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Je place ici mes réponses à plusieurs messages produits sur le topic
Lien entre athéisme et absurdisme, pessimisme et irrationalisme : problème pour la raison pratique et philo morale :
spin a écrit : ↑09 janv.25, 08:18
J'aimerais savoir ce que pourrait être une telle expérience.
Anoushirvan a écrit : ↑09 janv.25, 21:08
Ce sont des expériences sur le séquencement d'activation des zones cérébrales qui montrent que le cerveau a fait un choix avant que le sujet en ait eu conscience.
Alors que la thèse classique du libre-arbitre implique qu'on a d'abord pleinement conscience du choix, puis le choix est fait.
La thèse classique du libre-arbitre ?
Démontrer la fausseté d'une thèse sur X est-ce démontrer non X ?
Il est évident que non.
Si l'on part d'une définition biaisée du libre-arbitre il n'est pas étonnant que telle ou telle expérience en prouve la fausseté.
Mais que prouvent réellement ces expériences susmentionnées ?
Elles ne prouvent rien d'autre que la constatation d'avoir pris une décision n'est pas le processus délibératif lui-même.
Donc attention de ne pas en extrapoler n'importe quoi.
Anoushirvan a écrit : ↑09 janv.25, 21:08
Et d'autre part, biologiquement, le libre-arbitre n'existe pas.
Les processus délibératifs n'existeraient pas biologiquement ? Vraiment ?
Anoushirvan a écrit : ↑09 janv.25, 21:08
Le libre-arbitre est une fonction émergente par laquelle la morale biologique s'exprime chez l'être humain.
C'est une hypothèse intéressante. Je le vois aussi comme ça.
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Anoushirvan a écrit : ↑09 janv.25, 21:08
Ce sont des expériences sur le séquencement d'activation des zones cérébrales qui montrent que le cerveau a fait un choix avant que le sujet en ait eu conscience.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Sauf que le principal auteur de telles expériences, Benjamin Libet, a expressément souligné que son expérience ne permettait pas d'exclure un "blocage" volontaire de l'action en cours. Sauf aussi que le principal déterminisme de nos choix vient des choix antérieurs, bons ou mauvais.
En fait, ce qu'il faut comprendre à mon sens c'est que la liberté attachée à nos délibérations tient dans nos déterminismes internes et à ce que l'on nomme l'intentionnalité. C'est en amont de la simple considération de la prise de conscience du choix acté.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Pour qu'il y ait libre-arbitre, dans l'absolu, il faut que presque tout, mais pas tout, soit déterminé [...[
En fait non, rien n'empêche une authentique liberté ainsi qu'un réel libre-arbitre y compris dans un cadre complètement déterministe, la liberté résidant, comme je l'ai dit plus haut, dans les déterminismes internes, lesquels ne sont pas entièrement déterminés de l'extérieur. En effet, l'erreur commune est de considérer que tout est entièrement déterminé par des déterminismes externes, ce qui revient à sortir les déterminismes internes de l'équation et à ne pas considérer que ces derniers aussi sont déterminants.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
...] (car un libre-arbitre, si limité soit-il, suppose une capacité forcément limitée mais forcément non nulle de prévoir les conséquences des choix).
Cette capacité à prévoir est bien réelle, mais celle de délibération ne l'est pas moins et même l'inclut.
Anoushirvan a écrit :Et d'autre part, biologiquement, le libre-arbitre n'existe pas.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Le bien, le mal, les valeurs, la morale, non plus. Peut-on faire l'impasse dessus ?
Du moment que ce genre de choses sont considérées et que des choix sont faits sur cette base, on ne peut évidemment pas en faire l'impasse. Tu as tout à fait raison de le souligner. Ce genre de considérations impactent la réalité et sont de ce fait des réalités.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Edit : j'ajoute que, s'il n'y a pas du tout de libre-arbitre, on est bien en peine d'expliquer scientifiquement la conscience, supposée résultat de la sélection naturelle. Or, notre conscience est tout au sommet dans la hiérarchie des certitudes. "
Ce qu’il y a d’extraordinaire dans la conscience, c’est que, si on a l’illusion de posséder une conscience, on en possède effectivement une. Avec elle, il est impossible d’avoir, comme pour d’autres phénomènes, recours à la différence habituelle entre apparence et réalité" (John Searle,
Le mystère de la conscience, Odile Jacob 1993). Quel avantage peut procurer un truc qui n'a aucun effet ?
