Qu'est ce que la logique pour Vous ?

Forum Athée / croyant
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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
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LumendeLumine

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Ecrit le 13 sept.06, 13:45

Message par LumendeLumine »

Florent51 a écrit :Votre phrase "si le tout du réel était ce que nous voyons actuellement, rien de nouveau ne pourrait naître" constitue une énième tentative pour rabaisser le réel observable, jusqu'à le priver de sa capacité de "création infinie de nouveauté" comme dirait Bergson. L'univers qui constitue ce tout du réel est d'ores et déjà lui-même dès le big-bang : il est vraisemblablement le tout de l'être dès son origine, ne changeant pas de nature mais contenant en puissance, par les "matériaux" qui le composent et les lois qui le gouvernent tout le réel qui sera.
Il contient en puissance, mais il ne contient pas pour autant actuellement. Puisque vous utilisez le terme, vous connaissez certainement ce qui signifie "en puissance"; c'est à l'opposé de "en acte". C'est une aptitude à être, une capacité à recevoir une détermination, mais pas une actualité. L'Univers contient certes en puissance tout ce qu'il sera; il n'est pas pour autant le tout du réel; n'est réel que ce qui existe actuellement; vous ne pouvez pas faire de ce qui n'est qu'en puissance une réalité. Du reste, ce qui est en puissance ne passe pas de soi-même à l'acte; seul l'acte peut actualiser. On ne peut donc en aucun cas dire que ce qui est en puissance existe en quelque sorte. Un arbre est une table en puissance; mais il n'y a pas pour autant de table réelle avant qu'un agent la forme; la table est réellement nouvelle quand elle est formée, c'est un être qui n'existait pas qui est venu à l'être sous l'action d'un agent extérieur.

La preuve de l'existence de Dieu par voie causale ne procède pas par application du principe de causalité à des êtres autres que ceux de l'expérience; c'est bien le fait que les êtres qui nous entourent soient causés qui implique l'existence d'une cause première. En d'autres termes, s'il y a réellement causalité, alors il n'y a pas causalité à l'infini, car ceci implique contradiction, puisqu'on supprime toute origine à ce que le reste transmet. S'il y a réellement causalité, ce que vous admettez, alors cette causalité doit s'arrêter à un premier terme. Nous ne pouvons pas en douter, car c'est la condition sine qua none pour que la causalité constatée autour de nous soit réelle. Si le mouvement des aiguilles d'une montre est réellement causé par celui du dernier rouage, alors il est nécessaire qu'existe un premier moteur, et ce, même si moteur devait échapper à l'expérience; il faudrait le poser néanmoins, sans pouvoir le connaître.

Pour ce qui est de l'Univers en tant qu'ensemble, j'y ai songé en revenant de l'école ce soir. Comme je vous ai dit, je n'avais que dix minutes pour vous répondre ce matin.
Procédons par analogie, avec des lapins, bien entendu.
Nous constatons que lapin#1 est causé. Lapin#2 est causé aussi. Alors, l'ensemble de lapin#1 et #2 est causé.

Il y a bien, c'est vrai, des propriétés vraies pour l'individu qui ne sont pas vraies pour l'ensemble. Lapin#1 a deux oreilles, lapin#2 aussi, mais l'ensemble des deux n'a pas deux oreilles. Une masse de lapins n'a pas deux oreilles, mais une masse d'oreilles. Par contre, un lapin est blanc, une masse de lapins est blanche aussi.

Il paraît donc que ce qui est logiquement antérieur au lapin (sa cause) demeure logiquement antérieur à ce qui lui est logiquement postérieur (l'ensemble de plusieurs). Avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut avoir un lapin, mais avant d'avoir un lapin, il faut une cause. Donc, avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut une cause. En d'autres termes, puisque la cause permet le lapin, et que le lapin permet l'ensemble, alors la cause permet l'ensemble.

Au contraire, dans ce qui est logiquement postérieur au lapin (ses attributs), on ne peut pas savoir a priori si cela sera postérieur ou antérieur à un autre postérieur (l'ensemble). La seule information que nous avons est que ses attributs et l'ensemble lui sont logiquement postérieurs, mais pas que ses attributs sont antérieurs ou non à l'ensemble. D'où certains attributs sont vrais pour l'ensemble, certains non, rien ne peut être déterminé d'emblée.

Il paraît donc nécessaire de dire que si tout dans l'Univers a une cause, alors l'Univers a une cause, puisque dans l'ordre logique, s'il y a un ensemble des choses, c'est qu'il y a des choses, et s'il y a des choses, c'est qu'elles sont causées. Ce n'est pas un ordre temporel; aussitôt que des choses existent, l'ensemble de ces choses existe aussi; mais c'est un ordre logique; avant de parler d'un ensemble de choses, il faut avoir des choses. De même pour les liens de causalité d'ailleurs, qui en soi ne dépendent pas du temps. L'aiguille est entraînée par le rouage, mais ce ne sont pas des mouvements successifs. Tout se déplace ensemble, et pourtant il y a causalité entre les différents éléments.

Vous dites encore que Dieu défie le principe de causalité. Or je me demande bien de quel principe de causalité vous voulez parler. Selon vous, il n'est applicable qu'à la réalité empirique; or Dieu n'est pas une réalité empirique. Selon moi, il ne s'applique qu'à ce qui n'existe pas de soi; or Dieu, atteint comme cause première, existe forcément de soi.

Florent51

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Ecrit le 16 sept.06, 03:10

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Il contient en puissance, mais il ne contient pas pour autant actuellement. Puisque vous utilisez le terme, vous connaissez certainement ce qui signifie "en puissance"; c'est à l'opposé de "en acte". C'est une aptitude à être, une capacité à recevoir une détermination, mais pas une actualité. L'Univers contient certes en puissance tout ce qu'il sera; il n'est pas pour autant le tout du réel; n'est réel que ce qui existe actuellement; vous ne pouvez pas faire de ce qui n'est qu'en puissance une réalité. Du reste, ce qui est en puissance ne passe pas de soi-même à l'acte; seul l'acte peut actualiser. On ne peut donc en aucun cas dire que ce qui est en puissance existe en quelque sorte. Un arbre est une table en puissance; mais il n'y a pas pour autant de table réelle avant qu'un agent la forme; la table est réellement nouvelle quand elle est formée, c'est un être qui n'existait pas qui est venu à l'être sous l'action d'un agent extérieur.

La preuve de l'existence de Dieu par voie causale ne procède pas par application du principe de causalité à des êtres autres que ceux de l'expérience; c'est bien le fait que les êtres qui nous entourent soient causés qui implique l'existence d'une cause première. En d'autres termes, s'il y a réellement causalité, alors il n'y a pas causalité à l'infini, car ceci implique contradiction, puisqu'on supprime toute origine à ce que le reste transmet. S'il y a réellement causalité, ce que vous admettez, alors cette causalité doit s'arrêter à un premier terme. Nous ne pouvons pas en douter, car c'est la condition sine qua none pour que la causalité constatée autour de nous soit réelle. Si le mouvement des aiguilles d'une montre est réellement causé par celui du dernier rouage, alors il est nécessaire qu'existe un premier moteur, et ce, même si moteur devait échapper à l'expérience; il faudrait le poser néanmoins, sans pouvoir le connaître.

Pour ce qui est de l'Univers en tant qu'ensemble, j'y ai songé en revenant de l'école ce soir. Comme je vous ai dit, je n'avais que dix minutes pour vous répondre ce matin.
Procédons par analogie, avec des lapins, bien entendu.
Nous constatons que lapin#1 est causé. Lapin#2 est causé aussi. Alors, l'ensemble de lapin#1 et #2 est causé.

Il y a bien, c'est vrai, des propriétés vraies pour l'individu qui ne sont pas vraies pour l'ensemble. Lapin#1 a deux oreilles, lapin#2 aussi, mais l'ensemble des deux n'a pas deux oreilles. Une masse de lapins n'a pas deux oreilles, mais une masse d'oreilles. Par contre, un lapin est blanc, une masse de lapins est blanche aussi.

Il paraît donc que ce qui est logiquement antérieur au lapin (sa cause) demeure logiquement antérieur à ce qui lui est logiquement postérieur (l'ensemble de plusieurs). Avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut avoir un lapin, mais avant d'avoir un lapin, il faut une cause. Donc, avant d'avoir un ensemble de lapins, il faut une cause. En d'autres termes, puisque la cause permet le lapin, et que le lapin permet l'ensemble, alors la cause permet l'ensemble.

Au contraire, dans ce qui est logiquement postérieur au lapin (ses attributs), on ne peut pas savoir a priori si cela sera postérieur ou antérieur à un autre postérieur (l'ensemble). La seule information que nous avons est que ses attributs et l'ensemble lui sont logiquement postérieurs, mais pas que ses attributs sont antérieurs ou non à l'ensemble. D'où certains attributs sont vrais pour l'ensemble, certains non, rien ne peut être déterminé d'emblée.

Il paraît donc nécessaire de dire que si tout dans l'Univers a une cause, alors l'Univers a une cause, puisque dans l'ordre logique, s'il y a un ensemble des choses, c'est qu'il y a des choses, et s'il y a des choses, c'est qu'elles sont causées. Ce n'est pas un ordre temporel; aussitôt que des choses existent, l'ensemble de ces choses existe aussi; mais c'est un ordre logique; avant de parler d'un ensemble de choses, il faut avoir des choses. De même pour les liens de causalité d'ailleurs, qui en soi ne dépendent pas du temps. L'aiguille est entraînée par le rouage, mais ce ne sont pas des mouvements successifs. Tout se déplace ensemble, et pourtant il y a causalité entre les différents éléments.

Vous dites encore que Dieu défie le principe de causalité. Or je me demande bien de quel principe de causalité vous voulez parler. Selon vous, il n'est applicable qu'à la réalité empirique; or Dieu n'est pas une réalité empirique. Selon moi, il ne s'applique qu'à ce qui n'existe pas de soi; or Dieu, atteint comme cause première, existe forcément de soi.
La réouverture du forum me permet de vous répondre.

La comparaison que vous faites entre un ensemble de lapins et l'univers me paraît pour le moins audacieuse...

A ce stade nos arguments respectifs commencent à être bien connus de l'un et de l'autre. Je ne retire rien à ce qui constitue mon impression définitive : votre définition du principe de causalité est fautive, elle prend les choses à l'envers et se faisant déprécie la réalité. Elle réussit ce tour de passe-passe de comparer de manière dépréciative la seule réalité concrète dont nous ayons la certitude avec une chimère du raisonnement, de telle sorte que c'est cette chimère qui devient le critère ultime du réel.

