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La naissance d’une Nation

Posté : 05 avr.18, 04:18
par Citizenkan
La naissance d’une Nation

(Partie 1)



Le judaïsme, le christianisme et l'islamisme ont été enfantés par cette branche de la famille sémitique constituée par les juifs et les Arabes.

Gustave Le Bon.[1]



L’Arabie heureuse, le (second) berceau de l’Humanité



…à la place d'un désert, les nouveaux arrivants ont trouvé un paradis terrestre constitué de grandes prairies. L'occupation de ce nouvel Éden aurait duré plusieurs millénaires avant que l'homme ne poursuive sa conquête du monde.[2] 



Le Prophète prédit que l’Heure de la fin du monde ne sonnera pas avant que la Péninsule arabique ne retrouve ses fleuves et sa végétation abondante.[3]



On a peine à se représenter l'Arabie autrement que comme une masse désertique de pierres et de sables, comme un brasier qui se consume lentement sous un soleil dévorant. Contrairement à beaucoup d'autres contrées du monde, c'est un pays où le rôle primordial de la terre a été confisqué au profit de la lumière et du ciel. Il semble avoir été façonné dans une substance immatérielle et ses horizons ressemblent moins à des paysages qu'à ces images incandescentes qui naissent au cœur du feu.

Pourtant, il n'en fut pas toujours ainsi. Car les historiens nous assurent qu'en des temps immémoriaux, quand l'Europe gisait ensevelie sous le linceul blanc de l'époque glacière, l'Arabie était une contrée verdoyante et fertile, irriguée par plusieurs fleuves, un pays souriant où les pâturages alternaient avec les forêts.

Quelle fut la vie de cette Arabie fraîche et boisée, où les sources bruissaient au fond des clairières ? Nous n'en savons rien, car aucun témoignage n'en est parvenu jusqu'à nous. Sans doute sa faune était-elle semblable à celle de l'Afrique et des Indes, entre lesquelles elle servait de trait d'union. On devait y rencontrer des mammouths et des aurochs, des buffles et des gazelles, des aigles et des léopards. Mais tout cela n'est plus.[4]



Paran



J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.

Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.

Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.

Victor Hugo



La Bible parlait déjà de cette plaque incandescente, qui, telle une chaudière flanquée dans le couloir du salon, fut maintenue à l’écart des grandes civilisations parsemées le long du Croissant fertile, et du pourtour méditerranéen : « L'Éternel est venu du Sinaï, Il s'est levé sur eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran. »[5]



Ces versets désignent les trois grands mouvements monothéistes qui ont jalonné l’Histoire de l’Humanité récente. Il compare leur impact sur le devenir des hommes à la rotation journalière du soleil, qui, à l’aube, apparait timidement. Puis, à mesure qu’il envahit le ciel, ses rayons dévorent l’ombre jusqu’à atteindre le zénith. Le Sinaï fait allusion à Moïse, Séir à Jésus qui vit le jour dans les environs de cette terre où poussent le figuier et l’olivier, et Paran à Mohammed, le dernier des prophètes. Le Coran rendra également hommage à ses trois localités que Dieu prend en serment : (Par le figuier et l’olivier • Par le mont Sinaï • Par ce pays paisible).[6] Ici, l’ordre chronologique est abandonné au profit d’une hiérarchie partant de la moins prestigieuse à la plus prestigieuse des manifestations du culte du Dieu unique : le christianisme, le judaïsme, et l’islam.



D’autres passages de l’Ancien Testament évoquent la montagne de Paran qui joua un rôle crucial dans l’échiquier de la prophétie que le Très-Haut mettait en place.[7] Entre autres, il y eut cette rencontre qui féconda, à l’abri des regards, le destin du dernier acte de la folle aventure des terriens. Passé inaperçu, le Pentateuque se chargea d’immortaliser ce dialogue qui opposa l’Ange Gabriel à Agar servante de Sara : « L'ange de l'Éternel la trouva près d'une source d'eau dans le désert, près de la source qui est sur le chemin de Schur. 8 Il dit : Agar, servante de Saraï, d'où viens-tu, et où vas-tu ? Elle répondit : Je fuis loin de Saraï, ma maîtresse. 9 L'ange de l'Éternel lui dit : Retourne vers ta maîtresse, et humilie-toi sous sa main. 10 L'ange de l'Éternel lui dit : Je multiplierai ta postérité, et elle sera si nombreuse qu'on ne pourra la compter. 11 L'ange de l'Éternel lui dit : Voici, tu es enceinte, et tu enfanteras un fils, à qui tu donneras le nom d'Ismaël ; car l'Éternel t'a entendue dans ton affliction. 12 Il sera comme un âne sauvage ; sa main sera contre tous, et la main de tous sera contre lui ; et il habitera en face de tous ses frères. 13 Elle appela Atta-El-roï le nom de l'Éternel qui lui avait parlé ; car elle dit : Ai-je rien vu ici, après qu'il m'a vue ? 14 C'est pourquoi l'on a appelé ce puits le puits de Lachaï-roï ; il est entre Kadès et Bared. 15 Agar enfanta un fils à Abram ; et Abram donna le nom d'Ismaël au fils qu'Agar lui enfanta. 16 Abram était âgé de quatre-vingt-six ans lorsqu'Agar enfanta Ismaël à Abram. »[8] Bien sûr, la version coranique est sensiblement différente de celle-ci qui concède, malgré tout, le mérite de poser les grandes lignes de ce qui conviendra d’appeler l’évènement fondateur de la civilisation islamique.



La muraille du désert protège Paran contre les grandes invasions



L’Arabie resta à l’écart de ces mouvements houleux se tramant le long du Croissant fertile qui apportait sa contribution à la civilisation. Repliée sur elle-même, immobile et silencieuse, elle se refusait au temps, au changement, à l’Histoire. Le monde civilisé ne parvenait pas à franchir le rideau de feu qui la dérobait aux regards. Parce qu‘elle demeurait inconnue, on la croyait heureuse. Le peu qu’on savait d’elle était vague et contradictoire. De temps à autre, un marchand venant des Indes, qui apportait à Tyr ou à Byblos des bijoux, de l’ivoire ou de la myrrhe, parlait avec émerveillement des royaumes qu’il avait traversés au cours de son voyage et faisait des descriptions enthousiastes des cités cachées derrière les sables du désert. Des scribes et des savants s’emparaient de ces légendes, et leur conféraient, sans contrôle, le sceau de leur autorité.



