Re: La spiritualité selon Pyrrhon
Posté : 15 déc.25, 06:58
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@ ronronladouceur,
Le point décisif n’est pas que nous ayons chacun une « perspective », ni même que toute lecture comporte une part d’interprétation — cela est trivial. Le désaccord porte sur le régime de légitimité de l’interprétation.
Je ne prétends à aucune vérité sur Pyrrhon. Je soutiens simplement qu’il existe une différence essentielle entre :
- tirer des conséquences minimales et négatives de ce que les sources autorisent (ce que Pyrrhon ne fait pas, ce qu’il refuse, ce sur quoi il s’abstient),
- et projeter positivement une posture spirituelle déterminée là où les textes sont silencieux ou ambigus.
Dire « je laisse les silences ouverts » n’est pas combler par l’imaginaire ; c’est précisément refuser de transformer ces silences en thèses. À l’inverse, faire de Pyrrhon un témoin quasi mystique, indifférent à l’examen, aux oppositions argumentatives ou au discernement, ce n’est pas suspendre le jugement : c’est affirmer quelque chose de précis sans critère décisif.
Quand tu dis : « Qui de nous deux a raison ? Pyrrhon passerait-il son chemin ? », tu déplaces la question. Il ne s’agit pas de savoir ce que Pyrrhon « penserait de nous », mais de savoir ce que nous sommes autorisés à lui attribuer sans sortir du cadre sceptique. Le pyrrhonisme n’autorise pas toutes les lectures sous prétexte qu’elles sont possibles ; il impose au contraire une discipline stricte dans ce que l’on affirme.
Quant aux deux propositions que tu rappelles :
« Une chose n’est pas plus ceci que cela »
« Les choses ne sont pas nécessairement telles qu’elles paraissent »
elles vont précisément contre l’idée d’un simple laisser-passer des pensées sans examen. Elles expriment une indécidabilité rationnelle, non une indifférence mystique. Dire qu’une chose n’est pas plus ceci que cela suppose qu’on ait envisagé des déterminations opposées et constaté qu’aucune ne l’emporte — ce qui implique comparaison, examen, mise en balance, même si cela ne débouche sur aucune conclusion dogmatique.
Enfin, invoquer l’idée que Pyrrhon « passerait son chemin » est encore une projection psychologique. Le scepticisme pyrrhonien n’est pas une attitude existentielle vague, mais une position philosophique identifiable par ce qu’elle refuse d’affirmer. C’est à ce niveau que se situe le désaccord.
En résumé :
- je ne nie pas que toute lecture engage celui qui lit ;
- je nie qu’on puisse, au nom de cette banalité, mettre sur le même plan une retenue interprétative et une projection positive.
Le scepticisme pyrrhonien commence précisément là où l’on cesse d’en rajouter.
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@ ronronladouceur,
Le point décisif n’est pas que nous ayons chacun une « perspective », ni même que toute lecture comporte une part d’interprétation — cela est trivial. Le désaccord porte sur le régime de légitimité de l’interprétation.
Je ne prétends à aucune vérité sur Pyrrhon. Je soutiens simplement qu’il existe une différence essentielle entre :
- tirer des conséquences minimales et négatives de ce que les sources autorisent (ce que Pyrrhon ne fait pas, ce qu’il refuse, ce sur quoi il s’abstient),
- et projeter positivement une posture spirituelle déterminée là où les textes sont silencieux ou ambigus.
Dire « je laisse les silences ouverts » n’est pas combler par l’imaginaire ; c’est précisément refuser de transformer ces silences en thèses. À l’inverse, faire de Pyrrhon un témoin quasi mystique, indifférent à l’examen, aux oppositions argumentatives ou au discernement, ce n’est pas suspendre le jugement : c’est affirmer quelque chose de précis sans critère décisif.
Quand tu dis : « Qui de nous deux a raison ? Pyrrhon passerait-il son chemin ? », tu déplaces la question. Il ne s’agit pas de savoir ce que Pyrrhon « penserait de nous », mais de savoir ce que nous sommes autorisés à lui attribuer sans sortir du cadre sceptique. Le pyrrhonisme n’autorise pas toutes les lectures sous prétexte qu’elles sont possibles ; il impose au contraire une discipline stricte dans ce que l’on affirme.
Quant aux deux propositions que tu rappelles :
« Une chose n’est pas plus ceci que cela »
« Les choses ne sont pas nécessairement telles qu’elles paraissent »
elles vont précisément contre l’idée d’un simple laisser-passer des pensées sans examen. Elles expriment une indécidabilité rationnelle, non une indifférence mystique. Dire qu’une chose n’est pas plus ceci que cela suppose qu’on ait envisagé des déterminations opposées et constaté qu’aucune ne l’emporte — ce qui implique comparaison, examen, mise en balance, même si cela ne débouche sur aucune conclusion dogmatique.
Enfin, invoquer l’idée que Pyrrhon « passerait son chemin » est encore une projection psychologique. Le scepticisme pyrrhonien n’est pas une attitude existentielle vague, mais une position philosophique identifiable par ce qu’elle refuse d’affirmer. C’est à ce niveau que se situe le désaccord.
En résumé :
- je ne nie pas que toute lecture engage celui qui lit ;
- je nie qu’on puisse, au nom de cette banalité, mettre sur le même plan une retenue interprétative et une projection positive.
Le scepticisme pyrrhonien commence précisément là où l’on cesse d’en rajouter.
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