Si vous le voulez bien, reprenons les choses de manière encore différente, plus concrète. Le principe de causalité (pas le vôtre mais celui qui dit simplement : "tout effet a une cause") s'applique au monde concret que nous connaissons. L'argument de la montre que vous utilisez est intéressant : dans le cas de l'univers nous commençons à avoir à présent une idée précise de la manière dont la montre fonctionne et on remonte assez clairement les mouvements successifs des rouages. En faisant cela, en remontant donc la chaine causale qui veut que tout effet a une cause on remonte aujourd'hui, comme vous le savez certainement, jusqu'à un instant précis de l'univers que l'on appelle le "mur de Planck". A ce moment l'univers a 10 exposant - 44 secondes d'existence. C'est la limite de nos connaissances. Au delà de ce mur on sait que la physique que nous connaissons s'applique, en deça non. On suspecte aujourd'hui ce que l'on appelle l'ère de Planck d'échaper totalement à nos moyens d'investigation : les suppositions laissent à penser que ce qui constitue l'univers à la dimension de Planck est agité de mouvements aberrants, le temps et l'espace tels que nous les connaissons n'ont plus de sens.

Il n'y a donc aucune incongruité, ce serait plutôt le contraire, à supposer qu"'après" le mur de Planck la causalité telle que nous la connaissons disparaît. Les particules ou les phénomènes peuvent de manière très vraisemblables être à la fois causes et effets d'eux-mêmes. Sans en avoir la certitude la physique moderne l'anticipe dès aujourd'hui, notamment dans les travaux en gravité quantique.

Ce que vous faîtes de votre côté, en continuant d'appliquer le principe de causalité au delà du mur de Planck, c'est ni plus ni moins que de "résoudre" par la seule logique une question fondamentale de la physique moderne. On peut aprécier le tour de force. Ou le considérer, tout bien pesé, comme ridicule. Comment ne pas avoir la prudence élémentaire de se demander si une physique et une logique du moyen-âge (le thomisme) sont réellement bien à mêmes de traiter un tel problème? Une fois encore je considère votre manière de raisonner comme imprudente et, au fond, désuète ou en tous les cas peu raisonnable : votre comparaison avec les rouages de la montre le met en évidence. On peut remonter par le raisonnement les mouvements des rouages d'effets en causes et ainsi de suite. Mais cela n'est valable que parce que le temps s'écoule et que notre conception du monde nous invite à penser qu'il y a toujours un "avant". On peut remonter de seconde en seconde mais notre raison n'est pas faite de telle manière qu'elle puisse comprendre qu'à un moment il n'y a plus de seconde qui suive (ou qui précède selon que l'on suit ou que l'on remonte le temps) une autre seconde. Nous nous demanderons toujours : et avant? La physique moderne nous suggère que cette question n'a plus le sens que nous lui accordons au-delà du mur de Planck, c'est-à-dire seulement quelques "instants" après le big-bang.

Le raisonnement que vous produisez me fait un peu penser aux sophismes de Zénon d'élée : vous découpez la réalité de manière logique, et vous en déduisez certaines choses, sans considérer comment les choses se passent concrètement. Votre conception du principe de causalité se trouve donc en quelque sorte suspendue dans l'éther, nageant, dans l'ère de Planck, au milieu d'une réalité que nous ne connaissons pas et qu'elle est (très probablement) bien incapable d'appréhender. Encore une fois, c'est la marque évidente d'un manque de prudence dans le raisonnement... D'une certitude de soi non scientifique tout à fait déplacée...

LumendeLumine

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Ecrit le 19 sept.06, 04:21

Message par LumendeLumine »

Florent51 a écrit :La comparaison que vous faites entre un ensemble de lapins et l'univers me paraît pour le moins audacieuse...
La comparaison est valable dans la mesure où l'Univers est un ensemble de choses concrètes, tout comme l'ensemble de deux lapins que j'ai pris.
Florent51 a écrit :Elle réussit ce tour de passe-passe de comparer de manière dépréciative la seule réalité concrète dont nous ayons la certitude avec une chimère du raisonnement, de telle sorte que c'est cette chimère qui devient le critère ultime du réel.
La raison est faite pour l'absolu, c'est-à-dire un "pourquoi" qui lui-même ne pose pas de "pourquoi", une raison qui n'a pas besoin d'une autre raison. Or soit l'absolu peut être trouvé en ce monde, soit ailleurs; mais s'il ne pouvait pas être connu, alors la raison serait vaine. Une chose est sûre, une métaphysique agnostique fait de l'intelligence humaine une chimère, une fonction de ses propres cadres a priori et non du réel.

Mais si l'absolu n'est pas de ce monde, ce monde est-il une chimère pour autant? Certainement pas: la preuve atteint Dieu comme la source de l'être de l'Univers, et l'Univers existe par participation à cet absolu; or ce qui participe de l'absolu, ne peut pas être une chimère; ou alors, ainsi que je le disais plus tôt, ce serait faire de Dieu une chimère absolue.

Ce n'est pas prendre les choses à l'envers que de considérer comme relatifs les seuls objets de l'expérience. Parce qu'ils sont les seuls connus immédiatement par l'intelligence, ils ne sont pas forcément le tout du réel. Le siècle des Lumières a une fâcheuse tendance à ne qualifier de réel que ce qui peut être perçu directement. C'est un subjectivisme que rien ne justifie. Rien n'oblige à considérer comme absolu ce que nous pouvons connaître, simplement parce que nous ne pouvons pas connaître autre chose. Le crime contre l'intelligence, c'est de la supposer créatrice du réel, donc de ses propres chimères, au lieu d'être la fonction du réel et donc de la vérité objective, laquelle ne dépend pas de notre capacité à la saisir. L'Amérique existait avant d'être objet d'expérience pour l'Homme, bien avant qu'il y pose le pied.


En prenant l'exemple de la montre, je vous montrais justement le genre de causalité qui est à la base de la preuve de l'existence de Dieu, c'est-à-dire ce qui conditionne actuellement tel être à devenir ou à ne point devenir, à être ou à n'être pas: il n'implique pas le passage du temps. Bien différente est la succession des causes dans le temps, qui ne détermine actuellement rien du tout: ces causes n'existent plus et le monde existe toujours.
Il n'y aurait pas contradiction, dit Saint Thomas, à ce que dans le temps les causes soient infinies, ni que l'Univers soit fini et que l'on ne puisse remonter à une cause antérieure.
Ce qui serait contradictoire, c'est que ce qui n'est pas par essence déterminé à exister existe sans rien pour le déterminer; il a le même rapport avec l'être et le non-être, il faut une cause actuelle à son existence. Si donc il existe des choses contingentes, comme c'est le cas de tout ce qui est objet d'observation autour de nous, alors il existe un être nécessaire, et nécessaire de soi; s'il était nécessaire par un autre, il faudrait poser cet autre, et ainsi jusqu'à ce qu'on remonte à un nécessaire par soi.

Vous voyez donc que ce raisonnement est tout à fait indépendant de l'avancement de la physique, et qu'il est vain d'opposer à Saint Thomas qu'en son temps elle était moins avancée. Il ne s'en sert que pour donner des exemples, de temps à autre, comme on le ferait aujourd'hui: mais il ne confond pas physique et métaphysique.

