comme notre ami Marseillais ne se gêne pas pour les copié-collé voici un texte édifiant
Mahomet , toutes les biographies musulmanes relatent avec force détails sa naissance miraculeuse et son enfance emplie de prodiges. En fait, il s’agit d’une construction réalisée deux siècles plus tard, à l’époque des califes abbassides, au IXe siècle, pour grandir le personnage et l’auréoler. La réalité est beaucoup moins glorieuse. Le Coran dit simplement, dans la sourate 93 : « Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Ne t’a-t-Il pas trouvé pauvre ? ». Mahomet, dont le nom arabe est Muhammad Ibn Abdallah, semble en effet avoir connu une extrême pauvreté. Très jeune, l’orphelin doit travailler pour alléger les charges de son oncle qui l’a recueilli. Plus tard, il accompagnera les caravanes, et le métier de chamelier aurait été le sien. Dans la société arabe, aucun notable ne trait les chamelles et ne se place comme intendant, en réalité serviteur chez une « patronne » ; c’est ce que fait Mahomet entrant au service d’une riche veuve Khadîdja qui a fait fortune dans le commerce des caravanes et n’est plus très jeune. À près de quarante ans, elle ne reste probablement pas insensible à ce jeune homme alors âgé de vingt-cinq à vingt-neuf ans. Qu’elle n’ait pas été totalement ignorante du judaïsme ou d’un christianisme judaïsé – voire d’un christianisme hérétique – est également vraisemblable. La tradition musulmane, pour sa part, préférera reporter cette connaissance des Écritures de la première épouse du Prophète sur un prétendu cousin de Khadîdja, Waraqa, fils de Nawfal, dont elle fait un hanîf, c’est-à-dire un monothéiste qui ne serait ni juif ni chrétien. En fait, il semble bien que Waraqa ait été tout simplement un chrétien nestorien. Finalement, Khadîdja épouse Mahomet : ce mariage le sauve car il l’enrichit. De cette union ne resteront malheureusement que des filles car les fils mourront tous en bas âge – ce qui, pour les Arabes, est assimilé à la stérilité. Mahomet sera traité d’abtar, littéralement « à la queue coupée », c’est-à-dire impuissant. On qualifiait ainsi l’homme sans descendance, l’esclave et l’âne châtré. Tout en subissant l’opprobre social en silence, il prend l’habitude de méditer, comme les ermites, dans une caverne sur le mont Hira près de La Mecque. Vers l’âge de quarante ans – en 610 d’après la chronologie officielle musulmane –, il aurait entendu la voix de l’ange Gabriel lui ordonnant de prêcher. Tous les détails qui sont donnés par l’histoire musulmane sur les circonstances de la Révélation, et sur la manière dont les conversations qui ont suivi se sont effectuées, relèvent du légendaire et non de l’historique. Dans le Cortion, et un tableau assez saisissant est brossé du rejet de Mahomet par sa propre société lorsqu’il entreprend de prêcher ce qu’il entend : la risée générale accueille ses propos. Les gens de La Mecque pensent qu’il puise ses informations auprès d’un chrétien étranger (sourate 16, verset 103). Il faut une réelle méconnaissance de ce milieu arabe tribal pour croire que Mahomet, qui n’est pas un homme puissant de la ville (sourate 43, verset 30-31) et n’a pas de postérité, puisse être cru par ceux qui se savent d’un rang supérieur et sont fiers d’avoir des fils. Pour eux, il parle comme un devin, un sorcier, un poète, et son message ressemble fort aux « histoires » des juifs et des