III/ ) LES GRANDES INTERPRÉTATIONS AU SUJET DU PÉCHÉ ORIGINEL ! !
Comment comprendre le récit de la Création et tout particulièrement le concept de PÉCHÉ ORIGINEL ?
Nous avons vu que le concept de péché originel avait été médité par les Juifs, bien avant la naissance de Jésus.
La venue de Jésus, et surtout sa mort en croix et sa Résurrection, ont donné un éclairage inattendue à cette idée de péché originel. Quand les hommes ont pris connaissance des moyens employés par Dieu pour guérir et sauver les hommes, ils ont pris conscience de la profondeur de leur fragilité, et de la puissante emprise du malin sur leur âme.
Après la résurrection de Jésus,
Paul a longuement médité sur la mort de Jésus. Paul a alors parlé d'Adam et de sa faute (Romains 5),
non pas pour stigmatiser Adam,
mais pour exalter la grandeur du
don consenti par Jésus en croix. Adam est le
faire valoir de Jésus.
Paul insiste sur le don de Dieu, qui surpasse tout ce qu'on peut imaginer dans le Christ, et non sur la pauvreté d'Adam.
Les juifs, pour se distinguer des chrétiens, ont alors abandonné ce concept de
péché originel.
Finalement, c'est Saint Augustin, qui méditera longuement dessus.
1/ Saint Augustin
Saint Augustin est un
Père de l'Eglise.
Il est né le 13 novembre 354, et il est mort le 28 août 430. Il a vécu à Hippone, ville de l'Algérie actuelle dont il était l'évêque.
C'est un philosophe et un théologien qui a écrit avec passion pour défendre la doctrine chrétienne contre différentes hérésies. Ces écrits étaient rédigés dans un climat de controverse, ce qui explique qu'il a parfois eu des propos un peu radicaux. Par exemple, lors de sa controverse avec un nommé Pélage, il a
poussé le bouchon un peu loin, juste pour le plaisir de moucher Pélage, qui se plantait dans les grandes longueurs.
L'Eglise a donc ajusté, dans un langage plus modéré, le contenu des réflexions de Saint Augustin. Cela a permis de restituer les nuances théologiques de ses réflexions, mais cela explique également les quelques hérésies qui ont découlé de la méditations de des écrits d'Augustin. On le verra dans le
3/ avec Martin Luther (né le 10 novembre 1483 en Allemagne, et mort le 18 février 1546), le fondateur du protestantisme au XVIe siècle. Il était de formation augustinienne à l'origine, mais il a interprété Saint Augustin dans un sens trop pessimisme qui ne convient pas à l'Eglise.
Nous n'allons donc pas nous chamailler au sujet d'arguties théologiques auxquelles personne ne comprend rien, et dont tout le monde se fout... mais on va essayer d'être constructifs.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à l'affreux Pelage :
Pélage était un britannique (ce n'est pas nouveau que les Britanniques se plantent (cf le Brexit)).
Il a été baptisé adulte vers 380. Pelage ne prêche pas d'avoir une relation au
Christ sauveur, mais il pense que Jésus est un simple modèle qu'il faut imiter. Pelage pense que l'homme est
parfait en lui-même et qu'il lui suffit de vouloir être
saint pour y arriver. Pelage nie la fragilité humaine. La sainteté est un
tour de force, et non une transformation du coeur de l'homme, aidée par Dieu, et acceptée par l'homme. Pelage pense donc que le baptême des enfants n'est vraiment efficace pour les sauver... il faudrait qu'ils aient le temps de faire un tour de force de perfection morale pour aller au ciel.
Or, l'Eglise pense que Jésus est un
modèle, certes, mais qu'il est indispensable qu'il nous donne sa grâce pour nous sauver. L'aide, la grâce de Dieu, agit dans l'homme, qui se sert de son
livre arbitre pour accepter cette grâce divine, ou la refuser. Les catholiques croient que l'Esprit Saint est indispensable pour qu'ils puissent être sauvés. Dieu nous transforme par sa grâce. Les hommes ont besoin de la grâce divine pour être sauvés.
