Je volerai bientôt, pour dire tes louanges
Quand le jour sans couchant sur mon âme aura lui
Alors je chanterai sur la lyre des Anges
L’Éternel Aujourd’hui !...
(Thérèse de l'Enfant Jésus)
Il avait fort neigé (hier jour des Cendres), et la cour était couverte d'un grand pied de neige. Jean vint au milieu, et balaya certaine petite place emmi la neige, et jeta là de la graine à manger pour les pigeons, qui vinrent tous ensemble en ce réfectoire-là prendre leur réfection avec une paix et un respect admirables.
Je m'amusai à les regarder. Vous ne sauriez croire la grande édification que me donnèrent ces petits animaux ; car ils ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tôt fait leur réfection s'envolèrent là auprès pour attendre les autres. Et quand ils eurent vidé la moitié de la place, une quantité d'oisillons qui les regardaient, vinrent là autour d'eux.
Et tous les pigeons qui mangeaient encore se retirèrent en un coin pour laisser la plus grande place aux petits oiseaux qui vinrent aussi se mettre à table et manger, sans que les pigeons s'en troublassent.
J'admirais la charité : car les pauvres pigeons avaient si grande peur de fâcher ces petits oiseaux auxquels ils donnaient l'aumône qu'ils se tenaient tous rassemblés à un bout de la table. J'admirais la discrétion de ces mendiants qui ne vinrent à l'aumône que quand ils virent que les pigeons étaient sur la fin du repas, et qu'il y avait des restes encore à suffisance.
En somme, je ne sus m'empêcher de venir aux larmes, de voir la charitable simplicité des colombes, et la confiance des petits oiseaux dans leur charité. Je ne sais si un prédicateur m'eût touché si vivement. Cette image de vertu me fit grand bien tout le jour.
Très très précisément...
