Initiation à la science de la canonisation du Coran

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Le dialogue interreligieux est une forme organisée de dialogue entre des religions ou spiritualités différentes. Ultérieurement, la religion a considéré l'autre comme n'étant pas la vérité révélée. C'est ainsi que les premiers contacts entre l'islam et le christianisme furent souvent difficiles, et donnèrent lieu à des guerres impitoyables comme les croisades.
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Citizenkan

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Initiation à la science de la canonisation du Coran

Ecrit le 05 juil.19, 01:09

Message par Citizenkan »

Initiation à la science de la canonisation du Coran 1/3



[C’est Nous qui avons révélé ce Rappel, et à c’est à Nous à qui il revient de le préserver].[1]



Cet article réfute le chercheur islamologue Hassan Chahdi et son Sheïkh François Déroche, le premier pour avoir prétendu que seul l’esprit Coran fut entièrement conservé, ou pour être plus juste, qu’éventuellement seul l’esprit du Coran soit retenu pour sa transmission, et le second pour avoir jeté le discrédit sur le grand traditionniste Zuhri qui aurait inventé le hadîth sur les « sept lettres » du Coran.



Voir : majmû’ el fatâwâ (13/389-403).



On posa la question à Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya au sujet du propos prophétique : « Le Coran fut révélé de sept manières. »[2] Que signifient les « sept manières » (sab’a ahruf) dont il est question ? Est-ce que les « sept lectures », imputées aux spécialistes (Nâfi’, ‘Âsim, etc.) correspondent à ce hadîth, ne serai-ce que l’une d’entre elles ? Pour quelles raisons l’écriture du codex final a-t-il suscité des divergences de lectures entre les grands spécialistes ? Est-il permis d’utiliser des lectures singulières qui sont rapportées notamment par el A’mash et ibn Muhaïsin ? Si oui, est-il permis de les utiliser au cours de la prière ? Si vous voulez bien nous répondre, que Dieu vous récompense !



En réponse : c’est une question pointue qui a intéressé les spécialistes des disciplines diverses tels que les légistes, les traditionnistes, les exégètes, les théologiens spéculatifs, les linguistes, etc. Des ouvrages spécialisés lui furent consacrés, dont le Sheïkh Abû Mohammed ‘Abd e-Rahmân ibn Ismâ’îl ibn Ibrahim d’obédience shaféite et l’un de ses plus récents auteurs. Plus connu sous le nom d’Abû Shâma, il coucha par écrit sharh e-shâtibya. Il faudrait recenser les opinions des spécialistes, et analyser en détail leurs arguments pour y dégager les plus pertinents. Une étude exhaustive des textes prophétiques liés à cette problématique serait aussi indispensable pour l’éluder, sans n’oublier les autres types de preuves légales. Malheureusement, faute de temps, un long développement ne serait pas approprié ici pour ce genre de réponse. Je me contenterais toutefois d’offrir une synthèse sur le sujet pour mieux se représenter ses enjeux.



Nous disons donc qu’à l’unanimité des savants de références, les  sab’a ahruf dont font mention le hadîth au sujet de la révélation du Coran ne correspondent pas aux fameuses « sept lectures ». L’Imâm Abû Bakr ibn Mujâhid est l’instigateur de la première compilation des différentes récitations à l’orée du troisième siècle de l’Hégire (8, 9ième siècle Apr. J.-C., ndt.). Originaire de Bagdad, il prit l’initiative de rassembler les lectures en vogue dans les cinq grands pôles scientifiques : Bassora et Koufa pour l’Irak, la Syrie, et les deux Lieux saints Médine et la Mecque. Il s’agit des centres névralgiques de la diffusion de la prophétie (Coran, sunna) et des matières religieuses qui l’étudient comme l’exégèse, le hadîth, le fiqh, le culte, les mœurs, etc.  

Il regroupa donc les lectures de sept spécialistes notoires parmi les plus grandes références en la matière en vue de concorder leur nombre avec les  « sept lettres » qui caractérisent le Saint Coran. Jamais il n’a prétendu, ni d’ailleurs aucun autre savant, que cela désignait la même chose ; tout comme il n’a jamais avancé qu’il était interdit d’avoir recours à une récitation non répertoriée par ses soins.



D’ailleurs, une grande référence en qiraât déplora qu’ibn Mujâhid préféra Hamza à Ya’qûb el Hadhramî, le doyen de la grande mosquée de Bassora, et le maitre des grands « récitateurs » de la ville au début du second siècle du calendrier hégirien. À sa place, il les aurait intervertis. Les musulmans sont également d’accord pour dire qu’il n’existe aucune contradiction notoire entre les différentes variantes. Au contraire, il s’agit de synonymes ou des mots ayant des sens très proches. ‘Abd Allah ibn Mas’ûd nous en donne une illustration : « Cela revient à dire « viens », « avance », ou « approche » pour exprimer la même chose ! »[3]



Les termes employés ne sont pas nécessairement équivalent en tout point, mais tous, en tout cas, sont aussi vrais et aussi pertinents les uns que les autres. La pluralité des vocables choisis exprime un enrichissement, non un antagonisme (il s’agit d’une divergence de pluralité, non d’opposition).



