Voir 50 messages Voir 100 messages Voir tout le sujet

Texte proposé par Fides

L'Église catholique est à la fois une communion de communautés et d'Églises ainsi qu'une institution et un clergé organisés de façon hiérarchique.
Répondre
aerobase

[ Aucun rang ]
Avatar du membre
[ Aucun rang ]
Messages : 1343
Enregistré le : 05 janv.22, 00:54
Réponses : 1

Texte proposé par Fides

Ecrit le 05 oct.25, 06:31

Message par aerobase »

Texte proposé par Fides et écrit par un prêtre de sa connaissance

Le regard hagard, l’homme était manifestement anxieux. Il déambulait dans la gare, telle une bête traquée.
Et voici qu’un jeune séminariste, tout juste ensoutané, entra en cette gare frontalière avec la Suisse, afin d’y prendre son train.
Devinant un possible refuge, l’homme aux aguets s’approcha de lui. Une brève conversation s’engagea :
-Vous êtes séminariste ?
- Oui.
- Vous avez de la chance, moi je suis « foutu ».
- Non, on n’est jamais « foutu »; le Christ est mort précisément pour que nous puissions toujours nous relever, quelle que soit notre situation.
- Si, je suis « foutu ».
Ouvrant alors la veste qu’il portait – car ses habits, quoique sales, étaient beaux- il laissa entrevoir un pistolet qu’il portait à la ceinture.
- Je suis « foutu », reprit-il. Ce soir, je me suicide. À moins que vous ne m’aidiez.
- Peut-être le bon Dieu m’a-t-il mis sur votre chemin précisément pour cela.
-Alors, donnez-moi une soutane.
Désireux de ne pas clore prématurément une conversation qui pouvait être déterminante pour ce pauvre homme, le séminariste reprit avec prudence :
- Si vraiment il vous faut une soutane, je vous la donnerai. Mais il me faut pour cela comprendre pourquoi vous en avez besoin. Asseyons-nous, et parlons.
L’homme s’exécuta, non sans regarder autour de lui, comme pour vérifier qu’aucune menace ne pointait à l’horizon.
Les débuts de la conversation furent difficiles, car le mystérieux personnage refusait de s’ouvrir.
De lui, il ne voulait rien dire, pas même son nom.
Finalement, à force de patience et de mise en confiance, le séminariste réussit enfin à découvrir le sombre mystère qui habitait cet homme.
Depuis douze jours, il s’était évadé d’une grande prison de France.
Condamné à seize ans de réclusion suite à un braquage de banque qui avait mal tourné – il avait tué quelqu’un – il s’était évadé après un an d’emprisonnement.
Traqué par la police, il avait réussi non seulement à se fournir une arme, mais encore à voler une belle voiture.
Son plan était aussi simple qu’illusoire :
Passer la frontière suisse en voiture, persuadé qu’une fois hors du territoire français, il ne serait plus poursuivi.
Rien de plus faux, bien sûr. Au cas où il serait reconnu par les douaniers, dit-il, ils se suiciderait devant eux.
La vue du séminariste lui fit croire qu’une soutane l’aiderait à ne pas être reconnu.
Il ne voyait pas le paradoxe qu’une soutane conduisant une Mercedes dernier cri : toujours, la peur est mauvaise conseillère…
Devant de tels aveux, le séminariste reste quelque peu interloqué, le temps d’un instant. Bien vite heureusement, le zèle apostolique repris le dessus.
Et voici le tout jeune lévite parti à la conquête de cet homme, plus de deux fois son aîné.
Il lui parla de la miséricorde de Dieu et du possible pardon, de la confession comme de la nécessaire réparation.
Il lui disait combien le Dieu incarné avait voulu mourir afin que nous puissions ressusciter; que l’immensité de son amour rédempteur surpassait de beaucoup tous les péchés du monde, pourvu qu’ils fussent regrettés.
Plus il avançait en sa démonstration, plus son ton s’enflammait.
Il ne réalisait pas que ses mots n’avaient aucune portée : son interlocuteur, qu’il considérait comme une proie à conquérir, n’avait tout simplement pas la foi. Pour ce brigand, Dieu n’était que néant !
Revenu à des arguments de bon sens, notre séminariste n’eut pas plus de chance.
Le cœur de l’homme était de pierre, d’une pierre que rien ne semblait pouvoir ébranler. Acculé, le séminariste sortit le grand-jeu :