Voulant savoir quelles réalités se cachaient derrière ces fables, l’empereur Auguste chargea le proconsul d’Egypte Aélius Gallus d’envahir la péninsule pour s’emparer des citadelles dont on lui vantait la richesse. Le proconsul rassembla ses légions, leur ordonna de revêtir leurs lourdes cuirasses d’airain, et s’enfonça avec elles au mur de l’Arabie (4 avant J.C.). Il ne trouva qu’une terre stérile et désolée, habitée par des tribus sauvages, qui avaient à peine figure humaine. La plupart des légionnaires périrent de soif au cours de l’expédition. Les autres succombèrent à la chaleur et à l’épuisement. Leurs dépouilles, groupées par centuries, furent abandonnées aux oiseaux de proie. Les nomades qui passèrent par là, quelques semaines plus tard, trouvèrent leurs cadavres à moitié recouverts par le sable, serrant encore leurs glaives dans leurs poings décharnés. Sur le conseil d’Aélius, Rome renonça à conquérir la péninsule. L’Arabie demeura donc inviolée et isolée du monde, « car c’était une contrée aride et inhospitalière, un pays violent et cruel, peuplé d’habitants aussi violents et aussi cruels que leur pays ».

Là où il y avait un peu d’eau, un puits rond au milieu d’une oasis ou sur les plages, quelques tribus avaient réussi à bâtir des hameaux en brique et en torchis. Le reste de la population menait une existence misérable. Elle était constituée par des bergers nomades qui poussaient devant eux de maigres troupeaux, à la recherche d’une pâture plus maigre encore. Hirsutes, faméliques, et dénués de toute culture, leur seule richesse était leur vitalité. Mais celle-ci était immense, comme tout ce que le désert suscite au cœur de l’homme.[9]



À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Les plus anciennes traditions des Arabes ne remontent pas au-delà d'Abraham, mais la linguistique nous prouve qu'à une époque beaucoup plus reculée, toutes ces vastes régions comprises entre le Caucase et le sud de l'Arabie étaient habitées sinon par une même race, au moins par des peuples parlant la même langue. L'étude des langues dites sémitiques démontre en effet que l'hébreu, le phénicien, le syriaque, l'assyrien, le chaldéen et l'arabe ont une étroite parenté et par conséquent une commune origine.

Gustave Le Bon.

[2] Voir : http://www.lepoint.fr/actu-science/hist ... or=CS2-239

[3] Depuis les travaux pionniers de McClure en 1976 sur le climat de la Péninsule arabique, nous connaissons l’existence de deux périodes humides au cours des 30 derniers millénaires. Les lacs, de forme allongée, avaient parfois plusieurs kilomètres de longueur. D'après l'épaisseur des différentes couches, McClure estime que ces lacs ont pu avoir de l'eau en permanence durant un certain temps : de plusieurs années à plusieurs centaines d'années. On n'a retrouvé ni restes de poissons ni restes d'oiseaux, mais les os de Vertébrés sont assez abondants, avec une faune comprenant non seulement des oryx et des gazelles, mais aussi des bovidés et, même, le genre Hippopotamus, qui exige une eau permanente. McClure estime qu'à cette époque, en raison de pluies de mousson estivales assez marquées, les dunes, stabilisées, étaient couvertes d'une végétation arbustive ou herbacée du type actuel, mais beaucoup plus dense et luxuriante qu'aujourd'hui.  

Voir : http://www.persee.fr/docAsPDF/paleo_015 ... 1_4560.pdf

Voir également : http://books.openedition.org/cefas/1585 ... r#bodyftn4

[4] Jacques Benoist-Méchin, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume.

Les chasseurs du Rub Al-Khali chassaient l'oryx, la gazelle, le guépard, le chacal, l'hyène, le renard et l'autruche. Les lacs, nombreux, couvraient chacun plusieurs km2 et certains, comme celui de Jubba, étaient très vastes. Les données sont indicatrices d'eaux stagnantes, mais au-dessus elles témoignent de la présence d'eaux douces telles qu'on en trouve aux latitudes moyennes, avec des profondeurs de l'ordre de la dizaine de mètres.

Le chercheur Whitney remarque qu’en Arabie occidentale, une phase humide aurait permis l'établissement d'une couverture végétale assez dense, et aurait été ensuite remanié par le ruissellement.

Voir : http://www.persee.fr/docAsPDF/paleo_015 ... 1_4560.pdf

[5] Deutéronome ; 33.1-3 

[6] Les Figuiers ; 1-3

En exégèse à ce Verset, ibn Jarîr e-Tabarî souligne : « Ce pays paisible est épargné de se faire attaquer ou envahir par ses ennemis. Une autre hypothèse avance que paisible (amîn) à le sens ici d’abri, d’asile, de refuge. » Jâmi’ el bayân (30/341-342).

[7] Notamment : « Dieu vient de Témân, le Saint du mont Parân. Sa majesté comble le ciel. Sa louange emplit la terre. La lumière devient éclatante. Deux rayons sortent de sa propre main : c’est là le secret de sa force.» Habaquq ; 3.3-4

[8] La Genèse ; 16.7-16

« sa main sera contre tous, et la main de tous sera contre lui » semble être une malversation de : « sa main sera au-dessus de tous, et la main de tous sera sous la sienne. » Le sens est ainsi radicalement différent ! Par ailleurs, l’expression « âne sauvage » qu’André Chouraqui traduit par « onagre humain » est une transformation du terme hébreu para désignant la multitude, et qui colle mieux au contexte.

[9] Jacques Benoist-Méchin, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume.

Re: La naissance d’une Nation

Posté : 05 avr.18, 07:47
par Teo
Citizenkan a écrit :La naissance d’une Nation

(Partie 1)



Le judaïsme, le christianisme et l'islamisme ont été enfantés par cette branche de la famille sémitique constituée par les juifs et les Arabes.
Aucune civilisation n'a survécu jusqu'à nos jours, à part celle des Sémites.Toutes les Empires se sont écroulés, sauf l'Empire Sémite.


Bravo à ces Excellentissimes Semitic People :hi:

Re: La naissance d’une Nation

Posté : 05 avr.18, 21:02
par Citizenkan
La naissance d’une Nation

(Partie 2)



Paran, la destination d’Abraham



[Ne vois-tu pas qu’Allah compare une bonne parole, à un bel arbre aux racines profondes et dont les branches tendent au ciel • Pour donner des fruits en toute saison, avec la permission de Son Seigneur ; C’est ainsi qu’Allah se sert de paraboles pour pousser les hommes à la méditation • La mauvaise parole est, elle, comme un arbre malingre n’arrivant pas à se détacher du sol, la cause à des racines trop instables].[1]



Il y a des siècles, Abraham prit cette direction pour obéir à la Providence qui réservait un grand dessein à sa progéniture. Il avait traversé un long périple le menant, tout d’abord, à Harran (Carrhes) la cité sabéenne qui se trouve au sud-est de la Turquie actuelle. Ses habitants s’adonnaient au culte des astres du monde supérieur et à la pratique de la magie, l’astrologie qui représente la plus haute forme de sorcellerie.