chrétiens. L’annonce de la résurrection des corps après la mort le fait traiter de fou, majnûn, celui dont l’esprit est possédé par les djinns. D’ailleurs, même son oncle Abû Tâlib, qui l’a recueilli, refuse d’adhérer à ce message. Aucun membre de sa tribu n’a été plus ridiculisé, méprisé que Mahomet, et seule la solidarité de son clan lui permet d’échapper au bannissement. Cependant, à la mort de son oncle Abû Tâlib et de sa femme Khadîdja – en 619 d’après la tradition musulmane –, Mahomet perd tout appui ; Abû Lahab, son ennemi juré, devient le chef du clan. Toute une sourate du Coran (111) sera consacrée à sa malédiction. Mahomet doit alors se chercher des appuis tribaux dans d’autres cités. Lorsqu’en 622, d’après la Tradition, le Prophète quitte La Mecque, c’est dans une fuite obligée et quelque peu honteuse, l’Hégire. Le salut viendra de Yathrib, la future Médine, oasis située à 350 km au nord-est de La Mecque. Avec les membres de cette cité, il met au point une alliance tribale. Le choix de cette ville n’est sans doute pas dû au hasard, Mahomet étant apparenté à l’une des tribus arabes médinoises par son grand-père Abd-al-tMuttalib, né d’un mariage temporaire ou mut’a, conclu par son père Hâchim, avec une femme du clan médinois des Nadjdjâr de la tribu arabe des Khazradj. À Médine, deux tribus arabes et trois tribus juives coexistent alors dans la discorde. Celle des Khazradj avait perdu le pouvoir au profit de la tribu arabe des Aws, devenue la plus puissante. On peut raisonnablement penser que Mahomet et ses partisans représentent un appui appréciable pour la première, évincée par la seconde : c’est là une raison suffisante pour lui accorder une protection, sans qu’interviennent en aucune façon des considérations religieuses. Ainsi, Mahomet arrive à Médine comme simple protégé tribal. L’émigré banni est d’ailleurs mal accueilli par le chef de la tribu arabe médinoise des Khazradj Abdallah Ibn Ubay, notable qui restera jusqu’à sa mort son adversaire acharné. Les juifs de Médine refusent pour leur part cet Arabe dont le message dénature les écritures et méconnaît certains des prophètes. Mahomet, humilié et profondément déçu, est physiquement affaibli par le climat insalubre de la région et las de dépendre de l’hospitalité des Médinois arabes. Une solution s’impose : la razzia contre les caravanes des Mecquois, ennemis des tribus arabes médinoises. Cette opération de pillage est permise, à condition de ne pas verser le sang ; dans le cas contraire, la loi du talion est appliquée : s’ensuivent des meurtres en chaîne, conformément aux principes de la compensation et de la vengeance obligatoire et réglementée. Cette solution est d’autant plus tentante que Mahomet rêve de reconquérir sa ville natale et d’y être accueilli en vainqueur, lui qui en a été chassé comme un vulgaire esclave.
Le retour à La Mecque, lié à la rupture avec le judaïsme
Entreprendre la razzia contre les Mecquois, c’est déjà pratiquer une politique de reconquête et, pour lui qui n’avait pas réussi à convaincre par la parole, commencer à se faire entendre par les armes. Le premier raid a lieu à Nakhla, au cours d’un mois sacré. Mais il y a mort d’homme et le scandale est grand. Une révélation coranique intervient cependant pour justifier l’opération. De plus, du butin a été récolté : il sera toujours un appât de taille pour donner du courage aux combattants (sourate 8).
