Florent51 a écrit :Ta réponse est définitivement à mes yeux insuffisante : dans ton explication tu fais encore une fois comme si tu avais la preuve que l'univers est un "être" exactement identique aux autres "êtres" qui le composent et à partir desquels nous avons découvert la loi de causalité.
Nulle part tu ne me prouves la certitude de cette assimilation. Mon message était plus complexe, relis le et notamment les comparaisons suggestives que je faisais et au sujet desquelles je suis désolé de constater que tu ne réponds pas.
J'ai dit ne pas être certain que l'Univers soit un être ou pas. Néanmoins, il n'y a que ces deux possiblités; soit il est un être au même titre que les choses qui nous entourent, soit il n'est qu'un être de raison. Il n'y a aucun intermédiaire possible; entre l'être et le non-être, il n'y a rien, à part la
puissance, mais l'Univers ne peut pas être un être en puissance: il existe actuellement.
S'il est un être, alors il obéit aux lois de l'être comme le reste des choses qui nous entourent, même si son essence est fort différente; s'il n'en est pas, la question ne se pose plus.
Le principe de causalité n'est pas seulement une loi des choses qui nous entourent et qui constituent l'Univers; c'est une loi du réel, et elle s'applique à tout ce qui est réel.
Il me semble que cela résout le problème.
Crovax a écrit :quand une existence est inconcevable, on ne sait pas si elle est possible, donc on ne peut pas le tenir pour réelle.
On ne peut pas tenir pour réel quoi que ce soit
a priori, inconcevable ou non. Il faut effectivement une preuve tirée de l'expérience.
Justement, les grandes voies vers l'existence de Dieu, développées par Saint Thomas d'Aquin, sont tirées de l'expérience; constat du mouvement, du devenir, de la causalité, du nécessaire et du contingent, des degrés de perfection, de l'ordre du monde. C'est donc bien une preuve
a posteriori.
Crovax a écrit :Tout d'abord, comment comptez-vous prouver que ces causes ne sont qu'accidentellement subordonnées?
Ce texte de Saint Thomas pourra peut-être vous éclairer.
Réponse : Il est nécessaire de dire, et selon la foi, et selon la raison, que les créatures sont conservées dans l'être par Dieu. Pour le prouver, il faut remarquer qu'un être est conservé par un autre d'une double manière. D'abord indirectement et par accident, en ce sens que- celui-là est dit conserver une chose, qui en écarte tout élément destructeur ; ainsi celui qui empêche l'enfant de tomber dans le feu est appelé un sauveteur. Sous ce rapport, Dieu conserve certaines choses, mais non pas toutes, car il y a des réalités incorruptibles qui n'ont pas besoin qu'on les conserve en écartant ce qui pourrait les détruire. - Dans un autre sens, quelqu'un est dit conserver une chose directement et par soi, quand celle-ci dépend de celui qui la conserve de telle manière que, sans lui, elle ne pourrait pas exister. A ce point de vue, toutes les créatures ont besoin de la conservation divine. En effet, l'existence des créatures dépend à tel point de Dieu qu'elles ne pourraient subsister un instant et seraient réduites au néant si, par l'opération de la puissance divine, elles n'étaient conservées dans l'être, comme dit S. Grégoire.
Et il est aisé de s'en rendre compte. Tout effet dépend de sa cause dans la mesure même où celle-ci est sa cause. Mais il y a des agents qui sont seulement cause du devenir de l'effet, et non directement de son existence. C'est ce qui arrive aussi bien à propos des produits de l'art qu'à propos des réalités naturelles. Le constructeur est cause du devenir de la maison, il ne l'est pas directement de son être. L'être de la maison est consécutif à sa forme ; la forme, elle, n'est autre que la composition et l'ordre des matériaux, et elle est consécutive à la vertu naturelle de ceux-ci. De même que le cuisinier cuit les aliments en utilisant la vertu naturelle active du feu, de même le constructeur bâtit la maison en utilisant du ciment, des pierres et des poutres capables de recevoir et de conserver un agencement et un ordre donnés. En sorte que l'être de la maison dépend des matériaux employés, tandis que le devenir est l'oeuvre du constructeur.
