Les grandes écoles du bouddhisme chinois

La tradition du Mahayana, met l’accent sur la pratique altruiste du bodhisattva comme moyen pour parvenir à l’éveil, à la fois pour soi-même et pour les autres.
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Le courant bouddhisme mahāyāna, terme sanskrit signifiant « Grand Véhicule » apparaît vers le 1er siècle de notre ère dans le Nord de l’Inde. Actuellement le bouddhisme mahayana a une forte présence en Chine, au Tibet, au Japon au ve siècle, en Corée en 372, au Viêtnam, à Singapour et Taïwan. La tradition du Mahayana, met l’accent sur la pratique altruiste du bodhisattva comme moyen pour parvenir à l’éveil, à la fois pour soi-même et pour les autres.
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algol-x

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Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 24 janv.18, 09:55

Message par algol-x »

Après une implantation relativement aisée dans les différents royaumes de l'Asie centrale, le bouddhisme indien, qui commence à se diffuser en Chine au premier siècle de notre ère, se trouve face à une autre civilisation millénaire. Sans renier ses thèmes fondateurs, il va tenir compte des modes de pensée, des aspirations, des traditions chinoises sans les heurter de front, certes, mais d'une manière suffisamment foisonnante pour que se développent six principales écoles.

Pensée indienne, monde chinois

La langue chinoise n'a pas la souplesse des langues indo-aryennes et se révèle tout d'abord un outil bien maladroit pour traduire les distinctions psychologiques et épistémologiques subtiles des grands traités indiens. À ce problème purement linguistique ou philologique vient s'ajouter celui des différences profondes qui existent entre le mode de penser indien et celui qui prévaut alors en Chine. Les problèmes de traduction sont résolus, dans un premier temps, par l'emprunt au vocabulaire de la pensée taoïste qui tend à cette époque à évoluer comme une religion de salut personnel. Cet emprunt laissera une marque profonde sur la pensée bouddhique chinoise. Par ailleurs, en s'adaptant à la culture locale afin de pallier les attaques xénophobes et les polémiques qu'ils suscitent, les systèmes doctrinaux purement indiens connaissent des mutations parfois importantes. Et, même si dans les siècles qui suivent, la recherche de liens avec les antécédents indiens pousse de nombreux pèlerins chinois à effectuer de longs et périlleux voyages vers l'Inde, des développements originaux voient le jour. Ils permettent d'apporter des réponses bouddhiques à des problèmes spécifiquement chinois et contribuent ainsi à l'expansion de l'enseignement du Bouddha en Chine.

En Inde même, durant les premiers siècles de notre ère, le bouddhisme est en continuelle évolution. Les deux tendances principales sont celle du Grand Véhicule ou Mahayana et celle du Véhicule des Anciens, Theravada, ou Petit Véhicule, Hinayana. Elles se distinguent par l'emphase que donne la première au développement d'une attitude altruiste alors que la seconde vise à une libération personnelle. De nouveaux systèmes d'interprétations voient le jour, de nouvelles références scriptuaires viennent s'ajouter à la masse considérable de textes qui circulaient déjà. Ce n'est pas un système statique, structuré de façon définitive que les Chinois ont face à eux mais un enseignement vivant en pleine ébullition. Les bouddhistes chinois, dont les traductions tendent à partir du Ve siècle à s'affiner, commencent alors à classifier les doctrines si différentes qui leur parviennent par vagues successives et souvent désordonnées. Se livrant à un travail d'interprétation minutieux, ils cherchent à systématiser ce vaste ensemble et aboutissent à une théorie de division ou classement de l'enseignement ou banjiao : le Bouddha accorda ses enseignements aux capacités et aux aspirations de l'auditoire qu'il avait devant lui. Mais cette tentative d'harmonisation établissait également une hiérarchie sur laquelle les différentes écoles du bouddhisme chinois, qui prônaient chacune la prédominance de tel ou tel texte ou enseignement, eurent parfois du mal à se rejoindre.

Après un long processus de formation, le développement de ces écoles trouva son apogée sous la dynastie des Tang (618-907). Une bonne douzaine d'écoles virent le jour. Certaines, qui tendaient vers des mouvements sectaires aux idées souvent millénaristes et étaient liées à l'instabilité politique, ne durèrent que quelques centaines d'années. Elles furent souvent à l'origine de nouvelles pratiques et de la composition d'un grand nombre de textes apocryphes. On peut cependant distinguer au sein de cette effervescence religieuse, le développement de six grandes écoles qui, malgré une histoire parfois bien tourmentée pour certaines, sont toujours bien vivantes quoique de façon différente à l'heure actuelle.

