Espilon a écrit :D'accords, mais une chaine de réponse est assimilable à une chaine de domino, c'est pour ça que j'ai fais ces analogies, c'est parce-que finalement ce qui se passe dans le cerveau n'est qu'une réaction en chaîne qui se répète (un métabolisme), et qui obéit aux lois de la physique. Ce ne sont que des réactions chimiques. Est-ce qu'on peut donner une conscience à une chaîne de domino qui se répèterait ?
Et bien, non, le cerveau n'est pas analogue à une chaîne de domino.
L'image du jeu de domino est fausse au niveau cérébral, à l'étage de ce qu'on appelle les de façon générique les "interneurones". L'image de la chaîne de domino est parfaite pour illustrer ce qu'il se passe au niveau d'un axone (pour rappel un neurone = en gros un ou plusieurs dendrites, un corps cellulaire et un axone). C'est ce qu'on appelle la loi du tout ou rien : soit on pousse le 1er domino et tous les dominos tombent jusqu'au dernier (et c'est parce que l'organisme est vivant que les dominos peuvent ensuite être remis debout, contre l'entropie, et la réaction en chaîne recommencer), soit ce n'est pas le cas et rien ne se passe.
Mais ce qu'il faut bien voir, c'est ce que ce message nerveux est un courant électrique. Comme tout courant électrique (là ce sont des différences de concentration en ions mais le principe est exactement le même), il se propage partout où c'est possible : il y a donc des fuites de courant. Alors bien sûr, l'axone est en partie isolé par la gaine de myéline, mais ça ne suffit pas : au bout de quelques µm ou quelques mm le courant serait tellement atténué qu'il n'y aurait plus aucun effet biologique, et je ne parle même pas de l'impulsion qui part du cortex moteur pour aller faire bouger le petit orteil...
Sauf que dans l'axone, il y a en fait des systèmes amplificateurs, des protéines qui jouent le rôle d'amplificateurs et régénèrent le courant de proche en proche, ce qui explique que cette "loi du tout ou rien" arrive effectivement jusqu'au bout de la fibre, quelque soit sa longueur (axones de+ d'1 m pour le nerf innervant les pieds...). Mais dans les dendrites et dans le corps cellulaire du neurone, ça n'est pas le cas, car il n'y a pas ces protéines ! Et c'est ce qui explique les bases de l'intégration, la partie
intelligente du système : un seul message arrivant à une synapse à l'extrémité d'une dendrite s'atténue le long de la membrane du dendrite et du corps cellulaire et ne déclenche rien au niveau de l'axone car il y est trop faible. Mais le même message, s'il s'aditionne à un autre, à un troisième, à un 10e (il y a + de 10 000 synapses par neurones...) devient assez fort pour atteindre l'axone avec un seuil critique qui déclenche un courant ionique (le potentiel d'action). Et à l'inverse, des synapses inhibitrices vont atténuer les courants ioniques se propageant le long de la membrane des dendrites et du corps cellulaire et les empêcher de déclencher un potentiel d'action dans l'axone (c'est typiquement ce qu'il se passe pendant le sommeil, presque tous les potentiels d'action destinés aux mouvements volontaires & aux muscles posturaux sont inhibés par les centres du sommeil paradoxal : rien ne passe et pourtant la structure des neurones, des connexions n'a pas changé ! C'est juste l'activité des synapses qui a modifié le flux d'information sortant).
On est donc plus du tout dans le cas de figure où un domino qui tombe entraîne tout les autres puisque chaque connexion synaptique intermédiaire va pouvoir jouer sur le risque que le prochain domino tombe ou pas. Et ce qui régit la position et la répartitions des synapses activatrices & inhibitrices sur la membrane d'un neurone, c'est l'apprentissage. (Et encore une fois : l'analogie avec un automate n'est pas bonne car lui ne peut pas déplacer ses composants en fonction des informations qu'il reçoit, il est structurellement figé ce qui n'est pas le cas du cerveau).
Espilon a écrit :Non, pas plus que je peux donner une conscience à une autre personne***, c'est le premier problème posé par la conscience : je peux très bien être le seul à en avoir une, autant qu'on aurait bien du mal à admettre que le cerveau, dont 99% de l'activité consiste en des analogues à la combustion, aurait une conscience, et une flamme non. À moins qu'elle soit quelque chose que la science n'a pas encore découvert, mais là il faudrait encore la découvrir et la théoriser.
C'est quelque chose que je n'ai jamais compris : n'avoir aucun soucis à attribuer une conscience à l'Univers, mais la refuser à ceux qui vous sont semblables alors même qu'ils en témoignent. Si autrui n'avait pas de conscience qui soit semblable à la mienne (je ne dis pas qu'il n'y a pas une variabilité individuelle), il me serait impossible d'échanger avec cette personne quelques soient les sujets.
Espilon a écrit :*** Mais inversement je ne peux pas affirmer que la chaine de domino n'en a pas, mon analogie n'était pas là pour dire que la conscience n'existait pas, mais que si elle n'existe pas dans le rocher elle n'existe nul part, et que si elle existe vraiment dans le cerveau, elle doit exister partout, sous une forme ou une autre - sauf si l'univers n'était qu'un simple apparaitre, une simple sensation. Ce que je veux démontrer c'est que la science ne sait rien sur la conscience : car pour toute les raisons que j'ai donné, tout est possible.
