LumendeLumine a écrit :Salut Florent,
Le réel ne peut pas "commencer", c'est impossible; un commencement impliquerait un passage spontané du néant à l'être, or du néant il ne peut rien surgir. Néant qui n'a rien à voir, soi dit en passant, avec le vide quantique dont la fécondité est bien connue. Soit notre Univers a d'une certaine manière toujours existé et est à lui-même sa raison d'être, comme vous essayez de le montrer, soit il l'a en un autre.
Salut Lumen (en toute simplicité ce pseudo),
Ne confondez-vous pas ici ce que nous pouvons
penser de la réalité et la réalité elle-même?
Si vous êtes honnête vous conviendrez également, c'est ce que je ne cesse de vous répéter, que vous ne pouvez pas non plus penser le commencement du temps ou le commencement de l'espace!! Le pouvez-vous oui ou non?? Soyez honnête! Bien sûr que non : votre esprit demandera immanquablement : "Et avant le commencement du temps (par hypothèse le "Big-bang") qu'y avait-il?" Interrogation de même nature pour l'espace..
Or ce dont je vous accuse (faute que vous répétez ici) c'est de ne pas être honnête avec vous-mêmes à ce sujet : puisque la théologie catholique affirme la création du monde vous bazardez sans problème le temps et l'espace (sans vous aviser réellement de l'impossibilité mentale de cette opération) mais le "réel" par contre (dont, comme je vous l'ai dit, vous élargissez outrageusement le domaine d'application) vous ne voulez pas imaginer son commencement absolu. C'est en réalité un manque de conséquence dans le raisonnement.
Votre "d'une certaine manière" s'agissant du commencement et de la nature réelle de l'univers montre bien votre perplexité à ce sujet, perplexité que vous devriez assumer jusqu'au bout en ne dictant pas au réel ce qu'il peut faire ou ne pas faire!
LumendeLumine a écrit :
Soi dit en passant #2, ce que je dis ne contredit pas la création ex nihilo, qui implique l'existence d'un Être capable de créer, le moins sort du plus; alors qu'un passage spontané du néant à l'être implique que le plus sort du moins, ce qui est absurde.
Votre "le moins sort du plus" n'est qu'une manière polie d'exprimer l'équation qu'avait bien vue Feuerbach : dans la théologie catholique le "moins" que représente le monde est un moins absolu car tiré du néant, donc s'équivalent à lui, puisque susceptible à tout instant d'y retourner, n'étant rien par lui-même.
Pour ma part je me garderai bien de dire que l'univers sort du "néant" ayant été suffisamment averti par Feuerbach de la signification de ce terme (qui est réalité une valeur négative comme je vous l'ai dit, l'avez-vous noté?).. Je ne sais pas d'où "vient" l'univers. Je pose juste, de manière radicale, l'hypothèse d'un commencement absolu du réel tel que nous le connaissons mais savoir "ce qui" le déterminait "avant" est évidemment - ce n'est pas une faiblesse de la raison de le reconnaître au contraire - en dehors de mes capacités et des capacités humaines au moins (soyons toujours d'une extrême prudence!) actuellement..
LumendeLumine a écrit :On peut fort bien envisager un commencement du temps et de l'espace, mais pas un commencement de l'être. Vous confondez encore une fois imagination et intelligence, essence et être. Le temps et l'espace sont les modes particuliers dans lesquels évolue l'ensemble des choses qui nous entourent, et il est quasi impossible de les extraire de nos modes de représentation. D'où l'extrême difficulté de certains problèmes physiques, et le fait que nous ne puissions pas savoir grand-chose, positivement et par la raison naturelle, de Dieu, par exemple. L'être, au contraire, ne désigne que le fait d'exister, indépendamment de toute considération sur la nature des choses, leurs particularités, etc. Et il est certain que le fait d'exister est fondamentalement la même chose pour tout ce qui existe, peu importe sa nature, peu importe son essence. La transcendance de l'être provient de la pureté de sa notion, qui atteint à ce qui est forcément commun à tout ce qui est réel; le fait, justement, d'avoir un rapport à la réalité, que nous désignons par le mot être.
Il faudrait savoir mon cher Lumen.
Vous parliez au début de votre message de l'impossibilité de concevoir un "commencement du réel".. Vous parlez maintenant de l'impossibilité de concevoir un "commencement de l'être"..
Est-ce à dire que le "réel" et "l'être" sont une seule et même chose??
Dans ce cas je ne peux évidemment pas vous suivre lorsque vous distinguez le temps et l'espace de l'être.. c'est-à-dire du réel.
Le temps et l'espace constituent à part entière notre réel donc l'être. Il n'existe pas, il n'
est pas de chose concevable pour nous en dehors de l'espace et du temps : donc dans notre conception des choses temps, espace et être sont clairement solidaires et c'est une opération d'une abstraction sans fondement que de chercher à les distinguer.
