Bonjour Agathe,
Il faut avant tout bien contextualiser la rédaction du récit de la Genèse, et bien comprendre que la compilation d'au moins quatre sources différentes ont étés identifiés pour sa rédaction, elle-même écrite bien après l'épisode Moïsiaque. Tu trouveras un aperçu de cette compilation, une source "J" ("Genèse Yahviste" judéenne), une source "E" ("Genèse Elohïste" samaritaine), auxquels s'ajoutera par la suite un récit législatif "P" ("Genèse sacerdotale") plus en détail sur ce lien
http://www.scienceetfoi.com/ressources/ ... e-interet/
Il faut également assimiler qu'une partie du récit de la Genèse s'inspire de récits anciens (-*-) provenant d'anciennes religions du bassin méditerranéen comme la religion Ougaritique elle-même centrée sur le dieu El (le "Père de l'humanité", le "Créateur de la création", le "Roi des Cieux") et toute son assemblée céleste, qui fonda l'Humanité. Ce dieu local fût ensuite intégré au Royaume du Nord (Samarie) et fût assimilé, à l'époque des réformes du roi Josias, au dieu Yahvé du Royaume du Sud (Israël), époque où on retranscrivit le récit Moïsiaque, et époque où de deux dieux locaux se forgea l'esprit d'un Dieu national.
D'une part, le récit de la Création fût introduit comme un récit qui précède le récit de la chute, ce qui à pour première visée de produire un effet de contraste et de souligner la bonté du Dieu Créateur par rapport à l'arrogance et la perversité de l'ego, avec dans la perspective juive l'effet levier engendré par la transgression de la Loi. Et d'autre part, il est introduit dans une perspective ontologique, le Ciel et la Terre dont il est question sont de nature spirituelle, l'acte de Création est une volonté de création effective dans lequel Dieu agit par essence.
Qu'il s'agisse de la création de l'univers, de la création de la vie ou de la création des hommes, il faut abandonner et aller au-delà des diverses représentations humaines, linéaires et événementielles. La création est d'ordre spirituelle et ne correspond pas à un évènement, mais plutôt à un non-évènement à l'image des singularités des équations de la physique.
Maintenant que ceci est assimilé, il convient de suivre ce que l'on sait grâce aux sciences (langage de Dieu également).
Aujourd'hui est c'est un fait bien établi, les espèces évoluent (-**-), elles n'arrivent pas, par hasard, comme ça, à partir de rien et de manière "spontanée" (pour la précision, la théorie de l'émergence spontanée date du 15ème siècle). On sait également que les espèces peuvent avoir de mêmes ancêtres en commun, par exemple, chiens et loups, et on estime qu'ils descendent de la même espèce. Il en va de même pour l'homme et son cousin le singe. Il faut bien intégrer que l'évolution ne correspond pas au passage du singe à l'homme. L'homme ne descend pas du singe, l'homme est un singe, et il partage aussi bien 98% de son matériel génétique codant avec le chimpanzé, qu'il partage 35% de son génome avec certaines espèces de fleurs. Grands singes et Hommes, ensemble, sommes réunis dans la grande super-famille des hominoïdes qui s'est vu explosé au cours du Miocène, et de là, un évènement s'est passé qu'on a pas encore bien décortiqué. Cette évolution de l'Homme résulte d'une part d'une évolution naturelle de plusieurs millions d'années, et d'autre part, l'Humanité n'est pas issue d'un seul homme, ni d'un seul couple. Alors face à ces faits bien établis, rien n'empêche de concilier le récit de la Genèse (qui n'est qu'un modèle descriptif) avec ses quelques données scientifiques (il existe plusieurs modèles, dont deux qui abondent en ce sens, le modèle de "l'Homo Divinus" d'une part et le modèle "qui raconte une nouvelle fois" d'autre part, je ne suis pas pleinement en accord avec ces modèles, ma vision étant différente, mais je te signale leur existence pour tes recherches).
(-*-) Le poème sumérien "Enki et Ninhursag" n'a pas inspiré la Genèse contrairement à ce que certains prétendent.
(-**-) Darwin ne connaissait pas la génétique, c'est vrai et on ne peut pas lui en vouloir : la génétique n'existait pas à son époque.