Si elle existe grâce au cerveau, je suis d'accord pour dire qu'elle existe dans n'importe quel cerveau ou construction qui serait de structure, de configuration, de plasticité et de modalités de fonctionnement identiques au cerveau. La transposer à quelque chose qui n'a pas les mêmes modalités (intégration, filtrage, "mémoire" (l'établissement des connexions avec une certaine configuration est déjà en soit une mémoire, c'est donc redondant de parler de structure & de mémoire) est fausse. Ces modalités sont précises (la moindre altération, modification endommage gravement la fonction), ce qui restreint grandement les possibilités. Donc non ! elle ne doit pas exister partout, et non ! tout n'est pas possible.
Pour revenir à l'exemple du cœur qui bat : ce ne sont également que des réactions (bio)chimique, électrostatiques & électrochimiques. On pourrait, avec le même raisonnement, se dire que ce type d'interaction existe partout où il y a de la matière, non ? Mais encore une fois, c'est la structure d'une cellule cardiaque qui lui permet de se contracter alors que tout au départ ne repose que sur des interactions omniprésentes sur Terre (restons dans un environnement connu). On ne trouve pas de contraction électrosensible partout hors du vivant, et encore moins de pompe cardiaque.
Espilon a écrit :
Tu parles de lésion matérielles, perdre la vue ne signifie pas perdre conscience de quoi que ce soit. Imagine que tu perde connaissance et que ton cerveau s'arrête pour quelque secondes, qu'advient-il de ta conscience ? Rien, elle ne s'éteins jamais : as-tu déjà fais l'expérience de l'absence de conscience ? Certainement pas, l'univers n'est jamais vécu autrement qu'à travers la conscience, il n'y a rien en dehors de la sensation d'un univers. Tu tombe dans les pommes, ta conscience va simplement sauter dans le temps en avant. Comme je l'ai dis précédemment, la conscience c'est la sensation d'une identité, et donc elle est lié à la mémoire. Quant la mémoire ne fonctionne plus, il ne peut plus y avoir d'identité (l'identité c'est la définition même de la mémoire ^^) et donc pas de conscience, mais sa ne veut pas dire que la conscience s'arrête, sa veut dire que la conscience va sauter jusqu'à ce qu'elle trouve un support (et donc que l'identité est une nécessité). Es-tu persuadé d'avoir toujours été la même personne toute ta vie ? Qui te dit que la prochaine fois que tu t'endormira, tu ne te réveillera pas dans le corps d'un autre ? Ayant hérité de sa mémoire, tu ne saura même pas qu'il c'est passé quelque chose, et concrètement, personne n'a aucune manière de nier que ce cas de figure est possible.
J'aurais pu prendre l'exemple de lésions associées à une perte de mémoire (mémoire à court terme dans certaines pathologie dégénérative comme Alzheimer, souvenirs dans des cas de traumatismes crâniens). On peut "avoir conscience" qu'il nous manque quelque chose pour être intègre sans que ce quelque chose soit aussi "matériel" (c'est amusant de faire cette distinction, je ne pense pas qu'elle soit si fondée que ça mais passons) que la vision : perte de jugement, irritabilité, comportement désordonné, perte de mémoire...
Et on peut nuancer ce que tu dis sur la conscience "tout ou rien" : après-coup, la rétrospection nous renvoie une image d'une conscience passée incomplète par rapport à celle de référence dont on dispose à l'instant présent : par exemple celle que l'on avait à 6 ans, ou celle que l'on a sous l'emprise d'une drogue (au sens large). Il y a bien unicité de la conscience, mais on peut lui trouver des intensités graduelles. (s'il fallait imager cela par des phrases, on pourrait peut-être traduire cette impression par "je me sens être moi, mais un moi réduit par rapport à lorsque j'ai toutes mes facultés, mes connaissances, ma mémoire et mes capacités de jugement & d'appréciation").
Espilon a écrit : Tu as des arguments indéniables, mais je penses qu'on ne parles pas de la même conscience. Il y a la conscience de soit, qui est cérébrale, c'est simplement la fonction qui permet à un animal de se reconnaitre dans un miroir, ou de se positionner dans l'environnement et d'identifier ses propres émotions (ce qui est important puisque ceux qui en manque ne font plus la différence entre leur émotions et celle des autres). Mais il y a la conscience... sous le sens d'un apparaitre, celui d'être un individu libre et indépendant... alors que ce n'est qu'un automate de matière complexe en combustion perpétuelle.
Je ne vois pas vraiment de distinction, de frontière, de discontinuité ou d'indépendance entre ces "deux" choses.
Je n'ai pas de mal à m'identifier comme un et un seul individu, parce que j'ai à tout instant un retour sur mes pensées & mes volontés : elles sont mémorisées, confrontées à d'autres pensées en mémoire qui leur confèrent une perspective consciente.
Et d'ailleurs, on peut se demander si cette apparence d'être libre & indépendant n'est pas créée "artificiellement" par l'existence ou non de ces schémas de retour sur une pensée : certaines études tendent à montrer que le cerveau pense (les circuits sont en perpétuelle activité) et et qu'ensuite seulement, on en prend conscience et émet des décisions (au sens très large : appuyer sur un interrupteur ou pas alors qu'il est entré dans notre champ de vision, par exemple).