Bonjour Pauline,
J'ai bien apprécié ta lecture, cela dit je reste en désaccord avec toi sur le fond.
pauline.px a écrit :
Eh bien, faites-le !
Ce n'est pas à moi de le faire seul dans mon coin, car une telle définition nécessite de tenir compte des pensées et ressentis de l'autre. Et cela cela ne peut pas se faire en dehors d'un discours rationnel - auquel toi-même d'ailleurs, tu essayes de souscrire. N'est-ce pas?
pauline.px a écrit :Donnez-moi des exemples précis de la morale rationnelle dans des situations de véritable dilemme, hors de tout pragmatisme.
Dans des situations de vrai dilemme, où la raison ne peut donc pas trancher, il est impossible de parler de
choix moral, dans le sens où il est impossible
de savoir en vérité où se trouve le bien.
- Pour que tu comprennes bien ce que je dis, je précise que j'inclus dans ces situations de dilemme, celles où la raison ne peut pas trancher entre suivre la déontologie ou pas. (Voir tout à la fin.)
Petite parenthèse:
J'ai eu une petite discussion sur le sujet
"Même être athée est une croyance!", tu y trouveras peut-être des éléments permettant de mieux comprendre ma pensée. Je te la remets ici:
myst-ére a écrit :
les 2 aspirent aux 2 je pense, la raison a besoin de la vérité, mais la vérité c'est le bien (le mensonge c'est le mal) et le coeur a besoin de bonté et de douceur mais il se faut que cette bonté et douceur soit vrai !
Non, les deux n'aspirent pas au deux!
Car bien que la raison pourra s'enquérir de la vérité sur le bien, elle n'aura aucun accès au bien lui-même, et quant au
cœur, bien que ce dernier saisira sans peine le bien de la vérité, il n'aura aucun discernement quant à elle.
myst-ére a écrit :
Le coeur c'est un muscle, plus on s'en sert, plus il marche bien

et j'parle pas d'aller faire des footing hein

Ce que j'appelle le
"cœur" est une faculté de l'âme* humaine.
*note: à ne pas prendre dans le sens métaphysique mais psychologique.
- fin de cette parenthèse.- (Mais nous pourrons y revenir si tu le souhaites.

)
pauline.px a écrit :Mais il faut encore s’entendre : En quoi rationnaliser son comportement aboutit à un comportement moral ?
En rien Pauline! Tu entretiens la confusion je vois! Je t'ai pourtant déjà expliqué la différence qu'il existe entre rationaliser un comportement et exercer la raison, nuance que tu n'as pas très bien saisie ou que tu refuses peut-être de comprendre... Car rationaliser un comportement revient à le justifier après coup où en vue de passer à l'acte, alors que ce qui a motivé ou motive l'action, n'est que de l'ordre de l'impulsion ou d'une volonté mal intentionnée reconnue mais non avouée, non pas la raison.
-----> Généralement ce sont plutôt les individus qui ne sont rationnels que lorsque ça les arrange, les religieux en font partie, qui s'adonnent à la rationalisation. Je le répète, cette dernière est un mécanisme de défense face à l'angoisse connu en psychologique, non une activité de recherche de ce qu'il est
en vérité bien de faire, dans des cas précis donnés ou face à une situation qui implique un choix.
pauline.px a écrit :Pouvez-vous définir un comportement moral au seul motif qu’il est rationnel ?
Si on veut le définir, c'en est même la condition sine qua non!
- Encore une fois, il n'est pas possible de définir quoi que ce soit en dehors d'un discours rationnel auquel toi-même tu souscris Pauline! Donc, une morale ou un comportement moral qui ne se définiraient pas entièrement par des principes rationnels, ne seraient absolument pas formalisables, ni par conséquent accessibles à la raison. En tel cas, il n'y aurait donc aucun moyen de savoir a-priori si une morale ou un comportement moral puissent être justes et bons
en vérité. Une telle morale, désolé de devoir te le redire, n'en porterait que le nom, elle serait l'esclave aveugle de toutes sortes de diktats arbitraires.
-----> Pour qu'une morale le soit à proprement parler, morale donc, il faudra absolument lui trouver des critères rationnels qui la définiront. Un simple consensus ne pourra jamais suffire.
pauline.px a écrit :Ce que je prétends c'est qu'il est impossible de définir rationnellement ex nihilo le Bien et le Mal.
Comme en mathématiques il faut des axiomes, en morale rationnelle il faut un point d'appui.