L'école Tiantai

Le nom de cette école vient des monts Tiantai situés dans la province du Zhejiang. C'est là que Zhiyi (538-597), qui systématisa les principes doctrinaux de cette école, s'installa et passa la plus grande partie de sa vie. Zhiyi écrivit peu mais ses enseignements furent notés par ses disciples. Faisant preuve d'un savoir presque encyclopédique, il mit en place les bases d‘une école éclectique prenant en compte toutes les formes de bouddhisme et donnant une place à tous les sutras, qu'ils relèvent du Petit ou du Grand Véhicule. Pour Zhiyi, il n'y a pas d'antagonisme entre ces deux Véhicules : l'enseignement de chaque sutra est vrai dans la mesure où on le resitue dans son contexte, car le Bouddha utilise des « moyens » ou « artifices salvifiques » ou upaya pour faire « mûrir » les êtres et s'adapter à leurs capacités et aspirations. Dans cette tentative de synthèse, Zhiyi, s'appuyant largement sur la théorie de division de l'enseignement, classe les sutras selon cinq périodes. Selon lui, le sutra du Lotus représente le sens ultime. La pratique spirituelle de cette école consiste à cultiver la concentration et la vue pénétrante. Grâce à la première, le pratiquant réalise que tous les phénomènes n'ont pas de nature propre et donc aucune existence véritable. Ce n'est que sous l'action de nos illusions mentales, de notre imagination, qu'ils apparaissent comme réels. Grâce à la vue pénétrante, on comprend que, bien qu'ils n'aient pas d'existence réelle, les phénomènes ont cependant une existence temporaire ou conventionnelle ainsi qu'une activité en ce monde. Ils sont donc semblables à des rêves ou des objets créés par un magicien. Ils bougent et semblent exister mais en fait n'existent pas. L'utilisation des notions philosophiques chinoises traditionnelles du li ou « principe » et du shi ou « phénomène » pour adapter le bouddhisme à la pensée chinoise est fréquente dans l'ensemble des écoles bouddhiques chinoises. Elle apparaît très clairement dans l'école Tiantai où la concentration est basée sur le li car elle prend la réalité ultime pour « objet » et la vue pénétrante s'appuie sur le shi car elle a pour objet les différentes formes phénoménales.

L'école Huayan ou Avatamsaka

Tout comme l'école Tiantai, l'école Huayan est un courant spéculatif privilégiant l'exégèse. Elle tire son nom du sutra de l'Ornementation fleurie – Avatamsaka-sutra en sanskrit, Huayan jing en chinois. D'après cette tradition, ce sutra fut prêché par le Bouddha tout de suite après qu'il ait réalisé l'Éveil. Mais cet enseignement, trop profond, ne put être compris par l'auditoire et le Bouddha décida alors de prêcher les textes du Petit Véhicule ou Hinayana.

Fazang (643-712), dont les écrits représentent plus d'une centaine de rouleaux, est considéré comme le fondateur de cette école. Dans sa jeunesse, il travailla dans le bureau de traduction du grand maître et pèlerin Xuanzang (vers 596-664) mais ne fut pas d'accord avec ce dernier sur le fait que seuls certains êtres possédaient la nature de Bouddha. Pour Fazang, tous les êtres avaient un esprit intrinsèquement pur et éveillé et l'état de Bouddha était donc accessible à tous. Mais, il n'était pas le seul à soutenir cette thèse. Excepté l'école Faxiang fondée par Xuanzang que nous verrons plus bas, cette théorie de la « matrice de l'Ainséité » ou tathagatagarbha joua un rôle important dans la plupart des écoles du bouddhisme chinois.

De par sa longueur – il comporte de soixante à quatre-vingt rouleaux selon les versions – et la subtilité de son enseignement, le sutra de l'Ornementation fleurie n'était pas d'un abord facile. Il fut l'objet de trois traductions en chinois, au Ve siècle, au début du VIIIe siècle et au début du IXe siècle. Fazang participa à la deuxième sous la direction du grand maître khotanais Siksananda (652-710).

L'école Huayan établit, elle aussi, des classements dans l'enseignement du Bouddha mais comme elle fut fondée après l'école Tiantai, son système est plus complet.

