Claude Phaneuf a écrit :Didier a écrit :
Il est clair que les restrictions d'Actes 15.20 sont données pour ménager les susceptibilités des Juifs. La majorité des commentateurs bibliques sont en accord sur ce point. Mais, demandera-ton, que vient faire la "fornication" (porneia) dans ce texte ? N'oublions pas que ces restrictions sont données dans un contexte juif.
Je vous invite maintenant à lire deux discours de Jésus sur le divorce (Matthieu 5.31-32 ; 19.3-12).
Comment vous le savez très probablement, l'évangile de Matthieu s'adresse à des Juifs. Avez-vous remarqué que le mot "porneia" apparaît dans les deux discours de Jésus sur le divorce (voir Matthieu 5.32 et Matthieu 19.9) ?
Vous vous demandez sans doute où je veux en venir, et quel est le rapport avec Actes 15.20 ?
Avant de vous répondre, je vous invite à lire les mêmes discours de Jésus sur le divorce dans les textes parallèles de l'évangile de Marc 10.2-12 (= Matthieu 19.3-12) et de l'évangile de Luc 16.18 (= Matthieu 5.31-32).
Maintenant, que remarquez-vous dans ces deux textes ? Avez-vous noté que le mot "porneia" y est absent ? Étrange, n'est-ce pas ? C'est d'autant plus étrange que l'évangile de Marc et celui de Luc, contrairement à l'évangile de Matthieu, s'adressent à des non juifs. Pourquoi le mot "porneia" est-il présent dans les textes qui s'adressent aux Juifs (Matthieu 5.31-32; 19.3-12), alors qu'il est absent des mêmes textes qui s'adressent à des non juifs ?
Ce qui m'amène à demander : Se pourrait-il que la "porneia" soit quelque chose qui se rapporte directement et exclusivement aux Juifs ? Je vous laisse quelques jours pour trouver l'explication, car il y a une explication qui vient aussi éclairer le texte d'Actes 15.20.
Salutations dans le Christ
CP
Au sens large, la
porneia désigne la fornication, mais ce n'est pas là le seul sens du terme. La
porneia se rapporte aussi « aux mariages à des degrés de consanguinité prohibés par le Lévitique », comme le souligne C.S.C. Williams, A Commentary on the Acts of the Apostles. Black's New Testament Commentary. London : Adam and Charles Black, 1975, page 183. L'auteur est d'avis que la
porneia d'Actes 15 doit possiblement se comprendre dans ce sens.
Le Dr F.F. Bruce abonde dans le même sens : « Les principales conditions touchant aux relations sociales sont les lois alimentaires. L'interdiction de la
débauche (gr. :
porneia, litt. « la fornication ») vise ici la violation du code matrimonial du Lévitique (ch. 18). (La fornication au sens large était de toutes façons formellement défendue aux chrétiens) » (Nouveau Commentaire Biblique, Saint-Légier, Suisse : Éditions Emmaüs, 1978, page 1038).
Le IVP New Testament Commentaries (un commentaire évangélique) est aussi d'avis que la
porneai d'Actes 15 fait probablement allusion aux mariages prohibées par le Lévitique 18.6-18.
En fait, très nombreux sont les biblistes qui disent que la
porneia d'Actes 15 se réfère aux mariages entre consanguins défendus par la Loi mosaïque (Lévitique 18.6 et suiv.).
Je citerai un dernier commentateur qui indique le lien entre les textes de Jésus sur le divorce et le texte d'Actes 15 :
En tenant compte des destinataires de Matthieu et des particularités de Matthieu 19.3-9, au regard du parallèle de Marc, on peut supposer que la problématique sousjacente à la clausule (la clausule d'exception pour porneia) était semblable à celle qui occasionna le décret de Jérusalem (Actes 15.23-29). Cette décision requière des chrétiens convertis de la gentilité de s'abstenir, entre autres choses, de la
porneia. Dans ce contexte, et aussi dans Matthieu 19.9,
porneia revêt le sens de
zenût ou "prostitution", appliqué à toute union de caractère incestueux (cf. Lévitique 18). Les textes de Qumram paraissent confirmer cette interprétation (cf.
Theological Studies 1976, pp. 197-226). "De telles unions, contractées légalement entre païens ou tolérées par les Juifs eux-mêmes chez les prosélytes, ont dû faire difficulté quand ces gens se convertissaient, dans les milieux judéo-chrétiens légalistes comme celui de Matthieu : d'où la consigne de rompre de telles unions irrégulières qui n'étaient en somme que de faux mariages. On ne retirait rien à l'interdiction absolue du Seigneur, on confirmait plutôt la sainteté du mariage en condamnant toute union illicite" (P. Benoit 123s). Ce doit être avec ce sens qu'il faut lire Matthieu 19.9 : "Or je vous le dis : quiconque répudie sa femme – sauf en cas de
porneia (union illégitime) – et en épouse une autre, commet un adultère". A cela des manuscrits ajoutent : "et qui épouse une répudiée commet un adultère", par harmonisation avec Matthieu 5.32 (Léopold Sabourin, L'Évangile selon Saint Matthieu et ses principaux parallèles, 1978, pages 252-253).
CP