Qui parle de les définir ex nihilo?! Il est tout-à-fait possible de définir le Bien et le Mal à partir de faits quantifiables comme par exemple l'état de stress induit par une action intentionnelle, ou à partir de principes vérifiés comme nous en fournissent continuellement l'évolution biologique (et culturelle), l'approche systémique, la théorie de l'information, etc...
pauline.px a écrit :
Mon cas personnel ne présente aucun intérêt.
Comment voulez-vous fonder une morale sur D.ieu, béni soit-Il ?
En effet, fonder une morale sur "Dieu" et sur ce que ce personnage sorti de l'imaginaire barbare aurait dit dans un livre, est complètement ridicule... C'est bien de le reconnaître!
Je ne pense pas que ton cas personnel ne présente aucun intérêt, mais puisque tu ne cesses de dire que la raison ne suffit pas à fonder une morale, à moins qu'il ne s'agisse d'un secret inavouable - qui sait? -, je suis en droit d'attendre de toi que tu m'exposes ton idée sur la question!
pauline.px a écrit :Toutefois, je vous rappelle la vénérable discussion autour de l’anneau de Gygès qui rend invisible.
N’adopte-t-on un comportement moral que parce que l’on est vu ?
Si nous étions sûrs de l’impunité aurait-on le même comportement ?
N’y a-t-il pas de la naïveté, voire de la lâcheté à suivre les règles morales quand elles sont désavantageuses pour soi ?
Dans ces conditions, un être qui suit sa raison peut-il être moral au sens fort de mot ?
J'aime bien Platon.
Selon ma vision du Bien, il est lamentable de n'adopter un comportement dit "moral" que dans les cas où l'on se sait être vu, ou lorsque l'on croit être observé. - Faire ce qui est pensé comme juste simplement parce que l'on s'imagine un œil divin qui surveille et juge jusqu'à nos pensées les plus intimes, n'est pas seulement ridicule, mais pathétique, dans le sens où ce n'est pas le Bien lui-même qui nous motive à agir, mais la peur!
La morale est indissociable de la connaissance du Bien et de son amour. Pour Platon, j'y reviens: "nul n'est méchant volontairement", ce qui signifie que
connaître le Bien, c'est le vouloir.
Il est donc clair que la morale ne peut se fonder que sur la connaissance et par conséquent sur la raison.
Voyons aussi que quand les interdits et prescriptions sont intériorisés, nous nous faisons juges de nous-mêmes certes, mais puisque nous agissons généralement selon ce qu'on nous a dit qu'il était juste et bon, ou simplement être notre devoir, cela ne nous rend pas forcément plus moraux. Car si nous ne faisons qu'y obéir sans y avoir vraiment réfléchit, ni s'être basés sur des critères non pas fumeux mais objectifs et par conséquent rationnels, ce qui nous aurait permis d'en évaluer le bien fondé, ce comportement nous assimile à des robots.
pauline.px a écrit :
Puisque je prétends qu'il faut des principes de base avant de développer une morale rationnelle (la casuistique faisait ça...) alors par définition ces principes ne sont pas rationnels, ils sont sociologiques, consensuels, historiques... bref ! profondément idéologiques.
En ce que tu me dis là, je vois en quoi nous divergeons! - Tu confonds la morale avec ce que l'on appelle indûment les normes morales. Comment de telles normes dites "morales", seraient-elles propres à fonder ce dont nous parlons ici, à savoir la morale, étant donné qu'elles sont arbitraires et quand elles sont idéologiques, partisanes? Veux-tu dire que le Bien est lui aussi une notion arbitraire ou appartenant à une idéologie? Si oui laquelle?
- S'il était arbitraire, s'il se décrétait comme cela, sans autre justification, quels en seraient les critères?
------> Serait-ce la démocratie? - Les mœurs? - L'opinion? - Le nombre de personnes à penser la même chose? - Un consensus de fonctionnaires payés pour dire quelles décisions prendre dans des situations où la raison ne peut pas trancher? (Dans ce cas, seraient-ils mieux placés qu'un père qui doit choisir d'entre la mère ou de l'enfant qui doit vivre?) - Un dictateur? - Un prêtre? - Un imam? - Un livre sacré? - le hasard? - L'envie du moment? - La force? - L'argent? ...
Si je te suivais, rien ne serait choquant en ce que la morale soit dictée aux uns par les autres, même si le "Bien" et les lois de ceux qui le définissent prévaudront forcément d'une façon non neutre sur celui de bon nombre de ceux qui seront incités à s'y plier.
pauline.px a écrit :
Comment interprétez-vous le postulat d'Euclide ou l'axiome de Choix ?
