam des Lumières, un dialogue des civilisations face au choc des nations, des images et des représentations. Abdelwahab Meddeb a enseigné la littérature comparée à l'université Paris-X-Nanterre, dirigé la revue Dédale et produit l'émission « Cultures d'Islam », sur France Culture. Il est l'auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont Talismano (Christian Bourgois, 1979), Contre-prêches (Seuil, 2006), Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie (Seuil, 2008), Pari de civilisation (Seuil, 2009), Printemps de Tunis, la métamorphose de l’histoire (Albin Michel, 2011) et une Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours (Albin Michel, avec Benjamin Stora, 2013).




Dans l’islam classique, il était possible de critiquer la religion, de chanter l’amour du vin et des femmes. Ce n’est qu’au XIIIe siècle qu’a eu lieu le grand verrouillage de la pensée, explique ici Abdelwahab Meddeb. Une clôture qui a abouti à l’idéologie de combat que nous connaissons aujourd’hui.

L’Histoire : Quelques affaires récentes, dont celle « des caricatures de Mahomet », laissent à penser qu’il n’y aurait dans l’islam aucune place pour la liberté d’expression. Qu’en était-il à l’origine, aux VIIe et VIIIe siècles ?

Abdelwahab Meddeb : Lors de la guerre civile qui a éclaté une vingtaine d’années après la mort du Prophète sur la question de sa succession, en 657, ceux que l’on appelle les kharijites sont sortis des rangs : ils n’ont voulu opter pour aucun des partis en lutte et ont estimé que l’unique critère pour l’élection du califat devait être le degré de piété1. Or, les kharijites se sont mis à qualifier de « non-musulmans » tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux. Ils ont ainsi inventé la notion de takfir , c’est-à-dire l’excommunication du mauvais musulman. Ce fut un terrible traumatisme et un premier verrouillage de l’islam, qui jouera un grand rôle par la suite.
Puis, au VIIIe siècle, avec la mise en place d’un pouvoir central, celui du calife omeyyade de Damas, et, à partir de 749-750, celui des Abbassides à Bagdad, existait comme une épée de Damoclès au-dessus des penseurs musulmans. Le calife, autrement dit l’exécutif, pouvait à tout moment, en lien avec les cadis et les ulémas les juristes et les théologiens, agir, menacer les penseurs, ou en tout cas instaurer des limites à la liberté de pensée.
C’est pourquoi, la plupart de ce qui s’est fait de grand dans la civilisation islamique est de l’ordre du transgressif. Pensons aux poètes bachiques, très nombreux alors que l’islam interdit le vin. On cite souvent Omar Khayyam, ce poète persan du XIe siècle, mais il y en avait beaucoup d’autres, comme Abu Nuwas au début du IXe siècle. Le vin était un thème récurrent chez les poètes musulmans et ce thème a été récupéré par les mystiques. Quand ces derniers évoquent l’ivresse que procure l’amour divin, ils le font dans les mêmes termes que les poètes bachiques.
Cependant, au VIIIe siècle, le dogme reste à construire, il n’est pas encore figé et les réflexions théologiques sont encouragées afin d’en poser les fondements. Il convenait, pour la révélation nouvelle qu’était l’islam, de s’emparer du formidable instrument intellectuel qu’était la philosophie grecque et de construire, à proprement parler, une théologie, un discours raisonné sur Dieu.
C’est dans ce cadre qu’est né le mutazilisme, l’un des mouvements de pensée le plus rationaliste qu’ait connu l’islam, à la fin du VIIIe siècle. Les discussions reposaient alors sur le fait de savoir si le Coran était « créé » ou « incréé ». C’est-à-dire de savoir si le Coran, la parole divine, passe par une médiation distincte de Dieu ou pas. Les mutazilites pensaient que oui. Ils ont ainsi accordé à la raison un rôle majeur dans l’interprétation des textes.

