Bonjour Navam,
J'ai pris le temps d'examiner ta réponse détaillée et voici mes remarques.
Navam a écrit :Oui je m'en doutais que tu ne voyais pas l'Homme comme un animal. Je trouve tout de même étonnant que pour appuyer tes dires tu te bases sur des personnes qui eux pensent le contraire comme Frans de Waal pour ne citer que lui par exemple.
Ce n'est pas parce que Frans De Waal est évolutionniste que ses expériences ne sont pas d'un intérêt pour moi qui ne suis pas évolutionniste.
Navam a écrit :Maintenant si l'Homme n'est pas le fruit d'une évolution et donc qu'il n'aurait rien à voir avec le monde animal comment expliques-tu qu'Il ait un génome identique à plus de 98% avec ses cousins proches ?
Dire que le génome de l'homme est "identique à plus de 98% avec ses cousins proches" n'est pas tout à fait exact. Selon le
Musée de l'homme : "
Nous avons (...) en commun que 98% de 1,5% de notre ADN avec le chimpanzé".
De plus, d’après la société
Celera Genomics nous partagons 99% du génome de la souris. Comment expliques-tu que l'analyse de notre génome nous rapproche davantage de la souris que du singe qui serait nos "cousins proches" comme tu dis - même si la différence est faible, j'en conviens.
Pour moi, il est clair que l'on ne peut pas tirer de conclusion de cette information, si ce n'est que nous sommes faits des mêmes "briques" que les animaux. Mais il n'a jamais été question de le nier.
Navam a écrit :C'est tout de même étonnant non ? Si l'homme n'est pas animal et qu'il est une espèce à part, pourquoi autant de réciprocité avec le monde animal ? Pourquoi n'a t'il pas un génome propre à lui ?
Parce que sa différence ne tient pas à sa constitution physique, même si certaines parties de son corps - je pense à ses mains - le rendent tout à fait remarquable, sa singularité tient notamment à ses facultés intellectuelles.
Ce que tu soulignes - "autant de réciprocité avec le monde animal" - s'explique de mon point de vue aisément quand l'on considère que l'homme comme la bête ont le même créateur, Dieu.
Navam a écrit :De dire que la théorie de l'évolution est faillible est une chose, de la renier en est une autre ! Crois-tu que la théorie d'Adam et Eve soit moins faillible que celle de l'évolution ?
A chacun de se faire un avis. Mais pour avoir été confronté à la question, j'en suis arriver à la conclusion que la "théorie d'Adam et Eve" était plus solide que la théorie de l'évolution. Je t'invite à consulter
cette revue qui montre quelles sont les failles de la version officielle de nos origines.
Navam a écrit :
Je rebondis sur ce point que j'ai souligné et mis en gras car j'en parlais dans l'autre post mais je ne l'ai peut-être pas assez mis en évidence, j'en conviens. Je remets donc ici le passage en question sur la conférence de Frans de Waal :
Un autre a écrit un chapitre tout entier qui dit qu'il croirait que c'est lié à l'équité si celui qui reçoit le raisin refusait le raisin. Ce qui est amusant c'est que Sarah Brosnan, qui fait ça avec les chimpanzés, a eu deux ou trois combinaisons de chimpanzés où, en effet, celui qui obtenait le raisin le refusait jusqu'à ce que l'autre aussi en obtienne. Nous nous rapprochons donc beaucoup du sens d'équité humain. Et je crois que les philosophes devraient repenser un peu leur philosophie.
A ce stade de la discussion, j'attire ton attention sur la difficulté à interpréter les comportements animaux car nous pouvons parfois leur attribuer à tort une intention qu'ils n'ont pas. La faute à l'anthropocentrisme.
Dans son livre
Through our Eyes Only ?, Marian Stamp Dawkins, une biologiste de l'université d'Oxford qui milite pour le droit des animaux, met en garde sur cet écueil. Les
cahiers anti-specistes en propose un résumé. Voici la partie qui m'intéresse :
- Nous devons nous appuyer uniquement sur des données qui résistent à un examen scrupuleux. Parfois, un comportement peut sembler plus complexe ou « intelligent » qu'il ne l'est réellement. Il y a chez nous une propension animiste qui nous porte à interpréter ce qui nous entoure comme étant « comme nous », y compris les objets inanimés comme les poupées, les bateaux ou les montagnes. Nous ne le faisons pas consciemment ; si on nous accusait de le faire, nous nierions, mais une partie de nous fait souvent cette hypothèse, et cette propension se manifeste encore plus fortement quand nous sommes confrontés à des animaux au comportement apparemment compliqué. Cette tendance est renforcée par le fait que les biologistes utilisent des mots qui, dans le langage courant, impliquent la conscience tels que « évaluer » ou « décider ». Ils prennent parfois la peine de préciser qu'ils les emploient dans un sens technique – se comporter « comme si » on évaluait ou décidait– qui n'exclut pas que ce comportement s'explique par une règle simple. (On pourrait à la limite décrire un thermostat comme « décidant » de chauffer la maison quand la température tombe en dessous d'un certain seuil.) Mais quand un biologiste écrit qu'un animal « punit les tricheurs » beaucoup l'entendent au sens courant.
