Eh bien eh bien, que de trépidations! Je ne m'attendais pas à ce qu'un débat qui oppose les vues de l'agnosticisme et celles de l'athéisme prenne une telle ampleur.
Je dois honnêtement confesser que mon post initiateur était intentionnellement chargé d'idées ambigües, contestables, et sans doute d'un ton provocateur (comme le mot "lâche" que certains ont relevé). Dans mon expérience des débats, si courte soit-elle, ce genre d'attitude provoque bien plus de réaction qu'une idée plate et passe-partout. Mais mes propres opinions sont un peu en dessous de ce que j'ai affirmé.
Au moins, comme l'a dit Pangolin_fou, il est heureux de constater que la majorité des réponses sont argumentées; en laissant de côté quelques malheureux procès personnels (mais tel est l'humain) et les fautes d'orthographe (je suis un peu puriste à ce niveau), je crois qu'on peut presque se réjouir de cette bataille intellectuelle... C'est tout de même intéressant de constater que deux prises de position qui présentent tellement plus de similitudes que de dissimilitudes soient pourtant autant défendues et distinguées l'une de l'autre. Soit.
Ryuujin a écrit :Non. Le mot "probabilité" a un seul et unique sens, et ta phrase est fausse : l'agnostique ne considère absolument pas qu'il y a égalité des probabilité des deux hypothèses : il considère qu'on ne PEUT PAS calculer ces probabilités.
La question de l'existence ou non de Dieu est absurde dans la mesure ou les croyants définissent leur Dieu comme n'étant pas soumis à la raison.
La seule position rationnelle face à une question absurde est de ne pas y répondre, pas d'y répondre par l'opposé de ce qui nous est affirmé.
Il est absurde de prétendre répondre à une question absurde !
Et c'est tout aussi vrai pour l'éléphant furtif, la licorne rose etc...etc...
Je vois ici deux problèmes. Le premier est cette fixation sur la probabilité. J'avais effectivement bien anticipé le coup lorsque je disais
tguiot a écrit :Je suis sûr qu'on me répondra "Mais il n'y a pas d'autre sens pour les probabilités que le sens mathématique!"
Baphomet souligne également cette erreur d'interprétation (mais peut-être erreur du choix des mots de ma part également, je m'en excuse), mais ce n'est pas suffisant. Peut-on se mettre d'accord sur la définition d'agnostique d'abord? Voici ce que je propose: "L'agnostique, au vu des "preuves" ou arguments présentés par les deux côtés, estime qu'aucun n'est définitif et irréfutable, et donc ne prend pas position." Ça me semble juste; aux agnostiques de me confirmer.
En admettant donc cette définition, on peut d'abord souligner la partie "au vu des arguments" qui nécessite que l'agnostique fasse les mêmes recherches que l'athée (et normalement le croyant, mais c'est beaucoup plus rare) avant de prendre sa position (ou "non-position"). Cela ne m'étonnerait pas que certains autoproclamés agnostiques n'aient pas eu cette démarche; c'est à eux que s'adressera surtout l'adjectif "lâche", bien qu'il soit trop fort malheureusement; ne vous focalisez donc pas sur ce mot. Dans un tel contexte, l'agnosticisme est une position de facilité qui, comme le disait effectivement Poincaré, dispense de réfléchir.
Pour les autres agnostiques, ceux qui ont effectué cette démarche bien raisonnable et qui persistent à se déclarer agnostiques, j'y vois surtout une forme de malhonnêteté intellectuelle, inconsciente ou consciente, qui fait plus appel au principe de précaution qu'à une véritable "rationnalité". Si vous avez effectivement bien réfléchi à tous les arguments présentés, je parle surtout de ceux des croyants car vous êtes tout aussi capables de les réfuter que les athées (mais je reviendrai là-dessus), je ne peux honnêtement pas croire qu'un seul d'entre vous, les agnostiques, puisse se déclarer prêt à estimer l'existence de Dieu comme étant une position valide. Et ce qui me conforte plus que tout dans cette assertion, ce sont vos propres propos du style "Un agnostique est un athée en pratique" ou "un agnostique vit sa vie sans se préoccuper de la question de Dieu" ou "Dieu est une hypothèse inutile". Vous oubliez que c'est également le cas des athées!
Ceci m'amène au second problème, mais avant cela, je me dois de réfuter l'idée de Ryuujin à propos des questions absurdes. Je suis d'accord que la question de Dieu est absurde, mais contrairement à Ryuujin, elle n'est pas absurde parce que Dieu est défini comme en-dehors de la raison (c'est vrai que certains croyants font appel à cet argument de facilité, preuve d'une malhonnêteté intellectuelle bien plus phénoménale, mais je ne crois pas que c'est une généralité), elle est absurde pour toutes les définitions de Dieu dans son ensemble. Et je dis bien les définitions (au pluriel) tant la diversité est grande; sans doute pas parce que Dieu est insaisissable mais bien parce que les croyants qui essaient d'argumenter modifient gratuitement la définition de Dieu pour éviter telle ou telle réfutation des athées. Je m'écarte un peu. Ce que je veux dire surtout, c'est que si l'on se base sur un Dieu défini comme en-dehors de la raison, la question de son existence est absurde, et donc la réponse est absurde aussi. Ce serait comme vouloir répondre à des questions comme: de quelle couleur est la tristesse? La vérité mesure combien de centimètres? De telles questions absurdes ne méritent même pas de réponse, effectivement. En cela, il n'y a même pas à se positionner sur un agnosticisme ou un athéisme, on rejette simplement cette question ridicule.