L'école de la Terre pure ou Jingtu jiao

Cette école, qui trouve son origine en Inde mais connut un développement considérable en Chine, prône une dévotion sans borne au Bouddha Amitabha. Elle s'appuie sur un texte, le Sukhavativyuha-sutra ou sutra de la Terre pure de la félicité. Le Bouddha Sakyamuni y explique comment, il y a de cela un nombre incommensurable de périodes cosmiques, le Bouddha Amitabha, qui était alors un moine nommé Dharmakara, fit le vœu de devenir Bouddha dans une terre pure excellente et comment, grâce à son vœu, il conduit désormais tous ceux qui le vénèrent vers la Terre pure de Sukhavati. Une version longue et une version courte de ce texte ont été traduites en chinois. Toutes deux donnent des descriptions extrêmement détaillées de ces sortes de paradis que sont les Terres pures ou Jingtu. Mais alors que la version longue insiste sur le fait qu'une renaissance dans la Terre pure d'Amitabha ne peut être obtenue que lorsque l'accomplissement d'actes vertueux accompagne la dévotion envers ce Bouddha, dans la version courte, seules la foi et la récitation du nom de ce Bouddha sont nécessaires. La récitation de l'hommage à ce Bouddha, Namo Omito fo est devenue de ce fait extrêmement populaire dans toute la Chine et, de nos jours encore, certains religieux ne commencent jamais une discussion sans l'avoir prononcée.

L'école Faxiang et les caractéristiques des dharmas

Fondée par le grand traducteur, exégète et pèlerin Xuanzang (vers 596-664), il s'agit probablement de l'école bouddhique chinoise la moins sinisée ou du moins d'une tradition conservative qui chercha à maintenir le modèle indien. Elle s'apparente en effet à l'école indienne du Yogacara fondée sur les enseignements de deux maîtres indiens Asanga et Vasubandhu qui vécurent aux environs du Ve siècle. Selon eux, les conceptions que nous avons de notre ego et des objets extérieurs ne sont rien d'autre que des constructions mentales. Le monde n'existe pas de par lui-même mais n'est qu'une fabrication de notre esprit. C'est pourquoi cette école est aussi souvent appelée « école de la seule pensée » ou « école idéaliste ».

Avant de partir pour l'Inde, Xuanzang avait déjà entendu parler de cet enseignement mais les bases en étaient peu claires. Son voyage (629-645) le conduisit dans la grande université monastique bouddhique indienne de Nalanda. À son retour il traduisit les textes fondateurs et ses disciples principaux en systématisèrent l'enseignement dans leurs ouvrages.

L'école Chan et le Zen au Japon

Le terme Chan vient de chan-na, transcription chinoise du sanskrit dhyana, signifiant « méditation ». Cette pratique joue en effet un rôle fondamental dans cette école mais ne doit pas faire oublier que la méditation, parce qu'elle permet de découvrir et transformer les bases de notre compréhension du monde, est de façon générale la base de l'enseignement bouddhique. On la retrouve ainsi dans l'école de la Terre pure sous la forme de l'invocation du nom du Bouddha Amitabha ou nianfo, mais également sous forme plus analytique dans le cadre de l'école Tiantai.

D'après la tradition, l'école Chan aurait été fondée par un moine indien du nom de Bodhidharma qui serait arrivé en Chine du Sud en 520. Mais, actuellement, la plupart des spécialistes s'accordent à penser que ce n'est qu'à la fin du VIIe siècle que différents maîtres chinois « fabriquèrent » une connexion avec Bodhidharma, authentifiant ainsi leurs enseignements par une lignée de patriarches. L'école Chan se caractérisera ensuite par l'importance qu'elle donnera à la transmission de l'expérience spirituelle de maître à disciple.

La méditation de l'école Chan est assez connue en Occident notamment sous sa forme japonaise ou zazen. Dans le sutra de la Plate Forme, l'un des textes fondamentaux de cette école qui, bien qu'elle rejette fréquemment toute référence à des sources scriptuaires, fut à l'origine d'une abondante littérature, Huineng (638-713), le sixième patriarche, définit ainsi l'activité de « s'asseoir en méditation » – zuochan en chinois, zazen en japonais : « s'asseoir » ne désigne pas une activité physique mais « ne pas activer les pensées en direction des objets extérieurs » et, par « méditation », on entend « voir sa propre nature originelle sans confusion ». Malgré une tradition iconoclaste très forte, l'école Chan institua cependant pour ses membres une vie structurée et institutionnalisée où les pratiques classiques de la méditation étaient les bases de la journée quotidienne des religieux. C'est à un maître Chan, Baizhang, qui vécut au début du IXe siècle, que l'on doit la formulation d'une série de règles monastiques qui, malgré des amendements, sont toujours en usage dans la plupart des monastères chinois. D'après la tradition, il serait à l'origine de la célèbre formule Chan « un jour sans travail, un jour sans manger » qui, contrairement aux règlements de discipline monastique indiens, obligeait les religieux à préserver leur autonomie économique par le recours au travail manuel. Cette idée sera largement reprise et développée au XXe siècle lorsqu'au début de la République et sous le régime communiste les communautés religieuses furent accusées de « parasiter » la société.