Nous devons nous méfier aussi de notre tendance à voir du sens et des relations partout, y compris là où il n'y en a probablement pas. Contre cela, il faut s'armer de quelques outils statistiques, en particulier de la notion de probabilité. Il ne suffit pas qu'un animal donne la « bonne réponse » dans un exercice qui lui est proposé par des chercheurs. Encore faut-il se demander combien d'autres réponses il aurait pu donner dans ce contexte. Si les alternatives sont très peu nombreuses, le résultat est peu significatif. De même, si on propose à un chimpanzé d'assembler des symboles représentant des mots, nous avons le biais de nous émerveiller si une fois il parvient à former une phrase, alors que ce n'est pas significatif s'il s'agit d'une exception et que la plupart de ses assemblages étaient dénués de sens.
Avant d'affirmer qu'un comportement prouve que des animaux sont conscients ou qu'ils possèdent une capacité mentale particulière, il est prudent de se soumettre au rasoir d'Occam (se demander si leur attitude ne peut pas être expliquée de façon plus simple). En particulier, deux types d'explications plus simples doivent être envisagées : « l'effet Clever Hans » et l'explication par des automatismes (rules of thumb).
Ceci précisé, je veux bien croire que les singes de Frans De Waal, ayant fait l'objet de cette expérience, aient réellement manifesté un sens de l'équité, et n'aient pas agit par mimétisme ou pour une toute autre raison qui nous échappe.
Mais est-ce une expérience suffisante pour en conclure que les singes sont capables de définir ET de redéfinir leur système moral ? ce qui me semble invraisemblable depuis le début de cette discussion. J'y reviens plus bas.
Navam a écrit :C'est en gras et plus particulièrement souligné. Donc ici nous avons la preuve que ce comportement n'était le même pour tous les sujets observés. Il n'y avait que deux ou trois combinaisons de singes qui agissaient ainsi. Donc il n'y a pas homogénéité de comportement sociaux au sein d'une même espèce animale. Donc, selon ta logique, nous pouvons dire que l'animal est capable de définir sa propre morale.
Quand je parlais de différences de comportement au sein d’une espèce, je parlais de différences majeures : que les macaques boulversent leur hiérarchie, que des loups changent de régime alimentaire, que des animaux grégaires se dispersent...
Cette radicalité n'est observable que chez l'espèce humaine car nous sommes dotés de cette capacité à concevoir un système morale et de le refondre entièrement au fil du temps, de nos expériences et de nos réflexions.
Navam a écrit :Il y a la moralité, qui se compose de l'empathie, la consolation, les tendances pro-sociales, la réciprocité et le sens d'équité.
Que ses qualités sont essentielles et qu'elles se retrouvent également chez d'autres primates.
Il dit également que la moralité est beaucoup plus que cela et il l'a nomme moralité évoluée. Il ne dit pas que l'Homme a cette moralité évoluée, il dit justement qu'ils travaillent pour voir si nous pouvons l'a créer et comment y arriver !
Saisi-tu la différence ?
Donc pour récapituler, il y a la moralité, celle de l'Homme est identique à celle de certains primates car ayant les mêmes ingrédients. Et il y a, pour lui, une moralité évoluée, qui serait la véritable moralité et dont il cherche à savoir comment nous pourrions y arriver.
Je te rejoins sur l'interprétation que tu fais de la mention "moralité évoluée".
Cependant, je maintiens que Frans De Waal ne considèrent pas les animaux comme des êtres moraux. La conférence à laquelle tu fais référence date de 2011.
L'article dans lequel ce primatologue déclarait "je n’appelle pas les chimpanzés des êtres moraux" pour les raisons que tu sais date de 2014.
Un autre article publié dans le magazine Le Point et daté de 2013 précise encore un peu plu la pensée du chercheur :
- Vous ne posez entre l'empathie animale et la moralité humaine qu'une différence de degré.