Mais rejeter cette question, ou la taxer de ridicule, revient précisément à démontrer qu'elle est infondée, indéfendable, n'a pas de sens d'être posée; et si cette question fait mention de l'existence de quelque chose, rejeter la question a pour conséquence de rejeter l'existence de la chose définie dans la question. Rejeter la question de l'existence de ce Dieu absurde que définit Ryuujin, c'est précisément ne pas y croire. Ne venez pas me dire que vous êtes agnostiques à propos des fées, de la licorne rose ou de l'éléphant furtif, tout de même ! Je ne pourrais pas croire que vous êtes honnêtes si vous tenez à démentir que refuser de prendre position, c'est dire parallèlement que les deux réponses possibles (peut-être pas également possibles, mais possibles tout de même). Et j'aurais du mal à croire que vous trouviez l'existence de Dieu possible. Même en tant qu'agnostiques, vous avez bien du, ne fut-ce qu'une fois dans votre vie, tenter de prendre position, non ? N'avez-vous jamais tenté de répondre à la question: "Croyez-vous en Dieu" ? Je doute que oui. Et je doute encore plus que, lorsque ce fut le cas, vous ayez répondu: "Oui, Dieu est une possibilité".
Si Dieu n'est pas défini de façon absurde (est-ce vraiment possible? C'est une autre question…), mais qu'il reste en-dehors de la raison; alors il n'y à plus qu'à faire appel à la subjectivité, comme lorsque je faisais le parallèle avec Beethoven. Dans ce genre de question, notamment sur les goûts musicaux, ou la notion de beauté, on se trouve aussi en dehors de la raison sans avoir de question absurde forcément. Et dans ce contexte, il n'est pas mieux d'être agnostique que de prendre position. Lorsque je disais "Beethoven est le plus grand des compositeurs", je peux défendre mon avis sans jamais prouver que j'ai raison; mais il n'y a rien de raisonnable à ne pas prendre parti; ou, en tout cas, il n'y a rien d'utile. Si l'on cherche systématiquement à défendre l'agnosticisme dans toutes les questions "sans raisons", alors c'est tout un univers humain qui s'écroule: le culturel, l'art… Mais de toute façon, je ne suis pas sur que la question de Dieu rentre dans cette catégorie tout court… Je vois mal un dieu défini en dehors de la raison, mais sans être défini de façon absurde…
Et lorsque Dieu est défini sans cette idée d'être en dehors de la raison, alors la réfutation de cette définition nous fait tendre à rejeter son existence également. Si je vous raconte une histoire incroyable, et que je vous assure qu'elle est absolument vraie, d'ailleurs je l'ai lu quelque part; n'iriez-vous pas étudier cette histoire, en vérifier les différents aspects? Et si vous en veniez à réfuter chaque détail, ou presque, de mon histoire, ne diriez-vous pas que je mens? Que cette histoire est fausse?
Le second problème que j'ai à souligner tient dans la définition de l'athéisme. Il porte bien son nom: a-théisme. L'athée réfute donc le dieu des théistes, principalement. C'est un point très important parce que c'est ce Dieu là que nous réfutons. Chaque fois que j'ai fait référence à Dieu, je parle de ce Dieu là, ce dieu extrêmement souple dans sa définition, affublé ou pas de telle ou telle caractéristique; de toute façon, il est pris dans son ensemble, et chaque détail est réfutable (et de fait, réfuté). Il est presque certain que l'athée (nous devrions l'appeler athéiste) est aussi un "adéiste", mais il est certainement moins catégorique. Pour ma part, je ne crois pas non plus au dieu des déistes, mais je reste beaucoup plus prudent, avec une tendance à l'agnosticisme pour le dieu déiste. Cette distinction était primordiale.
Quant à l'athéisme, maintenant qu'on sait duquel on parle, il faut parler de son argumentation. Elle n'existe pas! Il n'y a pas d'arguments véritablement athées. Les arguments athées sont en substance des réfutations des arguments croyants! Je ne peux parcourir ici la liste de tous les arguments croyants, mais il est clair que l'argumentation athée consiste en une réfutation, ni plus ni moins. N'oublions pas que l'athée n'est pas quelqu'un qui va dire: "j'invente un être quelconque que je vais m'attarder à réfuter" Vous imaginez-vous la perte de temps que ce serait? Ca l'est déjà presque maintenant avec ce que racontent les croyants… Les arguments qui ne sont pas des pures réfutations des arguments croyants sont des "démonstrations" par l'absurde (pour lesquelles, je le rappelle, il convient d'abord d'accepter l'hypothèse a priori), parfois des sophismes (pas pris au sérieux et à ne pas prendre au sérieux), et sans doute l'une ou l'autre véritable exception.
Rappelons en passant que l'athéisme n'a rien de dogmatique. Mais jusqu'à présent, aucun argument valable n'a été présenté (et c'est bien à eux de les présenter, puisque c'est eux qui ont émis cette hypothèse). Comme l'a bien dit Baphomet:
Baphomet a écrit : Le jour ou les croyants avanceront des arguments objectifs et rationnels concernant l’existence de dieu, alors le doute en ce qui concerne une potentielle existence de dieu sera raisonnable.
Et je viens de lire aussi autre chose de l'ami Baphomet:
Baphomet a écrit : donc il admet la potentielle existence de cette irrationalité, sinon il serait athée
Curieux de savoir ce qu'en disent les agnostiques. Car cette formulation reprend l'idée malheureusement formulée précédemment avec toute cette histoire de probabilité. Avouez que vous avez un peu profité de ça (je pense à Ryuujin) en restant fixé sur le mot probabilité, alors que vous aviez sans doute bien compris le message.
Bon, voilà, désolé pour la longueur, mais défendre sa position est quelque chose de complexe, et quand il s'agit de différences relativement subtiles comme ici entre athéisme et agnosticisme, il est difficile de tenir en 3 phrases.