Il chercha à les ramener à la raison : [je n’aime pas les astres qui se cachent][2], fustigea-t-il. Son peuple ne remettait pas en doute l’existence du grand Architecte, mais ils pensaient tirer quelques avantages de la déification du soleil, de la lune et des étoiles. Le père du monothéisme leur fit la démonstration qu’à chaque crépuscule, ils perdaient contact avec leurs dieux qui, des heures durant, étaient incapables d’entendre leurs plaintes et de connaitre leur situation, et, à fortiori, de les surveiller, de les protéger, et, d’une façon ou d’une autre, de leur dispenser un bien ou de les accabler d’un malheur. Dans de pareilles conditions, ces astres couchants ne sont pas dignes de vénération, si tant est qu’ils eussent un pouvoir quelconque !



Ses concitoyens ne voulaient rien entendre. Âzar, son propre père resta attaché à ses dieux éphémères. Le Patriarche passa à la manière forte. Le jour de la grande fête qui se tenait à l’extérieur de la ville, il s’était éclipsé pour s’introduire, loin des regards, dans le temple païen : [Il se glissa là où leurs divinités étaient plantées].[3] Il les détruisit une par une avant de disparaitre. Les soupçons tombèrent bientôt sur ce jeune effronté. On mit la main sur lui, et il fut décidé de le faire périr par les flammes. Un grand feu fut allumé devant une foule en effervescence : [Jetez-le au feu, s’écrièrent les idolâtres, et vengez vos idoles si vous êtes résolus à agir].[4] Il était impossible d’approcher ce bûcher qui dévorait le ciel. On eut donc recours à une catapulte qui fut actionnée par un bourreau. Le garçon invoqua alors : « Allah me suffit, Lui le meilleur des soutiens ! » Une fois dans les airs, il fut interpellé par Gabriel venu à son secours : « Que voudrais-tu à cet instant ?

Venant de Toi, rien, répliqua-t-il ! »[5]
 L’Archange lui-même ne parvint pas à entamer sa détermination inébranlable de se cramponner au plus fort de l’épreuve à Son Sauveur Bien-aimé sans se tourner vers aucune créature. Le Tout-Puissant décréta aussitôt : [Nous ordonnâmes alors : ô feu, sois d’une fraicheur inoffensive pour Ibrahim !].[6] Le stratagème des païens avait échouée : [Ils voulaient lui jouer un mauvais tour, mais Nous leur fîmes goûter une défaite humiliante][7] ; [Qu’on lui dresse un bûcher et qu’on le jette aux flammes, s’écria la foule • Décidée à lui jouer un mauvais tour, mais nous leur infligeâmes une défaite humiliante].[8] Abraham incarne le symbole de la fidélité, de la loyauté, et de la sincérité dans son combat au service du Créateur Tout-Puissant ; il ne peut que triompher et son triomphe résonne dans la nuit des temps pour éclairer la voie aux générations futures dans la quête et la défense de la vérité qui les amène à briser les idoles et à faire face aux tyrans.



[Et lorsqu’Ibrahim avertit son père et son peuple : je désavoue complètement ces dieux qui sont les vôtres • Moi, je m’oriente uniquement vers Celui qui m’a créé, car Lui seul me guide sur le droit chemin • Il en fit une parole qui devait se perpétuer dans les rangs de ses héritiers ; ainsi reviendront-ils vers Leur Seigneur][9] ; [Sachez, fustigea Ibrahim, que les dieux qui font l’objet de votre adoration • depuis vos lointains ancêtres • sont mes ennemis déclarés, car, moi, je n’en reconnais qu’un, le Maitre de l’Univers][10] ; [Telle est la preuve éclatante avec laquelle Nous avons armé Abraham contre son peuple ; Nous élevons en degré qui Nous voulons, car Ton Seigneur est Sage et Omniscient • Nous lui donnâmes pour enfant Isaac et Jacob que Nous guidâmes sur la bonne voie, comme Nous l’avions fait pour Noé auparavant ; et Nous mîmes dans sa descendance David, Salomon, Job, Joseph, Moïse, et Aaron ; c’est ainsi que Nous récompensons les hommes de bien • Ainsi que Zacharie, Jean-Baptiste, Jésus et Élie qui étaient tous des vertueux • Et Ismaël, Élisée, Jonas et Loth que Nous avons tous préférés au reste de l’Humanité].[11]



Le miraculé prit le chemin de l’exil en compagnie de son femme, Sâra, et Loth, son neveu qui étaient les seuls à avoir rallié sa religion. Ce noyau de la foi s’installa sur les terres de Canaan, la Palestine antique, ce pays ruisselant de lait et de miel. Plus tard, Loth se rendra à Sodome pour y prêcher le culte du Dieu unique. La famine conduisit son oncle en Égypte où régnait le roi Abimélec, l’ancêtre des Pharaons, qui, subjugué par la beauté de Sarah, voulait l’ajouter à son « Harem », déjà bien garni. Pour la sauver de ses griffes, le Patriarche employa un artifice ayant fait renoncer le despote à son projet macabre. « Elle est ma sœur, s’écria-t-il » Il n’avait pas menti. Elle était sa sœur en religion.



Abram avait déjà eu affaire à un tyran en la personne de Nemrod qui avait mis la Mésopotamie sous son joug implacable. Cet impétueux lui avait clamé au visage qu’il avait le pouvoir de vie et de mort sur ces sujets, au même titre que le Créateur des cieux et de la terre. La réplique qui confondit cet incrédule ne se fit pas attendre : [Dieu fait venir le soleil de l’orient, alors fais-le venir de l’autre côté].[12] 



Ismâ’îl, le père d’une grande nation



Dans la Thora, Élohim insiste sur la promesse qu’Il a nouée avec le Patriarche d’offrir à son fils Ishmael une descendance abondante : « A l'égard d'Ismaël, je t'ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l'infini ; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation. »[13] Le frère d’Isaac fut honoré au même titre que son père et Noé avant lui qui transmirent à leur postérité la foi et la prophétie : (Nous avons envoyé Nûh et Ibrâhîm et avons mis dans leur postérité la prophétie et le Livre),[14] relate le Livre saint des musulmans. Ailleurs, il entérine ce privilège accordé à Ibrahim : (Nous avons mis dans sa postérité la prophétie et le Livre).[15]



Sa progéniture sera aussi grande que le nombre des étoiles, note la Genèse : « Abram répondit : Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je m'en vais sans enfants ; et l'héritier de ma maison, c'est Eliézer de Damas. 3 Et Abram dit : Voici, tu ne m'as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier. 4 Alors la parole de l'Éternel lui fut adressée ainsi : Ce n'est pas lui qui sera ton héritier, mais c'est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier. 5 Et après l'avoir conduit dehors, il dit : Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit : Telle sera ta postérité. 6 Abram eut confiance en l'Éternel, qui le lui imputa à justice. »[16] Alors, revenons à la source.