En effet. Mais les choses sont bien sûr beaucoup plus complexes chez nous. La moralité humaine ne peut, je crois, exister sans l'empathie. Cela ne signifie pas qu'on puisse l'y réduire. Chez les primates, on retrouve certaines de nos bases émotionnelles, dans la résolution des conflits, l'attention aux autres ou le sens de la justice. Un singe à qui l'on demande de faire un exercice et que l'on récompense avec du concombre refusera par exemple de coopérer s'il constate que son camarade, pour le même effort, reçoit du raisin, un mets de choix. - Et si les bonobos étaient de grands humanistes ?
Je n'ai pas retrouvé le passage en question où tu disais, il me semble, que nos connaissances sur la conscience animale étaient encore limitée. J'espère ne pas dire quelque chose de faux sinon tu pourras toujours rectifier et je m'en excuse par avance. Mais en partant de ça je n'arrive pas à comprendre comment tu peux dire que la conscience animale serait inférieure à celle de l'Homme étant donné que ce n'est pas prouvé et que les recherches à ce niveau sont encore limitées. Est-ce que l'absence de preuves signifie pour autant son contraire et qu'il n'y en aura pas un jour. Désolé sur ce coup je ne m'exprime pas très bien. Je veux dire par là qu'étant donné qu'il n'y a pas de preuves qui confirment que les autres races ne peuvent pas penser à ce genre de choses mais qu'il n'y a pas de preuves non plus que ces autres races n'en sont pas capables. Pour moi il n'est pas possible de conclure en choisissant l'un plutôt que l'autre. Je préfère dire, nous ne savons pas ! Sinon à partir de là nous pouvons partir très loin dans ce genre de postulat. Je pourrais donc dire par exemple, que rien n'indique que Dieu ne soit pas une fourmi, donc Dieu est une fourmi ! Absence de preuves pour prouver quelque chose ne prouve pas son contraire non plus. Tu vois ce que je veux dire ? Si jamais je ne suis pas claire n'hésites pas en tout cas.
L'absence de preuve ne signifie pas la preuve de l'absence.
Toutefois, aucun des auteurs que nous avons cités jusque là ne va jusqu'à dire, comme tu le laisse entendre, que 1) les animaux ont une conscience équivalente aux humains et/ou 2) que les animaux sont moraux comme nous le sont les hommes.
L'INRA qui a publié cette année
un rapport qui compile et synthétise les données scientifiques relatives à la conscience animale conclut :
- Des animaux d’espèces diverses ont montré des aptitudes variées en termes de consciences. Cette expertise scientifique collective ne conclut pas à l’équivalence des contenus de la conscience tels que décrits chez l’homme avec ceux existants chez les animaux. Cependant, la vision d’ensemble donnée par ce corpus d’études comportementales, cognitives et neurobiologiques tend à montrer l’existence de contenus élaborés de conscience chez des espèces étudiées jusqu’à présent.
Le fait qu'aucun scientifique/laboratoire ne conclut à une conscience ou une morale équivalente chez l'homme et l'animal est bien la preuve qu'une différence s'impose à nous. Si la différence n'est pas de nature, elle est de
degré.
Tu me mettais en garde contre l’amalgame intelligence/conscicence, l'article en question s'intitule « Une poule est-elle intelligente ? » et il est mentionné un « cerveau plus développé » et des « notions de physique ».
Certes tu répondais à une citation du livre
Le Code de la conscience du neuro-scientifique Stanislas Dehaene mais le raisonnement que j'en ai extrait soulignait surtout notre formidable capacité à emboiter des pensées comme des poupées russes et ce plusieurs fois.
Navam a écrit :
Ou encore :
Des animaux émotifs et sociaux
Ainsi, les poulets auraient chacun une personnalité différente. D'après ces études, les femelles montrent des comportements différents envers leurs poussins, pouvant être des mamans-poules (!) ou au contraire des mères plus distantes.
Je ne suis pas sûr que le niveau d'attachement ait quelque chose avoir avec la morale. Sinon est-ce que, selon toi, nos mères sont plus morales que nos pères au pretexte qu'elles se sont montrées moins distantes quand nous vivions auprès d'elles ?
Navam a écrit :C'est la surprise dont je te parlais plus haut ! Tu vois bien ici que la morale peut-être différente au sein d'une même espèce. Donc il n'y a pas homogénéité comme tu pourrais le croire. Est-ce morale d'être distante envers son poussin ? Demande à la poule ...
Tu soulignes des nuances de personnalité - en l’occurence être plus ou moins « mère poule » - mais comme je l’ai précisé, je parle de comportement/de pratiques
radicalement différents.
