« Mes chers frères, n'oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ! »
Charles Baudelaire.
On détache souvent la maçonnerie opérationnelle, une corporation de bâtisseurs, de la maçonnerie spéculative qui conjugue ésotérisme et occultisme, alors qu’il existe un lien étroit entre la magie noire, accordant une grande part à l’astrologie, et la construction d’édifices au service des puissants avides de pouvoirs et de richesses. Ceux-ci véhiculent un héritage initiatique secret maitrisant l’art de convoquer les grands démons dont on sollicite l’appui en échange de leur vénération. Ces rites kabbalistiques se réclament de Salomon qui avait le pouvoir sur les vents, les hommes, les animaux, et… les démons.
Le Livre saint des musulmans évoque cette relation : [À Sulaïmân, Nous lui soumîmes les vents qui parcouraient en une demi-journée la distance d’un mois de marche, et qui parvenaient à leur point de départ à la tombée de la nuit ; Nous mirent également à sa disposition une source d’airain. Il avait sous ses ordres une armée de djinns par la Grâce d’Allah qui réservait aux insoumis parmi eux le feu ardent de la Géhenne • Ils étaient affectés pour son compte à des tâches diverses telles que la construction de temples immenses, de statues à la splendeur inouïe, des chaudrons aussi vastes que des bassins, et des marmites qui, sous l’effet de leur poids, semblaient fixées au sol].
Il y donc, dans les rangs des djinns, des bâtisseurs. Le saint Coran le confirme : [Nous fîmes grâce à Dâwûd de Sulaïmân, ce bienfaiteur toujours prompt à l’expiation • Notamment le jour où, en cette fin d’après midi, il fut tellement absorbé par le défilé de magnifiques étalons qu’il oublia d’observer dans les temps la prière du crépuscule du soir • Les beautés de ce monde, s’écria-t-il d’une voix courroucée, ont tenu mon attention le temps que la nuit enveloppe l’horizon • Qu’on me ramène ces coursiers sur le champ ! Il asséna à chacun d’eux un coup de son sabre au niveau de l’encolure et des jarrets en guise d’immolation • Nous mîmes également Sulaïmân à l’épreuve avec ce frêle avorton qui, ayant échoué sur son trône, lui rappela le souvenir de Son Seigneur • Qu’il implora : Seigneur, pardonne-moi, et fais-moi jouir d’un pouvoir tel que personne à l’avenir ne pourra convoiter, car je sais que Tu es le Donateur suprême ! • Nous lui assujettîmes alors les vents qu’il orientait là où bon lui semblait • Nous lui soumîmes aussi les démons qui comptaient dans leurs rangs des bâtisseurs et des plongeurs dans les profondeurs des mers • Il tenait les plus rebelles d’entre eux enchainés dans des carcans • Voici les largesses que Nous avons déversés sur toi ; que tu les répandes généreusement sur tes sujets ou que tu les réserves pour toi, libre à toi, il ne t’en sera pas tenu grief • Cet homme occupe auprès de Nous une place privilégiée tant sur terre que dans l’autre monde].
En exégèse au passage : [Nous lui soumîmes aussi les démons qui comptaient dans leurs rangs des bâtisseurs et des plongeurs dans les profondeurs des mers], ibn Kathîr souligne que les djinns étaient les auteurs de prodigieuses architectures que les humains étaient incapables de reproduire (en tout cas pas avec les outils rudimentaires de l’époque ndt.).