L’enfant-sacrifice



« et Dieu dit à Abraham : et toi, tu garderas mon alliance, toi et la semence après toi, en leurs générations. Que tout mâle d’entre vous soit circoncis. Et vous circoncirez la chair de votre prépuce, et ce sera signe d’alliance perpétuelle. Et le mâle qui n’aura point été circoncis en la chair de son prépuce, cette âme sera retranchée de ses peuples : il aura violé mon alliance. Puis Abraham prit Ismaël, son fils. Il circoncit la chair de leur prépuce en ce même jour comme Dieu le lui avait dit. Abraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans lorsqu’il fut circoncis en la chair de son prépuce et Ismaël, son fils, était âgé de treize ans ». Genèse 17.9-14 



Sara était stérile, mais ce fut sa servante, Agar l’Égyptienne qui donna son premier enfant à son mari dont les prières avaient été exaucées : (Nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant enclin à la sagesse).[17] Tel père tel fils : (car Ibrahim était enclin à la sagesse et à la dévotion)[18] ; (car Ibrahim était enclin à la sagesse, à la dévotion, et au repentir).[19] Cette grande qualité fut mise à contribution chez ces deux hommes le jour de la grande épreuve : (Quelques années plus tard, au cours d’une marche, le père confia à la prunelle de ses yeux : Mon fils, je me suis vu en songe en train de t’immoler, alors vois ce qu’il y a lieu de faire. Père, dit l’enfant, fais ce qui t’est ordonné, je saurais dans l’épreuve, s’il plait à Dieu, m’armer de patience • Résignés les deux serviteurs s’exécutèrent, l’un le front posé sur le sol et l’autre la main armée d’une lame • Juste au moment où Nous appelâmes : Ibrahim, tu as concrétisé ta vision, et Nous savons rétribuer les bienfaiteurs • Il venait de passer une bien rude épreuve • Nous échangeâmes l’enfant contre une énorme offrande • Et nous laissâmes leur souvenir dans les générations futures • Paix à Ibrâhîm ! • Nous savons rétribuer les bienfaiteurs • Lui qui comptait parmi nos pieux serviteurs • Nous lui annonçâmes ensuite la naissance d’Ishâq, un vertueux qui compta au nombre des prophètes • Nous bénîmes le père et le fils qui connurent dans leur descendance, des bienfaiteurs et d’autres qui se firent manifestement du tort à eux-mêmes).[20]



À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Ibrâhîm ; 24

[2] Le bétail ; 76

[3] Les rangées d’anges ; 91

[4] Les prophètes ; 68

[5] El Baïhaqî cite l’anecdote d’Ibrahim dans shu’ab el îmân (2/104).

[6] Les prophètes ; 69 Le hadîth sur le sujet est rapporté par el Bukhârî (4563).

[7] Les prophètes ; 70

[8] Les rangs ; 97-98

[9] Les ornements ; 26-27

[10] Les poètes ; 75-77

[11] Le bétail ; 83-86

[12] La vache ; 258

[13] La Genèse ; 17.20

Voici les termes de la version de la Bible d’André Chouraqui qui s’avère plus littérale et plus typique : « Quant à Ishma’él, je l’ai entendu : voici, je l’ai béni, je le fais fructifier, je le multiplie beaucoup, beaucoup. » (N. du T.)

[14] Le fer ; 26

[15] L’araignée ; 27

[16] La Genèse ; 15.2-6

[17] Les rangées d’anges ; 101

Ismâ’îl fut qualifié de halîm que nous traduisons par « sage », mais qui prend en fait des sens multiples comme magnanime (qui est enclin au pardon comme le souligne e-Sa’dî), longanime (qui supporte ce qu’il pourrait réprimer, nous apprend el Baghawî), ou qui se résigne, fait preuve de patience et d’une maitrise de soi. Ismâ’îl est, en effet, patient : [évoque également la mémoire d’Ismâ’îl, d’Élisée, et de Dhû el Kifl, l’élite de Mes serviteurs] [Sâd ; 48]. Le Coran a donc reconnu à Ismâ’îl la qualité de patient comme Il lui a accordé ailleurs de respecter ses engagements : [Rappelle également, telle qu’elle est cité dans le Livre, l’histoire d’Ismâ’îl qui était sincère dans ses engagements] [Mariam ; 54]. Il avait promis à son père d’endurer patiemment son épreuve.

[18] Le repentir ; 114

D. Masson explique en ces termes le sens de awwah – que nous avons traduit par « dévoué », mais qui a aussi le sens d’humilité : « celui qui gémit, qui soupire, et qui implore la miséricorde de Dieu. » Elle corrobore ainsi l’exégèse des grands spécialistes à l’exemple d’el Baghawî et du linguiste exégète e-Râghib el Asfahânî dans Mufradât alfâdh el Qurân.

[19] Hûd ; 75 

« repentant » est l’un des sens de munîb, mais de façon plus général il signifie « revenir à Dieu ».

[20] Les rangées d’anges ; 102-113

Certains exégètes avancent que l’événement s’est produit quand Ismaël a atteint l’âge de treize ans. Toutefois, le début du premier Verset peut avoir d’autres significations. Il peut vouloir dire : quand le père l’a emmené jusqu’au pied de la montagne, ou quand il devint vieux.

Le jour de la Conquête de la ville Sainte, le Prophète (r) a trouvé les cornes du fameux bélier d’Abraham à l’intérieur de la Kaaba. Il s’est alors adressé au gardien du Temple en ces termes : « Je t’ordonne de recouvrir les cornes du bélier, car rien ne doit distraire le fidèle dans la direction de la Qibla. » L’endroit où s’est produit l’événement sert de rite depuis l’époque d’Ismaël, qui, avec son père, a construit le Temple, nous dit explicitement le Coran.