Cependant, Darwin était un véritable passionné de la nature, qui avec pour seule argumentation l'observation naturalistique (ce qui supposait d'avoir une immense connaissance de la nature pour le faire), a pu constater des mutations dans les diverses espèces qui l'ont conduit a publier sa théorie de l'évolution, et à proposer son explication évolutionniste. Alors certes, il ne connaissait pas les causes propres des mutations, c'est-à-dire les mécanismes génétiques, bio-cellulaires responsable de cela, mais aujourd'hui, on les connaît. Le darwinisme à été revue et corrigé, et aujourd'hui il convient mieux de parler d'évolutionnisme reposant sur un faisceau d'observations et d'analyses (dont les origines remontent aux observations paléontologique de la fin du 19° siècle). Lorsque Darwin a déterminé les bases de l'origine des espèces, ce fût principalement grâce à la paléontologie, qui prouve indiscutablement que les êtres vivants sont issus d'ancêtres. Les théories de Darwin étaient peut être incomplètes à son époque, demandant d'être approfondies (les diverses théories actuelles de l'évolution (-***-) n'ont plus grand chose à voir avec celle de Darwin), mais les études ultérieures de la génétique confirment bien l'évolution des espèces et nôtre parenté phylogénétique (qui compose l'arbre phylogénétique) avec les autres espèces, ainsi qu'avec des espèces ancestrales. Ce n'est pas pour rien si les phylogénéticiens pensent que nous sommes des eucaryotes (-****-), c'est parce que cela est prouvé génétiquement.
(-***-) Je te donne une brève synthèse, loin d'être complète et précise, des différentes manières d'approcher les théories évolutionnistes.
De nombreux travaux ont montré, depuis que la théorie de Darwin qui était certes une ouverture scientifique notable en son temps, qu'elle devait être aménagée et modifiée. On peut essayer de dresser en résumant l'essentiel des conceptions et positions des différents chercheurs en la comparant à cette théorie originelle de Darwin basé uniquement sur le hasard des mutations et la sélection naturelle.
- Les darwiniens forts (Jacques Monod, François Jacob, Daniel Denett, Edward Wilson, Richard Dawkins) : Ils pensent que la sélection prédomine et que l'évolution est graduelle.
- Les darwiniens faibles (Stephen Jay Gould) : Ils pensent que le hasard prédomine et que l'évolution se fait par saut. Se basent sur l'existence d'organes qui ne sont pas des adaptations et qui majorent le hasard.
- Les non darwiniens faibles (Christian de Duve, Simon Conway-Morris, Stuart Kauffman) : Ils pensent que les lois biochimiques induisent des contraintes de convergence si strictes que le hasard est canalisé et que les lois physiques font spontanément émerger des niveaux d'ordre complexes qui donnent à la sélection naturelle un matériau de base différent des mutations au hasard. Pour ceux-là ces contraintes favorisent l'expression de la vie et de l'intelligence et l'émergence de la conscience.
- Les non darwiniens forts (Rémy Chauvin, Jean Dorst, Brian Goodwin, Rosine Chandebois, Michael Denton, Mae Wan Ho, Anne Dambricourt, Jean Chaline, Roberto Fondi) : Ils pensent à l'intervention de mécanismes différents du hasard et de la sélection naturelle.
De simples questions permettent de mieux comprendre ce courant de pensée : si l'évolution explore toutes les possibilités au hasard, pourquoi ne revient-elle pas en arrière ? Et si la complexité était une qualité inhérente et émergente de la vie ? Y aurait-il un programme qui se déroule depuis l'origine à l'image de du développement embryonnaire qui va de la première cellule jusqu'à l'organisme complet ? Et si au lieu de privilégier les mécanismes darwiniens (sélection naturelle) comme rôles principaux dans l'évolution des espèces, la nature opterait davantage pour des processus d'auto-organisation ? Si derrière tout cela il y avait une logique ordonnée (comme celui observée lors du développement embryonnaire) ? Et si des gènes classiques de régulation produiraient la macroévolution ? Et si une structuration fractale régissait l'évolution ? Comment se fait-il que les nouveaux algorithmes informatiques qui se sont proposés de quantifier l'évolution (travaux de Pierre Perrier en 2008) ont montré que que le seul hasard est insuffisant pour expliquer l'évolution (
"l'évolution exclut qu'il y ait eu assez de temps dans les quelques milliers de millions d'années à huit zéros pour le hasard d'assurer la transition lors de l'apparition de nouvelles espèces, des millions en parallèle avec des milliers de fonctionnalités différentes") ?