- Ce soir, je serai dans mon train, et vous peut-être en enfer !
-Oh répondit l’homme, l’enfer est la seule chose à laquelle je crois : ma vie fut un enfer, et de plus j’ai mal agi; il est normal que ce soit pire après !
Si les propos n’étaient guère théologiques, ils étaient néanmoins frappés d’un certain bon sens. Mais même la perspective de l’enfer ne savait effrayer cet homme.
Le séminariste en fut tout dépité. Comme anéanti, même.
Une sorte de vertige le prit; à la perspective de voir cet homme en enfer, bien sûr, mais plus profondément encore au constat de sa propre impuissance face au mystère du mal.
Il réalisait combien était prétentieux son désir de « conquérir une proie » qu’il estimait de choix, combien étaient vains les mots humains pour arriver à cette fin.
Il ne voyait plus que son néant devant l’immensité surnaturelle de la grâce, seul remède au mal moral. Il se tut. Il ne pouvait désormais que se faire.
Il n’y avait plus rien à dire car à ses yeux, ses propos humains n’étaient plus rien.
L’apprenti des choses de Dieu découvrait tout son orgueil, et donc se taisait. L’Esprit-Saint Paraclet pouvait enfin prendre le relai.
D’un jet, sans qu’il comprit vraiment pourquoi, le séminariste se tourna vers l’homme :
- Connaissez-vous le Je vous salue Marie ? lui demanda-t-il à brule-pourpoint.
Surpris, l’homme répondit : Qu’est-ce que c’est ?
- La prière à la sainte Vierge.
- Ha oui, le truc avec des grains de ma grand-mère…
- C’est cela, répétez après moi.
Et les voici tous deux, assis côte-à-côte, commencer en pleine gare la récitation du Je vous salue Marie.
Je vous salue Marie, pleine de grâce… ; le mécréant reprenait les mots du séminariste, sans conviction aucune, c’était évident.
Il continua néanmoins, toujours guidé par le jeune lévite : Vous êtes bénie entre toutes les femmes… Son ton doucement se faisait moins ironique, devant ces mos qu’il ne connaissant pas.
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni ; l’homme eut du mal à répéter, car cette fois-ci sa voix se nouait.
Et tandis que le séminariste continuait : Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, l’homme fondit en larmes !
Stupéfait, le séminariste s’arrêta.
Cet homme sans aucun repentir, cet homme que rien ne semblait ébranler, cet homme resté de marbre à la perspective de l’enfer, voici que cet homme-là désormais pleurait, pour avoir fait sienne cette simple prière : priez pour nous pauvres pécheurs.
Ébahi devant la puissance du Je vous salue marie, l’homme de prière s’était donc arrêté. Mais le pauvre pécheur toujours en pleurs lui demande de continuer.
Un Je vous salue Marie, puis deux, puis la dizaine entière. Et l’homme lui demande tout bonnement de se confesser. S’il ne pouvait donner l’absolution, le jeune lévite l’y prépare.
Il fallait pour cela, entre autres, restituer.
Voici donc les clés de la voiture changeant de main, puis l’arme; cela ne se fît pas sans quelque négociation cependant :
- Un homme comme vous ne porte pas d’arme, dit le mécréant rependant.
- Un homme comme vous non plus, dit le séminariste; et elle est moins dangereuse entre mes mains qu’entre les vôtres.
Finalement, le percuteur de l’arme fut enlevé et confié au ministre de Dieu, le reste de l’arme jeté.
Le pécheur, l’âme plus légère, fut confié à un prêtre, et repartit en prison non sans avoir reçu l’absolution et la promesse d’y être visité régulièrement par le prêtre.
Un seul Je vous salue Marie ! L’épisode, survenu en gare d’Annemasse le 30 juin 1985 dit à lui seul toute la puissance de la prière à la Vierge, lorsqu’elle est faite humblement.

L’épisode, survenu en gare d’Annemasse le 30 juin 1985 dit à lui seul toute la puissance de la prière à la Vierge, lorsqu’elle est faite humblement.

Répondre
  • Sujets similaires
    Réponses
    Vues
    Dernier message

Retourner vers « Catholique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 2 invités