Aux côtés des djinns « maçons », il y avait des explorateurs des mers à la recherche de pierres précieuses. Les saintes Écritures les mentionnent dans un autre endroit : [Nous accordâmes également à Sulaïmân de dompter les impétueux vents qui le transportaient lui, son matériel, et ses hommes là où il les dirigeait au cœur de la terre sainte sur laquelle Nous décrétâmes Notre bénédiction en vertu de Notre Omniscience • Nous lui soumîmes aussi les démons qui exploraient sous ses ordres le fond des mers, et qui exécutaient bien d’autres travaux sans broncher, car Nous assurions sans cesse sa protection].[4]
L’Ancien Testament donne une description détaillée du Temple du Prophète-Roi Salomon. Un passage étrange s’attèle notamment aux travaux de construction : « Lorsqu’on construisit le temple, nous apprend la Bible, on se servit de pierres toutes taillées. On n’entendit ni marteau, ni hache, ni aucun instrument en fer dans le temple pendant qu’on le construisait. » I Rois 6.7
Avons-nous là la réponse aux mystères qui pèsent sur la construction des pyramides ? Nous y reviendrons, mais dors et déjà sachons que de génération en génération, les kabbalistes gnostiques ont toujours assimilé Salomon à un grand sorcier : prétention sévèrement démentie par le Créateur des cieux et de la terre en réaction aux Juifs contemporains à Mohammed qui éprouvaient une haine viscérale à l’encontre de l’Archange Gabriel : [Au lieu de cela, ils adoptèrent les pratiques des démons en usage sous l’ère de Sulaïmân qui ne fut coupable d’aucun blasphème à la différence des démons ayant transmit aux hommes l’art de la sorcellerie. Les hébreux furent tout autant enclins aux enseignements que Harout et Marout exerçaient en terre de Babel. Les deux anges prenaient soin de prévenir tout initié avant de l’instruire : prend garde de perdre la foi, car notre art n’a d’autre vocation que de tenter les hommes ! Ces initiés acquirent le pouvoir de séparer un homme de sa femme ; ce pouvoir maléfique, qui n’avait d’effet que par la Volonté de Dieu, causait leur ruine, malgré les maigres avantages qu’ils en tiraient. Ils savaient pertinemment qu’ils avaient troqué le bonheur éternel. Ils se rendaient ainsi coupable d’un piètre négoce s’ils en avaient vraiment conscience !].[5]
Il faut donc, pour trouver l’origine de la maçonnerie, remonter plus loin dans le temps du côté de Babylone où régnait le despote Nemrod qui, enfiévré par la folie des grandeurs, donna l’ordre à ses bâtisseurs d’ériger une tour vertigineuse afin de se hisser au ciel et de rivaliser avec le Très-Haut (les prémices de l’Humanisme, cet homo-centrisme aux antipodes du théo-centrisme ?). Les mésopotamiens pratiquaient, avec déjà un haut degré de maitrise, l’astrologie. Nous avons là tous les ingrédients des sociétés secrètes du monde moderne : magie noire, architecture, et une cosmologie païenne et gnostique centrée sur une connaissance avancée des astres. Bien plus tard, atteint par la même mégalomanie, le Pharaon de l’Exode sommera à son maitre bâtisseur Haman, dont le nom est absent des écrits de la Bible, de lui construire une tour menant au ciel. Tout s’emboite !
L’origine de la Kabbale
Le Temple de Salomon occupe une place centrale dans la phraséologie kabbalistique (les modernes vénèrent plus particulièrement Hiram, cet artisan au service du fils de David). Depuis l’Exode, les israélites s’étaient vautrés dans la rébellion pour attiser la colère du Dieu Jaloux d’Israël. Ils avaient hérités des égyptiens des techniques de sorcellerie, et ils avaient acquis leur propre expérience comme l’illustre notamment l’épisode du Samaritain. Ils s’adonnaient aux incantations occultes et au culte des idoles (la Bible dénonce d’autres abominations telles que le sacrifice d’enfants, la sodomie, le cannibalisme, etc.). Elohim leur avaient annoncé dans la Thora le sac de Jérusalem en punition à leur affront et à leurs exactions (voir s. le voyage nocturne, v. 4-8). À deux reprises, le Temple de Salomon fut détruit : une première fois par les armées du grand bâtisseur Nabuchodonosor II, et la seconde par le glaive acerbe de Titus, comme leur avait prophétisé le Christ venu leur annoncer la destruction du second Temple, et la destitution du sceptre de la prophétie qui sera remis, comme pour ajouter à leur désarroi, à un peuple vil, sauvage, et illettré. Actuellement, l’entité sioniste et ses suppôts ésotéristes organisés en conventicules projettent d’édifier le troisième Temple pour prendre un ultime rendez-vous avec l’Histoire aux allures eschatologiques et apocalyptiques à la lueur du dernier acte qui sonnera comme une apothéose sur la terre du milieu où émerge Sion la magnifique.
