Zouzouspetals a écrit :
Mais tous les chrétiens étaient-ils juifs, à cette époque ? Le texte biblique porte un terme grec : ἁλληλουϊά (hallēlouïa). Comme pour Youpi, Hourra, OK..., vous n'avez pas besoin d'en connaître l'étymologie pour comprendre et utiliser cette exclamation. Que des chrétiens d'origine juive aient entendu, dans ces Alléluias, plus qu'une simple expression d'allégresse, c'est fort possible. Mais très vite, cela n'a plus dû être le cas de la majorité des chrétiens.
Le verset 5 du chapitre 19 de l'Apocalypse fournit d'ailleurs la signification de ces "Alléluias" : "Louez notre Dieu", et non pas "Louez Yah". Même là où il pourrait placer le nom abrégé de Dieu, dans cette explication de ce que signifie étymologiquement les alléluias entendus, l'auteur de l'Apocalypse préfère utiliser theos !
La comparaison frappe par sa grossièreté... L’expression
hallēlouïa est d’un tout autre registre que celui des « Youpi, Hourra, OK, … ». Au Ier siècle, on ne fait pas une lecture superficielle des textes sacrés. On les lit, on les relit, on les creuse. On cherche à comprendre. Jean éclaire parfois ses récits en dévoilant la signification de certaines expressions d’origine hébraïque comme rabbi, messie, etc. ("ce qui signifie", "ce qui se traduit", ...). L’argument se retourne contre vous : pourquoi l’apôtre ne traduit-il pas ou ne donne-t-il pas la signification de
hallēlouïa, répétée plusieurs fois, si l’expression est inconnue de « la majorité des chrétiens » à qui s’adresse la Révélation ? Se pourrait-il qu’elle soit claire pour le lectorat de Jean : une référence au nom abrégé de Dieu (-ïa) qui est un formidable écho au nom divin, Yahvé ? Les « vingt quatre anciens » et les « quatre créatures vivantes » sont en adoration devant le trône de Dieu quand
hallēlouïa est proclamé. C'est bien la preuve que le nom divin tient toujours une place dans la liturgie chrétienne à cette époque.
Visiblement, d'après le témoignage des Ecritures, Jésus était tellement "enclin à employer le nom divin, à le faire de manière opportune", qu'il n'a pas réussi à trouver une seule occasion convenable pour cela. Même quand il a enseigné à ses disciples à prier "Notre Père" ; même quand il ne s'adressait qu'à eux, et non pas aux foules, il n'a jamais prononcé le nom tétragrammique hébreu de Dieu. A moins qu'il l'ait fait quelquefois mais que les rédacteurs néo-testamentaires n'aient pas songé une seule fois à reproduire correctement ses paroles à ce sujet ? De ce que nous pouvons lire dans le Nouveau Testament, il ne s'est pas présenté la moindre opportunité (soit pour Jésus de le dire, soit pour ses disciples de l'écrire) pour insérer quelques יהוה dans le texte.
Jésus n’a pas « trouvé une seule occasion » pour prononcer le nom divin ? Ses disciples n’ont pas eu « la moindre opportunité » pour insérer le tétragramme ? Le simple fait que le NT renferme des citations de l’AT devrait vous dissuader d'être à ce point péremptoire. Par ailleurs, je vous rappelle que les Evangiles ne constituent pas un compte rendu minute par minute des moindres faits et gestes de Jésus : «
si jamais on les écrivait dans le détail [les choses que Jésus a faites], le monde lui-même, j’imagine, ne pourrait contenir les rouleaux écrits » - Jn 21:25. Au sujet des citations : Mt 4:1-11 contient par exemple des extraits de l’AT. En réponse à chaque tentation, Jésus cite à Satan le Deutéronome et ses citations renferment le tétragramme dans le texte hébreu (Dt 6:16, 8:3, 10:20). A votre avis, Jésus a-t-il cité le verset de mémoire telle qu'il se trouvait dans les Ecritures hébraïques ? En d’autres termes, dans cette situation si particulière, Jésus prononce-t-il le nom divin qui est selon Pr 18:19 «
une tour forte. Le juste y court et se trouve protégé » ? ou, en présence du Diable, se contente-t-il d'un titre impersonnel pour désigner Dieu ? Quid de Matthieu qui est le rapporteur ? Il est aujourd’hui communément admis que son Evangile a été écrit en hébreu avant d’être traduit en grec. Matthieu reproduit des passages de l’AT à l’aide du texte hébreu qui contient le tétragramme. Imagine-t-on ce rédacteur juif se montrer négligeant et préférer des titres comme « Seigneur » et « Dieu » au tétragramme qu'il a sous les yeux ? Nous disposons de la version hébraïque intégrale de l’Évangile de Matthieu qui figure dans l’ouvrage polémique de Shem Tov ibn Shaprut La pierre de touche (Even Boḥan), écrit à la fin du 14e siècle, et qui fait apparaitre dans le texte évangélique l'expression "le Nom" à certains endroits pour désigner Dieu. Cette formule fait naturellement référence au tétragramme. Il y a ainsi de bonnes raisons de penser que l'Evangile autographe de Matthieu contenait des mentions du nom divin.