Un hadîth qui remonte au Prophète (r) illustre parfaitement cette règle : « Le Coran fut révélé de sept manières, nous enseigne-t-il, peu importe que tu achèves un Verset par [Allah est Absoluteur et Tout-Miséricordieux] ou [Allah est Puissant et Sage], puisqu’Il n’est pas autrement ; à condition de ne pas employer des Noms exprimant la Miséricorde divine dans un contexte de châtiment, et inversement. »[4]



Voici plusieurs exemples de variantes reconnues : [rabbannâ bâ’id] et [bâ’id] [Saba ; 19] ; [illâ an yakhâfâ an lâ yuqîmâ] et [ illâ an yukhâfâ an lâ yuqîmâ ] [La vache ; 229] ; [wa in kâna makruhum li tazûla] et [li yazûla minhu el jibâl] [Ibrâhîm ; 46] ; [bel ‘ajibta] et [ bel ‘ajibtu] [Les rangées d’anges ; 12], etc.

Certaines variantes, qui globalement ont le même sens, détectent certaines nuances, comme : [yakhda’ûn] et [ yukhâdi’ûn ] [La vache ; 9] ; [yakdhibûn] et [yukadhdhibûn] [Ibrâhîm ; 46] ; [lamastum] et [ lâmastum] [Les femmes ; 43] ; [ hattâ yathurna] et [wa yathurna] [La vache ; 222], etc. 

Ces variantes qui émettent des nuances au niveau du sens sont toutes aussi vraies les unes que les autres. Celles-ci ont la même valeur sacrée que n’importe quel Verset du Coran comparé à d’autres Versets. Nous y donnons foi, et nous adhérons à leurs enseignements que nous traduisons dans la pratique. Il est inadmissible de favoriser une lecture aux dépens de sa variante sous prétexte qu’elles seraient contradictoires, car : « Qui renie une seule lettre du Coran, prévient ‘Abd Allah ibn Mas’ûd, le renie en entier. »



Au demeurant, la plupart des variantes n’offrent aucune distinction conséquente au niveau de la signification et de leur construction syntaxique. Celles-ci intègrent les lectures dites « principales » qui s’intéressent à la différence de prononciation entre les variantes rencontrées lors de la récitation : vocalisation de la hamza, accents toniques, inflexions et variations vocaliques (syllabes longues/brèves, synérèses), inclinaisons, et signes diacritiques interchangeables, la prononciation de la lettre « râ » avec ou sans emphase. Celles-ci ne constituent aucune problématique, contrairement à celles qui dénotent une variété de morphèmes ayant une influence sur la signification d’un passage donné.



Or, que nous ayons affaire à une divergence de forme exclusive ou à une divergence de fond et de forme, dans les deux cas, nous ne repérons aucun changement significatif de la phrase. Ces variations de formes s’arrêtent donc sur la différence de prononciation d’un seul et même vocable. Elles sont encore différentes des variantes de forme qui constatent des mots différents pour exprimer la même chose. On parle alors de synonymes dont la fonction est de fournir des compléments d’information n’ayant aucune incidence sur l’idée générale de la phrase. Les variations de forme intègrent logiquement une même « lettre » parmi les sept révélées par le Seigneur de l’Univers. Leur place au sein d’une même « lettre » est plus justifiable que celle des variantes de forme ou de fond dont l’écriture est conforme à la vulgate othmanienne prévue pour les diverses options de vocalisation et de points diacritiques.



C’est pourquoi, il y a consensus chez les savants musulmans parmi les anciens et les grandes références soulignant l’interdiction d’imposer à grande échelle la récitation des « sept lectures ». Il est tout à fait possible d’utiliser la lecture d’el A’mash, le maitre de Hamza ou de Ishâq ibn Ya’qûb à condition qu’elle soit certifiée chez l’utilisateur en question, au même titre que les variantes de Hamza et de Kisâî. Sur ce point règne un consensus chez les savants de référence. La plupart des Imâms qui connurent la lecture de Hamza, à l’instar de Sofiane ibn ‘Uyaïna, Ahmed ibn Hanbal, Bishr ibn el Hârith, optèrent pour les versions des deux maitres médinois Abû Ja’far ibn el Qi’qâ’, et Shaïba ibn Nassâh, mais aussi celles des doyens  bassoriens tels que les maitres de Ya’qûb ibn Ishâq, aux dépens des variantes de Hamza et de Kisâî.



Les déclarations des spécialistes sur ce thème n’échappent pas aux connaisseurs. Nous remarquons notamment que les grandes sommités d’Iraq ont recensé dans leurs écrits dix ou onze lectures ayant autant de traces historiques que les sept lectures classiques. Ils récitaient ces « versions concurrentes » lors et en dehors de l’office rituel, ce qu’aucun érudit ne leur a jamais contesté. Il y a donc un consensus sur ce point.



À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] El Hijr ; 9

[2] Le chercheur ‘Abd el ‘Azî Qârî a mené une étude exhaustive de ce hadîth tant au niveau de sa chaine narrative que de sa signification dans les milieux spécialistes. Hadîth el ahruf e-sab’, qui est le titre de cette étude, nous apprend en substance qu’il règne encore aujourd’hui une énorme énigme sur l’interprétation des « sept lecture ». Mohammed Amîn Shanqîtî, l’un des plus grands exégèses des temps modernes fera l’aveu qu’il n’est jamais parvenu à la déchiffrer. C’est d’ailleurs paradoxalement la clef qui met à mal la thèse orientaliste, car pour jeter le discrédit sur ces « sept lecture », il faut déjà savoir à quoi celles-ci correspondent. Ce qui en soi est un miracle. Pourtant, les islamologues nous ont habitués à inverser les rôles, là où le Coran montre sa splendeur, ils y voient des failles. Une chose est sûre est qu’ils sont passés maitres dans l’art de la suspicion et des insufflations fallacieuses en vue de déstabiliser les musulmans les plus crédules qu’ils savent incultes en la matière. L’autre volet de cette recherche porte sur l’analyse technique du texte en question. Il en ressort, mais est-ce étonnant, qu’il soit communément transmis et admis par les spécialistes. Celui-ci est répertorié par pratiquement tous les recueils de hadîth. Il fut rapporté, en effet, par Bukhârî, Muslim, Tirmidhî, Nasâî dans son sunan, mais aussi dans ‘amal el yawm wa el laïla, Abû Dâwûd, Mâlik, ibn Hibbân, el Qâsim ibn Sallâm, Abû Dâwûd e-Tiyâlisî, Ahmed, Abû Ya’lâ, Abd e-Razzâq, ibn Abî Shaïba, Tabarânî, Tahâwî avec de nombreuses versions dans mushkirat el âthâr, Tabarî, el Baïhaqî, et el Hâkim.