Florent51

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Ecrit le 21 sept.06, 05:15

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :La comparaison est valable dans la mesure où l'Univers est un ensemble de choses concrètes, tout comme l'ensemble de deux lapins que j'ai pris.
Vous dîtes avec justesse "dans la mesure où" ce qui nous indique que la comparaison a un rayon de compétence limité. En fait même très limité. L'univers est très loin d'être seulement "un ensemble de choses concrètes". En disant cela vous risquez fortement de nier sa spécificité en le réduisant à n'être qu'un ensemble de choses comme les autres, comme un ensemble d'élèves dans une classe ou un ensemble de lapins (chats, cochins d'inde, etc).. Ce qui est évidemment douteux : à propos de tout ensemble à l'intérieur de l'univers il y a un sens à demander : "Qu'y a-t-il en dehors de cet ensemble"? On peut aussi demander : "Cet ensemble est-il compris comme élément à l'intérieur d'un autre ensemble"? Dans le cas de l'univers il paraît fort vraisemblable que cela n'ait pas de sens... Donc, encore une fois, méfiez-vous des raccourcis que vous faîtes lorsque vous décrivez l'univers.
LumendeLumine a écrit : La raison est faite pour l'absolu, c'est-à-dire un "pourquoi" qui lui-même ne pose pas de "pourquoi", une raison qui n'a pas besoin d'une autre raison. Or soit l'absolu peut être trouvé en ce monde, soit ailleurs; mais s'il ne pouvait pas être connu, alors la raison serait vaine. Une chose est sûre, une métaphysique agnostique fait de l'intelligence humaine une chimère, une fonction de ses propres cadres a priori et non du réel.
Je vous réponds brièvement car je vous avoue que quel que soit le charme indéniable que je trouve à notre conversation et la qualité de vos réparties je m'irrite parfois de certains passages chez vous, comme celui-ci, qui m'apparaissent plus comme une sorte de "préchi-prêcha" que comme des arguments. Dire "la raison est faite pour l'absolu" est votre croyance, dite telle quelle elle ne signifie pas grand chose. Tout cela est vague, creux et sans preuve. Vous pourriez aussi bien donner les horaires de la messe et l'adresse de l'église la plus proche de mon domicile, ça aurait à peu près la même valeur argumentative à mes yeux.
LumendeLumine a écrit : Mais si l'absolu n'est pas de ce monde, ce monde est-il une chimère pour autant? Certainement pas: la preuve atteint Dieu comme la source de l'être de l'Univers, et l'Univers existe par participation à cet absolu; or ce qui participe de l'absolu, ne peut pas être une chimère; ou alors, ainsi que je le disais plus tôt, ce serait faire de Dieu une chimère absolue.
Encore une fois vous prenez les choses à l'envers : toute notre discussion repose sur la question de savoir si, d'aventure, l'univers ne pourrait pas être sa propre cause (son propre "absolu" en ce sens). Si vous commencez votre raisonnement par "l'absolu n'est pas de ce monde" vous posez une pétition de principe. C'est un peu systématique chez vous.
LumendeLumine a écrit : Ce n'est pas prendre les choses à l'envers que de considérer comme relatifs les seuls objets de l'expérience. Parce qu'ils sont les seuls connus immédiatement par l'intelligence, ils ne sont pas forcément le tout du réel.
Nous devrions nous arrêter là : cette phrase me paraît tout à fait juste et indiscutable. Elle représente une bonne position de logique agnostique, prudente et soucieuse de ne rien mutiler du réel, tout en outrepassant pas les quelques (et seules) certitudes que nous avons sur le sujet.
LumendeLumine a écrit : Le siècle des Lumières a une fâcheuse tendance à ne qualifier de réel que ce qui peut être perçu directement. C'est un subjectivisme que rien ne justifie. Rien n'oblige à considérer comme absolu ce que nous pouvons connaître, simplement parce que nous ne pouvons pas connaître autre chose. Le crime contre l'intelligence, c'est de la supposer créatrice du réel, donc de ses propres chimères, au lieu d'être la fonction du réel et donc de la vérité objective, laquelle ne dépend pas de notre capacité à la saisir. L'Amérique existait avant d'être objet d'expérience pour l'Homme, bien avant qu'il y pose le pied.
Je vous l'ai déjà dit la position agnostique n'affirme pas que le réel apparent résume à lui tout seul forcément l'ensemble du réel.
Pour l'Amérique c'est comme pour Dieu : tant qu'il n'existe pas de preuve objective se prononcer avec certitude sur son existence est aventureux.
LumendeLumine a écrit : En prenant l'exemple de la montre, je vous montrais justement le genre de causalité qui est à la base de la preuve de l'existence de Dieu, c'est-à-dire ce qui conditionne actuellement tel être à devenir ou à ne point devenir, à être ou à n'être pas: il n'implique pas le passage du temps. Bien différente est la succession des causes dans le temps, qui ne détermine actuellement rien du tout: ces causes n'existent plus et le monde existe toujours.
Il n'y aurait pas contradiction, dit Saint Thomas, à ce que dans le temps les causes soient infinies, ni que l'Univers soit fini et que l'on ne puisse remonter à une cause antérieure.
Ce qui serait contradictoire, c'est que ce qui n'est pas par essence déterminé à exister existe sans rien pour le déterminer; il a le même rapport avec l'être et le non-être, il faut une cause actuelle à son existence. Si donc il existe des choses contingentes, comme c'est le cas de tout ce qui est objet d'observation autour de nous, alors il existe un être nécessaire, et nécessaire de soi; s'il était nécessaire par un autre, il faudrait poser cet autre, et ainsi jusqu'à ce qu'on remonte à un nécessaire par soi.
On tourne en rond : je vous ai déjà dit et répété que votre définition du principe de causalité est fautive (en fait idéologiquement orientée). L'univers pourrait bien être la cause actuelle des choses qui existent à présent. Et comme je vous le disais la physique moderne met en évidence qu'il est fort possible qu'avant le temps de Planck les lois que nous connaissons ne s'appliquent pas : des choses peuvent être à la fois cause et effet d'elles-mêmes. Le nécessaire par soi peut très bien être, aux yeux de la physique moderne, l'univers lui-même.
LumendeLumine a écrit :Vous voyez donc que ce raisonnement est tout à fait indépendant de l'avancement de la physique, et qu'il est vain d'opposer à Saint Thomas qu'en son temps elle était moins avancée. Il ne s'en sert que pour donner des exemples, de temps à autre, comme on le ferait aujourd'hui: mais il ne confond pas physique et métaphysique.
Encore une fois vous affirmez sans preuve : il est fort possible que le questionnement métaphysique soit renouvelé et enrichi par la physique moderne (votre dogmatisme à ce sujet m'invite à vous conseillez un ouvrage de Carnap au titre assez parlant : "les fondements philosophiques de la physique" où il parle longuement du principe de causalité dans les sciences. Ce qui vaut dans un sens a de grande chance de valoir aujourd'hui dans l'autre : retentissement de la physique sur la philosophie et la métaphysique. Votre attitude est un peu comparable à celle d'un Bergson qui niait les innovations radicales introduites dans nos conceptions par la Physique d'Einstein parce qu'elles contredisaient sa métaphysique du temps. Cette attitude paraît aujourd'hui ridicule, effectivement).
Donc, je résume : vous commencez par poser d'autorité que le principe de causalité se dit "tout ce qui ne peut exister par soi existe par un autre", vous concluez aventureusement (sans raison suffisante) du fait que les choses concrètes que nous connaissons n'existent pas par soi au fait que l'univers lui-même tout entier n'existe pas par soi et ensuite vous découvrez (petitio principii) l'existence nécessaire de Dieu. L'introduction de la physique moderne (que visiblement vous connaissez peu ou mal puisque vous ne vous y penchez sérieusement à aucun moment pour la discuter) dans ma réflexion met en évidence que le passage de la non-nécessité de l'existence des choses contingentes à la non-nécessité selon vous de l'univers lui-même est loin d'être assuré. Lorsque vous refusez de voir le lien qui unit réflexion métaphysique et problèmes de physique vous me semblez vraiment correspondre beaucoup mieux que moi à l'accusation que vous me lancez de faire de l'intelligence une chimère détachée du réel.

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Ecrit le 21 sept.06, 08:44

Message par LumendeLumine »

Florent51 a écrit :L'univers est très loin d'être seulement "un ensemble de choses concrètes". En disant cela vous risquez fortement de nier sa spécificité en le réduisant à n'être qu'un ensemble de choses comme les autres, comme un ensemble d'élèves dans une classe ou un ensemble de lapins (chats, cochins d'inde, etc).. Ce qui est évidemment douteux : à propos de tout ensemble à l'intérieur de l'univers il y a un sens à demander : "Qu'y a-t-il en dehors de cet ensemble"? On peut aussi demander : "Cet ensemble est-il compris comme élément à l'intérieur d'un autre ensemble"? Dans le cas de l'univers il paraît fort vraisemblable que cela n'ait pas de sens...
Je reconnais avec vous que l'Univers est par définition le plus grand ensemble concret qu'on puisse concevoir. Mais pouvoir se poser la question "Qu'y a-t-il en-dehors de cet ensemble", est-ce là une propriété positive d'un ensemble? Que cette question ne se pose pas à propos de l'ensemble "Univers", cela signifie-t-il que cet ensemble est positivement différent, que ce qui le définit est différent de ce qui définit les autres ensembles? Si vous retenez une définition très restreinte d'ensemble, je ne sais trop laquelle, qui ne s'appliquerait qu'à certains objets concrets, d'accord; mais la notion large et générale d'ensemble s'applique aussi bien à l'Univers qu'à tout ensemble de choses concrètes. Ce qui change, entre "l'ensemble de toutes les choses qui existent" et "l'ensemble d'une partie des choses qui existent", ce n'est pas la notion d'ensemble, c'est ce qu'il contient. A fortiori sera-t-il impossible de justifier qu'un ensemble puisse être antérieur à ce dont il est l'ensemble, comme vous le soutenez encore. C'est là une contradiction évidente: ce qui est logiquement postérieur à des choses concrètes ne peut leur être logiquement antérieur. L'ensemble de tout ce qui existe serait la cause de tout ce qui existe? Allons donc. Prenez vous aussi deux minutes pour y réfléchir sérieusement.
Florent51 a écrit :Dire "la raison est faite pour l'absolu" est votre croyance, dite telle quelle elle ne signifie pas grand chose. Tout cela est vague, creux et sans preuve.
Lorsque la raison demande "pourquoi", elle cherche une réponse, une explication. Si elle demande "pourquoi", c'est qu'elle comprend la relativité de la chose en question, et qu'elle cherche à quoi cette chose est relative. En d'autres termes, ne pouvant trouver en une chose sa raison d'être, elle la cherche en une autre. De ce simple constat on remarque que la raison n'aura pas de repos tant qu'elle n'aura atteint ce qui n'est pas relatif à autre chose, ce qui a en soi sa raison d'être. Comment ne pas conclure autrement? Si la raison peut poser "pourquoi" à tout contingent, et qu'il n'y a pas de nécessaire, alors son "pourquoi" n'a aucun sens parce qu'il ne rejoint, en définitive, que des êtres aussi pauvres en raison d'être: il serait de faux de prétendre avoir trouvé une explication dans un quelconque être qui lui-même a besoin d'explication. S'il n'existe que de tels êtres, alors il n'y a pas d'explication à trouver où que ce soit: et la raison serait donc faite pour chercher ce qui n'existe pas.
C'est en sens que j'affirme: la raison serait vaine.
Florent51 a écrit :Encore une fois vous prenez les choses à l'envers : toute notre discussion repose sur la question de savoir si, d'aventure, l'univers ne pourrait pas être sa propre cause (son propre "absolu" en ce sens). Si vous commencez votre raisonnement par "l'absolu n'est pas de ce monde" vous posez une pétition de principe.
Je n'ai commencé aucun raisonnement en posant que l'absolu n'était pas de ce monde. J'ai dit: "Si l'absolu n'est pas de ce monde, ce monde n'est pas une chimère pour autant", et non pas "L'absolu n'est pas de ce monde, donc...".

Vous dites que l'agnosticisme n'affirme pas que les objets de l'expérience forment le tout du réel, et néanmoins vous dites que si ce n'était effectivement pas le cas, en d'autres termes, s'il fallait affirmer qu'un Être suprême existe au-dessus de la réalité empirique, ce serait une mutilation de cette réalité empirique. Or, il n'y a pas d'autre manière d'éviter cette "mutilation" que de poser que la réalité empirique est bien, forcément, le tout du réel... Autrement la mutilation est toujours envisageable, et vous ne pouvez pas vous y opposer par le simple fait qu'elle constitue à vos yeux une mutilation.
Florent51 a écrit :Pour l'Amérique c'est comme pour Dieu : tant qu'il n'existe pas de preuve objective se prononcer avec certitude sur son existence est aventureux.
Mais où ai-je posé l'existence de Dieu a priori? Si vous reculez en page 2, c'est bien une preuve objective que j'ai fourni, c'est-à-dire qui part du réel observable pour en déduire l'existence de Dieu.
Florent51 a écrit :Et comme je vous le disais la physique moderne met en évidence qu'il est fort possible qu'avant le temps de Planck les lois que nous connaissons ne s'appliquent pas : des choses peuvent être à la fois cause et effet d'elles-mêmes.
Rien ne peut être réellement cause et effet de soi-même, et si la physique quantique utilise ce genre d'affirmation aberrante, c'est qu'elle n'a pas une meilleure terminologie pour décrire les phénomènes très étranges du monde microscopique. Depuis l'expérience (théorique) du chat de Schroedinger, on sait très bien ce que signifie "exister et ne pas exister en même temps" pour la mécanique quantique. Il est évident qu'un chat ne peut être mort et vivant à la fois, cela n'a jamais été observé et ne le sera logiquement jamais: mais la superposition des deux états sert justement à décrire ce qui ne peut pas être observé d'une manière pratique. Le principe d'incertitude de Heisenberg rend ce genre d'impossibilité empirique courante dans le domaine microscopique, et la superposition d'états contradictoires un fait courant, mais toujours dans le cadre particulier de cette théorie. Si réellement la mécanique quantique avait aboli les lois élémentaires de la logique, cela se saurait.
Florent51 a écrit :Le nécessaire par soi peut très bien être, aux yeux de la physique moderne, l'univers lui-même.
La science expérimentale ne s'interroge pas sur le possible et le nécessaire, qui sont des interrogations plus profondes et qui ne relèvent pas du genre d'analyse empirique auquel la science se limite. Se poser de telles questions, c'est faire oeuvre de métaphysique, et les scientifiques ne s'y laissent généralement pas confondre.

