tguiot a écrit :Ne semons pas la confusion: le mode dominant de la vie a toujours été (et est encore) la bactérie, organisme primitif et simple. Il n'y a aucune "tendance" intrinsèque vers plus de complexité. Ce n'est qu'en tenant compte de l'ensemble des variations possibles et de l'uni-directionnalité de ces variations (à cause du mur de gauche de la simplicité) que l'on retrouve quelques organismes complexes sur les bords de la distribution de la vie.
Bonjour tguiot, qu’est-ce qui est plus probable d’après toi : que les premiers mammifères qui ressemblaient à des souris puissent se transformer en baleines, en hommes, en tigres, et en… chauve-souris, ou qu’ils se retransforment en reptiles thériodontes dont ils viennent « juste » (à l’échelle géologique) d’être issus ?
Le mur de la complexité se situe à gauche des bactéries ; ce mur explique pourquoi l’évolution nécessite un niveau de complexité minimal (qui est en deçade la complexité d'une simple bactérie), mais il n’explique en rien pourquoi et surtout comment l’évolution a pu ensuite franchir les grands plans d’organisation que nous connaissons, notamment pendant l’explosion du Cambrien.
Pour donner un exemple (qui n’est pas de moi), imagine l’histoire suivante qui illustre bien notre désaccord : au début de l’évolution des arbres fruitiers, les pommes, lorsqu’elles se détachaient du pommier, partaient dans une direction strictement aléatoire. Certaines partaient à la verticale et se perdaient dans l’espace, d’autres partaient à l’horizontale et finissaient par tomber dans la mer, d’autres tombaient légèrement en biais et pouvaient prendre racine.
Mais le meilleur endroit pour qu’un pommier puisse se reproduire, c’est bien entendu à proximité de l’endroit où il y a déjà un pommier. C’est la raison pour laquelle, après des millions d’années de sélection, seules les pommes ayant comme caractéristiques de tomber à la verticale ont survécu. Toutes les autres ont peu à peu été éliminées par la sélection naturelle…
Bien entendu, tu auras compris que cette histoire est inventée parce que tu sais qu’il y a des lois dans la nature, et que les pommes tombent à la verticale à cause de la loi de la gravitation et non d’un processus de sélection.
Ce sont également des lois qui gouvernent les réactions chimiques, l’évolution des galaxies, le fonctionnement du cerveau, le fonctionnement des particules élémentaires etc.
Mais en biologie, si on demande quelles sont les lois qui gouvernent l’évolution, on nous répond qu’il n’y en a pas ! Et si nous sommes étonnés, on nous accusera de n’avoir rien compris au problème.
Mais pourquoi devrait-on croire cela alors que, comme le montre bien notre histoire de pommes, TOUS les autres phénomènes naturels que les sciences étudient sont, eux, gouvernés par des lois générales qui permettent d’expliquer l’essentiel, sinon toutes les constatations effectuées dans les domaines en question ?
Pourquoi n’y aurait-il pas des lois qui organisent l’évolution ?
Si la contingence est la seule influence à agir sur la sélection, comment expliques-tu la convergence évolutionniste (c’est-à-dire les cas où des organes ou des caractères analogues sont apparus indépendamment dans des lignées différentes, organes ou caractères que l’ancêtre commun de ces lignées ne possédait pas) ?
Comment expliques-tu par exemple que le calamar et l’homme possèdent les mêmes types d’yeux ? L’œil des vertébrés est un organe très spécifique avec le cristallin, l’iris, la rétine… Or l’ancêtre commun des calamars et des vertébrés était dépourvu d’yeux. Comment se fait-il donc que des calamars aient des yeux de vertébrés ??
Mais il n’y a pas que les calamars qui ont les mêmes yeux que nous, il y a aussi des escargots des mers, des méduses et même des araignées (!) C’est d’autant plus étonnant que les méduses n’ont pas de cerveau, que les araignées sont des arthropodes, lesquels possèdent habituellement des yeux incapables de faire des mises au point qui leur suffisent pour se développer avec succès, et qu’enfin de tels yeux semblent bien trop perfectionnés pour l’usage que peut en faire le Strombus, le sympathique escargot des mers qui en est pourvu.