En outre, dans fadhâil el Qur-ân, ibn Kathîr a enregistré ses différentes voies narratives, et ibn Hajar s’est chargé d’en faire l’explication, tout comme ibn Qutaïba, et Daïnûrî.

Il fut également l’objet d’une analyse approfondie de la par de ‘Ijlî, Abû Shâma, comme nous allons le voir ici, et ibn el Jazarî.

Dans sa chaîne narrative, nous trouvons en amont des Compagnons illustres tels que trois des Califes ‘Omar, ‘Uthmân, ‘Alî, Ubaï ibn Ka’b, ‘Abd Allah ibn Mas’ûd, Abû Huraïra, Mu’adh ibn Jabal, Hishâm ibn Hakîm ibn Hizâm, ibn ‘Abbâs, el ‘Amr ibn el ‘Âs, Hudhaïfa ibn el Yamân, ‘Ubâda ibn Sâmit, Sulaïmân ibn Sard el Khuzâ’î, Abû Bakra el Ansârî, Abû Talha el Ansârî, Anas ibn Mâlik comme le rapporte Ubaï, Samura ibn Jundub, Abû Juhaïb el Ansârî, ‘Abd e-Rahmân ibn ‘Awf, et même une femme Ayyûb.

Il fut rapporté également par l’intermédiaire d’Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî, el Muswar ibn Makhrama (si on s’en tient à l’hypothèse qu’il compte parmi les Compagnons).

Nombreux sont les successeurs de la première génération et les grandes références de la religion qui ont narré ce hadîth grâce à une multitude de voies et de chaines narratives.

La seule histoire qui opposa Omar à Hishâm nous est parvenue grâce à trois voies narratives (ce point à lui tout seul démonte la thèse du spécialiste numéro un mondial de la canonisation du Coran) ; l’une venant de l’Imâm Mohammed ibn Shihâb Zuhrî sur lequel François Déroche a jeté son dévolu, qui l’a entendu de ‘Urwa ibn Zubaïr, qui l’a lui-même entendu d’Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî. Il est rapporté également d’après ibn Shihâb, selon l’Imâm Mâlik, selon ‘Uqaïr ibn Khâlid, selon Ma’mar ibn Râshid el Azdî, selon Yûnas ibn Yazîd, le captif de Mu’âwiya, ‘Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el ‘Azîz el Ansârî, Fulaïh ibn Sulaïmân el Khuzâ’î, et Shu’ab ibn Abî Hamza.

La seconde voie passe par Ishâq ibn ‘Abd Allah ibn Abî Talha, selon son père, selon son grand-père, selon ‘Omar ibn el Khattâb.

La dernière voie, qui elle est faible, part de ‘Ubaïd Allah ibn ‘Omar, selon Nâfi’, selon ibn ‘Omar, selon son père ‘Omar.

El Bukhârî le fait remonter à Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî et el Muswar ibn Makhrama, pour lequel nous l’avons vu son affiliation aux Compagnons est controversée, qui le rapportent directement d’Omar.


[3] Narration rapportée par Sa’îd ibn Mansûr (n° 34), et Abû ‘Ubaïd dans fadhâil el Qur-ân (n° 752), etc. avec une chaine narrative authentique.

[4] Hadîth authentique rapporté selon Ubaï ibn Ka’b par Ahmed (5/124), et Abû Dâwûd (n° 1477).

mt1955

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Re: Initiation à la science de la canonisation du Coran

Ecrit le 05 juil.19, 08:52

Message par mt1955 »

a écrit : « Qui renie une seule lettre du Coran, prévient ‘Abd Allah ibn Mas’ûd, le renie en entier. »
Voilà pourquoi il faut avoir fait de longues études, être un érudit pour trouver une unité à ce qui n'en a pas.
Les bornes sont placées à l'avance, à l'étudiant de se débrouiller pour que ses conclusions soient conformes à l'attendu.
Adieu bon sens, et ce qui vient de Dieu est noyé sous les fausses croyances humaines.
Ainsi vont les religions avec leurs œillères.

amalikost

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Re: Initiation à la science de la canonisation du Coran

Ecrit le 05 juil.19, 11:39

Message par amalikost »

Le problème , kharim , c est qu il y a plusieurs corans manuscrits qui ont bien plus et bien davantage de différences qu une seule lettre ...



la lecture / qira'a de Ubayy ibn Ka'ab a ces mots supplémentaires: "et il en est le père". Cela signifie Ubayy ibn Ka'ab a récité la sourate 33: 6 comme suit:

Le prophète est plus proche des croyants que de leur propre personne, et il en est le père et ses femmes sont leurs mères. ... (Coran 33: 6)

Problème : un autre verset précise que Muhammad est le père d aucun des musulmans . ( Coran 33:41 )

Comment se fait il qu une des lectures rajoute une contradiction interne dans le coran et que les autres lectures la suppriment ?