Pensez-vous qu'ils sont rationnels, c'est à dire obtenus par une déduction ?
L’analyse mathématique n’existe pas sans l’axiome de Choix, est-elle irrationnelle ?
Tout ce qui est rationnel n'est pas forcément obtenu par déduction. Dire que par deux points ne passe qu'une droite, est une évidence de laquelle découle toute la géométrie dite euclidienne. Mais entre poser cet axiome et dire que par deux points passent 11 droites pas plus ni moins, nous avons affaire d'un coté à un axiome rationnel, car constituant la meilleure base possible d'un raisonnement de type géométrique (donc rationnel), et de l'autre: à une formulation délirante de laquelle on ne peut absolument rien tirer.
pauline.px a écrit :Mais je suis là pour apprendre,
Dites-moi comment vous définissez rationnellement le nombre de jours d'aménorrhée à partir desquels une IVG (pas une ITG) est immorale ?
Dites-moi comment vous définissez rationnellement quand il est moral ou immoral de donner à un mendiant.
Qu'une IVG soit morale ou immorale ne dépend pas que du nombre de jours d'aménorrhée... Il y a des tas d'autres facteurs à considérer... Mais encore une fois, devons nous nous baser sur de l'irrationnel pour établir ce qui est moral dans tel ou tel cas?
Pour ce qui est de donner ou pas aux mendiants, c'est à l'appréciation de chacun et selon le cas... Mais je crains que l'on ne puisse jamais être sûr que cela soit moral... C'est plus en fonction de la générosité du moment et de la tête du mec s'il a l'air menaçant ou pas, drogué ou pas, pitoyable ou pas....
pauline.px a écrit :Ce que je prétends, c'est que les principes de TOUTE morale (athée, religieuse ou autre) ne sont pas rationnels mais sociologiques et historiques.
Au début des années 70 de fins esprits défendaient la pédophilie, aujourd'hui éclate le débat sur la prostitution... les jeux sexuels avec de jeunes adolescent(e)s consentants sont-ils moraux ? avoir recours à une prostituée est-il moral ? Les féministes se divisent sur la question de la prostitution, qui est immorale ? qui est irrationnelle ?
etc.
Si l'on ne peut pas dire rationnellement pourquoi une chose est morale ou pas, l'on a plus qu'a s'en remettre à l'opinion, les nôtres ou celles des autres, peut importe au fond... Mais la majorité aura toujours raison un certain temps, avant qu'elle change d'avis...
pauline.px a écrit :Si votre morale rationnelle donne une réponse précise sans avoir recours à des principes irrationnels, je m’incline.
Si la raison ne suffit pas à la définir autant alors ne pas chercher à le faire - et se convertir à l'air du temps (zeitgeist).
pauline.px a écrit :
Mais ce n'est pas mieux d'imposer ses "relatifs"...
Notre société laïque est incroyablement prescriptive !
et avec la judiciarisation excessive la morale personnelle s'efface sous les assauts de tel ou tel groupe de pression.
Je suis d'accord avec toi sur ça, je fais la même observation.
pauline.px a écrit :Mais inversement, on voit aussi fleurir des comportements que les anciens jugeraient avec leur morale surannée "immoraux" et quand on interroge leurs acteurs ils expliquent qu'il ne voient vraiment pas pourquoi ils se priveraient.
Ce faisant, ils nous mettent au défi de leur prouver rationnellement que leur comportement est immoral.
Et comme on en est incapable...
Si l'on en est incapable c'est
- ou bien parce que l'on ne s'est pas posé le problème de définir la morale rationnellement, ce qui implique que nous n'avons pas trouvé de critère objectif à la morale - et par conséquent aucun argument,
- ou bien c'est parce que ce genre de comportement n'entre pas dans ce qui ressort du Bien ou du Mal, tout simplement.
Et si nos seuls arguments sont irrationnels et par conséquent merdiques, comment pourrions-nous leur reprocher de ne pas nous écouter et de suivre leurs envies, dans la mesure où ils ne se nuisent pas à eux-mêmes, ni directement aux autres.
- Si leur mœurs déplaisent, c'est peut-être aussi parce que nous sommes empêtrés dans nos préjugés et jugeons des comportements qui ne nous regardent pas...
pauline.px a écrit :
Considérez les débats au sein du Comité Consultatif National d'Éthique, si la rationalité était toute puissante, des experts et des ordinateurs suffiraient... et en quelques instants régleraient toutes les questions.