Autre exemple (dans un autre registre) donné par Pierre-Paul Grassé : la mâchoire inférieure d’un reptile se prolonge par deux os, l’Angulaire et l’Articulaire, qui s’articulent avec le Carré, lui-même rattaché au crâne. Chez les mammifères, la mâchoire inférieure est directement articulée sur le crâne et les trois os qui formaient l’ancienne articulation chez les reptiles, se retrouvent ensemble pour former l’oreille interne, organe dont les reptiles sont dépourvus.
Lors du développement embryonnaire de la mâchoire inférieure chez les mammifères, l’Articulaire et l’Angulaire sont encore rattachés à la mâchoire avant de « migrer » vers l’oreille.
C’est là qu’entrent en scène les reptiles thériodontes. Chez eux, la mâchoire a une double articulation : en haut, comme chez les mammifères par contact direct de la mâchoire et du crâne, en bas par articulation du Carré sur l’Angulaire et l’Articulaire.
Mais une double articulation de la mâchoire ne présente aucun avantage fonctionnel. Cette absence (théorique) d’avantage fonctionnel apporté par la possession d’une 2e articulation de la mâchoire est confirmée par l’observation (pratique) selon laquelle aucun autre vertébré n’a développé un tel système.
Alors, pourquoi, durant des millions d’années, les mutations qui ont lentement et graduellement construit un tel système ont-elles été sélectionnées ? Jusqu’à preuve du contraire, la meilleure hypothèse semble de postuler que quelque chose conduisait les reptiles thériodontes vers le stade mammifère. Leur double articulation de la mâchoire ne leur a servi à rien mais elle était essentielle pour que les mammifères soient, des millions d’années plus tard, pourvus d’une audition suffisante pour assurer leur survie, en entendant, par exemple, arriver leurs prédateurs.
Bref voici un argument fort réfutant le darwinisme comme seule explication de l’évolution, et montrant que des lois doivent être à l’œuvre derrière de tels phénomènes.
Pierre-Paul Grassé a ainsi montré que les reptiles thériodontes sont divisés en plusieurs sous-ordres, que chaque sous-ordre a développé dans leur mâchoire (ce que n’ont fait aucun autre ordre de reptiles) au moins quelques caractères mammaliens (mais pas tous jusqu’au même point), et que deux sous-ordres ont en parallèle connu la même évolution, les menant avec succès jusqu’aux mammifères.
tguiot a écrit :Personnellement, je ne sais pas si la disparition des dinosaures a été un élément indispensable à l'apparition de l'homme. Ce fut certainement un élément favorable, mais je ne pense pas qu'il soit impossible que l'homme puisse apparaître (dans d'autres niches écologiques) alors que des dinosaures sont toujours là.
En effet, rien ne dit que ce soit impossible, bien au contraire.
tguiot a écrit :Cependant, ce n'est pas un argument en faveur du finalisme. Il y a des tas d'autres scénarios qui auraient empêché l'homme d'apparaître. Je ne suis pas spécialiste, mais je suis certain que des météorologues, paléontologues, biologistes peuvent se prononcer là-dessus.
Lesquels ? Quels scénarios, quels éléments auraient pu empêcher l’homme d’apparaître ?
Toute ton argumentation est basée uniquement sur le postulat qu’il n’y a que le hasard et la contingence à l’œuvre dans l’évolution. Mais qu’est-ce qui te permet d’affirmer qu’il n’y a pas des lois pour l’instant inconnues qui encadrent l’évolution ?
tguiot a écrit :De toute façon, la remarque plus haut porte un coup au finalisme. S'il n'y a pas de tendance vers la complexité, a fortiori il n'y en a pas non plus pour l'apparition de l'homme.
Il y a une évidente tendance vers la complexité dans l’évolution : jamais, au cours de sa si longue histoire, l’évolution n’a permis à un mammifère de redevenir un reptile, à un reptile de redevenir un batracien, à un batracien de redevenir un poisson, à un poisson de redevenir un invertébré. L’évolution ne retourne jamais en arrière, c’est ce qu’on appelle la loi de Dollo, et cette loi ne s’explique pas par le mur de complexité minimale.
Les darwiniens l’expliquent généralement par le fait que, pour eux, une transition donnée nécessite que des mutations aléatoires se produisent juste au moment où les modifications de l’environnement les rendent favorables pour l’organisme qui les porte. Qu’il s’agit là d’un événement très peu probable. Et que donc la probabilité que l’événement inverse puisse par la suite se produire est quasi nulle.