Re: La naissance d’une Nation

Posté : 06 avr.18, 21:53
par Citizenkan
La naissance d’une Nation

(Partie 3)  



La naissance miraculeuse



« Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. 5 Abraham était âgé de cent ans, à la naissance d'Isaac, son fils. 6 Et Sara dit : Dieu m'a fait un sujet de rire ; quiconque l'apprendra rira de moi. » Genèse ; 21.4-6



Le Coran met en exergue la naissance miraculeuse d’Isaac, le père d’une nation savante, alors que son frère ainé suscitera une nation sage. Un jour qu’il se trouvait chez lui en Palestine, le Patriarche reçut la visite de deux anges sous une apparence humaine pour lui annoncer une future naissance : (Sa femme, qui se tenait à côté, se mit à rire à l’annonce que Nous lui fîmes de la naissance d’Ishâq et de Ya’qûb après lui • Comment est-ce possible, s’exclama-t-elle, d’avoir un enfant à un âge si avancé ? Mon mari lui-même est déjà très vieux !)[1] ; (Leur attitude éveilla en lui quelque frayeur qu’ils dissipèrent aussitôt : « N’ais pas peur ! » Ils lui annoncèrent la naissance d’un enfant enclin au savoir. Là-dessus, sa femme surgit avec les mains se frappant le visage : « Quoi, s’écria-t-il, je ne suis qu’une vieille femme stérile! »)[2] ; (Ne sois pas effrayé, le rassurèrent-ils ! Nous sommes venus pour t’annoncer la naissance d’un enfant enclin au savoir • Votre annonce est vraiment déconcertante, car je suis tellement vieux ! – Nous te disons la vérité, répliquèrent-il, alors ne t’enferme pas dans le désespoir »)[3] ; (À la suite de ses prières, Nous lui fîmes don d’Ishâq auquel Nous ajoutâmes Ya’qûb qui compléta, par Nos soins, une chaine d’éléments pieux)[4] ; (Nous lui fîmes don d’Ishâq et de Ya’qûb après lui, et Nous mîmes dans sa postérité la prophétie et le Livre. Nous le rétribuâmes sur terre, et dans l’au-delà il comptera parmi les pieux).[5]



Bref, les annales islamiques racontent que Sâra fut très contrariée par l’accouchement d’Ismaël. Pour atténuer sa jalousie, Ibrahim prit l’enfant et sa concubine pour les emmener à la Mecque actuelle. Sur place, il reçut l’ordre, des années plus tard, de tuer son fils.



Béer-Shéva, le miracle de Zem-Zem



[Et quand Ibrahim s’écria : Seigneur, montre-moi comment Tu fais revivre les morts ! N’aurais-tu pas la foi, demanda Dieu ? Si, assura-t-il, mais je souhaite simplement apaiser mon cœur. Soit, répondit le Très-Haut alors prends quatre oiseaux que tu découperas en morceaux pour les disperser sur chacune des collines avoisinantes ; puis appelle-les, et ils te viendront aussitôt, afin que tu saches qu’Allah est Puissant et Sage].[6]



« 21:14 Abraham se leva de bon matin ; il prit du pain et une outre d'eau, qu'il donna à Agar et plaça sur son épaule ; il lui remit aussi l'enfant, et la renvoya. Elle s'en alla, et s'égara dans le désert de Beer Schéba. 21:15 Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle laissa l'enfant sous un des arbrisseaux, 21:16 et alla s'asseoir vis-à-vis, à une portée d'arc ; car elle disait : Que je ne voie pas mourir mon enfant ! Elle s'assit donc vis-à-vis de lui, éleva la voix et pleura.  21:17 Dieu entendit la voix de l'enfant ; et l'ange de Dieu appela du ciel Agar, et lui dit : Qu'as-tu, Agar ? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l'enfant dans le lieu où il est. 21:18 Lève-toi, prends l'enfant, saisis-le de ta main ; car je ferai de lui une grande nation. 21:19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d'eau ; elle alla remplir d'eau l'outre, et donna à boire à l'enfant. 21:20 Dieu fut avec l'enfant, qui grandit, habita dans le désert, et devint tireur d'arc. 21:21 Il habita dans le désert de Paran, et sa mère lui prit une femme du pays d'Égypte. »[7]



Paran, une terre aride et paisible



Le saint Coran dépeint ce coin perdu du désert de Paran avec une précision chirurgicale : (Et quand Nous fîmes de la Maison Sacrée un asile pour les hommes et une terre paisible. Prenez la station d’Ibrahim pour lieu de prière. Nous prîmes sur Ibrahim et Ismâ’îl le serment de purifier Ma Maison à l’attention des fidèles venus pour les tours rituels, le recueillement, la retraite, et la prière • Et quand Ibrahim dit : Seigneur ! Rends cette terre paisible et procure de bons fruits à ses habitants, ceux parmi eux qui auront cru en Allah et au Jour dernier. Le Seigneur répondit : Je laisserais à ses habitants impies profiter des jouissances éphémères avant de les jeter dans les tourments de l’Enfer où ils connaitront un sort funeste !)[8]



Les voies du Seigneur sont impénétrables. Le Patriarche avait reçu l’injonction d’abandonner son fils et sa servante dans une contrée isolée en marge de l’Humanité. Puis, le grand-père de Jacob retourna sur les terres de Canaan pour y écrire l’Histoire. Il avait pour mission d’y déposer sa seconde graine. Il venait de mettre la première sur un rocher brûlant qui deviendra, à l’avenir, un carrefour spirituel accueillant les pèlerins de tous les horizons. Le décor se mettait en place : (Et pendant qu’Ibrahim et Ismâ’îl élevaient les fondations de la Maison sacrée, ils imploraient : Seigneur, acceptes cet humble ouvrage, Toi le Dieu Entendant et Omniscient ! • Seigneur, soumet-nous à Ta Volonté, ainsi qu’une partie de notre postérité, fais-nous voir nos rites, et pardonne-nous, car Tu es Absoluteur et Tout-Miséricordieux • Seigneur ! Envoie-leur un Messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la Sagesse, et qu’il les purifie, Tu es certes le Dieu  Puissant et Sage)[9] ; (Le premier Temple fondé au service des hommes se trouve à Bekka, une bénédiction et une direction pour l’Humanité • Tout indique l’identité de son fondateur, à l’exemple de la Station d’Ibrahim. Quiconque y entre est en paix. Le pèlerinage à la Maison sacrée est un devoir envers Dieu pour tous les hommes qui en ont les moyens ; ils ont beau le renier, ils n’enlèveront rien au royaume de Dieu qui se passe aisément de l’Humanité)[10] ; (Voyez ce pacte des Quraychites • Qui leur assure le cheminement de leur caravane hiver comme été • Qu’ils adorent donc le Dieu de cette Maison • Qui a apaisé leur faim et les mis à l’abri de la peur)[11] ; (Si nous devions suivre la bonne voie à tes côtés, prétextent les idolâtres, nous serions arrachés à nos terres, mais ne les avons-Nous pas établis sur une terre sacrée et paisible où s’amoncèlent les fruits de toute part, par un effet de Notre grâce ? Sauf que la plupart d’entre eux ne savent pas)[12] ; (Ne voient-ils pas que Nous avons rendu ce pays sacré et paisible pendant que tout autour les hommes se déchirent entre eux. Vont-ils persister, dans la voie du mensonge, à renier les bienfaits du Seigneur ?).[13]



