pauline.px a écrit :
Je crois en un D-ieu, béni soit-Il, qui précisément S'est révélé par un ensemble de cinq livres appelés très tôt la Torah en hébreu et ho nomos, en grec : la Loi.
Ce D-ieu, béni soit-il, est donc Celui qui dicte Sa Loi à tout l'univers, depuis le plus grand amas galactique jusqu'au plus petit morceau de particule.
Bien sûr, il est envisageable que les grands éléments de notre pensée scientifique comme la causalité, le temps, l'espace, l'énergie, la masse, la lumière soient fortuits, que les lois découvertes par les sciences "dures" soient le fruit du hasard, mais cela me paraît ouvrir les portes à une extraordinaire complexité où notre cas particulier n'est expliqué que parce que absolument tous les autres cas existent.
Je vois donc deux éléments dans cette vision de Dieu:
1. Il (C')est la raison pour laquelle il y a des lois de l'univers tout court. En bref, une réponse à la question "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?" (avec peut-être un addendum: "pourquoi ce quelque chose fonctionne comme ça et pas autrement?")
À cela, je n'ai pas grand chose à redire. J'ai moi-même été souvent interloqué par ces questions; adolescent, l'hypothèse d'un Dieu qui aurait servi précisément à ça ne m'était pas étrangère. Par contre, je ne l'appelais pas Dieu tant la confusion était inévitable avec celui décrit dans les Écritures. J'ai depuis choisi de penser qu'il n'y a pas de raison tout court, que les choses sont, et cela suffit. Mais cela est une question d'opinion, et je vois mal comment un débat peut réellement être constructif sur la question. (j'aborde les multivers plus loin)
Après tout, si Dieu est la raison de la création de l'univers, je me pose aussi la question "pourquoi Dieu plutôt que rien?". Je préfère m'arrêter à l'observable; l'univers l'est, Dieu non.
2. Cette réponse, cette raison est un être conscient qui s'est "révélé" à des "prophètes" et le résultat est les saintes écritures.
Là par contre, j'ai beaucoup plus de choses à dire, tant cet élément fait figure d'absurdité. Que ce soit en raison de l'impossibilité physique (contradiction avec nos connaissances scientifiques) ou bien des raisonnements tordus pour essayer de mettre une logique là où il n'y en pas (cf. les discussions théologiques sur l'existence du mal, les problèmes de compatibilité entre omniscience et omnipotence, etc.), pour adhérer à un tel dogme, cela requiert un véritable "leap of faith" et quel bond! Autant abandonner mon cerveau si c'est pour trahir à ce point les fabuleux outils qu'il nous permet de manipuler.
pauline.px a écrit :Si pour éviter D-ieu, on est amené à imaginer des super multivers hors de toute observation, je ne vois pas bien l'intérêt scientifique. On est loin du rasoir d'Ockham.
Les supermultivers renvoient-ils à une quelconque réalité ?
Je ne suis pas un grand fan de la théorie des multivers. Ils ont l'avantage cependant d'être une explication naturelle, mais toutefois je ne la trouve pas bien convaincante. Je ne saisis pas trop l'intérêt de postuler des éléments inobservables, et effectivement contraire au rasoir d'Ockham. Peut-être que les prochains développements me donneront tord (cela est arrivé des centaines de fois dans l'histoire des sciences), mais pour l'instant, je n'adhère pas.
pauline.px a écrit :L'harmonie et la complexité du réel ne renvoient-elles pas à l'idée d'intelligence créatrice ?
Cet argument est un classique. Je ne connais pas les réfutations qui sont faites habituellement, mais voici ce que j'ai à dire.
1. Qualifier l'univers d'harmonieux et de complexe n'est qu'un point de vue totalement dépendant de nous. Le réel en soi n'est pas harmonieux ou complexe (tout ce qu'on pourrait bien dire sur lui de toute façon, c'est qu'il
est, rien de plus), il me paraît intenable intellectuellement de vouloir y associer de façon absolument intrinsèque les concepts d'harmonie et de complexité. Et cette vision est de toute façon très discutable (toi, tu vois de l'harmonie là où je vois du chaos, par exemple).
2. Le parallèle souvent fait entre d'une part un objet complexe comme une montre ayant un créateur, et d'autre part l'univers bien plus complexe devant a fortiori en ayant un, souffre du problème des parallèles, métaphores et autres comparaisons: le danger de la simplification. Quand on fait un tel parallèle, on omet une série d'éléments qui permettent pourtant de distinguer les deux côtés.
L'élément qui me semble primordial ici est la finalité: un objet qui sert un objectif bien précis aura toutes les raisons d'avoir été créé. Parce que la création de quoique ce soit a précisément pour but d'atteindre telle finalité. Il est alors tout naturel de se demander qui a conçu cette montre, qui a peint ce tableau, ou qui a créé tel objet qui parait conçu pour je ne sais quelle fonction.
Mais à parler d'un objet de la nature, qui a priori ne sert aucun objectif particulier, disons un caillou par exemple, il parait bien vain de se demander qui a construit ce caillou. Pourtant ce caillou est très complexe aussi (pour autant qu'on ait étudié un peu de physique et de chimie).
L'univers à mes yeux ne sert aucun objectif particulier non plus, et c'est en quoi la question d'un supposé créateur n'a pas de sens. Son existence ne servant à rien, il n'est le produit d'aucune volonté consciente.
Mais cette question de la finalité est, je crois, précisément ce qui distingue aussi un croyant d'un athée. Là où je considère que l'existence de l'univers ne sert aucun objectif, un croyant pourra sans doute penser qu'il y en a un (et le plus souvent, cet objectif étant sa propre existence... quel égocentrisme).
Toutefois, je ne sais trop dans quel sens s'effectue le lien de causalité: est-ce parce qu'ils croient en Dieu qu'ils doivent alors donner un sens à l'univers (et donc à leur propre existence)? ou plutôt est-ce parce qu'ils considèrent que leur vie et l'univers
doivent avoir un sens qu'ils se mettent à croire en Dieu?
pauline.px a écrit :Aujourd'hui D-ieu fait lever le soleil comme hier, sauf qu'Il n'a plus besoin de monter sur un escabeau ou sur un cheval, mais la question ultrasimple du "comment se fait-il que le soleil se lève" aboutit nécessairement à une profession de foi : c'est un concours de circonstance ou bien c'est voulu.
Bon, ben ça a l'air d'être ce dont je parlais juste au-dessus... Mais l'exemple est quand même mauvais, puisque le lever du soleil n'est qu'une illusion d'optique due à la rotation de la Terre (et bien sûr à notre échelle trop petite par rapport à celle de la Terre).
Ceci dit, il y a une sorte de faux dilemme dans ta proposition, ou en tout cas quelque chose qui cloche. Tu présentes uniquement deux alternatives (concours de circonstances ou volonté), et surtout tu les présentes comme une profession de foi toutes les deux, à valeur égale. Cela me semble fallacieux.
L'observation que les choses "sont" est tout justement une observation, pas une profession de foi. Or, dire que c'est un concours de circonstance, ce n'est jamais qu'une paraphrase de cette observation (et des mécanismes en jeu).
Là il y a vraiment profession de foi, c'est de se dire que c'est voulu. Encore un "leap of faith", au-dessus d'un gouffre que je trouve systématiquement bien trop profond...
(NB: désolé pour "leap of faith", mais je ne sais pas comment le traduire en français)