L’H. : Le mutazilisme, ce n’est pas pour autant la tolérance ?

A. M. : Non, car le calife Al-Mamun 813-833 a voulu imposer cette doctrine comme dogme de la foi orthodoxe, et il a créé pour cela un tribunal inquisitorial, la Mihna . Ce tribunal appliquait l’ordre du calife et il était dirigé personnellement par les grands vizirs, en lien avec un corps de docteurs. Parfois, lors des séances, le calife lui-même décidait des sévices à appliquer.
Ibn Hanbal 780-855, par exemple, le créateur d’une des quatre écoles juridiques de l’islam2, un orthodoxe favorable à une lecture littérale du Coran, a subi les pires sévices parce qu’il refusait la notion de Coran « créé ». Mais, au final, c’est Ibn Hanbal qui a triomphé, puisque, au Xe siècle, le mutazilisme a été décrété hérétique. Depuis cette époque, le Coran est considéré comme « incréé ». Pourtant, cette victoire des traditionalistes n’a pas entraîné la disparition de la liberté de pensée.

L’H. : Pourriez-vous nous citer quelques-uns de ces penseurs libres qui vous semblent les plus représentatifs ?

A. M. : Après Al-Kindi v. 800-v. 870, qui le premier a assimilé la philosophie grecque, il faut citer Al-Farabi 872-950, qui a écrit La Cité vertueuse , inspiré par La République de Platon, ou encore Abu Bakr al-Razi 865-925, un médecin qu’on pourrait qualifier de matérialiste. C’était un vrai rationaliste au sens des Lumières. Il disait : « Je suis médecin et j’apporte un bien à l’humanité beaucoup plus réel et efficace que ce qu’apportent les prophètes. Je suis descendant de Galien, je l’améliore et ma science sera améliorée par mes successeurs. » Pensons aussi au philosophe et médecin iranien Avicenne 980-1037, qui dans son Livre de la guérison a opéré une fusion entre Aristote, Platon et la pensée islamique3.

L’H. : Peut-on finalement parler de liberté d’expression ou de liberté de pensée entre le VIIIe et le XIe siècle sous l’empire des Abbassides ?

A. M. : Je ne dirais pas cela, mais il y avait certainement des porosités dans le système. Et cette porosité me paraît beaucoup plus grande à cette époque qu’elle ne l’est aujourd’hui.
J’en veux pour preuve que, pendant ces siècles de controverses et de formation de la théologie, il y avait une précaution majeure : celle d’éviter l’excommunication, le takfir . Or, cette notion est aujourd’hui reprise par les intégristes et elle signifie que le jihad ne s’applique pas uniquement aux non-musulmans mais aussi aux mauvais musulmans.
D’autre part, certains penseurs hérétiques n’ont jamais été inquiétés. Je pense à Ibn al-Riwandi au IXe siècle à Bagdad. Ses textes contre les miracles et contre la prophétie étaient très virulents. Il réfutait ce que l’on appelle le « miracle » du Coran, c’est-à-dire le fait que le Coran soit inimitable puisqu’il est la parole divine. Il a même souligné qu’il y avait même des fautes de syntaxe dans les textes. Pourtant, il n’a pas été inquiété même s’il a été réfuté violemment par de nombreux docteurs.

L’H. : Comment expliquer cette permissivité relative ?

A. M. : Par la puissance de l’État, la richesse matérielle et le cosmopolitisme de Bagdad sous les Abbassides où les salons littéraires étaient nombreux et où se déroulaient des controverses publiques entre des théologiens de toutes tendances.

L’H. : Pourtant, dès cette époque, des procès retentissants ont lieu. Des penseurs ont-ils été condamnés à mort pour leurs écrits ?