Le pèlerinage à La Mecque, un rite ancestral



Selon ibn ‘Abbâs : « La mère d’Ismâ’îl fut la première femme à utiliser une ceinture ; elle s’en était servi pour effacer ses traces aux yeux de Sara. »[14]



L’historiographie musulmane enregistre qu’Ismâ’îl a été élevé dans le désert de Farân, le pays de La Mecque, lieu de pèlerinage depuis l’époque d’Abraham. Les Arabes notamment, mais aussi les prophètes à l’instar de Moïse fils d’Amran et de Jonas fils d’Amitthaï, se rendaient au Sanctuaire sacré pour y accomplir les rites prescrits par le Tout-Puissant. Lors d’un voyage, raconte ibn ‘Abbâs, la caravane dirigée par le Prophète de l’Islam (r) passa près de wâdî el Azraq : « Quel est ce wâdî (vallée), lança-t-il à ses Compagnons ?

C’est le wâdî d’el Azraq, lui assurèrent-ils.
J’ai l’impression de voir Moussa (u) en train de descendre le versant de la montagne les doigts dans les oreilles. Pendant toute la traversée de la vallée, il veillait à lever la voix à la gloire du Seigneur (I) pour faire entendre au loin la formule liturgique du pèlerinage (talbiya). »
Plus loin, poursuit le rapporteur de l’évènement, nous arrivâmes près du versant d’une autre montagne : « comment s’appelle cet endroit, s’enquit l’Élu ?

C’est Harsha.
J’ai l’impression de voir Yûnas ibn Matta sur une chamelle blanche dont la bride était en fibre ; habillé d’un manteau en laine, il faisait la talbiya en traversant la vallée. »[15]
Une version offre le portrait de Moïse : « Moussa, un homme brun et trapu, était monté d’un chameau roux tenu par une bride en fibre. »[16]



Les textes scripturaires nous apprennent que même Jésus devra s’y rendre à l’occasion de son retour sur terre : « par Celui qui détient mon âme entre Ses Mains, ibn Mariam va se sacraliser à partir du défilé de Rawha pour entreprendre le grand ou/et le petit pèlerinage. »[17]

Depuis l’avènement de Mohammed (r), le hadj incombe à tous les musulmans ; les pèlerins de toute la planète s’y rendent pour répondre à l’appel de l’Ami de Dieu, Abraham : [Et lorsque nous indiquâmes à Ibrahim l’endroit de la Maison, Nous lui enjoignîmes de ne partager le culte avec aucune idole, et de purifier Ma Maison à l’attention des fidèles venus pour les tours rituels et la prière qu’ils observent debout, inclinés et prosternés • Lance un appel aux hommes qui viendront à pied ou à dos de chameau, affluant des horizons les plus reculés • Afin qu’ils jouissent, sur place, de multiples bienfaits, et qu’ils évoquent, les jours fixés, le Nom d’Allah au moment d’immoler une bête prise sur les troupeaux dont Il leur a fait grâce ; profitez de sa viande et distribuez le reste aux plus démunis].[18] Cette annonce est un miracle si l’on sait que La Mecque est aujourd’hui l’un des endroits les plus visités au monde. Il n’en a pas toujours été ainsi.



Nous avons vu plus haut que pour échapper à la jalousie naissante de la noble Sarah, Abraham emmena sa concubine portant son nourrisson dans ses bras sur un rocher perdu où il n’y avait âme qui vive. Il les installa à l’ombre d’un arbre dans les hauteurs de l’actuelle mosquée. Il leur laissa un sac de dattes et une outre remplie d’eau, avant de prendre le chemin du retour. Hagar, qui marcha dans ses pas, l’interpella : « Ibrahim, où vas-tu ? Nous laisses-tu dans cette vallée où il n’y a rien ni personne ? » Ses cris de détresse restèrent sans réponse. Son mari ne se retourna même pas. Elle insista, en vain, à plusieurs reprises : « Est-ce Dieu qui t’a ordonné d’agir ainsi, s’exclama-t-elle dans un geste de résignation ?

Oui, confirma-t-il.
Hé bien, Il ne nous abandonnera pas. »


Après ces mots, elle revint sur ses pas. Ibrahim s’en alla, et s’arrêta sur le versant de la montagne en veillant à ne pas être vu. Ce dernier se retourna en direction du futur Temple pour implorer en ces termes : (Seigneur ! J’ai installé une partie de ma postérité dans une vallée aride, auprès de Ta Maison sacrée, Seigneur, afin qu’ils observent la prière. Dirige vers eux le cœur de certains hommes, et procure-leur de bons fruits en guise de subsistance ; ainsi seront-ils reconnaissants).[19]



À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Hûd ; 71-72

Il s’agit dans cet épisode de Sarah fille de Hârân fils de Ahwar, qui fut mariée à son cousin Ibrahim (Voir Tafsîr el Baghawî qui précisent notamment que Saraï se tenait derrière un rideau).

[2] Les vents éparpillés ; 28

Selon certains exégètes, elle ne fit que crier d’où elle était, sans se montrer à ses visiteurs, mais par un effet de rhétorique, ce fut sa voix qui se serait déplacée.

[3] El Hijr ; 53

[4] Les Prophètes ; 72

[5] L’araignée ; 27

[6] La vache ; 260

[7] La Genèse ; 21.14-21

[8] La vache ; 125-126

[9] La vache ; 127-129

[10] La famille d‘Imrân ; 96-97

[11] Les Quraychites

[12] Les récits ; 57

[13] L’araignée ; 67

[14] Voir : Fath el Bârî (6/400-401).

[15] Rapporté par el Bukhârî (n° 5913) et Muslim (n° 166).

[16] Cette version revient à el Bukhârî.

[17] Rapporté par Muslim (n° 1252).

[18] Le pèlerinage ; 26-28

[19] Ibrahim ; 37

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Re: La naissance d’une Nation

Posté : 07 avr.18, 22:15
par Citizenkan
La naissance d’une Nation

(Partie 4)  

 

Hagar allaita son bébé et épuisa l’eau de son outre. Tous deux furent pris par la soif. Comme elle le voyait se tordre de douleur, elle s’éloigna de lui pour ne pas souffrir ce triste spectacle. Elle se rendit à Safa qui était le monticule le plus proche ; elle grimpa dessus pour dominer la vallée du regard et chercher de l’aide, mais elle ne vit personne. Elle se déplaça. Une fois en bas de Safa, elle se retrouva dans l’oued. Elle leva un empan de son vêtement et se mit à courir à perdre haleine, car d’en bas, elle ne voyait plus son fils. De l’autre côté de l’oued, Marwa se dressait devant elle. Elle l’escalada pour scruter l’horizon, dans l’espoir de trouver quelqu’un, mais en vain. Sa détermination resta intacte, elle revint sur ses pas et réitéra le même parcourt à sept reprises.