Des ordinateurs et des systèmes experts... En effet je crois qu'ils pourraient suffire! On en reparlera dans vingt-cinq ans!
Cela dit, non, il ne sera malheureusement jamais possible de régler tous nos problèmes et questions, ni ceux et celles qui surgiront.
pauline.px a écrit :Réciproquement, les arguments de ceux qui trouvent trop conservateur ce comité consultatif national d'éthique sont-ils rationnels ? si oui, démontrez qu’ils ne reposent sur aucun principe irrationnel.
Rétrograde ou le contraire de rétrograde par rapport à quoi??
pauline a écrit :Enfin, on peut s’interroger sur le champ d’application de cette hypothétique morale rationnelle car dans la vraie vie nos informations sont généralement trop incomplètes pour procéder à des arbitrages rationnels.
pauline.px a écrit :
Mais non ! surtout pas !
C'est là que la morale intervient !
Les normes....
pauline.px a écrit :Quand une démarche rationnelle m'explique de façon incontestable ce que je dois faire, je n'ai pas besoin de morale, je n'ai besoin que de la raison.
Elle suffit, car en dehors de la raison il n'y a pas de morale, il y a seulement des normes arbitraires.
pauline.px a écrit :La vraie morale commence où la raison est impuissante.
La vraie morale commence où la raison est dans son rôle, celui de nous faire progresser dans la connaissance, ici celle du Bien, ou mieux dit : du
vrai sur le Bien.
pauline.px a écrit :
Mettez-vous tout ça en œuvre dans votre vie de tous les jours ?
Tous les jours et à chaque instant!
Ceci est tout-à-fait formalisable, c'est là-dessus notamment que bossent les ingénieurs en I.A., et c'est dans ce domaine que les retombées sont les plus prometteuses...
pauline.px a écrit :le Libéralisme repose sur la conviction rationnelle que le marché et la libre concurrence concourent au Bien.
pauline.px a écrit :
Ben oui, pourquoi pas ?
Vous n'en savez rien.
Et encore une fois, à la question "Le comportement des multinationales est-il moral ?" votre rationalisme ne vous donne pas de réponse.
Que je n'ai pas réponse à une question donnée ne signifie pas que ce qu'un autre y répondra, surtout s'il n'apporte pas de preuves rationnelles, sera valable. Loin de là!
pauline.px a écrit :
Relisez-vous : vous prônez de suivre ses envies quand la raison est impuissante.
La morale sert précisément à ne pas retourner à l'état de nature.
Mais nous y sommes encore en grande partie cher Pauline!
A nous donc d'être aussi raisonnables qu'il se peut, sans nous fustigés si notre nature s'exprime parfois.
-----> puisque nous parlons de l'état de nature, il est bon de rappeler qu'il n'est ni bon ni mauvais en soi, mais qu'il nous à fait! La morale ne tient qu'à notre volonté de nous conduire selon l'idée du Bien tel que nous le comprenons et définissons rationnellement.
pauline.px a écrit :Sinon,
pourriez-vous démontrer que LA (la raison est unique, la morale rationnelle ne peut qu’être unique) morale rationnelle pouvait arbitrer rationnellement entre l’inconvénient à court terme et l’avantage à long terme ? Entre l’inconvénient pour une minorité et l’avantage pour une majorité ?
pauline.px a écrit :
1 ) Apparemment vous ne pouvez pas démontrer.
2 ) Si vous définissez la justice et l'équité sur la base de l'exercice de la raison, je crains le cercle vicieux.
3 ) Mais je serais curieuse de savoir comment vous définissez ces termes sans recourir à quelques principes irrationnels.
J'ai déjà répondu tout au début.
pauline.px a écrit :
D'innombrables parturientes vous remercient pour le faux problème.
Le médecin ne jouera pas à pile ou face, il se référera à la déontologie en vigueur dans son pays à son époque.
Il y a justement des tas d'instances de déontologie ou d'éthique qui servent à élaborer précisément un consensus quand la raison ne peut pas arbitrer.
Ces instances dictent une morale précisément parce que le comportement rationnel n’est pas définissable.
C'est dans le dilemme qu'il faut une morale.
En ce sens le comportement rationnel n’est pas moral, il est seulement rationnel. Il a donc une grande valeur mais pas au plan moral.
J'ai aussi répondu à cela.
Très cordialement de même.

- La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
- Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Humilité !
- Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit son lot d'expériences vécues.
Sagesse !