En réalité quand un traducteur musulman traduit un coran , il choisit un verset , puis consulte les différentes lectures parmi les 7 ahruf et les 10 qirat , et choisit selon lui de façon arbitraire le verset qui lui plait le plus ..

N est ce pas frauder ?

Citizenkan

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Re: Initiation à la science de la canonisation du Coran

Ecrit le 05 juil.19, 23:21

Message par Citizenkan »

Initiation à la science de la canonisation du Coran 2/3



Or, l’anecdote d’ibn Shanbûdh relatée par el Qâdhî ‘Iyâdh (qui accepterait l’idée marginale que le Coran fut transmis par le sens, ndt.), que les auteurs après lui ont intégré dans leurs ouvrages, explique que les savants de l’époque s’étaient farouchement opposés à ses lectures jugés singulières. Ibn Shanbûdh, qui vécut au quatrième siècle de l’Hégire, ne se gênait pas pour les psalmodier au cours de ses prières. Celles-ci, en effet, étaient singulières, comme nous allons le démontrer, et furent donc écartées de la vulgate canonique. Ibn Shanbûdh fut l’objet d’une cabale, qui est notoire, à cause de ses récitations non-canoniques qu’ils diffusaient dans les rangs du commun des mortels.



Cela dit, aucun savant n’a jamais affiché son mécontentement à l’encontre des « dix lectures ». En revanche, il est possible d’ignorer l’existence de certaines d’entre elles, ou, tout au moins, d’ignorer leur autorité, à l’exemple des habitants du Maghreb qui vivent loin des berceaux scientifiques d’où s’est répandue la discipline des qiraât. Le cas échéant, il n’y a aucun mal qu’un individu mette de côté ce qui, de son point de vue, n’a aucune légitimité historique. Cette légitimité qui, selon les termes du scribe du Prophète Zaïd ibn Thâbit, se transmet par voie orale. C’est cette même méthodologie que les musulmans ont adoptée vis-à-vis des éléments de la tradition qui leur sont parvenus (formules d’introduction à la prière, formules d’appel à la prière externe et interne, description de la prière de la peur, etc.). Ces derniers ne mettent en pratique que ceux sont dont ils connaissent l’autorité, non le reste. En même temps, ils n’ont pas le droit de remettre en question ni d’afficher leur opposition contre les traditions qui ne sont pas en vigueur chez eux dans la mesure où celles-ci concèdent une origine scripturaire dont ils n’ont pas connaissance. L’Élu (r) préconise d’éviter toute source de division à travers le hadîth : « Ne vous livrez pas à la dispute qui a causé la perte des civilisations anciennes. »[1]



[Les variantes singulières des Compagnons]



Il existe des variantes singulières non répertoriées par le codex du Khalife ‘Othmân, à l’exemple du Verset dont la transmission est imputée à ibn Mas’ûd et Abû Dardâ dont voici les termes : [Wa e-laïl idhâ yaghshâ • Wa e-nahâr idhâ tajallâ • wa e-dhakari wa el unthâ]. Celui-ci fut consignée par les deux recueils de référence Bukhârî et Muslim.[2] Ibn Mas’ûd rapporte d’autres Versets non retenus, à l’exemple de : [Wa siyâmu thalâthati ayyâmi mutatâbi’ât] ; [in kânat illâ zaqiyatan wâhida]. A-t-on le droit de réciter au cours de la prière ces lectures qui sont formellement imputées à des Compagnons ? Les savants sont partagés sur la question en deux avis qui sont, tous les deux attribuées de façon notoire à l’Imâm Ahmed, mais aussi à l’Imâm Mâlik.



Le premier avis l’autorise étant donné que cet usage était répandu chez les Compagnons, et leurs successeurs directs. Le second, qui est adopté par la majorité des savants, interdit d’avoir recours à des lectures dont la narration remontant jusqu’au Messager (r) n’est pas communément transmise (mutawâtir). Et, quand bien même elles le seraient, elles perdraient toute légitimité à compter de la « dernière révision » effectuée par l’Ange Gabriel qui signe l’abrogation de toutes celles qui n’ont pas été validées ce jour-là.



D’après Bukhârî, selon ‘Âisha et ibn ‘Abbâs (t) : « Jibrîl (u) faisait réviser le Coran une fois par an au Prophète (r), sauf la dernière année peu avant sa mort où il effectua une double révision. »[3] Ce fut cette touche finale qui servit de base à la lecture des Compagnons comme Zaïd ibn Thâbit, et à la compilation du Coran par écrit sous l’autorité des quatre Khalifes Abû Bakr, ‘Omar, ‘Othmân, et ‘Alî. À l’époque du premier, le texte sacré fut rassemblé sur des feuillets (suhuf) par le scribe du Prophète sous l’autorité du Commandeur des croyants et du vice-Khalife. Il fallut attendre le Khalifat d’Othmân pour voir les premiers exemplaires du Coran (masâhif) qui furent envoyés aux quatre coins de l’Empire. Cette « recension » reçut l’aval de tous les Compagnons sans exception y compris ‘Ali.



Pour bien comprendre la problématique posée par l’auteur de la question au sujet de l’origine des « sept lectures » qui correspondrait ou non à l’une des « sept lettres » du Coran, il faut garder à l’esprit le point suivant. Autrement dit, aux yeux de la grande majorité des savants dans les rangs des anciens et des grands Imâms, les « sept lectures » correspondrait effectivement à l’une des « sept lettres ». Ces derniers vont jusqu’à affirmer que le codex d’Othmân n’est rien d’autre que cette « lettre » en question ayant eu pour modèle la dernière révision avec l’Archange. Cette position est corroborée par l’ensemble des hadîth et des narrations transmis par un nombre non négligeable de narrateurs et ayant atteint une grande notoriété dans les milieux savants. À l’opposé, nous avons un certain nombre de légistes, lecteurs, et théologiens spéculatifs qui pensent que le Coran actuel contient les fameuses « sept lettres ».