Bien sûr il y a un lien entre physique et métaphysique, et l'évolution de l'une relance les interrogations sur l'autre; mais leurs sujets ne se confondent aucunement, et il n'y a pas de chevauchement entre les deux. Il est vain de demander à la physique de résoudre les grandes questions de l'existence, car la physique ne se donne pas comme objet de répondre à ces questions.

Aujourd'hui la confusion règne à ce sujet pour trois raisons: premièrement, l'abandon de la métaphysique comme science, ce qui cause une ignorance de son objet et de ses cadres; deuxièmement, une confiance démesurée en la science empirique, héritée du positivisme et comportement typique de l'Homme s'ennorgueillisant de ses découvertes; troisièmement, le fait que des grandes personnalités scientifiques (Hubert Reeves, Stephen Hawkings) écrivent des livres sur le sens des grandes questions métaphysiques où ils mêlent de nombreuses considérations scientifiques. Ceci est aussi le fait des magazines scientifiques, avec des titres comme "d'où venons-nous?" avec une grosse explosion bleue et jaune, ou "les origines de l'Univers" avec une grosse explosion rouge et bleue, pour changer. Ces questions se posent en termes scientifiques, mais alors elles n'ont pas du tout la même portée, et surtout pas celle que la plupart des gens leur prêtent, c'est-à-dire métaphysique. C'est du marketing.

Florent51

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Ecrit le 21 sept.06, 10:05

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Je reconnais avec vous que l'Univers est par définition le plus grand ensemble concret qu'on puisse concevoir. Mais pouvoir se poser la question "Qu'y a-t-il en-dehors de cet ensemble", est-ce là une propriété positive d'un ensemble? Que cette question ne se pose pas à propos de l'ensemble "Univers", cela signifie-t-il que cet ensemble est positivement différent, que ce qui le définit est différent de ce qui définit les autres ensembles? Si vous retenez une définition très restreinte d'ensemble, je ne sais trop laquelle, qui ne s'appliquerait qu'à certains objets concrets, d'accord; mais la notion large et générale d'ensemble s'applique aussi bien à l'Univers qu'à tout ensemble de choses concrètes. Ce qui change, entre "l'ensemble de toutes les choses qui existent" et "l'ensemble d'une partie des choses qui existent", ce n'est pas la notion d'ensemble, c'est ce qu'il contient. A fortiori sera-t-il impossible de justifier qu'un ensemble puisse être antérieur à ce dont il est l'ensemble, comme vous le soutenez encore. C'est là une contradiction évidente: ce qui est logiquement postérieur à des choses concrètes ne peut leur être logiquement antérieur. L'ensemble de tout ce qui existe serait la cause de tout ce qui existe? Allons donc. Prenez vous aussi deux minutes pour y réfléchir sérieusement.
Je vous réponds de manière aussi complète que je le peux après une longue journée. La discussion est intéressante mais, comme c'est presque toujours le cas dans ce genre de discussion, je note qu'elle tourne un peu au "débat personnel". Maintenant que nous sommes chacun bien campé sur nos positions il ne fait guère de doute qu'aucun de nous deux ne voudra s'avouer vaincu. Je me permets cette petite réflexion sur le débat lui-même car je crois qu'elle a son intérêt. Elle nous interroge sans doute sur la nature même de la raison. Je vois bien que vous êtes intelligent et je continue de m'étonner du fait non seulement que vous considériez comme sûre l'existence de Dieu mais qu'en plus vous adhériez à une religion bien précise. Ne le prenez pas mal mais j'en désespererais presque de la raison humaine. A quoi sert-elle en effet si en en faisant usage on ne peut pas tomber sur un accord au bout du compte?

Votre réflexion présente sur la notion "d'ensemble" me paraît intéressante à ce sujet. Comment pouvons-nous ne pas tomber d'accord sur un cas aussi clair et concret? Pour ma part je continue donc sur ce que j'affirme et puisque vous me demandez de prendre deux minutes pour la réflexion je vous demande de faire de même.

Là où se situe me semble-t-il votre erreur consiste dans le fait que vous ne voyez pas ou ne voulez pas voir ceci : votre argumentation concernant l'antériorité des éléments de l'ensemble à l'ensemble même que ces éléments constituent ne vaut de manière certaine que pour les ensembles à l'intérieur de l'univers. En effet les deux lapins existent antérieurement et indépendamment de l'ensemble de deux lapins qu'ils forment lorsqu'ils sont réunis, mais en ce qui concerne l'univers peut-on dire que les éléments qui le composent existent antérieurement et indépendamment de lui??? Bien sûr que non, cela n'aurait pas de sens. Vous me direz alors peut-être que les éléments qui composent l'univers ne sont pas antérieurs à lui mais apparaissent de manière simultanée avec cet ensemble qu'ils forment et qu'on appelle l'univers. Mais cela ne change pas cette différence fondamentale avec tous les autres ensembles concrets que vous pouvez imaginer qu'il n'y a que l'univers en tant que tout qui soit susceptible en tant qu'ensemble d'apparaître simultanément aux éléments qui le composent.
On peut pousser le raisonnement encore plus loin et voir à quel point votre comparaison de l'univers avec n'importe quel ensemble concret est fautive : dans le cas de l'univers en effet "l'ensemble" qu'il compose ne peut être appelé ensemble que pour notre regard actuel qui est capable d'y distinguer des éléments différents, mais que savez-vous du fait que l'univers à l'origine soit un ensemble composé d'éléments?? L'univers offre cette particularité semble-t-il d'être le seul "ensemble" dont le point de départ n'était constitué que d'un seul "élément" (si ce genre de notion a un sens s'agissant de la toute première apparition de l'univers). Cet élément qu'était-il? Etait-il dès le départ quelque chose de constitué d'éléments internes plus fondamentaux ou un seul élément fondamental?? Ni vous ni moi n'en savons rien.
Peut-être alors mon hypothèse qui vous paraît déraisonnable l'est-elle un peu moins, qui envisage la possibilité que cet étrange élément x fondateur de tout soit une sorte de forme d'énergie sans éléments constituants identifiables qui donnera par la suite tous ces éléments particuliers (depuis les constituants fondamentaux de la matière jusqu'aux galaxies, agrégats gigantesques de ces constituants fondamentaux) qui forment cet ensemble que l'on appelle l'univers. Dans ce cas très particulier l'ensemble pourrait être d'une certaine manière antérieur aux éléments qui le composent puisque d'éléments on ne peut véritablement semble-t-il parler qu'à partir d'un certain stade (qu'il appartient à la physique si elle y parvient un jour de déterminer). Vous conviendrez avec moi que ce scénario même s'il n'est pas prouvé est plausible sachant la particularité de cet "élément x" initial dont tout découle et qui défie notre manière de penser : comment un élément unique fondamental, non constitué d'élément plus fondamentaux, peut-il donner un ensemble? Ou bien s'agit-il de plusieurs éléments fondamentaux apparus simultanément sans éléments antécédents et formant spontanément "ensemble" mais, encore une fois c'est un cas qui nous est, concrètement, totalement inconnu.


Toutes ces raisons me poussent donc sérieusement à penser que vous n'êtes pas assez rigoureux lorsque vous comparez l'univers à n'importe quel ensemble et que vous lui appliquez sans réserve (comme c'est le cas pour tous les autres ensembles concrets) ce principe que "ce qui est logiquement postérieur à des choses concrètes ne peut leur être logiquement antérieure".
Ma réflexion vous montre que le cas particulier de l'univers (et notamment le fait qu'il n'y ait pas ici "d'éléments antérieurs") se joue de votre réduction imprudente à la règle commune en ce qui le concerne.

.....
Fin pour l'instant. Je suis désolé de devoir interrompre à ce stade ma réponse mais le temps me manque pour le moment. Si vous voulez y répondre quand vous la lirez faites-le, pour ma part je vous promets de répondre à la suite de votre réflexion (qui, vous le devinez, me paraît encore une fois sur bien des points, erronée) dès que j'aurais un moment pour mettre en forme ce qu'exige le niveau de votre texte c'est-à-dire une contre-argumentation cohérente et plus détaillée que je ne peux le faire à cette heure. A bientôt.

LumendeLumine

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Ecrit le 21 sept.06, 13:49

Message par LumendeLumine »

Bonsoir Florent,

Je préfère vous laisser terminer votre réponse avant de vous répondre moi-même. Ainsi nous ne risquons pas de perdre des éléments du débat.

