
La meilleure amie de la jeune femme morte après avoir refusé une transfusion sanguine se confie
Refuser toute transfusion sanguine faisait partie des «convictions profondes» d’Éloïse Dupuis, la mère témoin de Jéhovah de 26 ans décédée mercredi soir dernier, et celle-ci a eu l’occasion de le réaffirmer à plusieurs reprises.
Marilou Riendeau, sa meilleure amie, a été à son chevet jusqu’à la fin, à l’Hôtel-Dieu de Lévis, et elle est catégorique. Éloïse Dupuis a «elle-même refusé les transfusions sanguines», et ce, à plusieurs reprises. La décision «vient vraiment d’elle».

«Elle me l’a dit à moi, à son mari, aux médecins et à beaucoup d’infirmières», assure la jeune femme, qui est aussi témoin de Jéhovah. Et «elle était au courant des risques». Marilou Riendeau était là quand une infirmière a insisté en demandant «même si ta vie est en danger?» Son amie a fait signe qu’elle maintenait sa décision.
Éloïse était intubée et incapable de parler, mais elle pouvait écrire et faire des signes de tête.
Carte signée
Juste avant son accouchement, elle avait aussi mis à jour sa «carte de sang» confirmant son refus de recevoir une transfusion. Le personnel médical a aussi pris soin d’interroger Éloïse pendant qu’elle était seule pour s’assurer qu’elle ne subissait pas de pressions dans sa décision.
Selon une source dans le réseau de la santé, le protocole a été rigoureusement respecté. En vertu de la loi, une personne de 14 ans et plus a tout à fait le droit de refuser un traitement médical, même si cette décision met sa vie en péril, pour autant qu’elle soit considérée comme apte à décider.
Accouchement qui tourne mal
Éloïse Dupuis, qui vivait à Sainte-Marie de Beauce, a accouché d’un petit garçon dans une maison de naissance le 6 octobre. Ça s’est mal passé. Elle a été transférée d’urgence à l’Hôtel-Dieu de Lévis, où elle a subi une césarienne d’urgence. Le bébé a survécu, mais l’opération a mal tourné pour la mère. Les médecins ont dû lui enlever l’utérus et elle a fait une hémorragie.
Même sans transfusion, Marie-Lou Riendeau assure qu’avec un médicament de remplacement, son amie avait pris du mieux. Mais malheureusement, elle a eu une infection qui s’est attaquée à ses poumons et elle a rendu l’âme peu de temps après. En plus de vivre son deuil, elle est choquée de voir que certaines personnes remettent en doute la décision de son amie. «Ces gens-là ne se mêlent pas de leurs affaires.»
« Pendant six jours, ils l’ont regardée mourir »
«Pendant six jours, ils l’ont regardée mourir», s’insurge Manon Boyer, la tante d’Éloïse, qui émet de sérieux doutes à savoir si la décision de sa nièce de ne pas recevoir la transfusion sanguine qui l’aurait peut-être sauvée était réellement éclairée. Et elle n’est pas la seule.
Le coroner Luc Malouin a été chargé de faire la lumière sur cette histoire. Mme Boyer a aussi porté plainte à la police pour ce qu’elle considère comme de la «négligence criminelle».
Éloïse était témoin de Jéhovah, comme son mari et ses parents, mais pas le reste de sa famille. Et tous ceux qui ne sont pas de cette religion disent qu’ils ont été tenus à l’écart. Ils n’ont pas été informés de son état de santé et n’ont pas pu la visiter. Aucun proche n’a eu l’occasion de la faire changer d’idée.
Certaines libertés
Cassandra Zélézen connaît Éloïse depuis l’enfance. Et elle doute. Comment son amie a-t-elle pu exprimer un refus éclairé dans un état de santé aussi grave et en ne pouvant même pas parler? Elle affirme qu’Éloïse prenait certaines libertés par rapport aux contraintes de sa religion. Il y a quelques années, elle lui a confié qu’«elle ne savait pas si, en temps et lieu, elle accepterait une transfusion sanguine».
Une ex-témoin de Jéhovah, Marilou Lagacé, s’est jointe au groupe et se pose de nombreuses questions. «Sur son lit de mort, elle a dit qu’elle voulait vivre, pas mourir. Est-ce que, dans sa situation, elle avait la force de dire “non, ce n’est pas ce que je veux, moi je veux vivre”? Je ne suis pas certaine».
Elle témoigne que la pression des pairs est très forte dans cette religion. «Moi je l’ai signée cette carte-là [du refus de transfusion], mais je ne l’ai pas signée en connaissance de cause, j’ai subi une pression», se souvient-elle.
Le Journal de Montreal