Ce postulat fut défendu par une frange des théologiens du Kalâm, dont le Qâdhî Abû Bakr el Baqillânî est l’un des plus fervents représentants. Ils partent du principe qu’il est impensable que la transmission des « sept lettres » fut perdue en cours de route. En effet, la recension ‘othmanienne, qui fut validée à l’unanimité de la Nation, impliqua de renoncer à certaines lectures jugées non canoniques. À l’ère du troisième Khalife, un comité fut formé sous la direction de Zaïd avec la mission de regrouper dans un même livre tous les écrits recensés à l’initiative des deux premiers successeurs de l’Ami de Dieu (r). Après la consultation des Compagnons autour de lui encore vivants, ‘Othmân fit porter des copies dans les différentes cités musulmanes pour leur signifier la norme adoptée. Ses ambassadeurs avaient pour ordre d’annoncer l’abandon de toute récitation qui n’était pas fidèle à cette norme.



Aux yeux d’el Baqillânî et de ceux qui soutiennent la même tendance, il est inconcevable que cette disposition khalifienne interdise la lecture d’éléments incorporant les « sept lettres ». Les tenants de l’autre opinion objectent souvent en s’inspirant de l’argument évoqué par Mohammed ibn Jarîr Tabarî, entre autre, et qui maintient que la lecture des « sept lettres » n’était pas imposée à la communauté entière. Il s’agissait d’une simple permission qui avait vocation de faciliter la lecture en accordant à ses membres le choix d’opter pour la « lettre » qui leur convient. En outre, l’ordre des chapitres du Coran ne fut pas imposé par un Commandement du ciel, mais fut laissé à l’initiative des musulmans. C’est ce qui explique la différence d’agencement constatée notamment entre la version d’ibn Mas’ûd et celle de Zaïd.



En revanche, l’ordre des Versets relève de la Révélation. Le comité de recension ne jouissait pas de la prérogative d’intervertir les Versets à leur guise, contrairement à ce qui fut le cas avec les sourates. Par rapport à cela, selon le raisonnement de Tabarî, le choix d’écarter « six lettres » pour n’en garder qu’une relève de ce légitime effort d’interprétation qui consista d’un accord commun à unifier la lecture en vue d’éviter toute prochaine division dans les rangs. Si l’on sait que les musulmans sont immunisés de sombrer dans l’erreur collective, nous concevons parfaitement que cette initiative n’allait en aucun cas enfreindre un devoir ou violer un interdit.



Plus d’un tenant de cette dernière tendance avance l’argument que l’usage, dans un premier temps, des « sept lettres » fut toléré au cours de la phase d’adaptation. Au terme de cette phase, les musulmans habitués au style coranique étaient désormais en mesure de supporter une lecture uniforme qu’ils adoptèrent d’une seule voix. Si dans un premier temps, la pluralité des « lettres » avait pour fonction de faciliter la lecture, désormais l’uniformisation des « lettres » – calquée sur la « dernière révision » érigée en norme venant abroger, selon cet avis, les « lectures » écartées – a vocation de simplifier la vulgarisation du Coran.



Aux dires des défenseurs de cet avis, les versions personnelles des Compagnons comme Ubaï ibn Ka’b et ibn Mas’ûd qui ne respectent pas cette nouvelle norme, sont jugés invalides. Or, on attribue à tort au dernier cité d’autoriser une récitation basée sur l’esprit du Coran, et pas forcément sur la lettre. Pourtant, ibn Mas’ûd, qui nous révèle le fond de sa pensée, est très clair. Il nous apprend en substance que, je cite : « J’ai observé les différents lecteurs, et je me suis rendu compte que les diverses récitations qu’ils utilisaient se rejoignaient sensiblement. Cela revient à dire « viens », « avance », ou « approche » pour exprimer la même chose ! Alors, vous n’avez qu’à réciter de la façon dont on vous l’a apprise.  »[4]



Par ailleurs, ceux qui autorisent l’utilisation des lectures abrogées, à condition qu’elle soit imputée à l’un des Compagnons de façon formelle, partent du postulat qu’elles font partie intégrantes des « sept lettres » d’où elles puisent leur légitimité. Leurs adversaires dans ce débat émettent quatre objections courantes. Soit ils avancent que ces lectures invalides n’intègrent pas le corpus des « sept lettres » ; soit ils soutiennent qu’elles l’intègrent, mais qu’elles sont abrogées ; soit ils mettent en avant qu’un consensus des Compagnons se dégagea pour les abandonner ; soit ils prétextent qu’aucune narration répondant aux critères en norme ne vient valider leur affiliation au Coran. De là, nous constatons une différence d’approche entre les anciens et les modernes.



C’est ce qui nous ramène vers une troisième vision sur la question. Celle-ci, qui est notamment soutenu par mon grand-père le doyen Abû el Barakât, préconise l’interdiction, dans la mesure du possible, de réciter la fatiha selon une lecture abrogée. Auquel cas, la prière est invalide, étant donné qu’on n’est pas en mesure de vérifier de façon formelle l’affiliation de cette lecture au Coran, alors que la récitation de la fatiha constitue l’un des piliers de validité de la prière. Pour la récitation facultative de la prière, il est toléré d’usiter une lecture abrogée, car rien n’indique formellement non plus que celle-ci ne soit pas issue des « sept lectures ». Ce compromis part du principe que l’impossibilité de vérifier qu’une lecture abrogée intègre les « sept lectures » ne signifie pas forcément qu’elle en est exclue. Cette démarche, qui a gagné les faveurs de la grande majorité des savants, suppose qu’il est impossible d’affirmer ou d’infirmer de façon formelle l’affiliation au Coran d’une lecture abrogée, étant donné que cela ne relève pas de notre ressort.



