St Thomas sur les futurs contingents

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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
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ChristianK

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Christianisme [Catholique]
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St Thomas sur les futurs contingents

Ecrit le 07 août23, 04:10

Message par ChristianK »

La question de la connaissance des actes libres futurs par Dieu fait partie de la connaissance des futurs contingents (libres ou hasardeux, indéterminés comme dans l’indéterminisme quantique).

Voici un article à ce sujet. Je mets l’essentiel en gras et je garde le reste , fort difficile pour qui n’est pas habitué à la philo, comme exemple de la complexité du sujet. La question philosophique de Dieu (théologie naturelle) a presque toute l’histoire de la philo, avec toutes ses complexités, comme prérequis, si on cherche des démonstrations. Sinon on peut croire par argument d’autorité (le plus faible argument en philo, dit St Thomas, mais pas sans valeur).

Aussi pour montrer que le catholicisme c’est ca, pas la bible citée directement (comme chez certains protestants)


« Q 14


Article 13 : Dieu connaît-il les futurs contingents ?
Objections : 1. Il semble que non. En effet, une cause nécessaire produit un effet nécessaire. Mais la science de Dieu
est cause de ce qu’elle sait, avons-nous dit. Comme la science de Dieu est nécessaire, son objet doit l’être aussi. La
science de Dieu n’atteint donc pas les contingents.

2. Dans toute proposition conditionnelle, si l’antécédent est absolument nécessaire, le conséquent est absolument
nécessaire aussi ; car l’antécédent est au conséquent ce que les principes sont à la conclusion, et les Derniers
Analytiques nous enseignent que, de principes nécessaires, ne peuvent découler que des conclusions nécessaires. Or
cette proposition conditionnelle est vraie : Si Dieu a su que cela est à venir, cela sera ; car la science de Dieu est
toujours vraie. Et l’antécédent de cette proposition est absolument nécessaire, d’abord parce qu’il est éternel ;
ensuite parce qu’il est exprimé au passé. Donc le conséquent est aussi absolument nécessaire. Et ainsi tout ce qui est
su par Dieu est nécessaire, de sorte qu’il n’y a pas en Dieu de science des contingents.

3. Tout ce qui est su par Dieu existe nécessairement, puisque même tout ce qui est su par nous existe
nécessairement, alors que la science de Dieu est plus certaine que notre science. Or, aucun futur contingent n’existe
nécessairement. Donc aucun futur contingent n’est su par Dieu.

En sens contraire, le Psaume (33,15) dit de Dieu à l’égard des hommes : “ Il forme le cœur de chacun ; il connaît
toutes leurs actions. ” Or, les actions des hommes sont contingentes, puisqu’elles dépendent de leur libre arbitre.
Dieu connaît donc les futurs contingents.

Réponse : Comme on a montré plus haut que Dieu connaît toutes les choses, non seulement celles qui sont en acte,
mais aussi celles qui sont en sa puissance ou en la puissance de la créature, et comme certaines choses parmi ces
dernières sont des contingents futurs pour nous, il s’ensuit que Dieu connaît les futurs contingents.
Pour établir clairement cette conclusion, il faut observer qu’un contingent peut être considéré sous un double aspect.
D’abord en lui-même, lorsqu’il s’est déjà produit, et alors il n’est plus considéré comme futur, mais comme présent ;
ni comme pouvant être ou ne pas être, mais comme déterminé à une branche de l’alternative. Pour cette raison, il
peut, pris ainsi, tomber infailliblement sous une connaissance certaine, sous le sens de la vue, par exemple comme
lorsque je vois Socrate assis. D’une autre manière, le contingent peut être considéré tel qu’il est dans sa cause. Sous
cet aspect il est considéré comme futur et comme contingent, non encore déterminé à être ou à ne pas être, à être
ceci ou cela, car la cause contingente est celle qui peut ceci ou son contraire. Dans ce cas le contingent ne peut être
connu avec certitude. En conséquence, celui qui ne connaît un effet contingent que dans sa cause, n’a de lui qu’une
connaissance conjecturale. Mais Dieu, lui, connaît tous les contingents non seulement en tant qu’ils sont dans leurs
causes, mais aussi selon que chacun d’eux est actuellement réalisé en lui-même.
Et, bien que les contingents se réalisent successivement, Dieu ne les connaît pas en eux-mêmes successivement
comme nous, mais simultanément. Car sa connaissance, tout autant que son être, a pour mesure l’éternité ; or
l’éternité, qui est tout entière à la fois, englobe la totalité du temps, ainsi qu’il a été dit. De la sorte, tout ce qui se
trouve dans le temps est éternellement présent à Dieu, non seulement en tant que Dieu a présentes à son esprit les
raisons formelles de toutes choses, ainsi que certains le prétendent, mais parce que son regard se porte éternellement
sur toutes les choses, en tant qu’elles sont présentes.

Il est donc manifeste que les contingents sont connus de Dieu infailliblement en tant que présents sous le regard
divin dans leur présence, et cependant, par rapport à leurs propres causes, ils demeurent des futurs contingents.