S'appuyant sur la doctrine du Tathagatagarbha selon laquelle la nature de Bouddha est présente de façon immanente en chaque être, l'école Chan défend le principe de l'Éveil subit par rapport à l'Éveil graduel. Rejetant toute analyse, toute étude, elle prône un contact direct avec la réalité ultime. Outre la pratique de la méditation, ce contact peut être provoqué par toutes sortes de méthodes généralement déroutantes lorsqu'elles sont sorties de leur contexte initial, telles que l'emploi de paradoxes, de questions déconcertantes ou même l'usage de coups ou d'injures.

L'école tantrique

Cette école se développa en Chine au VIIIe siècle grâce à l'arrivée de maîtres indiens, notamment Amoghavajra. La profondeur des enseignements tantriques, le fait qu'ils s'appuient sur un véritable développement de la compassion et de la sagesse comprenant la vacuité, ne furent pas toujours bien compris et les religieux qui dispensèrent ces enseignements furent surtout prisés par les gouvernants pour leurs pouvoirs « magiques », notamment la capacité de faire venir la pluie. De nombreux rituels furent traduits en chinois. Un sutra joua un rôle extrêmement important, celui du Mahavairocana-sutra. Cette école déclina cependant en Chine et ne connut pas les développements considérables qu'elle eut au Japon et au Tibet. C'est au début du XXe siècle que les réformateurs du bouddhisme chinois se tournèrent vers ces deux pays qui avaient conservé les traditions ésotériques. Le tantrisme connaît depuis un regain d'intérêt en Chine.

Le bouddhisme en Chine aujourd'hui

La grande persécution anti-bouddhiste de 845 entraîna le déclin des écoles Tiantai, Huayan et Faxiang en tant qu'institutions structurées. La tradition de leurs enseignements ne fut maintenue que par quelques maîtres et ce n'est qu'à partir du début du XXe siècle que les intellectuels chinois et les réformateurs du bouddhisme se tournèrent à nouveau avec enthousiasme vers les enseignements sophistiqués de ces écoles. Cela permit de redorer l'image des religieux bouddhistes accusés d'un niveau d'éducation extrêmement bas mais également d'aborder l'enseignement bouddhique sous un aspect purement philosophique ou universitaire. L'école Chan et celle de la Terre pure continuèrent à se maintenir tout au long des siècles et s'associèrent fréquemment. Depuis le Xe siècle, beaucoup de monastères alliaient les pratiques de méditation chan aux pratiques de récitation de noms de Bouddha ou nianfo de la Terre pure. Ce processus s'intensifia à la fin du XVIe siècle. Il est d'ailleurs important de ne pas exagérer l'opposition entre les différentes écoles : l'organisation du clergé et les règles monastiques propres au Chan ont été adoptées par pratiquement l'ensemble des monastères bouddhiques chinois mais les traités des écoles Huayan et Tiantai sont souvent à la base des enseignements qui sont dispensés dans ces mêmes monastères. On est ainsi amené à distinguer les écoles doctrinales oufamen, des mouvements institutionnalisés ou zongpai. De ce fait, l'école à laquelle appartient un religieux est souvent difficile à déterminer. Il appartiendra à l'école Chan dans la mesure où le maître qui lui aura conféré l'ordination appartient à cette école. Est ainsi définie l'appartenance à une école institutionnalisée. Mais au niveau doctrinal, le religieux est libre de recevoir les enseignements d'autres maîtres appartenant à d'autres écoles, Tiantai, Huayan ou Faxiang. De façon générale, la plupart des monastères sont d'obédience Chan dans la mesure où le maître fondateur était de cette lignée mais la pratique qui y est accomplie et les enseignements qui y sont dispensés peuvent tout à fait être ceux d'une autre école. Malgré de nombreuses vicissitudes, depuis les années 1990, les temples ont regagné leur autorité spirituelle et on assiste à une augmentation de l'influence du bouddhisme parmi les laïcs. Le bouddhisme en Chine n'est pas figé ainsi qu'en témoigne l'apparition de nouvelles écoles ou « mouvements religieux émergents » qui prônent d'ailleurs souvent des enseignements syncrétistes. Par ailleurs, il importe désormais de tenir compte du bouddhisme tibétain. Une évolution sensible est en effet en cours et les distinctions linguistiques ou ethniques, qui étaient encore fondées à la fin du XIXe siècle, tentent à s'effacer peu à peu puisque de nombreux traités ou manuels de liturgie tibétains sont désormais traduits en chinois et qu'ils ont une influence non négligeable sur la pratique des bouddhistes chinois.