Cette vision est contestée par certains théologiens du Kalâm, à l’image de Baqillânî, qui refusent formellement d’attribuer au Coran une lecture abrogée. Ce même Baqillânî va jusqu’à protester contre l’allégation de Shâfi’î et autre, selon laquelle la basmala qui introduit chaque sourate du Coran est considérée comme un Verset (le problème ne se pose pas avec la sourate la fourmi qui contient en son sein la formule : bismi Allah e-Rahmân e-Rahîm). Selon lui, cette allégation relève de l’effort d’interprétation. Il incombe donc, le cas échéant, de l’exclure formellement du corpus coranique.



Bien sûr, Baqillânî se trompe, étant donné que la basmala entre sans équivoque dans le texte coranique pour y avoir été introduit par la plume des Compagnons qui avaient pour principe de ne retranscrire rien d’autre que la Révélation. Leurs écrits étaient dépourvus des mentions telles que le nom des sourates, la subdivision de la lecture en dix ou cinq parties. Au même moment, cela ne justifie pas d’avancer que la basmala soit un élément constitutif de la sourate précédente ou de la sourate suivante. Elle constitue donc un Verset autonome qui fut révélée par Dieu en introduction à chaque chapitre du Coran, mais sans n’en faire partie. Voici sur la question l’opinion la plus juste.



De toute façon, dans tous les cas, les avis avancés sur la question relèvent du pur effort d’interprétation qui n’implique aucune condamnation à la grande ou à la petite hérésie. On pourrait, au mieux, invoquer la solution envisagée par plusieurs savants qui coupent la poire en deux. Ces derniers ne donnent tort ni aux uns ni autres si l’on considère que la basmala est un Verset selon certaines lectures qui s’en servent pour partager les sourates ; mais si l’on considère aussi qu’elle n’est pas un Verset selon d’autres lectures qui ne l’utilisent pas pour partager les sourates qu’elles enchainent sans marqueur les distinguant.



À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Hadîth rapporté par Ahmed (n° 3624), et Bukhârî (3/158).

[2] Voir : Bukhârî (n° 4943), et Muslim (n° 824).

[3] Voir : Bukhârî (n° 4998).

[4] Narration rapportée par Sa’îd ibn Mansûr (n° 34), et Abû ‘Ubaïd dans fadhâil el Qur-ân (n° 752), etc. avec une chaine narrative authentique.

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Initiation à la science de la canonisation du Coran 3/3




Quand à la question : Pour quelles raisons l’écriture du codex final a-t-il suscité des divergences de lectures entre les grands spécialistes ?



Nous disons en réponse que les divergences en question proviennent de deux grands facteurs grâce auxquels le Législateur a fait preuve de souplesse en matière de lecture : la preuve scripturaire et la langue Arabe. Les avis personnels n’ont pas leur place dans cette équation, étant donné que les règles de la lecture obéissent à une tradition en vigueur. La règle de base sur laquelle tout le monde s’entend est l’obligation de se conformer à la vulgate officielle. Et, les différences de points diacritiques faisant passer de la lettre « yâ » à « tâ » entre dans la panoplie de lectures offerte par le codex ‘othmanien.



Pour mieux comprendre ce point, il faut savoir qu’à certains endroits, le « yâ » ou le « tâ » s’impose selon l’avis unanime, alors qu’ailleurs, le codex supporte les deux éventualités. Nous avons un parfait exemple avec le Verset : [wa mâ Allah bi ghâfilin ‘ammâ ya’malûn] [La vache ; 74]. Il y a deux passages où les deux lectures sont possibles, contre un seul passage qui n’admet qu’une lecture possible. Nous avons vu que deux possibilités de récitation sont comparables à deux Versets. Plus le nombre de lectures augmente plus, logiquement, le nombre de Versets augmente. Néanmoins, dans la mesure où l’écriture permet plusieurs possibilités de lectures, nous économisons le format du texte.



[La transmission du Coran par voie orale]



La transmission du Coran repose sur la mémorisation des poitrines, non sur les manuscrits disponibles, nous dit un hadîth authentique : « Mon Seigneur m’a ordonné, déclare l’Élu (r) : « Lève-toi, et avertis Quraïsh, ton peuple !

Seigneur, s’exclama-t-il, alors ils me fracasseront la tête !
Je vais t’éprouver, et éprouver les hommes par ton intermédiaire en te révélant un livre que l’eau ne peut effacer. Tu le liras à l’état de sommeil ou d’éveil, envoie tes armées, Je te fournirais le double en renfort, fais la guerre à ceux qui de désobéissent avec pour armée ceux qui t’obéissent, et dépenses sur Mon sentier, et je t’enrichirais ! »[1]


Ce texte démontre clairement que le Prophète (r) lit le Coran dans n’importe quelle situation, et qu’il n’y a pas besoin pour le conserver de manuscrit que l’on pourrait effacer à l’eau, puisque ce rôle revient aux poitrines. Les Juifs et les chrétiens s’appuient sur leurs écritures pour transmettre leurs lois aux générations futures, et pour la lecture, car ils sont incapables de les réciter par cœur en entier, alors que les membres de la nation mohammadienne : « contiennent leurs évangiles dans leur poitrine. », nous relatent les annales. Une narration authentique relaté dans le recueil de Bukhârî nous enseigne que le Coran fut « regroupé » en entier dans les cœurs par plusieurs Compagnons du vivant du Bien-aimé (r). Nous comptons parmi eux les quatre « mémorisateurs » du clan médinois que sont : Ubaï ibn Ka’b, Mu’âdh ibn Jabal, Zaïd ibn Thâbit et Abû Zaïd,[2] mais aussi ‘Abd Allah ibn ‘Amr.[3]