Solutions : 1. Même si la cause éloignée est nécessaire, l’effet peut être contingent du fait de la cause prochaine, si
elle est contingente. Ainsi la germination d’une plante est un effet contingent en raison de sa cause prochaine, bien
que la cause prochaine de cette germination, le mouvement solaire, soit une cause nécessaire. De même, les causes
contingentes que Dieu connaît sont contingentes en raison de leurs causes prochaines, bien que la science de Dieu,
qui est leur cause première, soit une cause nécessaire.

2. Certains disent que cet antécédent : Dieu a su que tel fait contingent sera, n’est pas nécessaire, mais contingent,
car, bien qu’il soit passé, il se rapporte à l’avenir. Mais cela ne l’empêche pas d’être nécessaire car, ce qui a eu un
rapport au futur, il est nécessaire qu’il l’ait eu, même si parfois ce futur n arrive pas.
D’autres disent que l’antécédent en question est contingent, parce qu’il est composé de nécessité et de contingence,
comme cette proposition : Socrate est un homme blanc, est une proposition contingente. Mais cela non plus ne
signifie rien, car, quand on dit : “ Dieu a su que tel contingent sera ”, “ contingent ” ne figure dans la proposition que
comme l’élément matériel de l’affirmation, non comme son élément principal ; de sorte que cette contingence, aussi
bien que la nécessité qui pourrait y être substituée, ne fait pas que la proposition soit nécessaire ou contingente, vraie
ou fausse. Ainsi, il peut être vrai que j’aie dit : “ l’homme est un âne ”, aussi bien que : “ Socrate court ”, ou : “ Dieu
est ”. Il en est de même, si je parle de nécessité ou de contingence.
Il faut donc reconnaître que cet antécédent est nécessaire absolument. Certains disent qu’il ne s’ensuit pas que le
conséquent soit nécessaire absolument, parce que l’antécédent est cause éloignée du conséquent, et que ce
conséquent est contingent en raison de sa cause prochaine. Mais cela ne prouve rien, car une proposition
conditionnelle dont l’antécédent serait une cause éloignée nécessaire, et le conséquent un effet contingent, serait une
proposition fausse, comme si je disais : “ Si le soleil se meut, l’herbe germera. ”
Il faut donc s’exprimer autrement et dire ceci : Quand, dans l’antécédent, on introduit quelque chose relevant d’une
opération de l’esprit, le conséquent doit être compris non selon l’être réel, tel qu’il est en soi, mais selon l’être
intentionnel qu’il a dans l’esprit. Autre, en effet, est l’être d’une chose en elle-même, autre son être dans l’esprit. Par
exemple, quand je dis : “ Si l’âme connaît quelque chose, ce quelque chose est immatériel ”, il faut comprendre que
cela est immatériel dans l’intellect, non selon son être réel. De même, quand je dis : “ Si Dieu a su quelque chose,
cela sera ”, le conséquent doit être compris de l’être selon lequel la chose est présente. Ainsi compris, il est
nécessaire aussi bien que l’antécédent, car “ ce qui est, quand c’est, il est nécessaire que ce soit ”, selon Aristote.

3. Les choses qui se réalisent temporellement sont connues successivement par nous dans le temps, mais par Dieu
dans l’éternité, qui est au-dessus du temps. En conséquence, du fait que nous connaissons les futurs contingents en
tant que tels, ils ne peuvent pas être certains pour nous ; mais pour Dieu seul, dont le connaître est dans l’éternité,
qui transcende le temps. Il en est comme de celui qui marche sur un chemin et ne voit pas ceux qui le suivent, alors
que l’homme posté sur une hauteur, regardant tout le chemin, voit à la fois tous ceux qui y passent.
Ainsi ce qui est
su par nous avec certitude doit être nécessaire aussi en soi-même ; car les choses qui en soi sont des futurs
contingents, nous ne pouvons les connaître avec certitude. Mais les choses qui sont sues par Dieu, il suffit qu’elles
soient nécessaires de la nécessité de leur présence sous le regard de la science divine, nous l’avons dit, mais il n’est
pas requis qu’elles le soient en elles-mêmes quand on les considère dans leurs causes. En conséquence, cette
proposition : “ Tout ce que Dieu sait est nécessairement ”, on a coutume de la distinguer. Elle peut se rapporter à la
chose dont elle parle, ou au dire. Si on l’entend de la chose, la proposition est prise en un sens divisé, et elle est
fausse ; car cela veut dire : Toute chose que Dieu sait est nécessaire. Mais elle peut également être comprise du dire.
Alors la proposition est prise en un sens composé, et elle est vraie ; car cela signifie : ce dire, “ une chose sue par
Dieu est ” est nécessaire.
Mais certains objectent à cela que cette distinction a sa place quand il s’agit de formes séparables de leur sujet. Si,
par exemple, je dis : “ Ce qui est blanc peut être noir ”, cette proposition, fausse quant au dire, est vraie quant à la
chose, car la chose qui est blanche peut être noire, alors que cette assertion “ Ce qui est blanc est noir ”, ne peut
jamais être vraie. Mais, quand il s’agit de formes inséparables de leur sujet, la distinction, affirment ces auteurs,
n’est pas de mise ; car si je dis, par exemple : “ le corbeau noir peut être blanc ”, la proposition est fausse dans les
deux sens. Or, qu’une chose soit sue par Dieu, c’est là un attribut inséparable de cette chose ; car ce qui est su par
Dieu ne peut en aucune manière être ignoré de lui. A la vérité, cette instance serait irrecevable, si être connu de Dieu
comportait dans le sujet quelque disposition inhérente. Mais, comme cela ne comporte que d’être l’objet d’un acte
du connaissant, à la chose sur elle-même, bien qu’elle soit toujours sue, quelque chose peut être attribué qui lui
convient selon ce qu’elle est en elle-même, et qui ne lui convient pas en tant qu’elle est l’objet de l’acte de
connaître. Ainsi l’être matériel est attribué à la pierre telle qu’elle est en elle-même, alors qu’il ne saurait lui être
attribué en tant qu’elle est un objet intelligible. »