Françoise Wang
Directeur de recherche au CNRS
Janvier 2005

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zeste de savoir

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 26 janv.18, 21:55

Message par zeste de savoir »

Elle apparaît très clairement dans l'école Tiantai où la concentration est basée sur le li car elle prend la réalité ultime pour « objet » et la vue pénétrante s'appuie sur le shi car elle a pour objet les différentes formes phénoménales.

Samatha et vipassana ! :Bye:

algol-x

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 30 janv.18, 03:47

Message par algol-x »

Samatha et vipassana
"Sagesses Bouddhistes" du 15 juillet 2007

Sandrine Columbo: Nous allons aujourd’hui consacrer l’émission à l’étude des deux pratiques de méditation dans la tradition theravada : samatha et vipassana, appelées aussi dans le bouddhisme tibétain : shiné et lakhtong. Ces pratiques ont pour but de pacifier l’esprit, puis d’atteindre la vision profonde des choses. Samatha et vipassana sont à la fois liées, mais autonomes. Elles se complètent et peuvent s’unir ou se pratiquer séparément et pour elles-mêmes. On va voir comment, avec notre invité, le Vénérable Hénépola Gunaratana, qui enseigne le theravada aux U.S.A., mais aussi en Europe. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons la chance de le recevoir aujourd’hui à Paris. Vénérable Gunaratana, bonjour. Nous allons nous attacher à définir samatha et vipassana. Qu’est ce que c’est que samatha ?

Vénérable Gunaratana: " Samatha " c’est tranquilliser l’esprit, calmer l’esprit et calmer le corps. C’est un état de méditation très profondément concentré. L’esprit et le corps restent très paisibles, très calmes, tranquilles. Voilà ce qu’est la méditation samatha. Son but est d’obtenir la concentration profonde. Ensuite, le corps et l’esprit devenant calmes, détendus et paisibles, l’esprit devient pur. Il commence à rayonner de sa propre nature, de sa luminosité. On arrive à un état de véritable concentration de l’esprit, très lumineux.

S.C. : Comment se déroule cette pratique de samatha ?

Vénérable Gunaratana : Pour pratiquer samatha, vous vous asseyez d’abord dans une position très confortable, une position très stable. Votre corps doit être droit, pas trop rigide. Il doit être aussi détendu. Fixez votre attention sur un seul objet de méditation. Quand vous fixez votre esprit sur un seul objet de méditation, vous ne vous occupez pas des autres objets. Il faut un seul objet pour pouvoir gagner la concentration. Ensuite, progressivement, votre esprit devient concentré, vos yeux deviennent concentrés, et vous pouvez même effectivement concentrer l’attention des yeux sur l’objet de méditation. Vous pouvez aussi vous souvenir d’un objet et ne plus le regarder. A ce moment là, vous pouvez concentrer votre esprit sur l’objet mémorisé. C’est à ce moment que la concentration n’a plus rien à faire avec quelque chose d’extérieur. Elle est seulement liée à l’esprit. L’esprit concentré, quand il est concentré sur une image mentale, devient UN avec cette image qui est mémorisée et il atteint un état profond de concentration. Voilà comment on développe la concentration.

S.C: Vous parlez d’un objet sur lequel l’esprit doit se fixer. Est-ce que vous pouvez donner un exemple d’objet, du plus simple au plus rare, du plus pur au plus banal ?