Nous venons de démontrer que les « sept lectures » imputées à Nâfi’ et ‘Âsim ne correspondent pas aux « sept lettres », et cela à l’unanimité des anciens et des modernes. De la même façon que les « sept lectures » ne constituent pas une compilation d’une seule « lettre » à l’unanimité des savants de référence. Les autres lectures, qui sont véhiculées de façon certifiée par les grands lecteurs à l’instar d’el A’mash, Ya’qûb, Khalf, Abû Ja’far, Yazîd ibn el Qa’qâ’, Shaïba ibn Nassâh, etc. ont la même légitimité que les sept « canoniques » pour ceux qui, nous l’avons vu, constatent leur authenticité. Ce dernier point est également frappé d’un consensus des grands Imam au sein notamment des légistes et des lecteurs.



Il faut donc plutôt chercher la divergence du côté des modernes. Alors que la vulgate d’Othmân reçut l’aval d’un commun accord des Compagnons, de leurs fidèles successeurs, et des grandes références de la religion qui les ont suivis, les modernes se sont posés la question de savoir si les sept, voire les dix lectures ou autre incorporent les « sept lettres » dont parle la Révélation. Autrement dit, s’agit-il d’une seule « lettre » ou bien des sept à la fois ? Deux grandes tendances se partagent sur la question. Il y a d’un côté les grands Imams des premières générations et les savants en général, et d’un autre côté, nous avons une frange des lecteurs et des adeptes de la théologie spéculative. Dans tous les cas, tout le monde est d’accord pour dire qu’aucune contradiction de sens n’a été enregistrée entre les variantes issues des « sept lettres ». Ces variantes sont homogènes au même titre que les Versets du Coran, dans le sens où elles se confirment les unes les autres.



La pluralité des variantes supportées par le squelette consonantique du codex est mue par la volonté du Législateur d’offrir une panoplie de choix, sur la base, bien sûr, des textes scripturaires, non des impressions des uns et des autres. Et, selon l’opinion que ces variantes correspondent aux « sept lectures », cela ne pose aucun problème de compréhension, et à fortiori, s’il s’agit d’une seule « lettre ». Effectivement, le Législateur offre un panel suffisant de « sept lectures » adaptées aux besoins des adeptes de la religion naissante, malgré des différences matérielles sur le support écrit. Alors, à fortiori, cette opportunité est plus patente lorsque le support écrit est homogène et qu’il supporte des variantes consonantiques. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les premiers exemplaires du Coran ne comportaient pas de signes diacritiques ni de vocalisation afin de laisser le choix au lecteur. On n’y distinguait pas le « yâ » du « tâ », et les voyelles brèves n’étaient pas mentionnées en vu d’élargir les possibilités de récitation. Le « squelette » écrit proposait pour une même forme plusieurs variations phonétiques.

Ainsi, de la même manière qu’une même forme écrite renvoie à plusieurs opportunités phonétiques, un même vocable renvoie à deux significations différentes (de type complémentaire, non d’opposition, ndt.). Les Compagnons ont reçut leur instruction du Coran par l’intermédiaire du Prophète (r) chargé de leur transmettre son esprit et sa lettre. C’est ce que nous dit en substance Abû ‘Abd e-Rahmân e-Sulamî. D’ailleurs, ce dernier est celui qui rapporte le hadîth qui lui a été transmis par ‘Othmân (t) : « Le meilleur d’entre vous est celui qui s’instruit du Coran avant de l’enseigner. »[4] Lui-même a enseigné le Livre sacré durant quarante ans. Hé bien ce fameux Abû ‘Abd e-Rahmân e-Sulamî raconte : les maitres qui nous ont enseigné le Coran, à l’image d’Othmân et d’Abd Allah ibn Mas’ûd, nous ont appris qu’à leur époque, ils mémorisaient dix Versets qu’ils recevaient de l’enseignement direct du Prophète (r), et ils ne passaient pas aux dix Versets suivants avant de les avoir assimilés et mis en pratique. Ces derniers nous confièrent : « Nous avons à la fois appris le Coran et étudié ses enseignements que nous avons mis en pratique. »



Nous comprenons mieux désormais le hadith : « Le meilleur d’entre vous est celui qui s’instruit du Coran avant de l’enseigner. » Il fait allusion à l’instruction à la fois de la lettre et de l’esprit. Je dirais même que l’ambition qui se cache derrière l’instruction de la lettre est la compréhension du sens. Et c’est là que vient une montée de foi. Jundub ibn ‘Abd Allah tout comme, entre autre, ‘Abd Allah ibn ‘Omar nous font profiter de leur expérience : « Nous nous sommes instruit de la foi avant de nous instruire du Coran, et c’est à ce moment-là que nous avons connu une montée de foi. Alors que vous autres, vous vous instruisez du Coran avant de vous instruire de la foi. »



D’après Bukhârî et Muslim également, selon Hudhaïfa, le Messager d’Allah (r) nous a rapporté deux propos dont un auquel j’ai déjà assisté, et j’attends encore d’assister au second. Il nous a dit en effet : « La loyauté fut inspirée du ciel dans le cœur des hommes, tout comme le Coran leur fut révélé… »[5]  

