Il est curieux de voir comment les mêmes questions reviennent sans cesse dans le débat. Cela est la preuve que c'est bien sur ces questions que l'entente des chrétiens ne se fait pas.
Tout d'abord, il est vain de vouloir traiter une question sur le Nom du Père sans se préoccuper au départ de l'importance et de la signification du Nom en hébreu et dans la tradition juive. Car le Nom du Père n'a aucun sens dans cette tradition. C'est pourquoi, je vais exposer (à nouveau) ce que cette tradition enseigne et qui correspond à l'interprétation des premiers chapitres de la genèse.
Le Nom en hébreu est l'acte verbal par lequel Dieu illimité (=Elohim) crée la création, en produisant une version limitée de lui-même qui sera porteuse du Nom IHWH, et que l'interprétation du mot Bereshit permet d'assimiler au Fils.
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Dieu illimité étant un principe intemporel, sa version créée et limitée IHWH est alors un principe temporel, marquant de façon perpétuelle, l'enchainement de cycles temporels où se côtoient le passé, le passant et le futur. C'est pourquoi, IHWH est bâti à partir d'Hawah (Eve) dans une forme du vivant dont le sens est exactement "Ce qui était, ce qui est et ce qui sera", mais dans une forme spéciale qui constitue le tétragramme dans un sens d'inaccompli, et donc de futur et de devenir, et où la lettre IOD indique une forme individuelle et singulière, d'où le sens "JE serai". Ainsi, IHWH est le principe imparfait et inaccompli, qui, par un perfectionnement sans fin, doit tendre vers la perfection et l'accomplissement.
Lorsque les juifs vont se développer comme une nation, ils vont faire d'IHWH le principe éternel. C'est là un pur non-sens que la Bible évoque par l'épisode de la confusion de BAB-EL (Confusion de EL = Confusion de Dieu) où IHWH va pour le peuple d'Israêl être vu comme le Dieu universel et illimité.
Dans la mesure où la langue hébraïque ne dispose d'aucun moyen d'exprimer le temps présent, elle ne connaît que le passé accompli et le futur inaccompli. Si les Juifs ont fait d'IHWH un principe éternel, comme l'éternité est l'équivalent d'un présent durable sans passé et sans futur, la langue ne permet aucune prononciation d'IHWH dans le sens de l'Eternel ou d'un présent. C'est pourquoi, le Nom sacré est imprononçable dans la conception qu'en ont tirée les Juifs.
Par contre, si l'on regarde qu'IHWH est bien temporel, alors deux prononciations peuvent lui être données. Soit une prononciation sous forme accomplie qui sert aux actions passées d'IHWH et qui se prononce alors Iehowah. Soit une prononciation liée aux promesses futures et qui est alors inaccomplie, Ieweh.
Qu'est-ce alors que l'Eternel ?
L'éternité est le résultat de la relation entre l'intemporel et le temporel. Elle est exprimée dès le chapitre 2 de la genèse par l'expression IHWH-Elohim. Dans cette expression, IHWH étant lié à Elohim, on a alors une relation Inaccompli-Accompli; ou encore Imparfait-Parfait, qui exprime un état durable et permanent de l'être limité, dans son chemin de perfectionnement. C'est pour cela, qu'IHWH se présente comme le dieu d'Israêl en perpétuité, de cycle en cycle. Mais en tant que principe temporel, il est toujours lié au temps, dès lors qu'il est écrit sans Elohim rattaché.
Lors de la traduction des Septantes, les juifs ont traduit IHWH-Adonaï par kurios, Adonaï servant à prononcer le Nom devenu imprononçable dans la conception juive. Kurios désigne IHWH. Elohim est alors transcrit sous la forme Theos. Et c'est cette base de concordance entre le grec et l'hébreu qui sert à l'élaboration des écrits grecs du nouveau testament. La traduction de Chouraqui, résulte de la reconstitution de cette concordance, qui a duré 6 ans par une équipe de spécialistes réunis en Sorbonne pour cette occasion. C'est seulement après que Chouraqui décide de restituer dans le NT l'hébreu en concordance inversée. Aussi, la notion d'IHWH, devenue kurios dans la Septante, est pleinement présente dans le NT, où elle est généralement traduite par Seigneur.
C'est pourquoi, il n'y a aucun intérêt à rechercher le tétragramme en grec dans le NT, puisqu'il y est sous la forme qu'il avait déjà dans la Septante, à savoir kurios.
De plus, dans la tradition juive, le Nom est à la fois le moyen de créer, le fait de désigner et donc de limiter, produisant les êtres individuels. C'est pour cela qu'Adam va nommer les êtres vivants, c'est-à-dire leur donner existence. Mais si le Nom est une limite, existe-t-il un Nom pour le Dieu illimité ? Certainement pas ! Le Nom du Père, c'est seulement le Nom que le Père s'est donné dans la création, la Création n'étant que la manifestation de Dieu sous une forme observable et consciente.
Or ce Nom est IHWH, le Fils. Après la chute d'Adam, IHWH-Elohim se sépare en deux. IHWH agit alors comme principe temporel et qui apporte l'individualité, c'est-à-dire la forme matérielle, et en gen 4,1, Eve dit avoir eu un homme avec IHWH ! Dans cet état inaccompli, hors de la réunion avec Elohim, IHWH n'est plus dans une situation stable et éternelle. C'est pourquoi, dans le NT, Jésus enseigne la prière sous cette forme :
Que ton Nom soit sanctifié
ce qui veut dire que ton Nom à travers la création, IHWH, soit sanctifié et redevienne le Nom glorieux éternel. Or IHWH n'est glorieux et éternel que lorsqu'il est accolé à Elohim, redonnant le principe IHWH-Elohim qui est le principe éternel restitué dans le livre de l'apocalypse. La version de Chouraqui est la seule en français qui permet de vérifier cela. Outre que le choix des temps est subtilement respecté par Chouraqui, (le présent de l'AT n'étant qu'un accompli de circonstance), cette version élimine les erreurs liées au passage de l'hébreu au grec et la confusion de Babel.
IHWH redevenant par le Christ IHWH-Elohim, il y a alors "accomplissement de l'inaccompli, perfection du perfectible, retour du Fils prodigue auprès du Père. C'est pourquoi il est écrit "Tout est accompli !" Même si cela est écrit en grec, c'est en hébreu que cela se comprend !