Le constat de départ d'InfoHay1915 est celui d'un « deux poids, deux mesures » flagrant : alors que l'Islam arabe et sa diaspora font l'objet de critiques régulières, le turquisme et les politiques d'Ankara bénéficient d'un silence ou d'une indulgence notable. Cette situation relève d'un mécanisme complexe qui mêle méconnaissance historique, préjugés raciaux et stratégies politiques.
1. L'illusion de la modernité et l'écran de fumée du Kémalisme
Une des raisons principales de cette disparité réside dans la perception erronée de la Turquie comme un État « laïc » et « moderne », une image soigneusement construite par les réformes de Mustafa Kemal Atatürk entre 1924 et 1928. Ces réformes ont agi comme des écrans de fumée efficaces, permettant de faire oublier le Génocide des Arméniens de 1915 (GdA1915) et de présenter la Turquie sous un jour acceptable pour l'Occident euro-centriste. En réalité, le turquisme n'est pas une religion mais une idéologie nationaliste délétère, comparable à une Allemagne qui n'aurait jamais reconnu les crimes nazis. Cette indulgence persiste malgré des preuves historiques de liens idéologiques troubles, comme la visite de généraux turcs à l'état-major d'Hitler en 1941.
- Article sur les réformes kémalistes : fr.wikipedia.org
- Archives photographiques (Hitler et généraux turcs) : bridgemanimages.com
L'islamophobie observée sur le forum semble être une « xénophobie choisie » qui cible spécifiquement les Arabes et les Maghrébins, héritage direct de l'histoire coloniale française, alors que la Turquie n'a pas été colonisée. Il existe une distinction physique importante : les Turcs actuels, du fait du Devchirmé (l'impôt sur le sang ottoman qui a prélevé des enfants chrétiens des Balkans et d'Anatolie pendant trois siècles), ont un aspect plus européen que les Arabes. Ayant adopté l'alphabet latin et le costume occidental, et possédant ce « look » européen, les Turcs échappent aux caricatures typées et au racisme ordinaire qui visent les populations sud-méditerranéennes. À l'inverse, certains médias véhiculent une islamophobie visuelle qui vise spécifiquement les traits arabes.
- Caricature islamophobe citée : dreuz.info
- Carte historique (Mappemonde arménienne 1695) : gallica.bnf.fr
Le dénigrement de l'Islam sert souvent à masquer la responsabilité du nationalisme turc. Le Génocide de 1915 a été perpétré par le gouvernement Jeune-Turc, dont l'idéologie était touranienne et laïcisante, et non par des traditionalistes islamiques. Il est historiquement injuste de blâmer l'Islam pour ces crimes, d'autant que les Arabes ont apporté une aide précieuse aux survivants arméniens lors des déportations. L'amalgame est entretenu par une « industrie de l'islamophobie » qui détourne l'attention du négationnisme d'État turc.
- Sur l'aide des Arabes aux Arméniens : acam-france.org
- Document sur le Djihad instrumentalisé par les Allemands et les Ottomans : imprescriptible.fr
Le silence autour du turquisme et l'absence de condamnation du génocide de 1915 ont créé un climat d'impunité qui encourage la récidive, illustrée par l'adage affirmant que nier un génocide revient à vouloir tuer une deuxième fois. Cette impunité a permis à l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, d'attaquer l'Artsakh et d'instaurer des blocus en répétant les méthodes de nettoyage ethnique. Cette logique se retrouve également dans les actions observées à Gaza, qualifiées de nettoyage ethnique en marche par des observateurs comme le Dr Mustafa Barghouti. Le sionisme politique et le turquisme opèrent parfois en complicité objective sur la scène internationale.
- Interview du Dr Mustafa Barghouti : democracynow.org
- Article de Bédros Terzian sur l'impunité : fondsarmenien.org
Pour contrer ces dérives, il est nécessaire de sortir des non-dits et de favoriser le dialogue interculturel. Il faut interpeller directement les instituts et mosquées turques en France pour leur demander s'ils reconnaissent le Génocide de 1915. Le dialogue islamo-chrétien reste l'outil privilégié pour neutraliser les distorsions et rappeler la réalité historique, notamment l'existence d'intellectuels et de religieux œuvrant pour la paix. Il faut soutenir les initiatives qui dénoncent l'islamophobie comme une forme de racisme, tout en restant lucide sur les stratégies politiques du turquisme.
- Débat philosophique sur l'islamophobie : philomag.com
- Les acteurs du dialogue islamo-chrétien : relations-catholiques-musulmans.cef.fr