En suivant la règle absolue qui veut que toute mystification de cette ampleur ne peut pas passer inaperçue pour des gens dont la fonction et le métier permettent l'accès à toutes les preuves possibles, nous allons rechercher, cette fois ci auprès d'individus instruits et hostiles aux chrétiens, si, dans leur argumentaire, nous trouvons la place pour des soupçons de mystifications.
Il s'agit de Celse, un philosophe, qui s'est opposé avec force aux chrétiens, au II siècle, et dont nous connaissons les textes qui ont été repris et commentés par Origène, un chrétien.
Celse a intitulé son argumentation :
le discours véritable.
Celse débute ainsi
- Il nous plaît donc de livrer les chrétiens, maître et disciples, aux objurgations irritées des aînés de leur race. Qui pourrait mieux connaître et confondre plus directement l’homme de Nazareth que les descendants de ceux qui ont vécu à ses côtés? Qui aurait meilleur titre pour railler la crédulité de ses disciples que ceux dont les pères ont su résister aux mêmes séductions?
Écoutez donc ce Juif qui a gardé intacte la foi de ses pères, et imaginez qu’il interpelle d’abord Jésus 20
.Telle est la méthode de Celse, il va imaginer une discours qu'un juif pourrait faire à Jésus.
Il n'y a donc pas mieux, pour nous, dans notre recherche, qu'un tel récit puisqu'il va nous reproduire tous les reproches les plus importants des juifs de l'époque contre Jésus.
- Tu as commencé par te fabriquer une filiation merveilleuse en prétendant que tu devais ta naissance à une vierge. [Nous savons au juste ce qui en est.] Tu es originaire d’un petit hameau de la Judée, né d’une pauvre femme de la campagne qui vivait de son travail. Celle-ci, convaincue d’avoir commis adultère avec un soldat nommé Panthéra 21 fut chassée par son mari qui était charpentier de son état. Expulsée de la sorte et errant çà et là ignominieusement, elle te mit au monde en secret. Plus tard, contraint par le dénuement à t’expatrier, tu te rendis en Égypte, y louas tes bras pour un salaire, et là, ayant appris quelques-uns de ces pouvoirs magiques dont se targuent les Égyptiens, tu revins dans ton pays, et enflé des merveilleux effets que tu savais produire, tu te proclamas Dieu.
Observez une première chose, capitale même. Toute l'argumentation de Celse ne sera jamais à destination des chrétiens qui ont écrit le NT, mais à destination de Jésus.
Pour Celse, ce n'est donc pas le récit qui a été inventé, mais la signification qu'en a donné Jésus lui-même.
Remarquez que Celse ne nie absolument pas les faits, il valide la naissance en Judée dans un petit village, il valide l'existence d'un mari charpentier, il valide le séjour en Egypte, et il valide même les miracles qu'il attribue à des arts magiques après le retour au pays.
La suite est du même tonneau, les faits rapportés par les évangiles ne sont pas niés, mais commentés. Un exemple.
- On sait comme il a fini, l’abandon de ses disciples, les outrages, les mauvais traitements et les souffrances du supplice 58.] Ce sont là des faits avérés qu’on ne saurait déguiser, et vous ne direz pas sans doute que ces épreuves n’ont été qu’une vaine apparence aux yeux des impies,
Nous reconnaissons la méthode . Il n'est pas question de nier, par exemple ici, que Jésus est bien mort comme les évangiles le disent, Celse ajoute même
Ce sont là des faits avérés qu’on ne saurait déguiser
Il s'agit de donner à ces faits une autre interprétation.
Seulement ici, en validant la façon dont Jésus est mort , en ne niant ni les faits ni les circonstances, Celse valide l'essentiel pour un chrétien : la mort de Jésus et le contexte de cette mort, date, détails.
Sans le savoir, Celse devient pour un chrétien la preuve de l'acte fondateur du christianisme.
Celse ignorait tout l'aspect prophétique du drame en question, en se moquant de Jésus lorsqu'il meurt, il se pose en témoin non chrétien que la mort de Jésus s'est bien produite comme les évangiles l'ont détaillé.
Evidemment Celse, en bon opposant, commente à sa sauce les faits qu'il tire des évangiles, mais; ce faisant, il les valide.
Ils ont bien eu lieu. Jésus a bien existé, il est bien mort comme raconté.
Et surtout, Celse n'accuse pas les chrétiens d'avoir inventé un personnage ou les évènements.