Florent51

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Ecrit le 23 sept.06, 02:21

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit : Lorsque la raison demande "pourquoi", elle cherche une réponse, une explication. Si elle demande "pourquoi", c'est qu'elle comprend la relativité de la chose en question, et qu'elle cherche à quoi cette chose est relative. En d'autres termes, ne pouvant trouver en une chose sa raison d'être, elle la cherche en une autre. De ce simple constat on remarque que la raison n'aura pas de repos tant qu'elle n'aura atteint ce qui n'est pas relatif à autre chose, ce qui a en soi sa raison d'être. Comment ne pas conclure autrement? Si la raison peut poser "pourquoi" à tout contingent, et qu'il n'y a pas de nécessaire, alors son "pourquoi" n'a aucun sens parce qu'il ne rejoint, en définitive, que des êtres aussi pauvres en raison d'être: il serait de faux de prétendre avoir trouvé une explication dans un quelconque être qui lui-même a besoin d'explication. S'il n'existe que de tels êtres, alors il n'y a pas d'explication à trouver où que ce soit: et la raison serait donc faite pour chercher ce qui n'existe pas.
C'est en sens que j'affirme: la raison serait vaine.
En ce sens je peux comprendre votre phrase. L'ambiguïté de l'expression "pour l'absolu" laissait entendre que vous ne voyiez pas de sens à la raison en dehors de la référence à Dieu... Heureusement, ce n'est pas le cas!
LumendeLumine a écrit : Je n'ai commencé aucun raisonnement en posant que l'absolu n'était pas de ce monde. J'ai dit: "Si l'absolu n'est pas de ce monde, ce monde n'est pas une chimère pour autant", et non pas "L'absolu n'est pas de ce monde, donc...".
Il me semble que c'est un "si" rhétorique, car telle quelle la phrase laisse entendre qu'effectivement "l'absolu n'est pas de ce monde"... La différence entre votre phrase et celle qui dit "L'absolu n'étant pas de ce monde, ce monde n'est pas une chimère pour autant" est mince.
Et puis à quoi bon cette discussion puisque vous pensez qu'effectivement l'absolu n'est pas de ce monde?
LumendeLumine a écrit : Vous dites que l'agnosticisme n'affirme pas que les objets de l'expérience forment le tout du réel, et néanmoins vous dites que si ce n'était effectivement pas le cas, en d'autres termes, s'il fallait affirmer qu'un Être suprême existe au-dessus de la réalité empirique, ce serait une mutilation de cette réalité empirique. Or, il n'y a pas d'autre manière d'éviter cette "mutilation" que de poser que la réalité empirique est bien, forcément, le tout du réel... Autrement la mutilation est toujours envisageable, et vous ne pouvez pas vous y opposer par le simple fait qu'elle constitue à vos yeux une mutilation.
Ce qui me paraît surtout une mutilation du réel c'est votre conception du principe de causalité qui dépossède la réalité empirique, constatable (la seule certaine jusqu'à preuve du contraire) de sa substance au profit d'une réalité dont on ne sait rien et qui est une pure supposition pour l'instant. Ce qui constitue une mutilation du réel c'est donc votre démarche. Si Dieu existe par contre il fait parti du réel (en un sens que nous n'appréhendons pas ordinairement) et il serait donc absurde de dire que dans ce cas il mutile la réalité. Mais il serait plus juste selon moi de dire qu'il se "surajoute" à la réalité concrète visible plutôt que de le poser sous la forme d'un principe qui soustrait à cette réalité sa consistance.
LumendeLumine a écrit : Mais où ai-je posé l'existence de Dieu a priori? Si vous reculez en page 2, c'est bien une preuve objective que j'ai fourni, c'est-à-dire qui part du réel observable pour en déduire l'existence de Dieu.
Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. Le raisonnement que vous produisez ne constitue en rien une preuve à mes yeux mais en fait une manipulation logico-verbale qui prend appui sur une conception de la réalité (à partir du principe de causalité) machinée de telle manière qu'elle appelle inévitablement l'existence de Dieu pour la soutenir dans l'être. Par preuve objective j'entends : preuve tangible ou raisonnement inattaquable mais bien sûr mon agnosticisme repose en grande partie sur le fait que je n'ai jamais rencontré un tel raisonnement, pour la simple raison qu'il n'existe probablement pas.
LumendeLumine a écrit : Rien ne peut être réellement cause et effet de soi-même, et si la physique quantique utilise ce genre d'affirmation aberrante, c'est qu'elle n'a pas une meilleure terminologie pour décrire les phénomènes très étranges du monde microscopique. Depuis l'expérience (théorique) du chat de Schroedinger, on sait très bien ce que signifie "exister et ne pas exister en même temps" pour la mécanique quantique. Il est évident qu'un chat ne peut être mort et vivant à la fois, cela n'a jamais été observé et ne le sera logiquement jamais: mais la superposition des deux états sert justement à décrire ce qui ne peut pas être observé d'une manière pratique. Le principe d'incertitude de Heisenberg rend ce genre d'impossibilité empirique courante dans le domaine microscopique, et la superposition d'états contradictoires un fait courant, mais toujours dans le cadre particulier de cette théorie. Si réellement la mécanique quantique avait aboli les lois élémentaires de la logique, cela se saurait.
La physique quantique que nous connaissons (et l'expérience fameuse à laquelle vous faîtes référence) s'applique au monde actuel, c'est-à-dire postérieur au temps de Planck. Comme je vous l'ai dit la science considère aujourd'hui comme fort probable que la physique telle que nous la connaissons ne s'applique plus au-delà de cette limite. Il me paraît donc encore une fois présomptueux de votre part de prétendre détenir dès maintenant la clé de l'énigme.
LumendeLumine a écrit : La science expérimentale ne s'interroge pas sur le possible et le nécessaire, qui sont des interrogations plus profondes et qui ne relèvent pas du genre d'analyse empirique auquel la science se limite. Se poser de telles questions, c'est faire oeuvre de métaphysique, et les scientifiques ne s'y laissent généralement pas confondre.
Il n'y a aucune incohérence eu égard aux théories de la physique moderne de prétendre à partir d'elles imaginer un univers cause de lui-même.
LumendeLumine a écrit : Bien sûr il y a un lien entre physique et métaphysique, et l'évolution de l'une relance les interrogations sur l'autre; mais leurs sujets ne se confondent aucunement, et il n'y a pas de chevauchement entre les deux. Il est vain de demander à la physique de résoudre les grandes questions de l'existence, car la physique ne se donne pas comme objet de répondre à ces questions.
Si vous entendez par "grandes questions de l'existence" le sens de la vie, par exemple, vous avez tout à fait raison. Par contre si vous entendez par cette question le problème de savoir jusqu'où va la validité du principe de causalité je ne suis absolument pas d'accord. La science s'en préoccupe tout autant que la métaphysique mais de manière un peu différente (et plus rigoureuse selon moi ou en tous les cas avec plus de chance d'aboutir à un résultat solide), notamment comme je vous l'ai dit en s'interrogeant sur les conditions qui pouvaient régner au delà de l'ère de Planck.
LumendeLumine a écrit : Aujourd'hui la confusion règne à ce sujet pour trois raisons: premièrement, l'abandon de la métaphysique comme science, ce qui cause une ignorance de son objet et de ses cadres; deuxièmement, une confiance démesurée en la science empirique, héritée du positivisme et comportement typique de l'Homme s'ennorgueillisant de ses découvertes; troisièmement, le fait que des grandes personnalités scientifiques (Hubert Reeves, Stephen Hawkings) écrivent des livres sur le sens des grandes questions métaphysiques où ils mêlent de nombreuses considérations scientifiques. Ceci est aussi le fait des magazines scientifiques, avec des titres comme "d'où venons-nous?" avec une grosse explosion bleue et jaune, ou "les origines de l'Univers" avec une grosse explosion rouge et bleue, pour changer. Ces questions se posent en termes scientifiques, mais alors elles n'ont pas du tout la même portée, et surtout pas celle que la plupart des gens leur prêtent, c'est-à-dire métaphysique. C'est du marketing.
Ja fais en effet parti de ceux qui depuis Kant se méfient fortement de cette "science" qu'on a appelé la métaphysique. Comme disait Wittgenstein : "ce dont on ne peut parler il faut le taire", en grande partie je pense que cette phrase s'applique assez bien à la métaphyisque, cette discipline de l'intelligence remplie d'antinomies et de paradoxes de la raison sur lesquels personne ne s'accorde.
Les autres raisons sociologiques que vous évoquez ne me concernent pas, du moins pas plus que vous. Je ne réfléchis pas seulement en lisant Science et vie. Cette métaphysique que vous imaginez comme une connaissance de spécialiste susceptible d'établir des propositions universellement valides et indiscutables n'est qu'une fiction de votre esprit, fiction gratifiante en ce qui vous concerne puisque vous la maîtrisez et que vous croyez ne pas être tombé dans les illusions du vulgaire à son sujet. Cette science n'a pourtant en réalité, pour autant que je puisse en juger, aucune valeur, pas plus que n'importe quelle angélologie ou démonologie qui ne sont que des constructions de l'imagination humaine. C'est parfois, comme chez certains théolgiens, construit et plein d'intelligence, mais, malheureusement, c'est (très vraisemblablement) du vent.

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Ecrit le 25 sept.06, 04:49

Message par LumendeLumine »

Salut Florent,

j'ai fini par me libérer une heure et j'en profite pour vous répondre.
Florent51 a écrit :Il me semble que c'est un "si" rhétorique, car telle quelle la phrase laisse entendre qu'effectivement "l'absolu n'est pas de ce monde"... La différence entre votre phrase et celle qui dit "L'absolu n'étant pas de ce monde, ce monde n'est pas une chimère pour autant" est mince.
Et puis à quoi bon cette discussion puisque vous pensez qu'effectivement l'absolu n'est pas de ce monde?
Ici vous n'avez pas compris le sens de mon argument. Je vous rappelle que je répondais à votre argument: "s'il fallait raisonner comme si ce monde était tout relatif à un être absolu placé au-dessus de lui, ce serait une mutilation du réel empirique". J'argumentais donc dans le sens opposé: même si l'absolu n'était pas de ce monde, ce monde ne serait pas une chimère pour autant. Je ne présupposais pas l'existence de cet être absolu davantage que vous. Le but de mon argument était de montrer que concevoir le réel empirique comme dépendant d'un être absolu n'était pas déposséder ce réel empirique de sa réalité, comme vous l'avanciez.
Florent51 a écrit :Ce qui me paraît surtout une mutilation du réel c'est votre conception du principe de causalité qui dépossède la réalité empirique, constatable (la seule certaine jusqu'à preuve du contraire) de sa substance au profit d'une réalité dont on ne sait rien et qui est une pure supposition pour l'instant. Ce qui constitue une mutilation du réel c'est donc votre démarche. Si Dieu existe par contre il fait parti du réel (en un sens que nous n'appréhendons pas ordinairement) et il serait donc absurde de dire que dans ce cas il mutile la réalité. Mais il serait plus juste selon moi de dire qu'il se "surajoute" à la réalité concrète visible plutôt que de le poser sous la forme d'un principe qui soustrait à cette réalité sa consistance.
Ici, peut-être nos modestes esprits se rejoignent-ils. Bien sûr, si Dieu existe, il fait partie du réel, et du même réel que notre univers, notre monde empirique. Il n'est pas au-dessus du réel, comme si au-dessus d'être réel il y avait un état supérieur. Il est (s'il existe, rappelons-le :wink: ) l'Être suprême en ce sens qu'il ne dépend de rien pour exister, et le monde empirique, contrairement à lui, n'existe pas par lui-même mais en dépendance de Lui; néanmoins Dieu et l'Univers ont ceci de commun qu'ils sont, qu'ils sont réels, et le fait d'être est vrai et pour Dieu et pour l'Univers.

