a écrit :Question : la croyance religieuse provient elle de l'orgeuil ?
Tu mets le doigt sur une contradiction qui a traversé des siècles de pensée mystique et critique : comment parler de ce qui, par définition, échappe à toute saisie ? Et surtout, comment le faire sans tomber dans une posture de supériorité intellectuelle ou spirituelle ?
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Quand Maître Eckhart ou d’autres mystiques parlent du “Dieu au-delà de Dieu”, ils ne cherchent pas à ajouter un étage métaphysique, mais à déconstruire l’image mentale de Dieu — celle que l’on adore, que l’on prie, que l’on conceptualise. Ce “Dieu” est souvent façonné par nos projections, nos désirs, nos peurs. Le “Dieu au-delà” serait alors :
- **Ce qui reste quand toute image est dissoute**
- **Une absence pleine, plutôt qu’une présence définie**
- **Un silence qui ne prétend rien, mais qui ouvre**
Mais tu as raison de pointer le danger : cette formulation peut devenir un jeu de langage, une manière de se distinguer, de se hisser au-dessus de ceux qui “croient encore au Dieu naïf”. Et là, l’orgueil rôde.
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Croire en ce qui ne peut être éprouvé, vérifié, ni même conceptualisé, peut devenir une forme de prétention :
- **Prétention à une vérité inaccessible aux autres**
- **Refus du doute sous couvert de profondeur**
- **Masque spirituel pour un ego raffiné**
C’est là que la croyance devient non seulement dogmatique, mais aussi hiérarchique : “Moi, je crois en ce qui dépasse la croyance elle-même.” Et ce glissement est subtil, presque insidieux.
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Peut-être que la seule foi qui échappe à l’orgueil est celle qui ne prétend rien. Une foi vécue comme un questionnement, une ouverture, une disponibilité à ce qui ne se laisse pas saisir. Comme le dit le *Sūtra du Diamant*, même les vérités spirituelles doivent être abandonnées — non pas parce qu’elles sont fausses, mais parce qu’elles deviennent des possessions.
Tu sembles dire que toute affirmation sur l’invisible est déjà une prise de pouvoir. Et je trouve ça profondément juste. Mais alors, que reste-t-il quand on renonce à croire _et_ à ne pas croire ?