Excellente citation et question pertinente.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
L'effet d'une conscience s'appelle libre-arbitre.
J'aurais plutôt dit que si l'un des deux est une conséquence de l'autre, la conscience, si c'est bien de la conscience phénoménale dont on parle, est une conséquence du libre-arbitre et non l'inverse.
Mais, dans tous les cas, elle implique des déterminismes internes.
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Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Mais Libet, c'était au début des années 80, et les neurosciences ont fait d'énormes progrès expérimentaux depuis.
[...]
Cependant, toutes ces expériences vont dans le même sens : la conscience du choix intervient à une étape beaucoup plus tardive du processus de prise de décision que ce qu'on s'attendait.
Certes, mais l'erreur ici est peut-être de considérer que le libre-arbitre est dans la conscience du choix une fois acté, plutôt que dans le processus délibératif lui-même.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
De manière générale, toutes ces expériences remettent en question ces thèses de libre-arbitre qui disent que l'intention survient au début du processus cognitif de prise de décision.
Et c'est à tort, car le conclure repose sur une confusion, celle entre l'intention - qui elle peut être au début du processus, du moins en amont de la prise de conscience du choix acté - et cette prise de conscience en fin de processus en effet.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Prérogative humaine, je le lui laisse. Mais il est vrai que des notions comme "bien", "mal", "valeur", "morale" sont des coquilles vides, des illusions, s'il n'y a pas du tout de libre-arbitre.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Ces mots sont des coquilles vides s'ils reposent en effet sur le libre-arbitre, et surtout si ce dernier suit une définition scientifiquement réfutée.
Ce que désignent ces mots n'est pas fondé sur le libre-arbitre, mais il s'agit bien de réalités impactantes lorsqu'elles servent de base à une délibération qui aboutit à une action.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Le problème de cette approche, c'est qu'en fait, la Nature telle que la science en comprend le fonctionnement, est fondamentalement indéterministe au niveau élémentaire.
Donc c'est plutôt l'inverse qui se produit : presque tout est indéterminé au niveau élémentaire, mais la résultante collective peut parfaitement être déterministe.
Ceci dit, voir ci-dessous, je pense que c'est une erreur que de lier la question du libre-arbitre chez l'homme à la question du déterminisme et de l'indéterminisme.
Perso je ne pense pas que ce soit une erreur de la relier à la questions des déterminismes internes.
Pour ce qui est des indéterminismes au niveau élémentaire, je tiens à préciser qu'il s'agit d'indéterminismes du point de vue de la connaissance et non forcément d'indéterminismes causaux.
Attention de ne pas confondre indéterminismes de la connaissance et indéterminismes causaux ou fondamentaux. Il n'est pas logiquement valide de conclure les seconds à partir des premiers.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
La question du libre-arbitre n'intervient que par rapport à la définition de responsabilité.
Et en effet, il semble que, à l'exception de l'homme, la notion de responsabilité n'existe pas chez les animaux, c'est une grosse différence.
La question de la responsabilité découle automatiquement de la capacité propre à un individu de délibérer et de faire ses propres choix, non de la question du bien et du mal.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Si les individus n'ont pas choisi librement de commettre un acte contraire aux règles régissant la vie sociale, pourquoi devrait-on les en tenir responsables et les punir ?
Et lorsqu'ils choisissent librement ?
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Le processus qui aboutit à ce qu'une décision soit prise est la coalescence de nombreux processus cognitifs dans le cerveau dont la conscience n'est que l'un d'eux, et qui n'ont, chacun, aucune raison d'être déterministes.
Ou qui ont toutes les raisons de l'être.
Je pense que tu veux dire qu'il n'y a aucune raison de les supposer entièrement déterminés de l'extérieur.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Quand on juge une infraction, on juge le résultat de ces nombreux processus cognitifs qui ont été à l'œuvre chez cet individu et qui ont finalement abouti à commettre une infraction.