J'imagine que jusque-là nous sommes d'accord, d'après ce que vous avez écrit. Maintenant, comment justifiez-vous que le principe de causalité dépossède l'être causé de sa réalité au profit de l'être causant? L'un existe en dépendance de l'autre, mais les deux existent, et exister signifie fondamentalement la même chose pour l'un et pour l'autre! Qu'est-ce qui est plus réel, la terre ou son champ gravitationnel? Mais ni l'un ni l'autre, quoique l'un soit cause de l'autre. Dire que ce qui n'existe pas par soi-même existe par un autre, ce n'est pas dire "ce qui n'existe qu'à moitié existe par un autre".
Florent51 a écrit :La physique quantique que nous connaissons (et l'expérience fameuse à laquelle vous faîtes référence) s'applique au monde actuel, c'est-à-dire postérieur au temps de Planck. Comme je vous l'ai dit la science considère aujourd'hui comme fort probable que la physique telle que nous la connaissons ne s'applique plus au-delà de cette limite. Il me paraît donc encore une fois présomptueux de votre part de prétendre détenir dès maintenant la clé de l'énigme.
Même avant le temps de Planck, il est certain qu'aucun être n'a pu être sa propre cause car cela est une contradiction fondamentale et non simplement un phénomène physique jamais observé. Le postulat de la philosophie réaliste est que l'intelligence est la fonction de l'être intelligible trouvé dans les choses sensibles; et que cet être, parce qu'il est la notion suprêmement simple et que rien de ce qui est n'est pas, s'applique à tout, tout ce qui est; et que ce qui constitue une contradiction à ce niveau fondamental, a valeur universelle.
Si vous voulez soutenir que quelque chose puisse être cause de soi-même, vous niez que l'intelligence atteigne l'être des choses sensibles, et par conséquent vous vous condamnez au mutisme même en ce qui a trait aux objets immédiats de l'expérience; car on ne saurait rien affirmer de ce qu'on ne sait même pas exister. Mais si l'on sait exister quelque chose, alors immédiatement on sait aussi qu'elle ne peut pas ne pas exister en même temps et sous le même rapport, qu'elle ne peut pas être cause d'elle-même, et que ceci sera valable pour tout objet répondant à cette simple condition: il existe.
Je ne prétends pas par là savoir ce qui est antérieur au temps de Planck, sauf une chose: que s'il existait réellement quelque chose "avant", alors cette chose n'était pas cause d'elle-même et ne pouvait pas ne pas exister en même temps et sous le même rapport.
Il y aurait incohérence, même dans le cadre d'une théorie physique, à conclure que quelque chose soit cause de soi-même, a fortiori l'Univers entier, puisque la solution ainsi atteinte serait absurde et rigoureusement inintelligible. Il n'y aurait pas vraiment solution puisqu'il n'y aurait pas d'explication; expliquer, c'est rendre intelligible.
Florent51 a écrit :Par contre si vous entendez par cette question le problème de savoir jusqu'où va la validité du principe de causalité je ne suis absolument pas d'accord. La science s'en préoccupe tout autant que la métaphysique mais de manière un peu différente (et plus rigoureuse selon moi ou en tous les cas avec plus de chance d'aboutir à un résultat solide), notamment comme je vous l'ai dit en s'interrogeant sur les conditions qui pouvaient régner au delà de l'ère de Planck.
La science ne s'interroge pas sur la portée du principe de causalité. Les conclusions d'une recherche scientifique peuvent être différemment interprétée selon la portée métaphysique que l'on donne à ces conclusions. La métaphysique est en effet la science des principes universels à toute science; et toute science en fait usage dans la mesure où ses conclusions se basent ultimement sur elle. Dans une métaphysique de Hume, par exemple, dire que la terre tourne autour du Soleil en raison de sa propre énergie cinétique et du champ gravitationnel du Soleil, ce n'est rien d'autre que commenter un tableau statistique, et rien n'empêche que sans raison apparente la terre quitte son orbite demain, dans les mêmes conditions d'expérience. Dans une métaphysique classique, que la plupart admet sans le savoir ou le verbaliser, dire la même chose signifie que dans les mêmes conditions d'expérience, le même phénomène se reproduira forcément; et que si un phénomène différent se produit, c'est que quelque chose nous échappait ou que les conditions ont changé.
Il n'appartient donc pas à la science expérimentale d'interpréter ses propres constats; elle est jugée au regard de principes plus larges qui constituent le fond de la pensée humaine. Chacun s'en sert constamment, et ceux qui la nient se contredisent eux-mêmes en l'utilisant une seconde plus tard.
Ne pas faire d'étude rigoureuse de la métaphysique, c'est condamner la science expérimentale à être interprétée arbitrairement par l'un et par l'autre. À vrai dire, la métaphysique est la science des sciences; et une telle science existe forcément, sinon les conclusions d'une étude n'auraient fondamentalement rien à voir avec celles d'une autre; la connaissance humaine serait morcelée, alors que tous croient qu'elle se doit d'être une.

Kant est un grand métaphysicien et sa "critique de la raison pure" n'est rien d'autre qu'un traité de métaphysique. Il impose des limites sévères à cette dernière, s'impose des murs d'absurdité infranchissables, peut-être; mais ce qu'il a fait, c'est bien essayer de déterminer la portée de la raison humaine, la nature de la connaissance, l'universalité relative des principes, etc. Kant a dit: "les principes fondamentaux de la pensée ne sont pas forcément ceux du réel"; Aristote et Saint Thomas ont dit: "les principes fondamentaux de la pensée sont forcément ceux du réel"; l'une et l'autre affirmation sont des bases métaphysique à tout savoir, qui en jugeront la portée et la valeur. Kant ne se méfie pas de la métaphysique elle-même; personne d'ailleurs; il se méfie d'une certaine métaphysique, la philosophie réaliste. C'est elle que vous dénoncez et non la métaphysique elle-même.

La métaphysique de Kant est assurément remplie de paradoxes et d'antinomies, mais il en existe d'autres, et de plus cohérentes! Par exemple, la philosophie classique.

En cinquante minutes, je n'ai écrit que cela, et je tenterai de terminer cet après-midi.

LumendeLumine

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Ecrit le 25 sept.06, 08:22

Message par LumendeLumine »

Je passe maintenant à la partie sur la logique de la preuve elle-même. Votre réflexion sur le débat m'intéresse beaucoup mais je n'y répondrai que si j'ai le temps, puisqu'elle ne constitue pas le fond de notre désaccord.
Florent51 a écrit :votre argumentation concernant l'antériorité des éléments de l'ensemble à l'ensemble même que ces éléments constituent ne vaut de manière certaine que pour les ensembles à l'intérieur de l'univers. En effet les deux lapins existent antérieurement et indépendamment de l'ensemble de deux lapins qu'ils forment lorsqu'ils sont réunis, mais en ce qui concerne l'univers peut-on dire que les éléments qui le composent existent antérieurement et indépendamment de lui??? Bien sûr que non, cela n'aurait pas de sens.
J'ai bien précisé antériorité logique et non pas antériorité temporelle. Tant qu'une masse existe, son champ gravitationnel existe; on ne peut pas parler d'antériorité temporelle. Mais on peut parler d'antériorité logique de la masse sur le champ puisque pour avoir un champ il faut une masse; la masse est cause du champ, et non l'inverse.
De même avec la notion d'ensemble. Tant qu'il y a deux lapins, il y a un ensemble de deux lapins; mais il y a effectivement antériorité logique puisque pour avoir un ensemble il faut des choses concrètes qui le constituent; ce qui constitue un ensemble est logiquement antérieur à l'ensemble.
Florent51 a écrit :Mais cela ne change pas cette différence fondamentale avec tous les autres ensembles concrets que vous pouvez imaginer qu'il n'y a que l'univers en tant que tout qui soit susceptible en tant qu'ensemble d'apparaître simultanément aux éléments qui le composent.
Ce n'est pas le fait de l'Univers mais de tout ensemble; dès que ses composantes existent, il existe aussi.
Florent51 a écrit :L'univers offre cette particularité semble-t-il d'être le seul "ensemble" dont le point de départ n'était constitué que d'un seul "élément" (si ce genre de notion a un sens s'agissant de la toute première apparition de l'univers).
Je ne vois pas en quoi ce serait une particularité de l'Univers. Des ensembles de un élément, il y en a autant que vous voulez; l'ensemble des personnes actuellement assises devant mon écran d'ordinateur ne comporte qu'un seul élément, moi. Il y a aussi autant d'ensemble vides que vous voulez. Vous n'avez qu'à en définir les conditions telles que rien n'y répond, exemple l'ensemble des oiseaux dont la taille est supérieure à 1 kilomètre. Il est vide, néanmoins, il existe, mais pas concrètement. Enfin. Qu'est-ce que cela change, ce qui constitue l'Univers à ses débuts? Qu'il soit un ensemble contenant ceci ou cela, en quoi cela lui permettrait de déroger aux lois fondamentales de l'être? S'il existe, alors il existe, non? Vous m'accordez cela? Alors vous m'accordez qu'il obéit forcément à la première loi de l'être, voulant que ce qui existe ne puisse pas ne pas exister en même temps. Vous m'accorderez de la même manière qu'il ne peut être sa cause, ce qui serait une contradiction logique et par conséquent une impossibilité réelle.
Florent51 a écrit :Peut-être alors mon hypothèse qui vous paraît déraisonnable l'est-elle un peu moins, qui envisage la possibilité que cet étrange élément x fondateur de tout soit une sorte de forme d'énergie sans éléments constituants identifiables qui donnera par la suite tous ces éléments particuliers (depuis les constituants fondamentaux de la matière jusqu'aux galaxies, agrégats gigantesques de ces constituants fondamentaux) qui forment cet ensemble que l'on appelle l'univers. Dans ce cas très particulier l'ensemble pourrait être d'une certaine manière antérieur aux éléments qui le composent puisque d'éléments on ne peut véritablement semble-t-il parler qu'à partir d'un certain stade (qu'il appartient à la physique si elle y parvient un jour de déterminer).
Comment une espèce d'énergie pure peut-elle se séparer pour donner ce que nous contemplons actuellement, sous quelle forme existait-elle, qu'était-elle, je ne le sais pas plus que vous: c'est une question qu'il faut poser aux physiciens. Ce que nous, petits métaphysiciens en herbe que nous sommes, pouvons au moins savoir, c'est que peu importe ce qu'était l'Univers à ses débuts, il n'était pas cause de lui-même, car c'est une contradiction fondamentale. Il ne pouvait pas se déterminer lui-même à exister.

Ajout après édition: Vous dites que d'une certaine manière l'ensemble pourrait être antérieur aux éléments qui le composent puisqu'on ne peut peut-être parler d'éléments qu'après un certain stade. D'une certaine manière, peut-être, mais absolument, non. Au moment où cet ensemble serait antérieur aux éléments qui le composent, ces éléments ne le composent pas, justement; on ne peut pas encore en parler. Ce qui le compose alors, c'est quelque chose d'étrange qu'on ne connaît pas, et non des choses qui n'existent pas encore.

Je me rends compte que j'ai encore cinq minutes devant moi donc je réponds à votre réflexion sur notre débat. Ceci n'est pas une argumentation syllogistique.

Pour ma part, je ne sais pas si je suis plus campé sur ma position que je ne l'étais au début; vous m'avez donné du fil à retordre mais pour le moment j'ai l'impression de m'en être tiré. Si je ne vous convainc pas, alors c'est que nous ne nous comprenons pas. Mais pour se comprendre il faut du temps, donc l'utilité de poursuivre la discussion.
Je pense que l'homme n'a pas de dignité en-dehors de ce qui la fonde, c'est-à-dire son Créateur, et sa destinée, c'est-à-dire son Sauveur, et c'est là un seul et même Dieu, à qui doivent être rendus tout honneur et toute gloire, ce qui constitue la religion. C'est en profond accord avec la nature humaine, et la fin qui lui est associée.
La vraie grandeur et la vraie dignité de la raison humaine, ce n'est pas de s'incliner devant ses propres limites, grossies à l'infini par plusieurs philosophes; mais de s'incliner devant l'Être véritablement infini et véritablement mystérieux.