A. M. : Oui, je pense notamment au mystique iranien Al-Hallaj, dont le procès s’est achevé à Bagdad en 923 - nous en avons connaissance grâce aux chroniques de l’époque, recensées et analysées par l’orientaliste Louis Massignon dans les années 1920. Al-Hallaj a été jugé en raison de sa théorie de l’incarnation. Il déclarait : « Je suis la Vérité » ou encore : « Dieu et moi sommes un. » A l’issue d’un procès qui a duré une dizaine d’années, il a été condamné à mort. Ce fut une énorme controverse qui a secoué la société et l’État.
Il est important de noter que certains docteurs orthodoxes ont défendu ses théories en atténuant ses formulations, mais aussi qu’Al-Hallaj n’a pas été condamné pour l’ensemble de sa doctrine mais pour un détail : sa critique du pèlerinage qui est un des cinq piliers de l’islam. Selon lui, comme pour les chrétiens, nul besoin pour le croyant de se rendre dans un lieu de culte : le temple est partout, même à l’intérieur de l’homme. Il a été crucifié et on lui a fait subir un parcours semblable à celui du Christ. D’ailleurs le livre de Massignon, publié en 1922, s’intitule La Passion d’Al-Hosayn ibn Mansour al-Hallaj, martyr mystique de l’islam .

L’H. : Est-ce que l’invasion de Bagdad par les Turcs seldjoukides et la division de l’empire islamique au XIe siècle ont mis fin à cette relative liberté d’expression ?

A. M. : Non, les controverses étaient encore possibles au XIe-xiiie siècle. Ibn Arabi 1165-1240 avait des paroles très audacieuses puisqu’il prônait l’égalité de toutes les croyances, allant jusqu’à sauver le paganisme et le polythéisme. Des docteurs à Alep ont dénoncé un de ses recueils poétiques où il était censé parler d’amour divin, et où il ne parlait en fait que de femmes. Ibn Arabi a décidé de répondre à ses détracteurs en doublant ses poèmes de commentaires où il aggravait son cas. Mais il n’a jamais eu de procès car il trouvait toujours des défenseurs parmi les docteurs orthodoxes.
Dans ce recueil de poèmes dénoncés, et c’est un cas unique, Ibn Arabi endossait même la Trinité qui n’est absolument pas acceptée par les musulmans. Un de ses poèmes est entièrement construit pour honorer ce dogme, dans le nombre de vers, dans le choix de l’impair : « Mon bien-aimé est trois quand il serait un comme ils firent des personnes une dans l’essence. » Autrement dit, en tant que musulman, il adopte la doctrine des autres, « ils », celle des chrétiens.
Et dans son commentaire, il ajoute que la dialectique de l’un et du multiple - le Père, le Fils et le Saint-Esprit comme un seul Dieu - se retrouve dans le Coran, car parmi les 99 noms divins qui y figurent, il y en a trois qui dominent : Allah , Dieu, Ar-Rab , le Seigneur, Ar-Rahman , le Miséricordieux. Ce serait un clin d’oeil à la Trinité.
Non seulement Ibn Arabi n’a pas été condamné, mais son courant de pensée a gagné l’ensemble du monde turc et musulman indien. Le sultan ottoman Selim Ier, à Damas, a même fait construire un mausolée à sa mémoire en 1516. Cet hérétique est ainsi devenu une référence dans les grands Empires ottoman et moghol de l’islam moderne.

L’H. : Et au XIIe siècle, à Cordoue, il y a Averroès...

A. M. : La pensée d’Averroès ne peut se comprendre que par ce que Léo Strauss appelle « écrire en temps de persécution » . Cette « persécution » était alors exercée par le milieu des ulémas andalous, un milieu très homogène et conservateur. Averroès, dont toute la famille appartenait à ce milieu, est en ce sens un dissident.
Il a donc dû procéder par ruse dans son Discours décisif pour trouver une légitimation coranique à son interprétation philosophique du Coran. Le verset 7 de la troisième sourate, par exemple, était lu par lui, mais aussi par tous ceux qui ont prôné le devoir d’interpréter le texte sacré, autrement que par la grande majorité des docteurs orthodoxes. Selon ce verset, « nul n’en connaît l’interprétation [à propos des versets ambigus], sinon Dieu » . Les orthodoxes mettent ici un point au verset. Tandis que ceux qui veulent légitimer l’interprétation enchaînent la phrase à ce qui suit : « et les hommes d’une science profonde » . C’est-à-dire, les mystiques et les philosophes, ceux-là mêmes qui sont fustigés par les orthodoxes.

