Il contient en puissance, mais il ne contient pas pour autant actuellement. Puisque vous utilisez le terme, vous connaissez certainement ce qui signifie "en puissance"; c'est à l'opposé de "en acte". C'est une aptitude à être, une capacité à recevoir une détermination, mais pas une actualité. L'Univers contient certes en puissance tout ce qu'il sera; il n'est pas pour autant le tout du réel; n'est réel que ce qui existe actuellement; vous ne pouvez pas faire de ce qui n'est qu'en puissance une réalité. Du reste, ce qui est en puissance ne passe pas de soi-même à l'acte; seul l'acte peut actualiser. On ne peut donc en aucun cas dire que ce qui est en puissance existe en quelque sorte. Un arbre est une table en puissance; mais il n'y a pas pour autant de table réelle avant qu'un agent la forme; la table est réellement nouvelle quand elle est formée, c'est un être qui n'existait pas qui est venu à l'être sous l'action d'un agent extérieur.Florent51 a écrit :Votre phrase "si le tout du réel était ce que nous voyons actuellement, rien de nouveau ne pourrait naître" constitue une énième tentative pour rabaisser le réel observable, jusqu'à le priver de sa capacité de "création infinie de nouveauté" comme dirait Bergson. L'univers qui constitue ce tout du réel est d'ores et déjà lui-même dès le big-bang : il est vraisemblablement le tout de l'être dès son origine, ne changeant pas de nature mais contenant en puissance, par les "matériaux" qui le composent et les lois qui le gouvernent tout le réel qui sera.
La preuve de l'existence de Dieu par voie causale ne procède pas par application du principe de causalité à des êtres autres que ceux de l'expérience; c'est bien le fait que les êtres qui nous entourent soient causés qui implique l'existence d'une cause première. En d'autres termes, s'il y a réellement causalité, alors il n'y a pas causalité à l'infini, car ceci implique contradiction, puisqu'on supprime toute origine à ce que le reste transmet. S'il y a réellement causalité, ce que vous admettez, alors cette causalité doit s'arrêter à un premier terme. Nous ne pouvons pas en douter, car c'est la condition sine qua none pour que la causalité constatée autour de nous soit réelle. Si le mouvement des aiguilles d'une montre est réellement causé par celui du dernier rouage, alors il est nécessaire qu'existe un premier moteur, et ce, même si moteur devait échapper à l'expérience; il faudrait le poser néanmoins, sans pouvoir le connaître.
Pour ce qui est de l'Univers en tant qu'ensemble, j'y ai songé en revenant de l'école ce soir. Comme je vous ai dit, je n'avais que dix minutes pour vous répondre ce matin.
Procédons par analogie, avec des lapins, bien entendu.
Nous constatons que lapin#1 est causé. Lapin#2 est causé aussi. Alors, l'ensemble de lapin#1 et #2 est causé.
Il y a bien, c'est vrai, des propriétés vraies pour l'individu qui ne sont pas vraies pour l'ensemble. Lapin#1 a deux oreilles, lapin#2 aussi, mais l'ensemble des deux n'a pas deux oreilles. Une masse de lapins n'a pas deux oreilles, mais une masse d'oreilles. Par contre, un lapin est blanc, une masse de lapins est blanche aussi.
Il paraît donc que ce qui est logiquement antérieur au lapin (sa cause) demeure logiquement antérieur à ce qui lui est logiquement postérieur (l'ensemble de plusieurs). Avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut avoir un lapin, mais avant d'avoir un lapin, il faut une cause. Donc, avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut une cause. En d'autres termes, puisque la cause permet le lapin, et que le lapin permet l'ensemble, alors la cause permet l'ensemble.
Au contraire, dans ce qui est logiquement postérieur au lapin (ses attributs), on ne peut pas savoir a priori si cela sera postérieur ou antérieur à un autre postérieur (l'ensemble). La seule information que nous avons est que ses attributs et l'ensemble lui sont logiquement postérieurs, mais pas que ses attributs sont antérieurs ou non à l'ensemble. D'où certains attributs sont vrais pour l'ensemble, certains non, rien ne peut être déterminé d'emblée.
Il paraît donc nécessaire de dire que si tout dans l'Univers a une cause, alors l'Univers a une cause, puisque dans l'ordre logique, s'il y a un ensemble des choses, c'est qu'il y a des choses, et s'il y a des choses, c'est qu'elles sont causées. Ce n'est pas un ordre temporel; aussitôt que des choses existent, l'ensemble de ces choses existe aussi; mais c'est un ordre logique; avant de parler d'un ensemble de choses, il faut avoir des choses. De même pour les liens de causalité d'ailleurs, qui en soi ne dépendent pas du temps. L'aiguille est entraînée par le rouage, mais ce ne sont pas des mouvements successifs. Tout se déplace ensemble, et pourtant il y a causalité entre les différents éléments.
Vous dites encore que Dieu défie le principe de causalité. Or je me demande bien de quel principe de causalité vous voulez parler. Selon vous, il n'est applicable qu'à la réalité empirique; or Dieu n'est pas une réalité empirique. Selon moi, il ne s'applique qu'à ce qui n'existe pas de soi; or Dieu, atteint comme cause première, existe forcément de soi.