Au début du mois de mars 624, c’est aux Mecquois et à la grande caravane de marchandises envoyée chaque année en Syrie que s’attaquent Mahomet et ses partisans. Présentée comme une magnifique victoire (sourate 3, verset 123), la victoire de Badr semble, en fait, n’avoir été qu’un coup de main réussi. Elle marque pourtant un tournant religieux dans la mesure où le pôle sacral de l’islam n’aura désormais plus rien à voir avec celui des juifs : on se tournera vers La Mecque. Les liens avec le judaïsme sont rompus. Naît alors un abrahamisme arabe d’après lequel Abraham, figure biblique, n’est ni juif ni chrétien : accaparé au profit de l’islam, il devient le premier muslim, le premier musulman. Les juifs de Médine, n’acceptant pas cette appropriation de leur prophète, sont accusés d’avoir faussé leurs écritures. Conséquence de cette rupture, une première tribu juive, celle des Banû Qaynuqa’, est expulsée immédiatement après la victoire de Badr. En 625, à Uhud, un nouvel affrontement oppose les Mecquois aux troupes de Mahomet. Cette fois, c’est un désastre pour les musulmans. Après la défaite, la tribu juive des Banû Nadhîr, accusée d’avoir provoqué la défaite du Prophète, est sommée de partir. En 627, dans la bataille dite du fossé, Mahomet affrontera encore les Mecquois : grâce à un fossé creusé autour de Médine, ses hommes vaincront sans avoir combattu. C’est au tour de la troisième tribu, celle des Banû Qurayza, d’être accusée de trahison. L’accusation étant purement tribale, les règles tribales d’exécution prévalent : les juifs mâles sont décapités et jetés dans des fosses creusées par les musulmans ; les femmes et les enfants sont vendus comme esclaves. Après le carnage, Mahomet prend pour concubine la belle Rayhana, veuve de l’un des suppliciés. Dans une Médine vidée de ses juifs, Mahomet doit affronter les Arabes « hypocrites », ces « poltrons » qui se sont convertis du bout des lèvres et qui répandent sans vergogne des calomnies sur sa vie privée. Ils accusent sa très jeune épouse Aïcha d’adultère, mais une révélation coranique l’innocente (sourate 24) et punit la fausse accusation de quatre-vingts coups de fouet, quasiment autant que l’adultère lui-même, qui en vaut cent. Le Prophète désire épouser Zaynab, la femme de son fils adoptif Zayd. Une révélation lui permet à nouveau de braver l’interdit social (sourate 33, verset 37). Mais Mahomet désire cependant par-dessus tout reconquérir La Mecque, sa ville natale. En 627, il est autorisé par la convention d’Hudaybiyya à effectuer le pèlerinage – mais seulement l’année suivante – dans une ville vidée pendant trois jours de ses notables et à des conditions jugées humiliantes par ses compagnons qui, comme Omar, appartiennent à des familles importantes. Contrairement à la pratique actuelle, il ne se fera pas à l’extérieur, dans la plaine d’Arafat située à vingt-cinq kilomètres à l’est de La Mecque – le pèlerinage à Arafat était alors pratiqué par les Bédouins pour demander la pluie, et les Mecquois avaient leur propre itinéraire. Mahomet accepte toutes les conditions. Pour calmer ses hommes déçus, il les lance toutefois à l’assaut de Khaybar, palmeraie juive particulièrement prospère au nord de Médine. Mahomet entre à La Mecque l’année suivante, de manière plutôt pacifique – preuve de son réalisme politique, attitude d’ailleurs partagée par les grands chefs tribaux d’Arabie. Beaucoup de riches Mecquois se convertissent, ou plutôt « font alliance avec Mahomet » ; on ne peut guère qualifier ces conversions de pieuses et désintéressées pour ceomet les ayant récompensés par des parts de butin bien plus importantes que celles allouées à ses vieux compagnons.
C’est seulement après la conquête de La Mecque, en l’an IX (sourate 9), que Mahomet impose ses conditions. Désormais, l’alliance implique la conversion. Les unions conclues avec ceux qui ne se sont pas encore convertis pourront être dénoncées, à condition de le faire publiquement. Interdiction est faite aux non-musulmans d’aller en pèlerinage à La Mecque. Le Coran déclare également la suppression du mois intercalaire qui stabilisait tous les trois ans l’année lunaire et la faisait concorder avec l’année solaire. Un coup très dur est ainsi porté aux nomades qui, par leur indépendance, leur caractère farouche et leur refus de se plier aux ordres, causaient de graves soucis au Prophète. Que le Coran ne cesse d’appeler ces Bédouins à l’obéissance laisse à penser que Mahomet était loin d’obtenir d’eux la docilité attendue : à leurs yeux, il n’était alors probablement pas ce modèle que vénèrent les musulmans d’aujourd’hui.