Navam a écrit :Et là :
Des capacités cognitives équivalentes à celles d’enfants de 7 ans
Conscience sociale oui, mais pas seulement. Les poulets domestiques seraient capables de se retenir d'agir et d'attendre un peu plus longtemps si cela leur permet d'obtenir de la nourriture plus longtemps et de meilleure qualité. " Plusieurs auteurs affirment que le contrôle de soi est un indicateur de conscience de soi-même ", commence Lori Morino
On peut retrouver l'étude de Lori Marino en ligne ; elle s'intitule
Thinking chickens: a review of cognition, emotion, and behavior in the domestic chicken
Quand cette chercheuse établit que le poulet serait conscient de lui même, elle s'intéresse à deux critères : la maîtrise de soi et l'auto-évaluation. Elle fait toutefois des précisions que je juge utile de relever.
Selon Lori Marino, "
certains auteurs ont soutenu que la maitrise de soi est révélateur de la conscience de soi" et que "
la maîtrise de soi n'est pas la preuve directe de toutes les formes de conscience de soi", qu' "
elle peut être un indicateur important d'un sens de soi à un certain niveau".
Enfin, il est à noter que la chercheuse emploie l'expression "self-awareness" - que j'ai traduit ici par "conscience de soi" à l'instar des médias français qui ont relayé ses travaux - plutôt que "self-consciousness". Mais y aurait-il une nuance qui n'est pas rendue en français ?
Certaines sources distinguent ces expressions (voir
ici ou
là) :
- L’awareness est la connaissance ou la conscience implicite et immédiate du champ (selon la définition de Jean-Marie Robine), la présence attentive, la présence au champ, présence en acte, engagée, immédiate, la contuition. L’awareness est à distinguer de consciousness qui signifie conscience réflexive, observatrice, attentive de ce qui est là et constitue un arrêt attentif de l’expérience, du processus en cours. L’awareness est une expérience au niveau corporel, émotionnel, une expérience relationnelle et spirituelle, diront certains. Cette expérience branchée sur les ressentis se situe en amont de la consciousness, qui, elle, est une conscience accompagnée de mots et d’images. L’awareness exclue donc la conscience, plus précisément la prise de conscience qui signe le passage de l’awareness à la consciousness.
Certes le
self-consciousness peut être une déclinaison du
self-awareness. Toutefois, on s'aperçoit que le propos de la chercheuse est plus nuancé qu'il n'y parait dans les médias, et cela apparait tant dans ses déclarations que dans le choix de ses expressions.
Nous voyons de nouveau apparaitre dans les conclusions de travaux de recherches une différence de degré entre la conscience telle que nous la connaissons pour l'homme, et celle de l'animal ("... à un certain niveau").
Navam a écrit :Fait intéressant également c'est que :
"Par exemple, les oiseaux sont capables d’estimer ce que les autres pensent, on appelle cela la théorie de l’esprit",
Ce qui contredit, je pense, la fameuse singularité de l'être humain !
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux ... tes_103011
Nous abordons de nouveau un sujet complexe...
Selon l'universitaire Laure Legrain "
D’une manière assez générale, la théorie de l’esprit peut être définie comme la capacité d’un sujet à attribuer à soi et à autrui des états mentaux (Premack et Woodruff, 1978)".
Voici les différents états mentaux qui constituent la théorie de l’esprit.
Dans son article
Théorie de l’esprit et communication chez les primates non-humains, Laure legrain passe en revue la littérature sur le sujet et en tire la conclusion suivante : "
Nous conclurons en soutenant le fait que les primates non-humains font preuve d’un certain niveau de théorie de l’esprit et que cette capacité de comprendre ce qui se passe dans la tête de leurs congénères influence indéniablement la manière dont ils communiquent."
Et pour cause, cette universitaire a souligné par ailleurs :
- Un dernier état épistémique reste cependant inaccessible aux primates non humains, c’est celui des fausses croyances. Ils ne sont visiblement pas capables de franchir l’étape inférentielle qui leur permettrait de distinguer, d’une part leur propre connaissance de l’état actuel du monde et, d’autre part les croyances qu’autrui entretient à propos de ce monde. Ils restent par conséquent incapables d’adapter leur comportement aux fausses croyances de leurs congénères.
Qu'en est-il des oiseaux ? En faisant une recherche rapide, je n'ai pas trouvé de ressources pertinentes sur le sujet.
Toutefois, j'ai lu le chapitre 8 du
livre de Yves Christen, biologiste et journaliste, qui milite aussi pour le droit des animaux, dans lequel il traite en détail de la théorie de l'esprit et fait le point sur la rechercher à ce sujet.
Il se dit convaincu que les animaux possèdent la théorie de l'esprit : "
contre l'avis de la plupart des spécialistes, je suis intimement convaincu que la théorie de l'esprit comme la conscience doivent être largement répandues dans le monde vivant". Ce scientifique ne se contente pas d'affirmer, il étaye son propos avec une foule de références et de réflexions. Tu apprécieras...