« C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, les pèlerins font le parcours entre Safa et Marwa. », explique  un propos prophétique. Arrivée enfin sur le mont Marwa, elle entendit un bruit. « Chut ! » se dit-elle a elle-même.  Après l’avoir entendu à nouveau, elle s’écria : « Tu t’es fait entendre, si tu as quelques secours à proposer. » Elle se retrouva face à l’ange qui tâta le sol du talon – ou de l’aile –, et l’eau se mit à jaillir. Elle l’entoura de ses mains et remplit son outre à ras-bord. Elle chercha à contenir cette source qui se formait sous ses yeux : « Zam (stop) ! Zam ! », mais sans succès.

 

Selon ibn ‘Abbâs, le Prophète (r) commenta : « Qu’Allah fasse miséricorde à la mère d’Ismâ’îl, si ses mains n’avait pas touché à la source pour y puiser l’eau, Zem-zem coulerait aujourd’hui en surface. »[1] Elle en but, reprit-il, et allaita son bébé.



« Ne craignez rien, vous ne serez pas laissés à l’abandon, dit l’ange, à cet endroit se trouve la Maison d’Allah que cet enfant et son père vont édifier. Allah ne laissera pas ses habitants à l’abandon. » Une fois (re)construit, le haut édifice de la Kaaba dominait comme une colline. À la saison des pluies, les torrents le contournaient de part et d’autre.



Avec le temps, le puits de Zem-zem fut enseveli, mais ‘Abd el Muttalib le grand-père du Prophète (r) lui redonna vie. La distribution de l’eau (siqâya) revint à son fils el ‘Abbâs et à sa postérité. Il avait la charge de distribuer Zem-zem et l’eau potable ; la tradition (sunna) recommande d’en boire.



La vision d’Abd el Muttalib :



Sur le chemin du retour, une caravane de la tribu yéménite Jurhum avait fait halte non loin de l’endroit où se produisit le miracle. Un oiseau qui tournoyait dans le ciel leur indiquait, à leur grande surprise, qu’il y avait un point d’eau juste en dessous de lui. Pourtant, aucune source n’était signalée dans la région. Pour étancher leur curiosité, ils envoyèrent deux hommes en reconnaissance. Ceux-ci découvrirent un puits près duquel se tenait une femme. Ils se rapprochèrent et lui demandèrent l’autorisation de s’installer près d’elle. Elle accepta, elle qui avait besoin de compagnie, sans oublier de leur rappeler au passage que cette fontaine souterraine ne leur appartenait pas. Ils se plièrent à sa volonté et allèrent chercher le reste de la caravane.[2] Jurhum était une branche de la tribu Qahtân dont les membres sont les descendants des Arabes primitifs.[3] Ismâ’il grandit au milieu d’eux, il apprit leur langue et prit une de leurs filles pour épouse. Ses descendants, dont ‘Adnân l’ancêtre de Mohammed (r) est issu, sont les Arabes d’adoption.[4] Après la mort de sa mère, Ismâ’il aida son père Ibrahim à élever les fondations de la Kaaba.



La Mecque commençait à grandir, mais ses habitants respectaient de moins en moins son caractère sacré. Ils encourraient la punition divine et durent quitter les Lieux saints, car comme son nom l’indique, Mekka éteint l’ardeur des tyrans ou selon une autre hypothèse, elle chasse les pervers de son enceinte.[5] La tribu des Banû Bakr aidés des Ghabashân – tout deux issus des Khuzâ’a – décidèrent de se faire justice eux-mêmes et expulsèrent les Jurhum de l’enceinte sacrée. Après vingt et un siècle de règne des Jurhum, les Khuzâ’a prenaient le relais de l’entretien du Temple.[6] Conscient d’une défaite certaine, le roi Mudhâdh ibn ‘Amr el Jurhumî avait pris soin, avant de se sauver au Yémen (qui était la terre de ses ancêtres), de dissimiler ses richesses dans le puits de Zam-zam. Puis, il l’ensevelit pour interdire à ses ennemis l’accès à la source principale en eau de la ville.[7] Trois cents ans plus tard, naquit Qusaï ibn Kilâb qui grandit aux frontières du Shâm (l’ancienne Syrie). Armée d’une forte personnalité, il allait changer le destin de La Mecque. De la descendance de ‘Adnân de la lignée d’Ismâ’îl, il se maria dans un premier temps à la fille du gouverneur de la Ville sainte qui, comme nous l’avons vu, revint aux mains des Khuzâ’a. Ce fut par se biais qu’il bâtit sa renommée auprès de ses concitoyens. Il devint riche, et monta très vite les échelons dans la société.



Un beau jour, la tribu de Khuzâ’a se retourna contre lui. Les historiens donnent plusieurs explications à cette rupture. Pour certains, Qusaï aurait voulu reprendre le règne de son ancêtre Ismâ’îl ; pour d’autres, son gendre lui aurait fait hériter de l’entretien du Temple et des Lieux saints ; d’autre enfin avancent qu’un des membres de Khuzâ’a lui aurait vendu la Ka’ba en échange d’une cruche de vin. Quoi qu’il en soit, furieux, les Khuzâ’a prirent les armes aux côtés des Banû Bakr. En face, Qusaï avait monté une armée de Qurayshites et obtint le soutien des Kinâna. De violents combats eurent lieu. Ils se soldèrent par la victoire de Qusaï. Après arbitrage, les antagonistes renoncèrent au prix du sang ; l’entretient du Temple revint aux descendants d’Ismâ’îl, les Qurayshites et l’administration de la ville aux Khuzâ’a. La renommée des Qurayshites, qui s’étaient emparés de la capitale économique et spirituelle des Arabes, prenait de l’ampleur à travers toute la Péninsule.[8]



Or, à cette époque Zam-zam était toujours introuvable. Après la mort de Qusaï, ses enfants se partagèrent, non sans tension, l’administration des Lieux saints. Aux Banû ‘Abd Manâf revenait l’approvisionnement des pèlerins en eau (siqâya). Shaïba el Hamd ibn Hâshim ibn ‘Abd Manâf ibn Qusaï fut élevé dans le giron de son oncle el Muttalib, à qui il doit le surnom d’Abd el Muttalib (le serviteur d’el Muttalib). Quand Abd el Muttalib, qui deviendra le grand-père de l’Envoyé (r), hérita de son oncle la fonction de siqâya, il ne savait pas qu’un grand destin l’attendait.