La même remarque s'applique d'ailleurs aux réalités naturelles. Si un agent naturel n'est pas cause de la forme en tant que telle, il ne sera pas davantage cause par soi de l'être consécutif à cette forme ; il sera seulement cause du devenir de l'effet.
Or, il est manifeste que, si deux réalités sont de même espèce, l'une ne peut pas être par soi cause de la forme de l'autre, en tant qu'elle est telle forme ; ce serait dire que la réalité-cause peut produire sa propre forme, puisque les deux formes ont la même nature spécifique. Mais elle peut produire une forme semblable en prenant appui sur la matière en laquelle cette forme se trouve en puissance, et en la lui faisant acquérir. Et cela c'est être cause du devenir, comme l'homme engendre l'homme, et le feu engendre le feu. C'est pourquoi, toutes les fois qu'un effet naturel est apte de soi à recevoir l'impression de son agent selon la même raison spécifique déjà possédée par l'agent, ce dernier est cause du devenir de l'effet, mais non de son être.
Mais parfois un effet n'est pas apte de soi à recevoir de l'agent une impression qui soit de même nature spécifique que l'agent lui-même ; ainsi en est-il de tous les agents qui reproduisent des effets qui ne leur sont pas spécifiquement semblables, tels les corps célestes, causes de la génération de corps inférieurs qui en sont spécifiquement dissemblables. Dans ce cas l'agent peut être cause de la forme en tant qu'elle est telle forme spécifique, et non pas seulement en tant qu'elle est obtenue dans telle matière. L'agent n'est pas alors simplement cause du devenir, mais de l'être.
Donc de même que le devenir d'une réalité ne peut se poursuivre quand cesse l'action de l'agent, cause du devenir ; de même l'être d'une chose ne saurait demeurer lorsque cesse l'action de l'agent qui est cause non pas simplement du devenir, mais aussi de l'être de cette chose. Et c'est la raison pour laquelle l'eau chauffée retient la chaleur quand cesse l'action du feu, tandis que l'air cesse instantanément d'être lumineux quand cesse l'action du soleil. La matière de l'eau en effet est capable de recevoir la chaleur du feu telle qu'elle est spécifiquement dans le feu, et si elle est amenée à revêtir la forme du feu, elle restera toujours chaude ; si au contraire elle ne participe qu'imparfaitement de la forme du feu, par manière d'inchoation, la chaleur ne demeurera en elle que temporairement, à cause d'une participation trop faible du principe de chaleur. L'air n'est d'aucune manière apte par nature à recevoir la lumière telle qu'elle est spécifiquement dans le soleil, ce qui signifierait qu'il reçoit la forme même du soleil, laquelle est principe de lumière ; aussi, puisqu'elle n'a pas de fondement dans l'air, la lumière y cesse dès que cesse l'action du soleil.
Or la situation de toute créature à l'égard de Dieu est celle même de l'air en face du soleil qui l'éclaire. Le soleil, par sa propre nature, est étincelant de lumière : l'air devient lumineux en participant de la lumière du soleil, sans pour autant participer de sa nature. Ainsi Dieu est l'être par essence, car son essence est d'exister ; toute créature au contraire est être par participation, du fait qu'exister n'appartient pas à son essence. Et, comme l'écrit S. Augustin : "Si la puissance de Dieu cessait un jour de régir les créatures, aussitôt leurs formes cesseraient, et toute nature s'effondrerait. " Et encore : " De même que l'air, en présence de la lumière, devient lumineux, ainsi l'homme, en présence de Dieu, se trouve illuminé ; en son absence, il tombe immédiatement dans les ténèbres."
Crovax a écrit :Qu'es-ce que cette solution plus incompréhensible encore que le problème d'origine?
Elle n'a rien d'incompréhensible; tout au plus n'avons-nous pas d'image fidèle mais seulement analogique de ce qu'elle signifie. En tant qu'elle suit fidèlement les lois de la pensée, elle est saisie dans toute sa lumière par elle; quoique l'imagination soit de peu de secours pour en illustrer les profondeurs.