Pas de resurrection, ni de crucifixion. . étrange !Anonymous a écrit :
Eût-il, s'il était Dieu, comme on nous le rapporte,
Laissé mourir quelqu'un qu'il aimait de la sorte?- ( ça veut tout dire

Il appel le diable IBLIS

Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l'exception de 'Iblis qui refusa, s'enfla d'orgueil et fut parmi les infidèles. 2.34
PUISSANCE ÉGALE BONTÉ
Au commencement, Dieu vit un jour dans l'espace
Iblis venir à lui ; Dieu dit : « Veux-tu ta grâce ?
— Non, dit le Mal. — Alors que me demandes-tu ?
— Dieu, répondit Iblis de ténčbres vętu,
Jouons à qui créera la chose la plus belle. »
L'Ętre dit : « J'y consens. — Voici, dit le Rebelle :
Moi, je prendrai ton œuvre et la transformerai.
Toi, tu féconderas ce que je t'offrirai ;
Et chacun de nous deux soufflera son génie
Sur la chose par l'autre apportée et fournie.
— Soit. Que te faut-il ? Prends, dit l'Ętre avec dédain.
— La tęte du cheval et les cornes du daim.
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— Prends. » Le monstre hésitant que la brume enveloppe
Reprit : « J'aimerais mieux celle de l'antilope.
— Va, prends. » Iblis entra dans son antre et forgea.
Puis il dressa le front. « Est-ce fini déjŕ ?
— Non. — Te faut-il encor quelque chose ? dit l'Ętre.
— Les yeux de l'éléphant, le cou du taureau, maître.
— Prends. — Je demande, en outre, ajouta le Rampant,
Le ventre du cancer, les anneaux du serpent,
Les cuisses du chameau, les pattes de l'autruche.
— Prends. » Ainsi qu'on entend l'abeille dans la ruche,
On entendait aller et venir dans l'enfer
Le démon remuant des enclumes de fer.
Nul regard ne pouvait voir ŕ travers la nue
Ce qu'il faisait au fond de la cave inconnue.
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Tout ŕ coup, se tournant vers l'Ętre, Iblis hurla :
« Donne-moi la couleur de l'or. » Dieu dit : « Prends-la. »
Et, grondant et râlant comme un bœuf qu'on égorge,
Le démon se remit ŕ battre dans sa forge ;
Il frappait du ciseau, du pilon, du maillet,
Et toute la caverne horrible tressaillait ;
Les éclairs des marteaux faisaient une tempęte ;
Ses yeux ardents semblaient deux braises dans sa tęte ;
Il rugissait ; le feu lui sortait des naseaux,
Avec un bruit pareil au bruit des grandes eaux
Dans la saison livide oů la cigogne émigre.
Dieu dit : « Que te faut-il encor ? — Le bond du tigre.
— Prends. — C'est bien, dit Iblis debout dans son volcan.
— Viens m'aider ŕ souffler, » dit-il ŕ l'ouragan.
L'âtre flambait ; Iblis, suant ŕ grosses gouttes,
Se courbait, se tordait, et, sous les sombres voűtes,
On ne distinguait rien qu'une sombre rougeur
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Empourprant le profil du monstrueux forgeur.
Et l'ouragan l'aidait, étant démon lui-męme.
L'Ętre, parlant du haut du firmament supręme,
Dit : « Que veux-tu de plus ? » Et le grand paria,
Levant sa tęte énorme et triste, lui cria :
« Le poitrail du lion et les ailes de l'aigle. »
Et Dieu jeta, du fond des éléments qu'il rčgle,
Ŕ l'ouvrier d'orgueil et de rébellion
L'aile de l'aigle avec le poitrail du lion.
Et le démon reprit son œuvre sous les voiles.
« Quelle hydre fait-il donc ? » demandaient les étoiles.
Et le monde attendait, grave, inquiet, béant,
Le colosse qu'allait enfanter ce géant ;
Soudain, on entendit dans la nuit sépulcrale
Comme un dernier effort jetant un dernier râle ;
L'Etna, fauve atelier du forgeron maudit,
Flamboya ; le plafond de l'enfer se fendit,
Et, dans une clarté blęme et surnaturelle,
On vit des mains d'Iblis jaillir la sauterelle.
Et l'infirme effrayant, l'ętre ailé, mais boiteux,
Vit sa création et n'en fut pas honteux,
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L'avortement étant l'habitude de l'ombre.
Il sortit ŕ mi-corps de l'éternel décombre,
Et, croisant ses deux bras, arrogant, ricanant,
Cria dans l'infini : « Maître, ŕ toi maintenant ! »
Et ce fourbe, qui tend ŕ Dieu męme une embűche,
Reprit : « Tu m'as donné l'éléphant et l'autruche,
Et l'or pour dorer tout ; et ce qu'ont de plus beau
Le chameau, le cheval, le lion, le taureau,
Le tigre et l'antilope, et l'aigle et la couleuvre ;
C'est mon tour de fournir la matičre ŕ ton œuvre ;
Voici tout ce que j'ai. Je te le donne. Prends. »
Dieu, pour qui les méchants męmes sont transparents,
Tendit sa grande main de lumičre baignée
Vers l'ombre, et le démon lui donna l'araignée.
Et Dieu prit l'araignée et la mit au milieu
Du gouffre qui n'était pas encor le ciel bleu ;
Et l'Esprit regarda la bęte ; sa prunelle,
Formidable, versait la lueur éternelle ;
Le monstre, si petit qu'il semblait un point noir,
Grossit alors, et fut soudain énorme ŕ voir ;
Et Dieu le regardait de son regard tranquille ;
Une aube étrange erra sur cette forme vile ;
L'affreux ventre devint un globe lumineux ;
Et les pattes, changeant en sphčres d'or leurs nœuds,
S'allongčrent dans l'ombre en grands rayons de flamme ;
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Iblis leva les yeux, et tout ŕ coup l'infâme,
Ébloui, se courba sous l'abîme vermeil ;
Car Dieu, de l'araignée, avait fait le soleil.
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