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J’ajoute en complément , de la même Q 14 :

Article 9 : Dieu a-t-il la connaissance des choses qui ne sont pas ?
Objections : 1. Il semble que non, car il n’y a de science en Dieu que des choses vraies, et il y a attribution
réciproque entre le vrai et l’étant. Donc il n’y a pas en Dieu la connaissance des non-étants.
2. La connaissance requiert une similitude entre celui qui sait et ce qu’il sait. Or ce qui n’est pas ne peut avoir
aucune ressemblance avec Dieu, qui est l’être même. Donc ce qui n’est pas ne peut pas être connu par Dieu.
3. La science de Dieu est cause des choses. Mais elle n’est pas cause des non-étants, car le non-étant n’a pas de
cause. Donc Dieu n’a pas la science de ce qui n’est pas.
En sens contraire, l’Apôtre écrit (Rm 4, 17) : Dieu “ appelle les choses qui ne sont pas, comme celles qui sont ”.

Réponse : Dieu connaît toutes choses, de quelque manière qu’elles soient. Or rien n’empêche que des choses qui,
purement et simplement, ne sont pas, soient cependant en quelque manière. Sont purement et simplement celles qui
sont en acte. Celles qui ne sont pas en acte sont en puissance : en la puissance de Dieu ou en celle de la créature,
qu’il s’agisse de puissance active ou de puissance passive, ou du pouvoir de penser, d’imaginer, d’exprimer en
quelque manière que ce soit. Toutes choses, donc, qui peuvent être faites, pensées ou dites par la créature, et aussi
toutes celles que lui-même peut faire, Dieu les connaît, même si elles ne sont pas en acte. En ce sens, on peut dire
qu’il a la connaissance des non-étants.
Mais entre les choses qui ne sont pas en acte, il faut noter une diversité. Certaines, bien que n’étant pas actuellement,
ont été ou seront, et celles-là on dit que Dieu les connaît d’une “ science de vision ” ; comme le connaître de Dieu,
qui est son être même, a pour mesure l’éternité, laquelle, étant elle-même sans succession, englobe la totalité du
temps, le regard de Dieu, éternellement présent, porte sur la totalité du temps, et sur toutes les choses qui sont dans
quelque partie du temps que ce soit, comme sur des réalités qui lui sont présentes.
D’autres, qui ne sont pas en acte,
sont dans la puissance de Dieu ou de la créature, et cependant ne sont pas, ni ne seront, ni n’ont jamais été. A l’égard
de celles-là, Dieu est dit avoir non une science de vision, mais une science de “ simple intelligence ”. Et l’on
s’exprime ainsi parce que, parmi nous, les choses qu’on voit ont un être propre en dehors du sujet qui voit.

Solutions : 1. Les choses qui ne sont pas en acte ont leur vérité comme choses en puissance, car il est vrai qu’elles
sont en puissance. Et c’est ainsi que Dieu les connaît.

2. Dieu étant l’être même, dans la mesure où une chose est, elle participe à sa ressemblance, de même qu’une chose
chaude, dans la mesure où elle est chaude, participe de la chaleur. Et ainsi les choses qui sont en puissance, bien
qu’elles ne soient pas en acte, sont connues de Dieu.

3. La science de Dieu n’est cause des choses que si sa volonté s’y adjoint. Il n’est donc pas nécessaire que tout ce
que Dieu sait existe, ait existé ou doive un jour exister, mais cela seulement dont il veut ou dont il permet qu’il soit.
Et, encore une fois, ce qui est dans la science de Dieu, ce n’est pas que ces choses sont, mais qu’elles peuvent être.
《10,000 difficultés ne font pas un seul doute》(Newman)
《J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison》 (Voltaire , 1766)

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