Cet évènement n’a pas échappé au chroniqueur ibn Ishâq qui l’a répertorié en intégralité. Il nous raconte qu’un jour, le grand-père de l’Ami d’Allah (r) entra dans le Hijr de la Kaaba pour y faire un somme.[9] Il vit en songe qu’on lui demandait de déterrer Taïba, mais il ne savait pas à quoi ce nom correspondait. Le lendemain, le même rêve se renouvela, mais cette fois il s’agissait de Barra. Il vécut la même chose les deux jours suivants, et à chaque fois l’endroit qu’il fallait déterrer changeait de nom ; il s’agissait pour la troisième nuit de Madhnûna, et pour la quatrième de… Zamzam.[10]



Ce nom étrange demeurait pour lui une énigme que sa vision nocturne, désormais coutumière, allait résoudre. La nuit suivante, il vit le lieu où il fallait creuser. Le lendemain, il se rendit à l’endroit en question accompagné d’el Hârith, qui était alors son seul fils. Il se mit à creuser et dès qu’il découvrit le puits, il proclama la grandeur d’Allah. Les Qurayshites comprirent qu’il avait atteint son but. Ils vinrent à sa rencontre et lui rappelèrent que ce puits appartenait à leur ancêtre Ismâ’îl, et qu’ils avaient dessus autant de droits que celui qui l’avait retrouvé. Il y avait déniché notamment deux gazelles en or qui appartenaient à la tribu de Jurhum. Ils y avaient caché également leurs sabres et leurs armures…[11] Avant d’entamer les recherches, Hishâm avait fait le vœu à Dieu que s’il menait sa mission à bien et qu’il engendrait dix enfants mâles, d’en égorger un par reconnaissance envers Ses bienfaits immenses.



Après l’histoire du puits, ibn Hâshim avait gagné l’estime de ses concitoyens et le rang des Banû ‘Abd Manâf grandissait jour après jour. Il engendra dix enfants mâles et devait désormais remplir son vœu. Il tira au sort pour désigner lequel de ses fils devait mourir. À chaque fois, le sort désignait celui qui était le plus cher à ses yeux ; celui-là même qui, plus tard, mettra au monde le sceau des Prophètes : c’était ‘Abd Allah ! Les oncles de l’enfant et les notables de Quraysh cherchèrent à l’en dissuader. Il décida alors de tirer au sort pour choisir lesquels entre ‘Abd Allah ou cent chameaux devait-il sacrifier. Le décret d’Allah porta sur les bêtes,[12] ‘Abd Allah fut sauvé, car l’humanité attendait l’avènement prochain de son fils, ce qui en soit est un signe précurseur à sa prophétie. La prière de ses ancêtres Ibrahim et Ismâ’il devait ainsi être exaucée : [Seigneur ! Envoie-leur un Messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la Sagesse, et qu’il les purifie, Tu es certes le Dieu Puissant et Sage].[13]



« A l'égard d'Ismaël, je t'ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l'infini ; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation. »[14]



Abraham, qui avait réussi ses durs « travaux », devint un exemple pour tous les adeptes du monothéisme jusqu’à la fin du monde. Le Coran lui rend hommage à maints endroits : [N’avions-nous pas déjà offert à la famille d’Ibrâhîm le Livre et la sagesse, en plus d’un vaste royaume ?][15] ; [qui vous a élu sans ne vous accablez de la moindre gêne dans votre religion qui est celle de votre père Abraham, lequel vous a donné dans les Écritures antérieures le nom de musulmans que vous gardez encore dans ce Livre, afin que le Prophète soit témoin que le message vous ait été transmis, et que vous-mêmes soyez témoins que les hommes l’aient bien reçu][16] ; (Qui donc se détournerait de la confession d’Abraham à moins d’être un insensé, Nous l’avons élu ici-bas, et, dans l’autre monde, il siègera parmi les justes • Lorsque Son Seigneur lui ordonna de se soumettre, il répondit promptement, je me soumets au Seigneur de l’univers • Abraham, et Jacob par la suite, fit cette recommandation à ses fils : Mes Enfants, Dieu a choisi pour vous cette religion, alors soyez-y soumis jusqu’à la mort).[17]





Couvés à l’ombre du grand théâtre qui se jouait à ciel ouvert sur la carte du monde, le temps était enfin venu pour les Arabes de la Péninsule d’entrer en scène afin d’écrire leur propre page dans le grand registre de l’Histoire des hommes. Les plans du Seigneur sont impeccables.

                           

Par : Karim Zentici

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[1] Voir : Fath el Bârî (6/402).

[2] Rapporté par el Bukhârî (n° 3364).

[3] Qahtân est mentionné dans l’Ancien Testament sous le nom de Yoqtân (voir : la Genèse ; 10.26).

[4] Voir : Fadhâil mâ zam-zam (p. 24).

[5] Voir : Fadhâil Makka du D. Mohammed Ghabbân (1/23-28).

[6] Voir : Fadhâil mâ zam-zam (p. 28).

[7] Voir : Târîkh el Ka’ba du D. Husnî el Kharbûtlî.

[8] Voir : Sîra ibn Hishâm (1/247-249).

[9] Le Hatîm est la partie non finie de la Ka’ba qui entre dans les fondations d’Ibrahim. Il fut appelé ainsi, car il fut détruit (ihtatama) par les inondations et le Hijr doit son nom au mur qui l’entoure. Avant l’avènement de Mohammed (r), les Quraïshites manquaient de moyens pour reconstruire cette partie, car ils n’acceptaient que l’argent honnête. Ils furent obligés de réduire la façade nord et montèrent à l’endroit des fondations un mur qui resta tel quel jusqu’aujourd’hui. Ils lui donnèrent le nom de Hijr Ismâ’îl. Cette appellation fait probablement allusion à la fable selon laquelle le fils d’Ibrahim y serait enterré avec un certain nombre de prophètes. Cette histoire n’est pas crédible, si l’on sait que le Hijr doit son nom à la partie manquante de la Ka’ba.

[10] Voir : Akhbâr Makka d’el Azraqî (2/44-46), Dalâil e-Nubuwwa d’el Baïhaqî (1/93), Sîra ibn Hishâm (1/89-90), el bidâya wa e-nihâya d’ibn Kathîr (2/227).

[11] Cette version est rapportée dans Akhbâr Makka d’el Azraqî.

[12] Idem. (2/42-43).

[13] La vache ; 129

[14] La Genèse ; 17.20

[15] Les femmes ; 54

[16] Le pèlerinage ; 78

[17] La vache ; 130-132