Vénérable Gunaratana : L’objet de méditation le plus simple que je recommande est la respiration. C’est très facile à transporter avec soi, il est toujours là, où que l’on aille. Tout ce que nous avons à faire, c’est de nous asseoir dans une position confortable. Si vous le pouvez, vous pouvez vous mettre en lotus. Vous gardez bien le dos droit et vous concentrez votre attention sur votre respiration. Vous respirez lentement. Quand vous respirez très lentement, de manière naturelle, votre respiration se calme et se détend. Puis, votre respiration devient de plus en plus subtile, jusqu’à ce qu’à un certain moment, apparaisse le sentiment de ne plus ressentir la respiration. Au départ, on ressent la respiration, soit au bout du nez, sur la lèvre supérieure ou bien dans le nez ou entre les yeux. Les endroits où on ressent la respiration dans le corps peuvent varier. A partir du moment où vous avez trouvé un endroit où vous sentez bien la respiration, posez votre attention à cet endroit précis. A un certain moment, il est possible que vous ne puissiez plus ressentir le passage de l’air à cet endroit. A partir de là, posez votre attention sur l’image mémorisée de votre respiration. A ce moment là, tous les obstacles, comme l’avidité, la haine, la tendance à s’endormir, l’inquiétude, le doute, tous ces obstacles, quand on est dans un état de concentration profonde, vont disparaître, à cause de cette tranquillité. On appelle cet état le " jhana ". Jhana est un état profond de concentration, que l’on obtient par cette pratique. La respiration est l’objet de méditation le plus simple que je recommande à tous pour pratiquer la méditation.

S.C. : Donc on arrive au calme mental, qui est le fruit de cette pratique ?

Vénérable Gunaratana : Très paisible, très calme, c’est une méditation qui est très apaisante. Mais il faut la faire en la combinant avec d’autres formes de méditation, l’autre forme étant vipassana.

S.C. : Justement, la pratique de samatha ne suffit pas, il faut aussi pratiquer vipassana. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ?

Vénérable Gunaratana : On dit que vipassana s’appelle la " méditation de l’attention ". L’attention signifie littéralement " voir exactement tel que c’est ". C’est une méditation plus dynamique. On concentre l’attention sur tout ce qu’on peut vivre : sensations, perceptions, pensées, idées, bruits, quoique ce soit dont vous fassiez l’expérience, vous posez votre attention dessus. Mais il faut aussi dépasser ces obstacles en concentrant l’esprit sur différents aspects des obstacles, vous les dépassez. Par exemple, quand l’avidité apparaît pendant que l’on médite, immédiatement, vous posez votre esprit sur cette avidité et vous voyez comment elle dérange votre esprit, comment elle vous agite. Vous voyez comment votre tendance change votre attitude par rapport aux autres. Vous constatez aussitôt que vous ne pouvez plus être concentré. Donc vous voyez tout de suite les désavantages de l’avidité et vous pouvez aller jusqu’à la racine, en voyant comment elle apparaît, comment elle empêche la concentration, comment on peut l’arrêter, comment on peut changer son esprit, depuis cet objet de méditation qui s’est imposé jusqu’à une véritable méditation. Comment lâcher cette avidité, pour pouvoir retrouver un état d’esprit paisible ? Tout cela fait partie de la méditation vipassana. Quand nous commençons cette pratique de vipassana, nous avons besoin d’abord et après, de la concentration. C’est un moyen d’utiliser vipassana pour obtenir la concentration et une fois que l’on a la concentration, on l’utilise pour pratiquer vipassana de manière plus claire, parce que les plus hauts niveaux de concentration permettent à l’attention d’être extrêmement pure à cause de la présence de l’équanimité, de l’équilibre mental. A partir de là, vous pouvez voir les choses de manière extrêmement subtile, extrêmement profonde. Par exemple, l’impermanence, c’est une partie essentielle de la méditation vipassana. Une fois que vous avez la concentration, vous utilisez la notion d’impermanence pour avancer davantage dans votre concentration, à des niveaux plus conscients. Vous allez voir que les choses changent à une rapidité incroyable à tous moments. Il y a même des changements que l’on ne peut absolument pas voir, si la concentration n’est pas extrêmement profonde. Il faut donc avoir un esprit très concentré qui ressemble un peu à un rayon laser. Vous avez une vision pénétrante grâce à vipassana, une vision très claire et celle ci vous permet, comme un rayon laser, d’orienter cette clarté vers un objet. Si vous ajoutez la concentration et l’attention, vous pouvez voir l’impermanence, de manière très subtile et très profonde. L’impermanence a lieu tout le temps, à chaque moment, des millions et des millions de fois, à chaque instant, dans l’esprit et dans le corps. Si quelqu’un demande : " Qui a-t-il de permanent ? " On peut répondre : " La seule chose qui soit permanent, c’est l’impermanence. "

S.C. : Pour arriver à la vue pénétrante, est ce qu’il faut absolument passer par le calme mental ? Est-ce qu’on doit arriver à pratiquer samatha pour passer à vipassana ou peut-on directement pratiquer avec vipassana ?