Le califat des compagnons
Lorsque Mahomet meurt en 632, les rivalités de clans renaissent avec une violence inouïe. Un notable Mecquois, Abû Bakr, l’un des premiers compagnons de Mahomet et père d’Aïcha, la très jeune épouse, est élu successeur du Prophète (calife). À sa mort en 634, c’est encore un Mecquois d’un clan puissant, Omar Ibn al-Khattâb – père d’Hafsa, autre épouse du Prophète – qui est choisi comme calife. Il sera assassiné en 644.
Le troisième calife, Uthmân, est lui aussi un très riche Mecquois appartenant à la noble famille des Banû Umayya et ayant épousé successivement deux des filles de Mahomet. D’un âge avancé, il favorise outrageusement les gens de son clan. Il meurt lui aussi assassiné ; sa fin sanglante ouvre une période de discorde et de guerre civile qui déchire la communauté. Profitant de ces troubles, les Médinois portent au pouvoir Ali pour lutter contre les Mecquois, qui ont jusqu’ici toujours choisi les califes parmi les prestigieuses familles de leur cité. Ali est soupçonné d’avoir participé à l’assassinat d’Uthman et, pendant cinq ans, son califat connaît la guerre civile ; il doit affronter la vengeance tribale de Mu’awiyya, gouverneur de Damas, l’un des parents du calife assassiné. Les armées des deux adversaires se rencontrent en 657 dans la plaine de Siffin, entre la Syrie et l’Irak. Mu’awiyya, sur le point d’être vaincu, oblige par une ruse Ali à accepter un arbitrage. Quelques-uns de ses partisans lui reprochent sa faiblesse, quittent les rangs et se retirent. L’histoire musulmane les appelle kharejites, « ceux qui sont sortis ». Il s’agirait des nomades des confins du désert, très hostiles aux riches marchands mecquois sédentaires. Les partisans d’Ali prennent pour leur part le nom de chii’tes, « partisans ». La grande majorité des musulmans, qui sont les descendants de ceux qui avaient soutenu le gouverneur Mu’awiyya contre Ali, reçoivent quant à eux l’appellation de sunnites. Toutes ces appellations n’apparaîtront toutefois que plus tard, sous le califat abbasside. Ali meurt en 661 d’un coup d’épée empoisonnée porté précisément par un kharéjite, à la sortie de la mosquée de la ville de Kufa. Son éviction du califat marque le triomphe sur le clan du Prophète des prestigieux clans de La Mecque, lesquels n’ont que mépris pour la famille proche de Mahomet, trop pauvre à leurs yeux pour posséder un poids tribal véritable. On comprend pourquoi Ali ralliera les musulmans non arabes, de l’Irak et de la Perse, séduira les étrangers, les marginaux, les révoltés et les persécutés… comme le rejet de l’appropriation de la victoire politique et religieuse de Mahomet par la puissante famille des Banû Omayya, ses anciens ennemis qui ne l’avaient jamais vraiment accepté !
Le Coran
À la mort du Prophète, rien n’a été écrit de la Révélation. Celle-ci reste orale, constituée de messages fragmentés, heurtés, avec des thèmes répétitifs. La Révélation à La Mecque est d’abord un appel lancé aux Arabes afin qu’ils retrouvent leurs valeurs de générosité, de solidarité. Mahomet y apparaît comme un simple rasûl ou messager et n’est pas encore présenté comme nabiyy, comme prophète. Pour convaincre ses oncles et les hommes de sa tribu, il parle de la puissance de Dieu, capable de créer, contrairement aux puissances protectrices qui, elles, s’en montrent incapables. Pour démontrer la puissance de Dieu, des récits exemplaires sont cités, concernant des prophètes envoyés et qui n’ont pas été reçus par leur peuple. La punition des Saba est une magnifique illustration de châtiment ; ces impies orgueilleux n’ont-ils pas vu leurs jardins cultivés transformés en steppe sauvage ? La Révélation à La Mecque se présente souvent comme une violente diatribe contre des adversaires mecquois qui accusent Mahomet d’être un devin, sorcier, possédé par les djinns, vendu aux religions étrangères.
ce texte est écrit par un professeur d'histoire reconnu - A.M. Delcambre