L’H. : Averroès au XIIe siècle peut encore s’exprimer même si c’est par ruse. A quelle époque situez-vous la véritable clôture de la pensée dans les limites étroites de l’orthodoxie ?

A. M. : Cela s’est fait en plusieurs étapes, avant de s’affirmer vraiment au XIIIe siècle. Tout commence, selon moi, à la fin du XIe siècle. Je pense qu’il y avait alors la certitude chez les musulmans qu’ils avaient atteint le savoir absolu. Mais aussi une crainte : celle de perdre toute cette richesse. Ce qui explique la profusion de compilations qui a dès lors figé le savoir et la culture. Ainsi, Ghazali mort en 1111, le champion intellectuel de l’orthodoxie sunnite, a lui-même procédé à une opération clôturante en réussissant une synthèse complète qui conciliait théologie et mystique. Il a écrit La Revivification des sciences de la religion , une oeuvre totalisante, qui se veut indépassée, proposant une morale théorique et pratique qui a servi à guider les musulmans pendant mille ans.
La deuxième étape capitale dans la clôture de l’islam, c’est le tournant XIIIe-xive siècle, avec le plus grand maître à penser des intégristes actuels, Ibn Taymiyya 1263-1328, un docteur originaire d’Harran Turquie, qui a vécu en Syrie. Ibn Taymiyya voulut purifier l’islam des apports étrangers, autant dire des emprunts qui ont fait la civilisation islamique. Il a d’ailleurs connu des procès parce qu’il était considéré comme excessif ! Il a été interdit de prêche et emprisonné à la fin du XIIIe siècle pour son interprétation de la répudiation, mais aussi pour sa condamnation des pèlerinages locaux qu’il jugeait être une « bid’a » , une « innovation condamnable » . Alors qu’aux premiers siècles de l’islam cette notion de bid’a , était très positive.

L’H. : Comment expliquer cette clôture du XIIIe siècle ? A-t-elle un lien avec la perte d’hégémonie de l’islam ?

A. M. : Oui. On explique les théories d’Ibn Taymiyya en raison des deux grandes menaces qui pesaient sur l’islam à son époque. Il est actif au moment même où les croisades prennent fin, au moment aussi du sac de Bagdad en 1258 par les Mongols et de la disparition de la dynastie abbasside. Il est difficile d’imaginer l’impact apocalyptique de cette invasion mongole, beaucoup plus destructrice et massive que les croisades, sur les musulmans. Même si les Mongols d’Iran et d’Irak se sont convertis à l’islam à la fin du XIIIe siècle, les populations d’Égypte et de Syrie, qui ont continué à vivre sous leur menace pendant tout le XIVe siècle, ne les considéraient pas comme de vrais musulmans.
Pour comprendre les effets de cette invasion, il faut avoir en tête un aspect très important de la pensée musulmane : la conviction que la puissance politique et militaire est un signe de l’élection divine. Au XIIe siècle, Averroès, par exemple, lorsqu’il théorise la notion de « guerre juste », interprète le jihad ainsi : « Nous sommes la civilisation la plus avancée, nous avons le devoir de la diffuser. » Or, ce sentiment, bien que conforté par la conquête de Constantinople en 1453, a commencé à s’éroder au XIIIe siècle avec l’invasion mongole. Mais ce n’est qu’au début du XVIIIe siècle, avec les défaites ottomanes en Europe, et surtout en 1798, avec l’expédition de Bonaparte en Égypte, que l’islam s’est rendu vraiment compte qu’il n’était plus « la » civilisation. Jusqu’à cette date, les apparences étaient sauves avec l’Empire ottoman.

