LumendeLumine a écrit : Ce que j'essayais de vous faire voir, c'est que si d'une succession de deux évènements, vous pouvez déduire une relation, c'est que vous pré-supposez la vérité du principe du causalité. La causalité ne peut pas être constatée expérimentalement.
Je vous repose la question: qu'entendez-vous par "x est cause de y"? Qu'est-ce que "causer", et qu'est-ce qui vous permet de passer de "ces deux phénomènes se suivent dans le temps" à "ceci est cause de cela"?
Je vous réponds très simplement : l'esprit commence par noter une consécution temporelle entre événements (x puis y). Il se demande (c'est son travail propre) si l'on peut supposer que x est la cause de y, autrement dit, pour l'exprimer trivialement, si x "fabrique" y. Il peut y avoir des consécutions qui ne sont pas causales (exemple que vous donnez de la nuit qui suit le jour) et c'est au travail de la réflexion et à la vérification par l'expérience de mettre cela en évidence. Mais ce que l'homme constate rapidement c'est que "rien n'existe par soi" (notez la formulation) : il y a toujours derrière chaque y un x qui l'a causé, qui l'a "fabriqué" et sans lequel il n'existerait pas : le vrai x causant l'alternance des jours et des nuits est la rotation de la terre sur elle-même. Pour n'importe quel objet, n'importe quel fait il y a toujours un x antécédent que l'on peut trouver et sans lequel cet objet ou ce fait n'existerait pas. D'où le principe de causalité : "tout ce qui existe dans la réalité observable a une cause" autrement dit : "tout ce qui existe est 'fabriqué par', 'trouve son origine dans' quelque chose qui le précède".
Vous voyez bien là encore que votre définition du principe de causalité n'est pas la bonne : vous constatez bien par vous-mêmes que nulle part dans ce processus intellectuel n'est rencontré l'idée d'un quelque chose existant par soi. C'est donc prendre les chose à l'envers que de commencer la définition du principe de causalité par : "tout ce qui n'existe pas par soi..."
Pour le dire autrement : la formulation "tout ce qui existe dans la réalité observable est 'fabriqué' par un autre, sans lequel il n'existerait pas" est correcte, rien n'y excède l'expérience, par contre la formulation "tout ce qui n'est pas 'fabriqué par soi'" pêche, comme je vous l'ai déjà longuement expliqué, car elle sous-entend un quelque chose qui existerait par soi et dont la réalité serait exclue, "être par soi" qui devient le principe de la définition de la réalité par rapport auquel les relations entre les choses existantes sont définies négativement.
Ca ne paraît rien, mais passer d'une définition ("tout ce qui existe est fabriqué par un autre") à une autre ("tout ce qui n'est pas fabriqué par soi l'est par un autre") constitue un saut inacceptable, comme je pense vous devez de mieux en mieux vous en rendre compte maintenant...
LumendeLumine a écrit :
Il n'est pas qu'une hypothèse; mais il est réellement requis pour expliquer la multiplicité, le devenir, la contingence. Et je ne vois pas en quoi en admettre l'existence fait oublier que les seuls objets que nous puissions connaître sont ceux qui nous entourent. Très bien, ne mettez aucun qualificatif à la réalité qui vous entourent, n'essayez pas de la scruter, de la décortiquer, d'en comprendre les divisions, la variété; mais alors je cesse de discuter avec vous, puisque le sujet ne vous intéresse pas. Bien sûr, elle est, elle est réelle; mais cela vous aveugle-t-il? La réalité est-elle éblouissante à ce point qu'elle rend vain tout questionnement à son sujet?
"Scruter", "décortiquer" la réalité c'est essayer d'en connaître les possibilités réelles, les constituants comme le fait la science par exemple. Encore une fois, je vous le répète : je n'ai jamais dit que la réalité observable constituait avec certitude le tout de la réalité. Je suis beaucoup plus prudent : elle ne "m'éblouie" pas au sens où elle m'empêcherait de formuler l'hypothèse qu'elle ne constitue pas l'ensemble du réel. C'est vous au contraire qui partez de la certitude qu'elle n'est pas tout, c'est donc vous que l'on peut raisonnablement accusé d'être "ébloui" par ce que vous supposez au-delà de cette réalité, à tel point que vous ne soyez pas capable d'envisager qu'elle est peut-être bel et bien (cette réalité matérielle) le tout du réel.
LumendeLumine a écrit :Aucune chose concrète qui nous entoure n'épuise l'être, c'est une certitude et non une hypothèse; si nous n'étions pas certains, ce serait admettre la possibilité que toutes les choses soient illusoires sauf une, qui en elle-même épuiserait la notion d'être. Ce serait nier le devenir, qui fait apparaître ce qui n'était pas encore; ce serait nier que du nouveau puisse apparaître. Du nouveau, il en apparaît constamment! D'où il est évident qu'aucune chose n'épuise la notion d'être. Bien plus, la variété immense et fluctuante des êtres montre que l'être est une nature riche et infinie, du moins, à toutes fins pratiques.
Cette idée "d'épuiser l'être" est une notion vague qui ne signifie pas grand chose : que voudrait dire "épuiser l'être" dans le cas d'un existant particulier??? Par contre à l'échelle de l'univers, comme Falenn vous le faisait remarquer, cela n'a pas grand sens de dire que "l'univers n'épuise pas l'être", vu que d'être justement on n'en connait que celui des choses de cet univers. Dans ce cas c'est un acte de foi : peut-être l'univers n'épuise-t-il pas l'être mais vous n'en savez rien, encore une fois vous le posez sans le prouver. Cette notion "d'épuiser l'être" est encore une manière de déprécier la réalité, de prendre les choses à l'envers : dans la réalité nous constatons des choses qui "sont", point. Et ces choses ne sont pas plus ou moins, de manière "absolue" ou non, elles sont tout simplement : au contraire vous vous les percevez de manière négative en disant qu"'elles n'épuisent pas l'être", en référant donc leur existence concrète à une supposition ("épuiser l'être") par rapport à laquelle elles se trouvent en défaut. On voit la correspondance avec votre définition du principe de causalité : on pourrait dire que selon vous l'ensemble des choses existantes observables constitue "tout ce qui n'épuise pas l'être" de la même manière qu'elles sont "tout ce qui n'existe pas par soi"... Ou l'art de transformer du positif en négatif. Que vous le vouliez ou non et quelque guirlande "d'être" que vous treissiez autour de la réalité (en imaginant, formulation apparemment généreuse, autant de degrés d'être que vous voulez, de "richesse" d'être que vous voulez) cela revient à déprécier la réalité existante et qui est la seule certitude : "la variété immense et fluctuante des êtres" la nature "riche et infinie" de l'être (jusqu'à Dieu et aux réalités divines, c'est cela que vous voulez dire), sous des dehors positifs, peut encore une fois être fortement soupçonnée de n'être qu'une invention habile de métaphysicien dont l'ombre portée sur la réalité observable a pour but, ou au moins pour conséquence pratique, de la déprécier inévitablement.
La vrai respect a l'égard de la richesse du réel consiste selon moi bien au contraire à poser raisonnablement la possibilité qu'il nous surprenne sans rien faire pour déprécier, sans rien imaginer pour mutiler d'une manière ou d'une autre la réalité qui nous est donnée actuellement.