Il tient du reste un raisonnement que je reprends à mon compte car, à mon sens, il saisis bien la nuance que je fais depuis le début de cette discussion. Le voici :
- A mon sens la question qu'il faut se poser est moins celle de l'existence de cette capacité [la théorie de l'esprit] que celle de son extension. On retrouve ici la dimension de récursivité du langage. On peut en effet comprendre les processus intentionnels en les emboîtant les uns dans les autres, pour s'interroger sur l'intention de l'intention, et ainsi de suite. Les psychologues de l'université de Liverpool ont montré que les adultes humains normaux pouvaient atteindre une intentionnalité du cinquième ordre, du genre : "Je suppose (1) que vous croyez (2) que je souhaite (3) que vous pensiez (4) que j'ai l'intention de (5)." Mais il s'agit plutôt là d'une limite supérieure. On pourrait donc imaginer avec Robin Dunbar que les chimpanzés et les autres grands singes atteignent une intentionnalité de second ordre, tandis que les petits singes se trouveraient limités au premier ordre. Il ne s'agit là que d'une pure hypothèse. Mais on est en droit d'imaginer que l'avenir de la psychologie comparée passe davantage par la mise en évidence d'une éventuelle différence d'échelle dans les processus cognitifs que par la vaine quête d'un tel fossé cognitif entre nous et le reste du monde vivant. - L'animal est-il une personne ?
Navam a écrit :Cela signifie qu'ils peuvent retenir certaines situations et
faire des choix en conséquence, en principe ceux pouvant le plus leur profiter.
Ils font donc un choix !
Il font un choix mais leur champ du possible me semble réduit par rapport à celui de l'homme. Par ailleurs, les animaux sont-ils responsables ?
BuddyRainbow a écrit :
Mais là encore, est-ce que l'animal est "affamé" quand il lui est laissé ce choix ? Ce détail me parait significatif dans l'expérience.
Oui rien ne le précise effectivement ! Mais il faudrait faire cette même expérience avec des humains.
Ce point me parait tout à fait fondamental.
Car pour voir à quel point la morale est élaborée, il faut voir jusqu’où il est prêt à aller et au nom de quoi. Un homme peut mourrir au nom d’un principe supérieur et universel. La liberté ou l'égalité par exemple, indépendamment de leurs progénitures ou proches.
Certes, on peut voir dans la nature des comportements qui se rapprochent des nôtres mais rien ne nous laisse penser que les animaux se
préoccupent de questions morales/qu'ils élaborent un système morale, même s'ils ont, certes, un certain niveau de conscience.
Je terminerai avec cette pensée forte du philosophe Bergson :
- Radicale est la différence entre la conscience de l’animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : conscience est synonyme d’invention et de liberté. Or, chez l’animal, l’invention n’est jamais qu’une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l’espèce, il arrivera sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n’échappe à l’automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau : les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne il ne réussit qu’à l’allonger. Avec l’homme, la conscience brise la chaîne. Chez l’homme, et chez l’homme seulement, elle se libère.
BuddyRainbow a écrit :
Toutefois, j'ai aussi un chien qui, à la simple vue d'un chat, part comme une balle dessus.
Penses-tu que mon chien se dise parfois que c'est mal ce qu'il veut faire aux chats ?
Penses-tu qu'il soit capable de ce jugement moral ?
Là tu compares ta morale avec celle du chien ! En quoi se serait mal qu'un chien bouffe un chat ?
Si ce n'est jamais mal pour un chien, c'est que tu reconnais indirectement que le chien a un système moral et qu'il n'en changera pas comme ça.
Voici donc de nouveaux éléments qui viendront nourrir le débat et qui j'espère permettront de progresser encore dans cette discussion, toi comme moi. Le sujet devient bien sûr de plus en plus complexe à mesure que nous avançons.
J'ai compilé pas mal d'informations que je n'avais pas forcément eu l'occasion d'examiner jusque là ; Il se peut que certaines de mes interprétations soient erronées, n'hésite pas à me le faire remarquer si tu décèles des erreurs ici et là.
En tout cas pour résumer ma position : je postule une conscience chez l'animal limitée contrairement à l'homme. Et je ne considère pas l'animal comme un être moral. Il y a cependant encore beaucoup à découvrir sur les animaux qui n'ont pas fini de nous surprendre.
Sur ce dernier point, on sera d'accord... A bientôt l'ami !

Le dieu de ce système de choses a aveuglé l’intelligence des incrédules - 2 Co 4:4