Vous dîtes "On peut fort bien envisager un commencement du temps et de l'espace" et je vous dis que c'est faux. Ce sont simplement des mots vous ne pouvez pas le faire, la constitution même de notre esprit nous en empêche. De même pour l'être : nous ne pouvons effectivement pas concevoir un commencement de l'être ou du réel (les deux termes sont en réalité synonymes vous le montrez bien). L'hypothèse du Big-bang nous invite à penser contre notre pensée ce qui est en soi impossible. Mais notre intelligence est alors capable de comprendre que ce n'est pas parce que c'est rationnellement impossible (c'est-à-dire impossible à penser pour nous) que c'est réellement impossible. Ce n'est pas nous qui pouvons dicter les conditions au réel c'est plutôt lui qui nous dicte les conditions à travers lesquelles nous pensons (lois de l'être, spatialité, temporalité)..et c'est donc encore une fois un mensonge lorsque vous affirmez que nous pouvons envisager un commencement du temps et de l'espace.. pas plus que nous ne pouvons par notre raison envisager un commencement de l'être. Mais (je me répète et tourne en rond car vous ne voulez pas comprendre le raisonnement) : cette impossibilité constitutive de notre esprit notre esprit doit comprendre que ce n'est pas forcément une impossibilité du réel.
LumendeLumine a écrit :
Florent vous essayez d'impliquer subrepticement que je présuppose l'existence de Dieu, et que cette existence m'est une garantie à l'éternité de l'être. L'existence de Dieu n'est pas un a priori. La transcendance de l'être et de ses principes premiers n'est pas un a priori non plus; mais c'est une évidence pour l'intelligence en contact avec la réalité. Dès lors qu'elle a saisi au fond des choses ce que signifie: elles existent, alors elle doit supposer cela vrai de tout ce qui existe, et que les lois de l'être, qui sont celles de l'intelligibilité et non des cadres physiques particuliers, sont forcément valable de tout ce qui est.
Oui, vous introduisez subrepticement l'existence de Dieu notamment à travers votre définition du principe de causalité disant : "tout ce qui n'est pas par soi-même est par un autre".
Vous avez beau dire et jurer que votre "être" constitue l'intelligence du "réel" il s'agit en réalité selon moi d'une abstraction que vous construisez pour introduire subrepticement dans le réel ce qui ne s'y trouve pas (un être existant par soi).
Dois-je réellement refaire la démonstration?
D'être, de l'existence je n'en connais avec certitude que le réel que je peux voir, observer, toucher, bref le réel de l'expérience concrète. Comme je vous l'ai déjà démontré votre principe de causalité est faux car il présupose ce qui n'est qu'une hypothèse (un être existant par soi) et dont le réel ne nous dit rien.
Une fois que vous avez étendu le domaine de l'être (abstraction du réel) vous pouvez évidemment vous garantir du "danger" ou plutôt de l'hypothèse radicale du commencement absolu de l'être (ou du réel)
puisque vous l'avez par principe accordé à ce dont nous ne savons rien et qui, dans votre conception, le transcende.
Oui, il s'agit d'un tour de passe-passe : lorsque nous regardons ailleurs, vers le réel, vous en avez déjà extrait une abstraction (l'être) que vous avez accordé par principe à ce que nous ne trouvons pas dans le réel commun.
Donc le réel dont vous et moi nous parlons n'est pas le même. Votre "réel" est un réel outrageusement élargi à une autre "réalité" (Dieu), le lien, le soubassement entre les deux étant assuré par ce que vous appelez "l'être" (alors que l'être nous ne le connaissons avec certitude que concernant les choses que nous rencontrons ordinairement, donc les choses du réel commun). Mais votre "réel" à vous n'est que le résultat d'un trucage.
LumendeLumine a écrit :
Une chose qui soit cause de soi, c'est absurde, car c'est la dire à la fois antérieure et postérieure à elle-même; mais une chose qui trouve en soi sa raison d'être, qui est sa propre existence, non. Il n'y a inintelligibilité (quel mot!) que là où il y a contradiction, non pas là où notre imagination est déficiente.
Il y a tout autant contradiction entre une chose "cause de soi" et une chose "incausé". Ne vous ai-je pas dit et répété que je n'acceptais pas votre conception du principe de causalité?? Selon le (seul vrai) principe de causalité "tout effet a une cause" et donc il y autant de contradiction selon ce principe à imaginer qu'une chose soit à la fois cause et effet d'elle-même que le fait qu'une chose n'ait pas de cause.
Dans un cas comme dans l'autre nous parlons de choses dont nous n'avons pas l'expérience et que notre raison n'est pas faite pour pouvoir penser.
