Certains historiens orientalistes doutent quant à l’attribution de ces conditions, ou commandements, au Calife juste `Umar Ibn Al-Khattâb — qu’Allâh l’agrée —, en raison de l’absence de toute mention à leur sujet dans les ouvrages fiables des historiens les plus anciens, et qui s’intéressaient à ce genre de sujets, à l’instar des ouvrages d’At-Tabarî, Al-Balâdhurî, Ibn Al-Athîr, Al-Ya`qûbî, et d’autres.
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Cela dit, cette affaire ne mérite pas que l’on se donne la peine de la contester ou de la réfuter, si l’on connaît les motivations et le contexte historique qui l’ont accompagnée.
Il ne s’agit pas d’un devoir religieux que l’on aurait l’obligation de perpétuer en tout temps et en tout lieu, contrairement à la compréhension de certains juristes qui y ont vu une prescription obligatoire. Cela n’est guère plus qu’une disposition légale contingente prise par le pouvoir en place en vue de réaliser l’intérêt général de la société à cette époque. Rien n’interdit que l’intérêt général change à une autre époque et en d’autres circonstances, et que, par conséquent, de telles dispositions soient annulées ou amendées.
La distinction entre les individus en fonction de leur religion était une nécessité à l’époque. Les adeptes des différentes confessions étaient eux-mêmes attachés à cette distinction, objectif que l’on ne pouvait alors réaliser que par le code vestimentaire. Car, à l’époque, les cartes d’identité, où l’on consigne aujourd’hui le nom de la personne, sa religion et même sa secte, n’existaient pas. C’est donc le besoin de distinguer les individus qui a motivé de telles dispositions. Ainsi aucun juriste musulman contemporain n’a suivi l’avis des anciens pronant la distinction vestimentaire, vu que cela n’est plus nécessaire.
C’est avec plaisir que je rapporte ici les propos de Dr. Al-Kharbûtlî éclairant cette question et ses motivations. Il dit
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L’historien Turton a également discuté de cette question. Son opinion consiste à dire : « Il ne fait aucun doute que la motivation sous-jacente aux règles vestimentaires était de distinguer facilement les Chrétiens et les Arabes. Cela est même énoncé très clairement chez Abû Yûsuf
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Quoiqu’il en soit, si ces prescriptions d’ordre vestimentaires s’avéraient historiquement vraies, elles sont restées lettre morte la plupart du temps au fil de l’histoire. Il y a une différence entre l’existence d’une loi et son degré d’application. La majorité des califes et des gouverneurs musulmans ont adopté une politique de tolérance, de fraternité et d’égalité et ne se sont pas mêlés outre mesure de fixer un code vestimentaire pour les dhimmis, ce qui n’a guère suscité de protestation [5].
Il existe des preuves historiques appuyant les faits que nous avons mentionnés précédemment. Le poète chrétien Al-Akhtal (d. 95 A.H.) se rendait à la cour du Calife omeyyade `Abd Al-Malik Ibn Marwân vêtu d’une tunique arabe [6] assortie d’un phylactère en damas et d’une croix en or autour du cou, sa barbe suitant le vin [7], et ce dernier de lui réserver un bon accueil. De même, l’accord signé en 98 A.H. entre les Musulmans et les Mardaïtes (Jarâjimah) Chrétiens qui habitaient les régions montagneuses de la Syrie stipulait que ces derniers porteraient les mêmes vêtements que les Musulmans. [8]
Traitant du code vestimentaire des dhimmis, Abû Yûsuf dit : « On ne doit pas les laisser imiter les musulmans au plan des vêtements, de la monture, ou de l’apparence. » À ce sujet, Abû Yûsuf se fonde sur la parole de `Umar Ibn Al-Khattâb : « Afin que leur code vestimentaire soit distinct de celui des musulmans. » Autrement dit, il ne s’agit pas d’une forme de persécution mais d’un moyen visant à distinguer différentes populations, tout comme il existe aujourd’hui dans toute société moderne des codes vestimentaires différents, permettant de distinguer certaines catégories socio-professionnelles ou corps de métier.
P.-S.
Traduit de l’arabe du site qaradawi.net.
Notes
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[4] Ibn `Abd Al-Hakam, Futûh Misr, page 151.
[5] Si la distinction vestimentaire était un devoir religieux, son non-respect par les califes n’aurait pas manqué de susciter des protestations parmi les Musulmans. NdT.
[6] Une jubbah, une tunique longue qui se portait au dessus des vêtements. En français, ce terme est à l’origine du vocable juppe. NdT.
[7] Al-Asfahanî, Al-Aghânî (Les chansons), volume 7, page 169. J’ai quelques réserves sur l’authenticité de ce récit, lequel fait partie des « chansons » auxquelles on ne peut beaucoup se fier. S’il s’avérait authentique, ce récit démontrerait le laxisme du Calife plus que sa tolérance.
[8] Al-Balâdhurî, Futûh Al-Buldân, page 161, Beyrouth.