Y-a-t-il des préposés au sacrifice ?

[Materdolorosa]

Le sens du sacrifice est lié à notre nature, depuis toujours nous savons qu'il faut négocier entre libertés individuelle et collective.
Ainsi chacun de nous doit apprendre à se sacrifier un peu pour les autres, et ce pour maintenir l'équilibre (politique et social) de la communauté.

Cependant, il faut mettre un Hola sur "le sacrifice" à une époque qui se veut moderne, industrielle, et où l'échelle communautaire n'est plus la règle.
Au sein de nos sociétés alchimisées, les individus sont trop divisés, aliénés de leur nature pour percevoir la rémunération "naturelle" du sacrifice, ce que les psychologues appellent la "preuve sociale".
L'individualisme semble être devenu la règle, et le sens du sacrifice, une valeur poussiéreuse rejetée au rang de sous-culture.
Mais alors si le confort individuel est devenu la règle, la nouvelle religion, qui concède au sacrifice, qui accepte d'être la brebis qui veille pendant que les autres dorment ?
Nos sociétés semblent s'être rangées à cette nouvelle réalité et ne plus tabler sur la "belle nature humaine" pour perdurer, ne plus attendre le sacrifice des uns et des autres pour accomplir leurs destinées démocratiques.

Les États nations sont des affaires sérieuses, de sécurité intérieure et extérieure, avec obligation de résultat, est-ce raisonnable d'attendre la belle vocation des uns et des autres pour que le service public minimum soit assuré ? Faut-il attendre la belle âme ? Il faut des militaires, il faut des policiers, il faut des soignants, etc...
Nous vivons une époque où l'emprise médiatique est forte, et il est juste de penser qu'il s'opère un certain nombre de séductions qui conduisent les individus au "sacrifice nécessaire".
D'un point de vue technologique, on voit se développer un certain nombre d'outils d'influence très puissants, notamment la pédagogie immersive, qui grâce à une combinaison de stimulation et un casque audio-vision opère dans l'ombre un conditionnement de l'enfant.
Si on entend largement les discours des défenseurs de la pédagogie Matrix, lesquels indiquent que ces systèmes s'apparentent plutôt à du coaching personnalisé, soucieux de la vocation première de l'individu, on est en droit de se demander s'il n'existe pas, au nom de l'État qui doit perdurer, une cynique industrie de prédestination, et par conséquent des préposés au sacrifice.
Après tout, au temps des journaux, on se servait des journaux, puis avec la télé, le cinéma et les jeux video, on a commencé à glorifier le sacrifice avec des productions comme James Bond, Counter Strike, pourquoi l'État ne se servirait-il pas des outils actuels pour séduire et recruter ? Le doute est raisonnable.
Mais alors, ce serait ôter la liberté de destin aux individus, et finalement sacrifier la démocratie pour entretenir une machine, subjuguer l'Humanité à une espèce de gestion comptable qui ne vit que pour s'exaucer.
Pour conclure, il faut rappeler qu'il n'y a rien de chouette dans le sacrifice. La voie des armes par exemple, implique un esclavage, une aliénation de soi, de grandes douleurs, d'interminables manœuvres, loin de l'imaginaire plein d'aventure suscité par les médias.

Il faut rappeler aux individus qu'ils ont la liberté de ne pas se sacrifier, que la jouissance est plus agréable.
Il faut les aider à comprendre ce qui suscite leur vocation, leur sacrifice, leur apprendre à regarder le passé, leur trajectoire de vie et à détecter la séduction dont ils seraient les clients (ou victimes).
Il faut apprendre à l'Homme à ne pas être un cheval, une machine, mais là encore, il y a un paradoxe, car notre société a besoin de chevaux et de machines pour fonctionner.
Colbert ne disait-il pas déjà au 17ème siècle : "Il est des Hommes que la Providence a fait naître d'une condition à labourer la terre, et à qui il n'est pas opportun d'enseigner les voies de la raison." ?
Y-a-t-il un intérêt inavouable à ce que les inégalités et la reproduction sociale perdure ?

[indian]

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