L’H. : Les répercussions de la colonisation au XIXe siècle peuvent-elles être considérées comme une cause supplémentaire du verrouillage de l’islam ?

A. M. : Je ne pense pas. Pour les hommes d’État, les théologiens, les grands lettrés du XIXe siècle, ce fut avant tout un choc et un constat terrible : la civilisation est devenue occidentale et il est désormais nécessaire de s’occidentaliser. Mais comment le faire sans se trahir ?
De très grands théologiens ont alors souhaité revenir aux anciens, les salaf , d’où la création de ce terme de « salafiste », c’est-à-dire de fondamentaliste. Mais ces fondamentalistes n’avaient rien à voir avec les intégristes qui portent ce nom aujourd’hui. Ils étaient occidentalistes. Ces théologiens du XIXe siècle essayaient d’avoir la vision la plus ouverte possible de l’exégèse. Surtout en Égypte, où ils étaient fascinés par les principes des Lumières qu’ils utilisaient contre le despotisme local mais aussi contre les menées impérialistes et colonialistes des Occidentaux.
Pensons à l’Égyptien Mohamed Abduh 1849-1905 et à l’Iranien Al-Afghani 1838-1897 qui a eu une controverse avec Renan. Ce dernier, en 1862, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, dénonçait l’islam comme étant une forme rétrograde et dangereuse pour la civilisation. Al-Afghani lui a répondu que si la pensée arabe semblait être en déclin, la réforme était encore possible.

L’H. : Comment passe-t-on de ce fondamentalisme à l’intégrisme ?

A. M. : C’est en Égypte, le pays qui s’était pourtant le premier engagé dans la voie des réformes, qu’a eu lieu la métamorphose. En effet, c’est là qu’est né le mouvement des Frères musulmans, sous l’impulsion d’Hassan al-Banna, le premier idéologue de l’islamisme, en 1928. Ce mouvement réactionnaire s’est greffé sur le modernisme des élites égyptiennes et s’est défini en opposition avec ces dernières. Hassan al-Banna et ses disciples ont fait du jihad le sixième pilier de l’islam et ils ont restauré ce que l’on avait voulu éviter lors des controverses du IXe siècle, le takfir , l’excommunication du mauvais musulman.

L’H. : Dans leur haine de l’Occident, qu’est-ce qui est le plus insupportable pour les intégristes ? Sa puissance ou son idéologie ?

A. M. : Les deux. Et aussi l’idée selon laquelle tout ce qui a grandi en Occident était en germe dans l’islam classique. C’est pourquoi la vision du passé des islamistes est épurée de tout fait de civilisation, de tout ce qui se rapprocherait trop de l’Occident d’aujourd’hui. Ils ne conservent que la jurisprudence et la théologie la plus orthodoxe de l’islam, qu’ils ont dépouillées de tout ce qui avait fait sa grandeur.

L’H. : Et dans la démocratie libérale, qu’est-ce qui est le plus insupportable pour les intégristes ?

A. M. : Cela me dépasse. Je ne le comprends pas. Tout ce que je constate, c’est que les intégristes s’appuient sur tout ce qu’ils peuvent trouver d’exclusif dans la tradition. La seule théorie qui est claire chez eux, et qui suscite d’ailleurs une adhésion aveugle, c’est la hakamiyya , c’est-à-dire l’interprétation du verset qui dit « le pouvoir est à Dieu ». A partir de ce verset, ils concluent que la politique ne peut se faire qu’au nom de Dieu.
Ibn Khaldun, au XIVe siècle, citait lui aussi ce verset. Mais simplement pour souligner qu’il y a toujours une part d’énigme, de mystère, dans l’histoire, qui ne peut être expliqué par la raison, et qui appartient par conséquent à Dieu. C’est uniquement dans ce sens qu’il interprétait ce verset.