Mais comme je te le demande au début de ce post, qu’est-ce qui est plus probable ? Que les premiers mammifères qui ressemblaient à des souris puissent se transformer en hommes, en chevaux et en lions, ou qu’ils se retransforment en reptiles thériodontes dont ils viennent juste d’être issus ?
tguiot a écrit :Et surtout, toi qui reproches de ne pas prouver qu'il n'y a pas de finalisme; comment toi tu prouves qu'il y en a? Car après tout, c'est à toi avant tout de le prouver.
Je ne dis pas que je peux prouver qu’il y a finalisme, je dis qu’il est évident que l’absence de finalisme n’est pas prouvée, ce qui a engendré le débat sur les dinosaures avec Pakete. Il y a une nuance.
Lorsque j’essaye de montrer que le finalisme est possible, on m’oppose à chaque fois la contingence comme un argument définitif. Mais il faut admettre qu’il est impossible de certifier qu’il n’y a pas d’autres forces que la contingence à l’œuvre dans l’évolution, et même que le contraire est fortement probable. Le débat est donc ouvert ; et c’est cela que je serais heureux de voir accepté par certains rationalistes.
Ce qui est sûr, c’est qu’en l’état actuel, le hasard et la contingence seuls ne parviennent pas à expliquer les phénomènes de convergence évolutionniste, ni pourquoi les thériodontes ont développé une double articulation de la mâchoire, ni un tas d’autres choses comme l’existence de l’horloge moléculaire ou l’impuissance des algorithmes darwiniens à rendre compte des changements de plans d’organisation.
Or une évolution qui obéirait à des lois naturelles expliquerait, elle, parfaitement bien ces phénomènes.
Pour prendre une image, il y a eu du hasard et de la contingence dans l’évolution de l’univers, mais l’état actuel de l’univers est à 99.9% le fait des lois naturelles, et non de la contingence. Si l’on recommençait le film de l’évolution de l’univers depuis le Big Bang jusqu’à aujourd’hui, on obtiendrait à nouveau des atomes d’hydrogène, d’hélium, de carbone, des étoiles, des galaxies, et certainement quelques planètes viables. Bref, on arriverait au même point.
Je ne fais rien de plus que souligner qu’il existe énormément d’indices très forts laissant entendre qu’il en va de même pour l’évolution de la vie, ce qui paraît plus normal que l’inverse voulant que l’évolution de la vie soit le seul domaine naturel où la nature n’est pas gérée par des LOIS.
Or s’il existe des lois encadrant l’évolution, alors celle-ci est évidemment finaliste.
tguiot a écrit :L'hypothèse par défaut est nécessairement la plus simple, càd l'absence de finalisme.
Non, je trouve que cette hypothèse, selon laquelle l’évolution de la vie serait le seul domaine naturel où il n’y aurait pas de lois, est loin d’être la plus simple justement, bien au contraire.
tguiot a écrit :Donc à ceux qui souhaitent l'introduire dans la théorie de le démontrer. Pas aux autres de la réfuter (ou seulement quand des arguments valables auront été proposés).
Bien-sûr, mais cette remarque me rappelle le débat sur le fardeau de la preuve. Ce n’est pas à quelqu’un en particulier de démontrer l’exactitude de la thèse qu’il défend car tout le monde ici défend des idées dont on n’a pas les preuves ; c’est à la science et à sa toute puissante neutralité d’arbitrer en déterminant les FAITS et leurs causes. Il n’y aura ensuite plus de discussion possible. Laissons la science avancer, et éventuellement prenons les paris.
tguiot a écrit :S'il y a une tendance intrinsèque à l'évolution, c'est celle de la contingence. C'est manifestement un élément difficile à accepter pour des croyants (au sens large).
Les croyants acceptent l’existence de la contingence dans l’évolution de la vie. Les croyants ne font que constater que la contingence existe aussi dans l’évolution de l’univers, mais qu’elle n’est pas pour autant la cause de l’existence des galaxies et des atomes.
Bref, les croyants remettent en question le fait que la contingence soit la SEULE cause notre existence, alors que les algorithmes darwiniens montrent que ce n’est pas possible, alors que de nombreux phénomènes sont inexplicables par la seule contingence etc.