A tout cela, il faudrait ajouter que les concepts utilisés en biologie ne sont parfois pas utilisés dans le même sens qu'en physique par ignorance épistémologique. Il en va ainsi de quelques termes comme la complexité, l'intelligence, le hasard, la hiérarchie. Il faudrait être assez précis lorsqu'on emploi ces termes. Et afin d'être encore plus précis, il faudrait aussi parler de l'East Side Story d'Yves Coppens, du Monstre Prometteur de Jean Chaline, et du DACphylo de Steven Jay Gould - Pascal Picq et de quelques autres théories fractales faites sur l'évolution des espèces.
(-****-) L'histoire du vivant au cours de la phylogenèse montre l'existence de deux phénomènes successifs qu'on peut qualifier de "symétriques" (faute de mot plus adéquat) :
- une première phase qui s'étend de l'apparition de la vie à la réalisation des grands plans d'organisation à la fin du Précambrien, et qui correspond à une série de dérivations qui font croître la disparité et la complexité.
Il s'agit d'une hiérarchie ascendante en fonction des plans d'organisation.
- une deuxième phase à partir du Précambrien qui correspond à la diversification au sein de ces grands plans d'organisation selon les différentes divisions de la taxonomie (classes, ordres, surper-familles, familles, sous-familles, genres, espèces, et sous-espèces).
Il s'agit d'une hiérarchie descendante des divers spécialisations.
Parmi les évènements biologiques qui jalonnent l'histoire du vivant on peut en distinguer six :
- en premier lieu, surgit l'apparition de la vie avec l'apparition de la réplication et du métabolisme, c'est-à-dire lorsque le premier segment d'ADN a pu se dupliquer et tirer son énergie de l'environnement et mettre en évidence les premiers signes majeurs et nécessaires qui ont permis de distinguer la vie du monde inorganique jusqu'alors figé.
- en deuxième lieu, l'apparition de la cellule chez les procaryotes anaérobies (assez bien documentée) et l'organisation de ces cellules qui constitua une étape importante de séparation entre le milieu interne et le milieu externe de l'environnement par l'intervention de la membrane où l'ADN se trouve à l'état libre et non concentré dans un noyau.
- en troisième lieu, l'apparition de la cellule eucaryote et la formation de la membrane du noyau. Là encore une nouvelle étape de complexification est à l'oeuvre et se caractérise en même temps par la mise en place de la reproduction sexuée. Les procaryotes se reproduisent par simple division cellulaire par duplication asexuée de leur matériel génétique, tandis que les eucaryotes acquièrent la reproduction sexuée grâce à la méiose et à la mitose, ce qui leur assurent un meilleur brassage génétique, une nouvelle source de variabilité, d'innovations et d'évolution.
- en quatrième lieu, l'apparition des mitochondries et des chloroplastes issus de bactéries primitives et symbiotiques. Sujet là encore bien documenté.
Ces quatre premiers évènements ont donné naissance à des organismes autonomes qui ont survécu pour certains jusqu'à nos jours (sans aucune autre innovation), ce qui atteste de leur parfaite adaptation à l'environnement !
- en cinquième lieu, a lieu l'apparition de la photosynthèse. Certains organismes utilisent des processus quantiques qui ont étés récemment mis en évidence afin de permettre à la chlorophylle de capter l'énergie solaire et ainsi extraire l'hydrogène de l'eau et le lier au gaz carbonique pour former les hydrates de carbone, du glucose et de l'oxygène.
On sait de plus aujourd'hui que la photosynthèse produisait de l'oxygène bien avant que l'atmosphère devienne elle-même oxydante, et que c'est un certain taux de cet oxygène dans l'atmosphère qui à permis la mise en place progressive de la couche d'ozone, ce qui a modifié progressivement l'atmosphère.
On suppose que cette innovation eut une autre conséquence, l'oxydation du milieu atmosphérique aurait constituer un point de rupture interdisant toute nouvelle génération spontanée du vivant à partir de l'inorganique.
- en sixième lieu, l'apparition des organismes pluricellulaires est une nouvelle source de diversification qui vont à leur tour assurer les fonctions vitales.
En tout ce sont ces six étapes, ces six évènements majeurs et importants dans l'histoire du vivant qui permirent le passage de l'inorganique à l'organique (aux différents organismes pluricellulaires et aux différents plans d'organisation).
Bien à toi,
Ase