Quoi qu’il en soit, il serait trop long ici de développer ce point. Retenons juste que le Prophète a assuré la transmission du Coran aux hommes par la lettre et par le sens. Après lui, ses Compagnons ont véhiculé aux générations futures la foi et les deux dimensions que recouvre le Livre sacré, la lettre et l’esprit qui relèvent ensemble de la Révélation insufflé à Mohammed (r), comme nous l’informe le Seigneur Tout-Puissant : [C’est ainsi que Nous t’avons révélé un Esprit émanant de Notre Ordre, alors que tu ne connaissais ni l’Écriture ni la foi, mais nous en avons fait une lumière par laquelle nous guidons sur le droit chemin les serviteurs de Notre choix ; et toi, tu conduis sans conteste sur une voie droite].[6]  



Pour conclure, il est autorisé de réciter lors et en dehors de la prière les diverses lectures qui sont supportés par le codex de base, et dont la transmission fut certifiée au même titre que les lectures canoniques. Le cas échéant, elles ne sont pas considéré comme « singulières », wa Allah a’lam !



Conclusion



Voir : El jawâb e-sahîh li man baddala din el Masîh (3/10-26).



Tous les enseignements de l’Islam qui font l’objet d’un consensus auprès de ses adeptes émanent du Prophète par le biais de chaines narratives communément transmis (mutawâtir) qui les érigent au rang d’éléments élémentaires de la religion, tels que les cinq piliers de l’Islam, la condamnation du polythéisme, de l’injustice, des jeux de hasard, de l’usure, du vin, de l’adultère, etc. Ces informations sont aussi solides que les termes du Coran d’où elles procèdent et qui ont également été véhiculés par l’intermédiaire de chaines narratives communément transmises. Les musulmans jouissent de trois sources scripturaires qui sont parvenus jusqu’à nous grâce à une succession de narrateurs dont il est impossible en temps normal qu’ils aient d’un commun accord menti délibérément. Ce sont : les termes du Coran, son sens pour les points sur lesquels règnent un consensus, et la tradition prophétique communément transmise.



Par ailleurs, les musulmans gardent  le Coran dans leurs poitrines avec une telle garanti qu’ils n’ont pas besoin d’exemplaires existants pour assurer sa conservation. C’est ce que nous promet le hadîth divin cité ci-dessus, et dont voici un extrait : « Je vais t’éprouver, et éprouver les hommes par ton intermédiaire en te révélant un livre que l’eau ne peut effacer. Tu le liras à l’état de sommeil ou d’éveil… »[7] Il nous dit en substance que l’eau peut effacer l’ancre des écrits, non les paroles mémorisées dans les cœurs, contrairement aux anciennes Écritures. Si les juifs et les chrétiens venaient à les perdre, ils ne pourraient plus les reconstituer grâce à un nombre de « mémorisateurs » suffisant afin de les valider. Une sommité juive ou chrétienne est tout à fait capable de falsifier des copies de l’AT et du NT sans que ses coreligionnaires les plus érudits ne s’en rendent compte. Ceux-ci seraient obligés de les confronter à leurs exemplaires existants. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans les faits. Il est possible que des rabbins ou des prêtres mémorisent leur livre par cœur, sauf que leur nombre, trop limité, n’atteindra jamais le degré de « communément transmis ». On ne pourrait se fier à leur seule mémorisation aussi honnêtes soient-ils, en sachant que nous disons cela par condescendance si l’on sait que la transmission continue de la Bible par voie orale fut très tôt interrompue. C’est la raison pour laquelle, ils n’adoptent pas la science de la narration à leurs écrits, à la manière des musulmans qui ont développé cette discipline comme aucune autre civilisation ne l’avait jamais fait dans l’histoire de l’Humanité.

À l’inverse, il existe suffisamment de musulmans qui connaissent le Coran par cœur pour en assurer sa conservation. Il est impossible aujourd’hui d’y insérer le moindre changement. Il suffirait d’exposer ces manipulations à des madrassa pour enfants pour dévoiler leur supercherie, sans prendre la peine de se référer aux originaux. Il est matériellement impossible de falsifier le Coran grâce à ce double paramètre : sa conservation dans les poitrines et sa transmission communément admise. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas des erreurs éventuelles introduites dans certaines copies, mais les lecteurs les détectent sans s’aider des exemplaires intacts. Cela veut dire en revanche qu’en supposant que tous les exemplaires du Coran soit éradiqués de la surface de la terre, ce serait sans conséquences sur sa conservation.

Ainsi, le Coran fut transmis par le sens et par la lettre. À partir du moment où certains éléments de l’esprit du Coran fassent consensus, leur conservation est aussi bien assuré que celle de la lettre. C’est la preuve que la falsification du Coran n’a eu lieu ni au niveau de l’esprit ni au niveau de la lettre.



Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/


[1] Hadîth rapporté par Muslim (n° 2865).

[2] Hadîth rapporté par Bukhârî (n° 5005) et Muslim (n° 2465).

Ailleurs, ibn Taïmiya note que plusieurs Compagnons connaissaient le Coran par cœur du vivant du Prophète, et que de toute façon, les uns avaient acquis ce que d’autres ignoraient, et que donc les uns compensaient ce qu’il n’y avait pas chez les autres ; sa compilation et sa conservation furent effective grâce à ces chaines narratives communément transmise.

Voir : El jawâb e-sahîh li man baddala din el Masîh (3/21).

[3] Hadîth rapporté par Ahmed (2/163).

[4] Rapporté par el Bukhârî (n° 5027).

[5] Hadîth rapporté par Bukhârî (n° 6497) et Muslim (n° 143).

[6] La concertation ; 52

[7] Hadîth rapporté par Muslim (n° 2865).

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