Vénérable Gunaratana : On peut commencer avec vipassana, sans samatha. Il est très intéressant de voir que parfois on ne peut pas se concentrer. On a commencé avec vipassana, on se rend compte tout de suite, quand on voit les choses exactement telles qu’elles sont, on se calme, on se détend, on est paisible, on ne s’inquiète plus. A ce moment-là, arrive la concentration. Vous allez à nouveau voir les choses de manière très profonde. Vous aurez également des choses très utiles qui se présenterons, qui sont des jhanas. Les jhanas sont un état de concentration très profonde qui aident aussi la pratique de vipassana. Et l’on gagne de plus en plus de sagesse, de vision pénétrante. Quand les deux se combinent, vous pouvez commencer avec vipassana pour aller à la concentration ou le contraire. Mais quand les deux sont combinées, votre pratique devient vraiment complète. Et avec cette pratique complète, vous devenez parfaitement paisible, et surtout parfaitement libre de la souffrance, des déceptions, de la colère, de l’avidité, du désespoir.

S.C. : Merci, Vénérable Gunaratana de nous avoir expliqué samatha et vipassana, deux pratiques qui se complètent

https://www.bouddhisme-france.org/sages ... ssana.html
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zeste de savoir

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 31 janv.18, 04:53

Message par zeste de savoir »

Vous semblez connaitre le bouddhisme mayahana, retrouve t on ces pratiques dans les courants chinois ou japonais ?
Le sutra du lotus parle de respecter les gens qui pratiquent le dhyana. Qu'en pensez vous ?
Modifié en dernier par zeste de savoir le 31 janv.18, 05:29, modifié 1 fois.

algol-x

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 31 janv.18, 05:22

Message par algol-x »

zeste de savoir a écrit :Vous semblez connaitre le bouddhisme mayahana, retrouve t on ses pratiques dans les courants chinois ou japonais ?
Le sutra du lotus parle de respecter les gens qui pratiquent le dhyana. Qu'en pensez vous ?
Le sutra du lotus parle de dyana (méditation assise) L’école Tien Tai ainsi que le bouddhisme Chan et le bouddhisme de la Terre Pure etc. pratiquaient la méditation vipassana et samatha, les écoles japonaises homologues également par le biais de la transmission des enseignements des maitres chinois.

Au VIe siècle, l'école Tiantai fut formée, enseignant le Véhicule Unique (Skt Ekayāna), le véhicule de l'atteinte de la Bouddhéité, comme principe principal, et trois formes de śamatha-vipaśyanā corrélées aux perspectives méditatives de la vacuité, de l'existence provisoire, et le moyen, comme méthode de cultiver la réalisation. [21] L'école Tiantai met l'accent sur Ânāpānasmṛti conformément aux principes de śamatha et de vipaśyanā. En Chine, la compréhension de Tiantai de la méditation a eu la réputation d'être la plus systématique et la plus complète de toutes. [22] Le fondateur de l'école Tiantai, Zhiyi, a écrit de nombreux commentaires et traités sur la méditation. Parmi ces textes, Concise Śamatha-vipaśyanā (止 観 観 Xiǎo Zhǐguān), son Mahāśamatha Vipaśyanā (観 止 観 Móhē Zhǐguān), et ses six portes du Dharma Subtil (門 妙法 門 Liù Miào Fǎmén) sont les plus lus en Chine. 22] Zhiyi classe la respiration en quatre catégories principales: haletant (喘 "chuǎn"), respiration sans hâte (風 "fēng"), respiration profonde et calme (氣 "qì"), calme ou repos (息 "xi"). Zhiyi soutient que les trois premiers types de respiration sont incorrects, tandis que le quatrième est correct, et que la respiration devrait atteindre le calme et le repos. [23] Le vénérable Hsuan Hua, qui a enseigné le bouddhisme Chan et le bouddhisme de la Terre Pure, a aussi enseigné que la respiration externe atteint un état d'immobilité dans la méditation correcte:

"L'acquisition du Nirvāṇa est réalisable par de nombreuses méthodes dont l'essentiel ne va pas au-delà de la pratique de śamatha et de vipaśyanā. Śamatha est la première étape pour délier tous les liens et vipaśyanā est essentiel pour extirper l'illusion. Śamatha fournit de la nourriture pour la préservation de l'esprit connaissant, et vipaśyanā est l'art habile de promouvoir la compréhension spirituelle. Śamatha est la cause inégalée du samādhi, alors que vipaśyanā engendre la sagesse."