L’H. : Comment expliquer le succès de l’islamisme depuis les années 1970 ?

A. M. : Il me semble que la raison pour laquelle ce mouvement prospère, c’est qu’il s’agit d’une tradition qui s’est transformée en idéologie de combat à vocation universelle, cherchant à rassembler tous les exclus. Un messianisme révolutionnaire qui s’articule au messianisme religieux.

L’H. : L’acculturation de nombreux musulmans dans les pays occidentaux ne provoque-t-elle pas depuis quelques années une pensée plus ouverte, chez les intellectuels notamment ?

A. M. : Je ne peux pas penser un islam sur le sol européen qui ne s’européanise pas. Et ce phénomène peut avoir une incidence considérable sur l’islam en général. Mais pour cela, il ne faut pas abdiquer les principes modernes. Ce qui me constitue avant tout, c’est l’homme moderne et donc occidentalisé. Je sais que ma culture islamique peut me permettre d’affiner ma manière d’être dans le monde. Mon voeu est que cette part culturelle de l’islam puisse circuler pour tout le monde.

L’H. : Vous sentez-vous marginal ?

A. M. : Le livre que je viens de publier, Contre-Prêches , est constitué de chroniques qui ont été entendues à la radio par toute la rive sud de la Méditerranée, dans tout le Maghreb. Mon ouvrage précédent, La Maladie de l’islam , a été traduit en arabe. Et je n’ai encore jamais eu à subir une fatwa* !

L’H. : Contrairement à l’idée reçue, il n’y a donc pas d’incompatibilité entre l’islam et la liberté d’expression ?

A. M. : Il y a une incompatibilité lorsqu’on ne neutralise pas toute la violence coranique. L’intégrisme n’est pas tombé du ciel. On peut devenir intégriste en s’appuyant sur la textualité du Coran. Mais la Bible aussi est très violente. Ce qu’il faut, c’est évoluer, et nous sommes tous concernés. La Divine Comédie de Dante début du XIVe siècle, le Mahomet de Voltaire 1741, sont aussi très violents envers l’islam. Mais à l’époque de leur parution, cela n’atteignait pas les pays islamiques. Les Européens doivent relire tout cela dans ce monde transfrontalier qui est désormais le nôtre. Sans pour autant se défaire de ce patrimoine-là, mais peut être en le relisant différemment. Quant aux musulmans, ils doivent retrouver leur histoire.

Propos recueillis par Michel Winock.
Par Abdelwahab Meddeb

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 03:10
par wook
Je pense qu'il a raison sur un point essentiel. Les musulmans étaient convaincus que dieu leur avait accordé une supériorité globale à leur civilisation grâce au coran. Or la colonisation européenne a été un choc.
On est actuellement dans une période de transition où l'islam cherche à se retrouver, et la réponse ne viendra pas des combattants prêchant le djihad.
Je suis donc assez optimiste qu'avant la fin du siècle un mouvement intellectuel islamique, prêchant que l'islam n'est pas incompatible avec la vie dans les sociétés modernes, va supplanter le salafisme.

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 03:37
par yacoub
Un musulman qui critique l'islam, le Saint Coran ou Mahomet PBSL sera vu comme un apostat de cette Religion d' Amour de Tolérance et de Paix
or l'apostasie de l'islam est punie de mort en terre d'islam même si l'Afrique du Nord n'applique pas, vraiment, la Loi Divine à l'exception de la Mautritanie.

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 06:50
par spin
wook a écrit :Je suis donc assez optimiste qu'avant la fin du siècle un mouvement intellectuel islamique, prêchant que l'islam n'est pas incompatible avec la vie dans les sociétés modernes, va supplanter le salafisme.
Peut-être, mais il y a une déferlante totalitaire qu'il faut absolument endiguer...