Les rescapés de la première calamité ayant touché la Ville sainte furent déportés à Babylone, où, profitant de leur captivité, ils puisèrent à la source les enseignements de la sorcellerie qu’ils peaufinèrent et développèrent jusqu’à les maitriser à la perfection, et devenir la référence incontournable en la matière. Ils jouissaient d’une triple culture occulte : la leur, celle acquise en Égypte, et celle qu’ils empruntèrent aux grands prêtres babylonien (ils reçurent également l’influence des habitants de Canaan à qui ils avaient succédée, sauf qu’ils n’étaient qu’un satellite sous l’orbite de la civilisation phare, la Mésopotamie). Curieusement, les loges maçonniques se réclament de ces trois origines. La diaspora succéda aux massacres, et depuis, dans l’obscurité des loges, le retour au pays où coulent le lait et le miel est savamment planifié.
La sanglante croisade qui déferla sur la terre promise où pour la première fois, les musulmans prirent le rôle des juifs de l’Antiquité, apporta dans ses bagages un groupe de « moines » chevaliers ayant profité de l’europhorie de la victoire pour procéder, à l’abri des regards, à des fouilles dans les galeries souterraines (les écuries) de l’esplanade des mosquées qui recouvre le Dôme du rocher et masjid al Aqsa, et qui fut édifié sur les vestiges du second Temple. La légende raconte que ces curieux croisés, qui à l’avenir se constitueront en Ordre, tombèrent, au cours de leur recherche, sur ce qui est assimilé à l’Arche d’Alliance. Ces autoproclamés gardiens du Temple où ils avaient pris demeure avaient, en réalité, mis la main sur des guides hermétiques, des formules alchimistes qui allaient leur procurer pouvoir et prospérité, une fois de retour au pays, mais surtout sur le pourtour méditerranéen du Moyen-Orient. Ce fut à cette même période que fleurirent un peu partout dans l’Hexagone, grâce notamment aux techniques importées du Levant, de gigantesques cathédrales sous la direction de mystérieux maitres d’œuvre qui étaient, pour au moins une bonne partie d’entre eux, bien plus que de simples tailleurs de pierres.
Les Templiers, passés maitres dans l’art de l’usure, ces redoutables banquiers aux ramifications internationales tentaculaires, connaitront un tragique coup d’arrêt sous l’impulsion de Philippe Le Bel qui les avait pris en grippe. Accusés de fricoter avec le Diable, ils seront déchus et trainés devant la justice de l’époque qui, par décision d’une bulle papale, les jettera aux bûchés après d’effroyables tortures. Les rescapés gagneront l’Angleterre ; ils s’enfonceront dans les terres reculées d’Ecosse où naîtront les premières loges maçonniques. Là, ils cogiteront patiemment leur vengeance dans l’attente du jour où ils auront la tête du dernier roi capétien, à la faveur de la Révolution française qui sonnera le glas de la monarchie absolue. La boucle est bouclée !
Les djinns
[Mais, mes serviteurs, tu n’auras aucun pouvoir sur eux][6] ; [Par ta Toute-puissance, reprit Satan, je m’emploierais à tous les fourvoyer • Mis à part Tes élus qui sont couvés sous Ta protection].[7]
Les démons sous l’autorité de Salomon ne surent que tardivement que leur maitre avait rendu l’âme en trahissant ainsi qu’ils n’ont pas autant de pouvoir qu’on leur prête (voir s. Saba, v. 14).