L'individu qui est responsable de ses actes est l'individu tout entier avec ses processus cognitifs et non pas sa seule conscience.
C'est aussi ce que je dis. Je suis parfaitement d'accord avec cela.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
En ce qui me concerne, je suis partisan d'une autre approche.
Les sciences cognitives montrent que pour être pleinement engagé dans une action collective, l'être humain a besoin de mythes narratifs sur cette action collective et de modèles mentaux.
Il ne s'agit pas nécessairement de mythes religieux.
Par exemple, une entreprise repose sur des mythes parfois implicites sur ce qui fait son succès.
On peut tout à fait considérer que le libre-arbitre constitue un mythe nécessaire à l'exercice des règles sociales, quand bien même son existence est fictive.
Pour moi il est très réel. Il est certes relatif et limité, mais ça c'est comme tout le reste.
Et s'il n'était qu'un mythe ou une illusion, alors il y aurait beaucoup d'autres choses toutes aussi réelles qu'il faudrait également considérer comme mythiques ou illusoires, jusqu'à nier sa propre individualité et personnalité.
spin a écrit : ↑09 janv.25, 21:29
Edit : j'ajoute que, s'il n'y a pas du tout de libre-arbitre, on est bien en peine d'expliquer scientifiquement la conscience, supposée résultat de la sélection naturelle. Or, notre conscience est tout au sommet dans la hiérarchie des certitudes. (...)Quel avantage peut procurer un truc qui n'a aucun effet ? L'effet d'une conscience s'appelle libre-arbitre.
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:21
Je ne vois absolument pas le lien entre conscience, dans le sens d'avoir conscience de soi, et le libre-arbitre.
Le libre-arbitre suppose la conscience, mais pas l'inverse.
Mais non. C'est l'inverse justement. Si l'on parle bien de la conscience phénoménale.
Une IA délibérative, par exemple, possède nécessairement une forme de libre-arbitre. Pour autant, la supposer dotée d'une conscience phénoménale serait juste délirant.
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Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:58
Au sujet de ce que j'ai écrit plus haut sur le libre-arbitre comme mythe fondateur de certains systèmes de lois : dans le mythe d'Oedipe chez les Grecs, que le parcours d'Oedipe ait été entièrement prédeterminé par le destin et les dieux ne le dégage en rien de sa responsabilité de parricide et de son châtiment inéluctable.
Ceci n'existe pas. Il n'y a rien qui soit entièrement déterminé de l'extérieur (sous-entendu : par des déterminismes causaux externes).
Anoushirvan a écrit : ↑10 janv.25, 01:58
Le libre-arbitre est donc bien quelque chose qui est une construction philosophique spécifique à une culture, que j'appelle mythe, et non une caractéristique intrinsèque de l'être humain.
Ce que tu dis est vrai pour certaines conceptions du libre-arbitre oui.
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vic a écrit : ↑13 janv.25, 01:47
Et la différence est ?
Anoushirvan a écrit : ↑13 janv.25, 02:25
Le libre-arbitre relève de la liberté de volonté, et il est désigne essentiellement la capacité de former soi-même ses intentions d’action.
La liberté relève à proprement parler de la liberté d'action, et elle désigne plutôt la capacité que possède un individu d’exécuter ses intentions d’action.
Le libre-arbitre est en général limité par des facteurs inconscients : origine, éducation, vécu, psychologie, etc.
La liberté d'action est en général limitée par la société : lois, interdictions, etc.
Mes définitions diffèrent quelque peu.
Les voici :
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La liberté : La liberté, fondamentalement, consiste précisément dans le fait, pour une entité, d’être ou d’interagir selon ce qu’elle est, en interdépendance avec le reste.
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Le libre-arbitre : Le libre-arbitre est, quant à lui, un ensemble de déterminismes internes particuliers qui permettent à l'entité qui en dispose de faire des choix en fonction d'objectifs qu'elle se propose, et ainsi d'exprimer ou d'exercer sa liberté à un plus haut degré.
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- La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
- Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Humilité !
- Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit son lot d'expériences vécues.
Sagesse !