ZhyYi

https://en.wikipedia.org/wiki/Mohe_Zhiguan
Modifié en dernier par algol-x le 02 févr.18, 19:24, modifié 2 fois.
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zeste de savoir

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 31 janv.18, 05:38

Message par zeste de savoir »

algol-x a écrit : L'école Tiantai met l'accent sur Ânāpānasmṛti conformément aux principes de śamatha et de vipaśyanā.

ZhyYi

https://en.wikipedia.org/wiki/Mohe_Zhiguan
Merci, ce que vous appeler Anapasmrti donne ça en pali :
(Ānāpānasati (āna-apāna-sati, mot pāli) signifie attention sur le souffle.)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ānāpānasati

Conclusion, le moine chinois qui a fait du lotus le texte principal de son école "le Tientai", pratiquait et recommandait la forme traditionnelle de concentration sur le souffle du bouddha, intéressant !

Dans le bouddhisme theravada, le souffle est l'objet de méditation le plus courant quand il s'agit de calmer l'esprit, par la pratique de la méditation "samatha bhavana". Le souffle est toujours présent chez tout être vivant, et ce phénomène se fait parfois de manière consciente, parfois non, ce qui semble les deux raisons de sa popularité.

L'attention sur le souffle est également populaire dans la pratique de la méditation "Vipassana". Mahasi Sayadaw utilise par exemple une attention aux mouvements de l'abdomen dus à la respiration comme point de départ de la méditation vipassana, sans rechercher une concentration (Dhyāna) particulière.

Cependant, ānāpānasati est la technique pour accéder aux états de conscience altérés que sont les Dhyanas.

komyo

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 31 janv.18, 21:08

Message par komyo »

Dans le shingon japonais qui vient de l ecole tantrique cité dans l' article on appelle cette respiration Chosoku (Harmonisation et purification du souffle)
ou Susokukan (méditation sur la respiration comptée), on imagine ensuite inspirer ou expirer un son
comme A ou hum, qui sont des mantras importants. (la ca s eloigne de l original indien)
le zen rinzai emploie toujours cette méthode de comptage et d'anciennes écoles nichiren le font aussi en complément
de leur pratique. Cela aide a accroitre la conscience de soi et a faire circuler les énergies dans le corps.

:Bye:
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algol-x

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 01 févr.18, 23:32

Message par algol-x »

zeste de savoir a écrit :Conclusion, le moine chinois qui a fait du lotus le texte principal de son école "le Tientai", pratiquait et recommandait la forme traditionnelle de concentration sur le souffle du bouddha
Tout à fait !
Komyo a écrit :Dans le shingon japonais qui vient de l ecole tantrique cité dans l' article on appelle cette respiration Chosoku (Harmonisation et purification du souffle) ou Susokukan (méditation sur la respiration comptée), on imagine ensuite inspirer ou expirer un son
comme A ou hum, qui sont des mantras importants. (ça s'éloigne de l original indien)
Je connais un petit peu la méditation Ajikan, cf. l'ouvrage de Taiko Yamasaki.
Komyo a écrit :le zen rinzai emploie toujours cette méthode de comptage et d'anciennes écoles nichiren le font aussi en complément de leur pratique. Cela aide a accroitre la conscience de soi et a faire circuler les énergies dans le corps
Certaines écoles Nichiren pratiquent une méditation de type samatha comme pratique secondaire afin "de rendre l'esprit calme". Cette méditation est effectuée avant ou après les récitations: le daimoku est récité mentalement, inspiration sur "namu" expiration sur "myoho rengué kyo" .

:Bye:
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komyo

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Re: Les grandes écoles du bouddhisme chinois

Ecrit le 05 févr.18, 21:37

Message par komyo »

algol-x a écrit : Certaines écoles Nichiren pratiquent une méditation de type samatha comme pratique secondaire afin "de rendre l'esprit calme". Cette méditation est effectuée avant ou après les récitations: le daimoku est récité mentalement, inspiration sur "namu" expiration sur "myoho rengué kyo" .

:Bye:
Merci, je ne savais pas pour ce mode de respiration. Un mantra important dans le shingon est "Namo Daïshi Henjo kongo, lequel est en rapport avec le fondateur (Daïshi = maitre). Henjo et Kongo représente les deux formes de vairocana.
Je vais essayer avec !
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