Mohammed n’avait pas la prétention de ravir à Salomon le pouvoir exclusif qu’Allah lui avait concédé sur les démons. Il ne manquait pas, malgré tout, d’aller à leur rencontre pour leur prêcher la bonne parole. Un jour, accompagné d’Abd Allah ibn Mas’ûd (une histoire de ce genre se réitérera avec ibn ‘Abbâs et une autre fois à Médine avec Zubaïr ibn el ‘Awwâm), il leur rendit visite à la montagne des djinns non loin de l’enclave sacrée de La Mecque. Sur place, l’Élu traça un cercle autour de son compagnon de route à qui il interdit de franchir quoi qu’il arrive.[8] Tout à coup, une horde se mit à déferler dans la vallée, telles des perdrix ou selon une autre version tels des vautours (ou des aigles ndt.), à s’agglutiner autour du Prophète sous un tumulte assourdissant. Pris de panique, le jeune ibn Mas’ûd voulut intervenir pour le sortir du danger, mais il lui fit signe de ne surtout pas bouger sous peine de perdre la vie au contact de ces hôtes malveillants. Ibn Mas’ûd décrira plus tard ces grands hommes noirs longilignes comme des lances, et au visage étrange. On aurait dit des macaques. Il fallut que l’Apôtre élève la voix pour se faire entendre et leur réciter le Coran.
Il est impossible de voir les djinns à l’œil nu sous leur véritable apparence, sauf lorsqu’ils prennent forme humaine, animale (chien, chat noir, serpent, etc.), ou de monstre hybride mi homme mi bête. Il existe plusieurs espèces dont une ailée. C’est probablement ce qui explique en partie les motifs étranges des hiéroglyphes qui agrémentent le panthéon de l’ancienne Égypte ou des cathédrales reprenant à leur compte le savoir des bâtisseurs anciens.
Conclusion
Il existe un énorme point d’interrogation sur les techniques et les outils utilisés pour la construction des pyramides. La difficulté augmente si l’on sait qu’il aurait fallu sous la main des carrières de diamants pour le perçage du granit. Or, il n’y a pas de diamants dans la région du Nil. Pour sortir de cet imbroglio, nos spéculations nous amènent, tout en évacuant la piste des extra-terrestres, à imaginer rationnellement deux hypothèses plausibles en regard des données factuelles et des orientations coraniques. Les civilisations anciennes, éventuellement composées de géants, avaient atteint un niveau de technicité très élevé dont elles auraient transmis l’héritage aux égyptiens par l’intermédiaire des djinns en échange de leur vénération. Les djinns eux-mêmes auraient très bien pu participer aux travaux avec les plongeurs qui auraient fourni les diamants extraits des abysses sous-marins et les bâtisseurs qui auraient mis la main à la pâte.
Le Livre sacré des musulmans fait état d’anciennes civilisations qui étaient (s. Le repentir, v. 69) plus puissantes matériellement, voire plus robustes physiquement que les habitants de la Péninsule arabique à l’orée du septième siècle de l’ère chrétienne. Il fait certes allusion à des civilisations proche à l’instar d’Iram, la Citée des milles piliers, voire de Pétra, mais cela concerne à fortiori des cités plus lointaines qui ont laissé à l’Humanité la marque indélébile de leur ouvrage. Les pyramides seraient donc, et avant tout, des outils pour entrer en contact avec une autre dimension, autrement dit, elles auraient eu la vocation de vouer le culte aux démons, mais Dieu seul le sait !
Par : Karim Zentici
http://mizab.over-blog.com/
[4] Les prophètes ; 90
[5] La vache ; 102
[6] L’ascension nocturne ; 65
[7] Sâd ; 82-83
[8] Aleister Crowley imitera cette technique de protection pour, quand à lui, invoquer les démons. Hollywood et ses séries Walt Disney s’évertuent à dévoiler le mode d’emploi et à montrer le cheminement initiatique de la sorcellerie avec des opus comme Alice au pays des merveilles, le magicien d’Oz, Fantaisa, et même les 101 dalmatiens, etc.