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Ecrit le 25 sept.06, 22:03

Message par quintessence »

Alors je vous demande cher croyants, qu'est ce que la logique pour vous? Des hypotheses dont vous avez fait convictions??
Pourquoi dites vous que tout cela est logique ???
Peut être facile a gober pour vous mais selon moi pas logique !!!!!
zefoxy666

la logique a la définition de votre dictionnaire et je suis aussi avec cette définition. elle n'est pas une hypothese dont nous avons fait conviction, pour moi autant que musulman je considére que c'est la vérité absolut auquelle y a aucun doute puisque j'ai les preuves irréfutables qui sont une trace lumineuse que le monde gardera jusqu'au jugement dernier, pour celui ou celle qui espére une vie aprés la mort ou espére la rencontre d'allah, le reste aura une vie pénible et le jour du jugement dernier ils serons aveugle puisque la trace (l'alibi) était sous leur yeux et ils ont pas pris les bonnes décisions.
je dis que tout cela est logique parceque c'est facile a gobé pour moi.
vous gobez facilement votre situation actuel c'est pourquoi ce n'est pas logique pour vous.
enfaite chacun de nous gobe qque chose et son degré de clairvoyance est déterminant pour son avenir.

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Ecrit le 26 sept.06, 23:41

Message par Falenn »

quintessence a écrit : y a aucun doute puisque j'ai les preuves irréfutables
S'il existait des preuves que personne ne pourrait réfuter celà se saurait ! :)

quintessence

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Ecrit le 27 sept.06, 00:01

Message par quintessence »

Falenn a écrit : S'il existait des preuves que personne ne pourrait réfuter celà se saurait ! :)

falenn


pour ceux qui espérent.

Florent51

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Ecrit le 28 sept.06, 02:28

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Salut Florent,

j'ai fini par me libérer une heure et j'en profite pour vous répondre.
Je vous réponds moi aussi mais avec l'impression de plus en plus forte que, quel que soit l'intérêt et le niveau de la discussion, tout cela tourne un peu au pensum, car le résultat est un peu connu d'avance..
LumendeLumine a écrit : Ici vous n'avez pas compris le sens de mon argument. Je vous rappelle que je répondais à votre argument: "s'il fallait raisonner comme si ce monde était tout relatif à un être absolu placé au-dessus de lui, ce serait une mutilation du réel empirique". J'argumentais donc dans le sens opposé: même si l'absolu n'était pas de ce monde, ce monde ne serait pas une chimère pour autant. Je ne présupposais pas l'existence de cet être absolu davantage que vous. Le but de mon argument était de montrer que concevoir le réel empirique comme dépendant d'un être absolu n'était pas déposséder ce réel empirique de sa réalité, comme vous l'avanciez.
Si, c'est par principe déposséder ce réel empirique de sa réalité si on le définit comme étant par essence "ce qui n'a pas sa cause en soi". Que vous le vouliez ou non cette apréciation négative le déprécie au profit d'une "réalité" intellectuelle, rien moins que chimérique comparée à la réalité sonnante et trébuchante que l'on a banalement sous les yeux.

Et encore une fois : puisque vous considérez que l'absolu n'est pas de ce monde, cette querelle de rhétorique est superflue.
LumendeLumine a écrit : Ici, peut-être nos modestes esprits se rejoignent-ils. Bien sûr, si Dieu existe, il fait partie du réel, et du même réel que notre univers, notre monde empirique. Il n'est pas au-dessus du réel, comme si au-dessus d'être réel il y avait un état supérieur. Il est (s'il existe, rappelons-le :wink: ) l'Être suprême en ce sens qu'il ne dépend de rien pour exister, et le monde empirique, contrairement à lui, n'existe pas par lui-même mais en dépendance de Lui; néanmoins Dieu et l'Univers ont ceci de commun qu'ils sont, qu'ils sont réels, et le fait d'être est vrai et pour Dieu et pour l'Univers.
J'en resterais au "si", si vous le permettez.
LumendeLumine a écrit : J'imagine que jusque-là nous sommes d'accord, d'après ce que vous avez écrit. Maintenant, comment justifiez-vous que le principe de causalité dépossède l'être causé de sa réalité au profit de l'être causant? L'un existe en dépendance de l'autre, mais les deux existent, et exister signifie fondamentalement la même chose pour l'un et pour l'autre! Qu'est-ce qui est plus réel, la terre ou son champ gravitationnel? Mais ni l'un ni l'autre, quoique l'un soit cause de l'autre. Dire que ce qui n'existe pas par soi-même existe par un autre, ce n'est pas dire "ce qui n'existe qu'à moitié existe par un autre".
Si c'est dire qu'il n'existe qu'à moitié.
Cette discussion me rappelle Feuerbach lorsqu'il dit que lorsque la religion affirme la création de l'univers à partir du néant elle identifie au fond l'univers et le néant : ce qui a besoin d'autre chose que soi pour exister, pour être tiré du néant, n'est au fond qu'un néant en suspens qu'à tout instant l'Etre qui l'a amené à l'existence peut congédier de la réalité. Effectivement votre conception des choses irréalise la réalité. Ce n'est pas faux de le dire comme ça.
LumendeLumine a écrit : Même avant le temps de Planck, il est certain qu'aucun être n'a pu être sa propre cause car cela est une contradiction fondamentale et non simplement un phénomène physique jamais observé.
"Aucun être" sauf précisément celui dont vous donnez la définition qu'il est "cause de lui-même".. Bref, cela n'est qu'un jeu de définition.
LumendeLumine a écrit :Le postulat de la philosophie réaliste est que l'intelligence est la fonction de l'être intelligible trouvé dans les choses sensibles; et que cet être, parce qu'il est la notion suprêmement simple et que rien de ce qui est n'est pas, s'applique à tout, tout ce qui est; et que ce qui constitue une contradiction à ce niveau fondamental, a valeur universelle.
Si vous voulez soutenir que quelque chose puisse être cause de soi-même, vous niez que l'intelligence atteigne l'être des choses sensibles, et par conséquent vous vous condamnez au mutisme même en ce qui a trait aux objets immédiats de l'expérience; car on ne saurait rien affirmer de ce qu'on ne sait même pas exister. Mais si l'on sait exister quelque chose, alors immédiatement on sait aussi qu'elle ne peut pas ne pas exister en même temps et sous le même rapport, qu'elle ne peut pas être cause d'elle-même, et que ceci sera valable pour tout objet répondant à cette simple condition: il existe.
Je ne prétends pas par là savoir ce qui est antérieur au temps de Planck, sauf une chose: que s'il existait réellement quelque chose "avant", alors cette chose n'était pas cause d'elle-même et ne pouvait pas ne pas exister en même temps et sous le même rapport.
Il y aurait incohérence, même dans le cadre d'une théorie physique, à conclure que quelque chose soit cause de soi-même, a fortiori l'Univers entier, puisque la solution ainsi atteinte serait absurde et rigoureusement inintelligible. Il n'y aurait pas vraiment solution puisqu'il n'y aurait pas d'explication; expliquer, c'est rendre intelligible.
L'être que notre intelligence atteint c'est jusqu'à preuve du contraire celui de notre univers actuel : rien ne dit que cette intelligence atteigne le réel de tous les mondes possibles (qui, s'ils existent, ne sont pas moins réels mais construits différemment) et rien ne dit que cette intelligence qui repère des régularités dans notre monde et en induit des lois (comme le principe de causalité) s'applique à un monde (en l'occurence le nôtre à ses débuts) où ces régularités ne se trouvent pas.
Au fond vous pensez le big-bang comme s'il s'agissait d'un phénomène pouvant se produire maintenant, devant nos yeux ébahis, dans un coin donné de notre univers : vous ne supposez pas du tout ce que cela signifie qu'à un moment x l'espace et le temps ont commencé à exister. Encore une fois comprenez cela : notre cerveau, notre esprit, ne peut pas concevoir que le temps ait commencé à un "moment". Il demandera toujours "et avant que se passait-il?". Notre logique n'échape pas à ces contraintes : elle n'est pas, comme vous vous plaisez à le croire, un instrument inconditionné permettant d'atteindre en tout lieu et tout temps le réel tel qu'il est par nature. Elle est soumise aux contraintes de la nature humaine qui ne peut pas envisager une réalité hors du temps et "hors" de l'espace (vous voyez que nos mots ne sont pas adaptés à penser ces conditions extrêmes). Le problème de rechercher à remonter la chaîne de la causalité se heurte au même problème, à la même aporie que celui qui demanderait : "et en dehors de l'univers qu'y a-t-il?" ou "et avant le big-bang qu'y avait-il?", "quand la décision a-t-elle été prise de créer le temps?"... Je vois un orgueil enfantin dans votre prétention. Les lois inébranlables de notre logique (principe de non-contradiction, principe du tiers exclu) sont à notre échelle humaine. Gardons nous de croire qu'ils régissent comme un carcan absolu la réalité ultime dont nous dépendons et qui a elle-même posée des conditions dont notre pensée ne peut s'extraire.
LumendeLumine a écrit : La science ne s'interroge pas sur la portée du principe de causalité. Les conclusions d'une recherche scientifique peuvent être différemment interprétée selon la portée métaphysique que l'on donne à ces conclusions. La métaphysique est en effet la science des principes universels à toute science; et toute science en fait usage dans la mesure où ses conclusions se basent ultimement sur elle. Dans une métaphysique de Hume, par exemple, dire que la terre tourne autour du Soleil en raison de sa propre énergie cinétique et du champ gravitationnel du Soleil, ce n'est rien d'autre que commenter un tableau statistique, et rien n'empêche que sans raison apparente la terre quitte son orbite demain, dans les mêmes conditions d'expérience. Dans une métaphysique classique, que la plupart admet sans le savoir ou le verbaliser, dire la même chose signifie que dans les mêmes conditions d'expérience, le même phénomène se reproduira forcément; et que si un phénomène différent se produit, c'est que quelque chose nous échappait ou que les conditions ont changé.
Il n'appartient donc pas à la science expérimentale d'interpréter ses propres constats; elle est jugée au regard de principes plus larges qui constituent le fond de la pensée humaine. Chacun s'en sert constamment, et ceux qui la nient se contredisent eux-mêmes en l'utilisant une seconde plus tard.
Ne pas faire d'étude rigoureuse de la métaphysique, c'est condamner la science expérimentale à être interprétée arbitrairement par l'un et par l'autre. À vrai dire, la métaphysique est la science des sciences; et une telle science existe forcément, sinon les conclusions d'une étude n'auraient fondamentalement rien à voir avec celles d'une autre; la connaissance humaine serait morcelée, alors que tous croient qu'elle se doit d'être une.
Je serais bref : dire la métaphysique est "la science des sciences" constitue à mes yeux une position totalement obsolète. Vous posez que la physique se distingue radicalement de la métaphysique, comme je vous l'ai dit je ne le crois pas du tout.
LumendeLumine a écrit : Kant est un grand métaphysicien et sa "critique de la raison pure" n'est rien d'autre qu'un traité de métaphysique. Il impose des limites sévères à cette dernière, s'impose des murs d'absurdité infranchissables, peut-être; mais ce qu'il a fait, c'est bien essayer de déterminer la portée de la raison humaine, la nature de la connaissance, l'universalité relative des principes, etc. Kant a dit: "les principes fondamentaux de la pensée ne sont pas forcément ceux du réel"; Aristote et Saint Thomas ont dit: "les principes fondamentaux de la pensée sont forcément ceux du réel"; l'une et l'autre affirmation sont des bases métaphysique à tout savoir, qui en jugeront la portée et la valeur. Kant ne se méfie pas de la métaphysique elle-même; personne d'ailleurs; il se méfie d'une certaine métaphysique, la philosophie réaliste. C'est elle que vous dénoncez et non la métaphysique elle-même.