à+

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 07:23
par indian
spin wook yacoub a écrit :
Je pense qu'il a raison sur un point essentiel. Les musulmans étaient convaincus que dieu leur avait accordé une supériorité globale à leur civilisation grâce au coran. Or la colonisation européenne a été un choc.
On est actuellement dans une période de transition où l'islam cherche à se retrouver, et la réponse ne viendra pas des combattants prêchant le djihad.
Je suis donc assez optimiste qu'avant la fin du siècle un mouvement intellectuel islamique, prêchant que l'islam n'est pas incompatible avec la vie dans les sociétés modernes, va supplanter le salafisme.[

Peut-être, mais il y a une déferlante totalitaire qu'il faut absolument endiguer...


Un musulman qui critique l'islam, le Saint Coran ou Mahomet PBSL sera vu comme un apostat de cette Religion d' Amour de Tolérance et de Paix
or l'apostasie de l'islam est punie de mort en terre d'islam même si l'Afrique du Nord n'applique pas, vraiment, la Loi Divine à l'exception de la Mautritanie.
Ca rappelle les Juifs et leur livre, les chrétiens et le leur... assuré d'être les choisis, les élus... bien qu'ils le furent touts à leur manière, à leur époques...
Bande de chanceux va...

Assez optimiste??? :mains: :mains: :mains:
La foi Baha'ie, né en Perse, naissante au travers l'Islam et considéré hérétique par ceux ci... et étant persécuté actuellement de manière horrible par le régime Iranien en est la preuve la plus tangible.
''Optimiste'' ? le mot me semble faible. J'oserai dire ''assuré'', ''rassuré''.. :wink:

La déferlante du terrorisme vous voulez dire?

Mauritanie...et les autres que vous oublié?
Et là ou de nombreux musulmans vivent en toute cohabitation...
Et la Jordanie? vous en faite quoi?

Il y a au moins des exceptions...
Voyons donc les toutes plutôt que de voir que les autres exceptions qui appliquent ce que vous dites

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 07:39
par Saint Glinglin
spin a écrit :Peut-être, mais il y a une déferlante totalitaire qu'il faut absolument endiguer...
Comme elle est encouragée par les USA, cela va être difficile.

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 07:54
par wook
Saint Glinglin a écrit : Comme elle est encouragée par les USA, cela va être difficile.
Contre histoire. L'islam a été violent avant les usa. L'islam a connu des affrontements anglants entre chiit et sunnit avant que les usa existent.
Mais c'est plus facile de suivre la théorie du complot officielle pour ne pas chercher à qui profite réellement la théorie du complot americano-sioniste :Bye:

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 10:27
par Numide Deiste
bsr,

Ils ne pourront s'en sortir qu'en faisant le choix de séparer l’état du religieux.
Voir aussi bombarder la Mecque, :shock: Je Rigole. (face) :fatiguer:

Re: Peut-on critiquer l'islam ?

Posté : 18 août15, 22:07
par yacoub
Saint Glinglin a écrit : Comme elle est encouragée par les USA, cela va être difficile.
:mains:
L'Arabie Saoudite est un protectorat des USA depuis 1945 encore esclavagiste.


L'esclavage a existé, aussi bien dans la Rome ou la Grèce antiques que dans l'Egypte Pharaonique.

Israël aussi a été esclavagiste mais actuellement des pays qui restent encore esclavagistes sont des pays de culture islamique.

L'abolition de l'esclavage n'a pas été accepté par Dar El Islam car c'est interdire ce qu'Allah permet
ce qui est presque aussi grave que d'autoriser ce que Allah interdit.

Et puis l'islam n'est pas raciste, il prend comme esclaves aussi bien les blancs que les noirs.
On ne peut parler de négriers.

Pour l'EI, violer une « esclave » fait plaisir à Dieu