Adam a péché, donc les hommes pèchent tous. C'est ce que nous dit Paul, dans un style un peu définitif (Romains 5, 12). Cela a été compris par Augustin dans le sens d'un excès de responsabilité humaine dans la faute.
Pour Augustin, Jésus est l'unique sauveur, ce qui est parfaitement conforme à la doctrine de la Sainte Eglise catholique Romaine.
L'Eglise a donc ajusté la doctrine pessimiste d'Augustin en précisant ceci :
- le péché originel n'a rien à voir avec la
sexualité.
- les hommes ne sont pas
responsables du péché d'Adam. Les hommes souffrent des conséquences de la faute d'Adam. Ils en sont blessés, mais ils n'ont pas de responsabilité dans cette faute. Le péché originel blesse aussi bien les hommes que la nature. Cela explique l'imperfection de la nature, les catastrophes naturelles, la maladie des enfants innocents... etc... Notre monde et nous-mêmes sommes donc imparfaits, et marqués par le mal, par Satan, par le péché, et la mort.
- La grâce de Dieu est donnée à
tous les hommes, et pas juste à certains. Tous les hommes bénéficient de la Grâce, il suffit pour eux de l'accepter. Les hommes
ne sont pas prédestinés certains au salut, et d'autres à la damnation : le salut est offert à tous.
- le
Péché originel ne touche pas à la
liberté intrinsèque des hommes.
Jésus s'est fait chair, pour que l'homme soit visité intérieurement par Dieu, qu'il soit régénéré par Lui et sauvé par Lui.
Le début de la Genèse n'est donc pas forcement un récit historique,
mais c'est un récit qui nous raconte que l'histoire des hommes a été inaugurée par
un NON des hommes à Dieu,
alors que Dieu aurait voulu que l'histoire des hommes se fasse avec une acceptation des hommes de leur relation à Lui.
2/ Martin Luther
Martin Luther, celui qui sera à l'origine de la réforme protestante, est un grand théologien du Péché originel.
Martin Luther était moine augustin. C'était un homme angoissé, car il ne ressentait pas la présence de Dieu, malgré ses ascèses, ses prières et ses sacrifices.
Il va donc se croire damné, jusqu'au jour où la méditation de l’Épître aux Romains (de Paul) va lui apporter la paix.
Il comprend que Dieu n'est pas d'abord celui qui comptabilise nos bonnes actions, et qui soupèse nos fautes,
mais qu'Il est d'abord un Père qui pardonne.
Dieu n'est pas un comptable tatillon. Sa justice nous justifie, elle nous fait miséricorde, elle nous sanctifie.
Martin Luther va insister sur l'opposition entre œuvres et foi. Or, les
œuvres de la Loi étaient celles de la Thora pour Paul,
Martin Luther va comprendre que les
œuvres de la Loi sont celles de ses ascèses et de ses sacrifices. Martin Luther n'a pas voulu initialement s'opposer à l'Eglise, mais il a voulu insister sur le fait qu'on est sauvé par la foi, indépendamment des œuvres, et sans les œuvres.
Par ailleurs, Martin Luther est scandalisé par la vente des indulgences. Cela permettait au Pape de financer la construction de Saint-Pierre de Rome (magnifique église qu'on a bien eu raison de faire construire).
Martin Luther reprochait pourtant (à juste titre) à l'Eglise catholique de faire croire aux gens qu'on pouvait acheter le pardon de Dieu. Effectivement, l'Eglise catholique est d’accord sur ce point avec lui : on ne peut pas acheter le pardon de Dieu.
Sur d'autres points, Martin Luther a théorisé à l'inverse de ce que l'Eglise juge vrai :
- Pour l'Eglise catholique, la concupiscence (la libido, l'appétence pour l'argent, et le pouvoir... )
n'est pas un péché. C'est simplement un facteur de tentation, mais qui n'engage pas la liberté humaine. La concupiscence peut mener les gens à pécher, s'ils succombent à la tentation, mais ce n'est pas un péché en soi. (Un exemple : une belle fille peut me donner envie de commettre l'adultère, mais si je m'en éloigne et fait tout pour ne pas succomber, il n'y a pas de péché).