Ce n'est qu'en truquant le principe de causalité selon la définition forgée que vous en donnez que vous parvenez à effacer la contradiction concernant un être qui serait "par soi".. Quoi de plus facile en effet que de ne pas y trouver de contradiction quand on pose aussi simplement son existence en disant : "tout ce qui n'est pas par soi-même est par un autre". Dans ce cas Dieu est non seulement le contraire d'une contradiction mais la chose la plus naturelle du monde et la difficulté à penser (et à exister!) ne commence que pour le réel ordinaire qui lui "n'est pas par soi"...
LumendeLumine a écrit :
Vous dites: un mystère n'explique pas un autre mystère. Sous le même rapport, oui; mais ici d'une part le mystère de l'existence de l'Univers s'explique par l'existence de Dieu qui elle n'est pas mystérieuse; d'autre part ce qu'est Dieu, son essence, est certes mystérieux, mais sa connaissance n'est pas requise à expliquer le contingent comme tel.
L'existence de Dieu n'est pas mystérieuse en effet, comme je viens de le montrer, pour vos principes forgés.
De toute les "choses", de tous les êtres du réel Dieu est même, par définition, le seul dont l'existence ne pose aucune difficulté, étant par soi.
LumendeLumine a écrit :
Pour ce qui est de la dépossession du réel de sa réalité, je vois bien que pour vous et cet idiot de Feuerbach, être réel, c'est avoir à soi-même sa propre raison d'être, et que vous refusez la distinction entre être réel, et être à soi-même sa raison d'être. Je répondrais simplement qu'il y a moins dans un monde matériel limité qui est à lui-même sa raison d'être, que dans ce même monde dépendant d'un Être suprême qui lui est non matériel, non limité, et transcendant; car ce qui fait la grandeur des choses, c'est leur origine et leur destinée; et il y a donc infiniment plus dans un Univers créé et voulu par Dieu que dans un Univers sans origine et sans but. D'autre part vouloir justifier que l'Univers est à lui-même sa raison d'être implique négation de la valeur transcendante de l'intelligence et donc, à proprement, de sa valeur propre. La personne humaine pert sa spécifité par rapport au reste du réel dont elle n'est plus qu'un individu et non un principe spirituel. Nous avons bien vu comment Marx a développé les implications sociales de la théorie de Feuerbach, et le rôle qu'il a donné à ce qui n'est plus une personne, mais un individu.
Pour moi et pour cet idiot de Feuerbach respecter le réel ce n'est pas le dévaluer au profit d'un songe dont tout votre développement prouve que lui ayant accordé toute la valeur vous ne voyez plus guère comment en accorder à l'univers en propre.
J'ai suffisamment expliqué la manipulation dévalorisante que constituait votre principe de causalité et vos lois de "l'être" pour ne pas être étonné (bien au contraire) par votre discours ombrageux à l'égard du réel, le seul et jusqu'à preuve du contraire l'unique, que nous connaissons.
Lorsque vous distinguez par principe "être réel" et "avoir en soi-même sa propre raison d'être" vous ouvrez toute grande les vanes du mépris du réel que votre discours (et ceux en général des croyants) illustre parfaitement. Et encore une fois cette distinction n'est pas justifiée, elle ne constitue qu'une hypothèse et dans sa forme même, subreptice (au détour du principe de causalité), un coup de force et un trucage.
LumendeLumine a écrit :
L'Univers ne pose les conditions de la pensée même que si l'intelligence ne l'atteint pas en ce qu'il a de plus profond, mais seulement dans ses manifestations sensibles, ce que je conteste. L'intelligence n'est pas la fonction de la perception du monde sensible. L'Univers ne définit pas ce que signifie exister; il s'inscrit dans l'existence comme un être particulier.
L'intelligence est l'instrument de perception du monde sensible et des principes que nous pouvons découvrir à partir de cette observation. Si les conclusions que vous tirez de cette observation en viennent à renier ce réel lui-même et à le dévaluer (ce que ne font pas des recherches scientifiques sur la structure du monde) elles sont probablement fausses, et les affubler du qualificatif élogieux (et vain) de "profondes" ne change rien.
LumendeLumine a écrit :
Je laisse tomber la partie sur la théologie chrétienne pour le moment; peut-être y reviendrai-je plus tard, mais je manque de temps.
Je vous avouerai qu'ayant longuement débattu avec vous sur tous les sujets précédents je ne m'attends pas forcément à y revenir. Je crois avoir compris votre position et j'ose espérer que vous avez compris la mienne. A chacun de nous maintenant si cela l'intéresse d'y réfléchir par soi et, sauf s'il a besoin d'éclaircissement concernant la conception de l'autre, je vois mal la nécessité d'y revenir.
Par contre j'ai trouvé intéressante cette discussion avec vous et (ce qui n'est pas si courant sur internet) un "adversaire" rigoureux et de qualité. C'est pourquoi je serais ravi de poursuivre cette conversation avec vous, peut-être à l'occasion d'autres questions sur ce forum ou, si vous en avez le temps, ce qui m'intéresserait beaucoup, en répondant à mes dernières remarques sur la divinité du christ.