La métaphysique de Kant est assurément remplie de paradoxes et d'antinomies, mais il en existe d'autres, et de plus cohérentes! Par exemple, la philosophie classique.

En cinquante minutes, je n'ai écrit que cela, et je tenterai de terminer cet après-midi.
De la même manière que la physique aristotélicienne et la physique thomiste sont complètement périmées leurs métaphysiques aussi. Ce que vous appelez la "philosophie réaliste" devrait etre appelée, comme je vous l'ai dit, "philosophie irréaliste" (car elle irréalise le monde concret au profit de ce dont on ne sait rien) ou même (ne le prenez pas mal) "philosophie surréaliste" au sens où elle voit surtout, au delà de cette réalité, une "sur-réalité" qui la surplombe et sans quoi elle ne serait rien, asbolument rien. "Ce qui est tiré du néant ne vaut rien par soi", comme dit justement, je vous le rappelais, Feuerbach.

Je fais une pause et répond à votre deuxième message ultérieurement.

Florent51

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Ecrit le 29 sept.06, 04:41

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Je passe maintenant à la partie sur la logique de la preuve elle-même. Votre réflexion sur le débat m'intéresse beaucoup mais je n'y répondrai que si j'ai le temps, puisqu'elle ne constitue pas le fond de notre désaccord.

J'ai bien précisé antériorité logique et non pas antériorité temporelle. Tant qu'une masse existe, son champ gravitationnel existe; on ne peut pas parler d'antériorité temporelle. Mais on peut parler d'antériorité logique de la masse sur le champ puisque pour avoir un champ il faut une masse; la masse est cause du champ, et non l'inverse.
De même avec la notion d'ensemble. Tant qu'il y a deux lapins, il y a un ensemble de deux lapins; mais il y a effectivement antériorité logique puisque pour avoir un ensemble il faut des choses concrètes qui le constituent; ce qui constitue un ensemble est logiquement antérieur à l'ensemble.
Je reprends.
Vous m'arrêtez si je dis une bêtise mais il me semble que la notion d'"antériorité" comprend en elle-même la notion de temps.
Il est donc vain d'opposer antériorité logique et antériorité temporelle comme si la première n'était pas concernée elle aussi par la chronologie. Appliqué à notre querelle sur cet ensemble particulier qu'est l'univers cela signifie qu'au-delà de cet univers que nous connaissons ordinairement où la chronologie s'applique nous ne pouvons pas savoir avec certitude (même si j'avoue que c'est bien difficile à concevoir) si l'antériorité logique dont vous parlez est toujours valide. Peut-on imaginer que dans ce qu'on appelle le temps de Planck le champ puisse être antérieur logiquement à la masse? Peut-être.. Encore une fois nos conceptions de la logique ne sont pas garanties dans un "espace" où ni le temps ni la causalité ne sont pensables avec certitude comme nous les connaissons.
LumendeLumine a écrit : Ce n'est pas le fait de l'Univers mais de tout ensemble; dès que ses composantes existent, il existe aussi.
Je ne vois pas en quoi ce serait une particularité de l'Univers. Des ensembles de un élément, il y en a autant que vous voulez; l'ensemble des personnes actuellement assises devant mon écran d'ordinateur ne comporte qu'un seul élément, moi. Il y a aussi autant d'ensemble vides que vous voulez. Vous n'avez qu'à en définir les conditions telles que rien n'y répond, exemple l'ensemble des oiseaux dont la taille est supérieure à 1 kilomètre. Il est vide, néanmoins, il existe, mais pas concrètement. Enfin. Qu'est-ce que cela change, ce qui constitue l'Univers à ses débuts? Qu'il soit un ensemble contenant ceci ou cela, en quoi cela lui permettrait de déroger aux lois fondamentales de l'être? S'il existe, alors il existe, non? Vous m'accordez cela? Alors vous m'accordez qu'il obéit forcément à la première loi de l'être, voulant que ce qui existe ne puisse pas ne pas exister en même temps. Vous m'accorderez de la même manière qu'il ne peut être sa cause, ce qui serait une contradiction logique et par conséquent une impossibilité réelle.
Il faut prendre l'idée d'un "élément" au sens de "un élément non décomposable" ce dont nous n'avons aucune idée, nous ne connaissons dans notre univers que des éléments décomposables.
Regardez notre logique : nous ne pouvons pas concevoir que si cette "énergie" initiale s'est fragmentée en de multiples entités différentes elle ait été absolument indécomposable. Nous imaginons inévitablement que cette énergie primordiale était décomposable en partie. Nous l'imaginons forcément ainsi puisque comme Kant le montre dans la critique de la raison pure l'espace est un élément non éliminable de notre représentation mentale. Donc lorsque nous imaginons l'énergie primordiale nous ne pouvons pas faire autre chose que de l'imaginer dans un "espace" c'est-à-dire dans quelque chose qui est décomposable à l'infini (l'idée de l'espace c'est au fond l'idée du décomposable à l'infini). Or l'énergie initiale apparaît dans quelque chose qui n'est pas l'espace, que nous ne pouvons pas concevoir.
Votre comparaison avec "l'ensemble des personnes actuellement assises devant mon ordinateur" est, on le voit, on ne peut plus disproportionnée, irréaliste.
Pour le dire de manière claire et, je l'espère, faire cesser une fois pour toutes les comparaisons que vous faites entre l'ensemble particulier qu'est l'univers lui-même et n'importe quel ensemble auquel s'applique les lois de la logique que nous connaissons je vous ferais remarquer cette différence essentielle : tous les "ensembles" avec lesquels vous voulez comparer l'univers sont des ensembles conditionnés (ils ont des conditions qui les déterminent : notamment l'espace et le temps, et bien sûr la causalité, l'antériorité temporelle ou logique comme vous voulez), l'univers est le seul et unique ensemble conditionnant (=c'est lui qui pose les conditions que je viens d'énumérer et à travers lesquelles tous les éléments de la réalité et tous les "ensembles" que l'on peut former par l'imagination seront saisis).
Notre point de désaccord se situe donc ici : vous acceptez sans difficulté de dire que toutes les conditions que nous connaissons dans l'univers actuelle sont abolies à l'origine (car par exemple il n'y a pas "d'avant l'univers" ou d'"extériorité antérieure - logiquement ou temporellement, voyez ici l'absurdité de ce distinguo - à l'univers") mais que seule la logique, elle, échappe à cette abolition des conditions. Moi je dis que c'est, certes, la limite de notre raisonnement mais que la logique peut être abolie. Et vous ne pouvez pas me garantir que ce n'est pas le cas si ce n'est par des professions de foi.
LumendeLumine a écrit :Comment une espèce d'énergie pure peut-elle se séparer pour donner ce que nous contemplons actuellement, sous quelle forme existait-elle, qu'était-elle, je ne le sais pas plus que vous: c'est une question qu'il faut poser aux physiciens. Ce que nous, petits métaphysiciens en herbe que nous sommes, pouvons au moins savoir, c'est que peu importe ce qu'était l'Univers à ses débuts, il n'était pas cause de lui-même, car c'est une contradiction fondamentale. Il ne pouvait pas se déterminer lui-même à exister.
C'est faux, nous n'en savons rien avec certitude. Vous ne pouvez pas imposer les lois de votre logique à l'univers alors que c'est lui qui vous impose les conditions (de temps, d'espace, de causalité) à travers lesquelles vous le pensez.
LumendeLumine a écrit : Ajout après édition: Vous dites que d'une certaine manière l'ensemble pourrait être antérieur aux éléments qui le composent puisqu'on ne peut peut-être parler d'éléments qu'après un certain stade. D'une certaine manière, peut-être, mais absolument, non. Au moment où cet ensemble serait antérieur aux éléments qui le composent, ces éléments ne le composent pas, justement; on ne peut pas encore en parler. Ce qui le compose alors, c'est quelque chose d'étrange qu'on ne connaît pas, et non des choses qui n'existent pas encore.
Ce "quelque chose d'étrange" (qu'en termes pudiques cela est dit), jusqu'à quel point l'est-il? Je viens de vous donner mon sentiment là dessus. Je crois qu'il peut bien aller jusqu'à jouer des tours à notre bonne vieille logique. Rappelez-vous : c'est ce quelque chose d'étrange qui dicte les conditions dans lesquels nous sommes capables (jusqu'à un certain point) de le penser, pas l'inverse.
LumendeLumine a écrit : Je me rends compte que j'ai encore cinq minutes devant moi donc je réponds à votre réflexion sur notre débat. Ceci n'est pas une argumentation syllogistique.

Pour ma part, je ne sais pas si je suis plus campé sur ma position que je ne l'étais au début; vous m'avez donné du fil à retordre mais pour le moment j'ai l'impression de m'en être tiré. Si je ne vous convainc pas, alors c'est que nous ne nous comprenons pas. Mais pour se comprendre il faut du temps, donc l'utilité de poursuivre la discussion.
Je pense que l'homme n'a pas de dignité en-dehors de ce qui la fonde, c'est-à-dire son Créateur, et sa destinée, c'est-à-dire son Sauveur, et c'est là un seul et même Dieu, à qui doivent être rendus tout honneur et toute gloire, ce qui constitue la religion. C'est en profond accord avec la nature humaine, et la fin qui lui est associée.
La vraie grandeur et la vraie dignité de la raison humaine, ce n'est pas de s'incliner devant ses propres limites, grossies à l'infini par plusieurs philosophes; mais de s'incliner devant l'Être véritablement infini et véritablement mystérieux.
Je serais ravi de poursuivre cette discussion avec vous car je dois bien vous avouer une chose à la fin de cette longue réflexion : je me rends bien compte que votre logique est solide et qu'il n'est guère facile de réfuter (notre esprit y répugne) les principes fondamentaux à partir desquels nous réfléchissons.
Pour ma part je me définirais comme un agnostique tendance déiste car il me paraît clair que rien ne s'oppose d'un point de vue logique à l'existence d'un Dieu créateur de l'univers, certaines régularités qui peuvent difficilement être imputés au hasard paraissant nous l'indiquer ("paraissant" seulement!).
Si par contre une chose me paraît assez claire aujourd'hui c'est qu'aucune religion ne détiend la vérité. Je suis donc très étonné que quelqu'un comme vous puisse tenir cette incroyable profession de foi à la fin de votre réflexion.
Si vous le permettez je vous poserais la question suivante, pour commencer : sur quoi vous basez vous sérieusement pour affirmer une chose aussi extravagante que "Jésus est Dieu"?

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