- Pour Martin Luther, même après le baptème, l'homme est séparé de Dieu. L'homme est pécheur et mauvais. Sa concupiscence est un péché objectif. L'homme n'est donc rendu
juste que si Dieu décide de lui pardonner gratuitement. Par lui-même, l'homme est forcement pécheur. Sa concupiscence est donc
péché (faute), et non pas simple tentation pour laquelle il n'a pas de responsabilité (comme le pense l'Eglise).
- La théologie de la Croix.
Jésus sur la Croix est le
seul Juste qui s'offre en sacrifice,
et il est en même temps
identifié au péché, au mal et à la mort.
Martin Luther a beaucoup médité cette double caractéristique du Christ en croix : Il est le Juste par excellence, et en même temps il identifie au péché.
Pour Luther, le Christ n'est pas la Vérité ultime qui englobe toutes les Vérités. La Vérité de Jésus s'oppose aux vérités humaines qui sont forcement fausses et pécheresses. Martin Luther est (trop) pessimiste au sujet des hommes. Martin Luther pense que l'homme est foncièrement mauvais et incapable de chercher Dieu.
L'Eglise a une position plus modérée.
Pour l'Eglise, Jésus est la Vérité ultime, en qui s’accomplit toutes les vérités partielles, les vérités humaines : Jésus accueille toutes les vérités humaines, qui ne sont pas forcement fausses et pécheresses.
Pour l'Eglise, le choc de la Croix du Christ ne doit pas faire oublier
l'incarnation de Jésus. Jésus est devenu
homme, ce qui signale la dignité intrinsèque des hommes. Les hommes ne sont pas uniquement mauvais (ils sont
moyens, dirions-nous !).
3/ Le Concile de Trente (1545- 1563).
Après bien des chamailleries entre catholiques et protestants (et quelques massacres),
l'Eglise a travaillé au cours du Concile de Trente, pour préciser sa doctrine sur le péché originel.
Cela n'a pas été facile, car les guerres de religions ne sont pas un cadre serin de réflexion, d'autant que les rois et les empereurs d'Europe engagés dans ces guerres, aimeraient bien donner leur avis.
L'Eglise aimerait bien réfléchir en théologienne, et pas soumise à la politique. Ce n'est pas simple.
Voilà les points de discorde théologiques essentiels entre protestants et catholique. :
-La justification (la sanctification des hommes)
-le salut
Pour les protestants, le baptême n'enlève pas le péché originel,
alors que pour les catholiques, le baptème enlève le péché originel. Le baptème transforme le baptisé, il agit en lui.
Ce n'est qu'au XXe siècle que Luthériens et catholiques se mettront d'accord à ce sujet.
Le
Concile de Trente appuie ses réflexions sur les conclusions des conciles de Carthage (418) et et l'Orange (en 529),
et sur la méditation des trois premiers chapitres de la Genèse.
La
concile de Trente précise bien que la
concupiscence après la baptème n'est pas de l'ordre du péché. L'homme n'est pas uniquement mauvais. Martin Luther est trop pessimiste sur l'homme.
Par
péché originel, on ne parle pas d'un péché personnel, l'homme n'a commis aucune faute personnel.
On parle de péché originel que par analogie à Adam, mais les hommes ne sont pas responsables de cette faute primitive. Le péché originel est une
blessure au fond de chaque homme, mais il
n'en est pas responsable.
Pierre-Elie,
Rappel du plan :
DIEU A-T-IL RATÉ SA CRÉATION ?
PLAN DU COURS (avec liens vers les parties déjà traitées) :
I / PARCOURS BIBLIQUE.
I/ Le récit de la Genèse
1. Les premiers chapitres du livre de la Genèse nous donnent nos coordonnées GPS (sabbat ; éthique ; histoire d’avant l’histoire)
2. Mythe et histoire : faire de l’histoire et parler de l’histoire
3. Lecture chrétienne du livre de la Genèse
II/ Au commencement.
1. Création et commencement : fixer le cadre de l’Alliance
2. Parler des origines : savoir d’où l’on vient et savoir où l’on va
3. Création et péché originel : comprendre l’origine à partir de la fin
II/ TRADITION CHRÉTIENNE.
III) Interprétation
1. Saint Augustin
2. Luther
3. Le concile de Trente