Tout d'abord, je ne sais pas quelles preuves vous avez pour affirmer que "le nom divin est dans tous les manuscrits, hébreux/grecs confondus, au Ier siècle puis il disparait complément des copies qui sont réalisées au IIe siècle et après". Cette affirmation me paraît totalement infondée.
Et surtout, quelle que soit la situation du nom tétragrammique hébreu de Dieu au 1er siècle, on ne trouve, dans le Nouveau Testament, aucune allusion à un problème avec l'utilisation et/ou la prononciation du nom divin entre Jésus, les chefs religieux et le peuple juif. Ce qui laisse à penser que, dans ce domaine, Jésus et ses disciples ne détonnaient pas de leurs concitoyens. De deux choses l'une, alors : soit Jésus et ses disciples tout comme les chefs religieux et le peuple n'employaient pas le nom tétragrammique hébreu de Dieu (יהוה) ; soit ils l'employaient tous pareillement.
Vous ne pouvez pas postuler une différence radicale d'utilisation entre Jésus et ses disciples d'une part, les religieux et leurs ouailles d'autre part, sans aucune réaction opposée des uns et des autres.
Ce que j’essaye de vous dire c’est que la recherche et les découvertes de ces dernières décennies ont fait considérablement progresser la connaissance biblique. Nous savons désormais que, à l’époque de Jésus, les rouleaux de la Septante contenaient le tetragramme, et que ce nom disparait des copies ultérieures. A partir du IIe siécle, il est remplacé par un substitut "Seigneur" ou "Dieu" sous la forme des
nomina sacra, phénomène curieux et inédit. Parallèlement à cela, les manuscrits du NT datés de 150 à 400 de notre ère, les plus anciens connus, présentent tous des
nomina sacra pour désigner Dieu (voir un
tableau comparatif sur le site de Didier Fontaine). Faut-il y voir une simple coïncidence ? Comment ne pas faire le rapprochement ? Il est aujourd’hui bien connu que la plupart des écrits du NT ont été rédigés au Ier siècle et qu’ils incorporent des citations de l’AT/la Septante (estimé à 10% de son corpus). Les rédacteurs du NT, tous Juifs, ont-ils recopié fidèlement les passages qui font mention du tétragramme ? Quant aux copies des écrits judéo-chrétiens : sont-elles rigoureusement fidèles aux originaux ? Les
nomina sacra de la Septante retrouvés dans le NT ne feraient-ils pas écho au nom divin, comme le soutiennent certains érudits (cf. le professeur Georges Howard), et ne devraient-ils pas nous interroger un tant soi peu sur le texte qui nous est parvenu ? Sinon à quoi sert la critique textuelle ?
Comment pourrait-on blâmer les Juifs d'avoir, par superstition, oublié la prononciation puis l'utilisation du nom tétragrammique hébreu de Dieu (יהוה), si les chrétiens, après eux, l'avaient utilisé ? Sans compter que, si Jésus et ses disciples avaient employé le nom יהוה (de façon opportune mais assez fréquente tout de même), pourquoi n'en retrouve-t-on aucune trace, aucun יהוה, aucun Yah, aucun équivalent en grec, dans le Nouveau Testament ? Ils l'auraient utilisé, mais de manière si discrète que personne n'aurait rien (re)marqué, c'est ça votre thèse ?
Au temps de Jésus : la prononciation du nom divin n'est ni "oubliée", ni interdite entre Juifs (avec les Gentils jugés païens, c'est différent). La classe sacerdotale connait le nom divin. Le grand prêtre, par exemple, prononçait le tétragramme 10 fois à l’occasion du jour de l’expiation, fête annuelle juive aussi connue sous le nom de
Yom Kippour. Le grand prêtre n’était pas le seul à connaître et prononcer le nom divin. le Talmud,
Berakhot, 40b rapporte : «
Toute bénédiction dans laquelle le nom divin n’est pas mentionné n’est pas une bénédiction ». Il n’était pas exclu de faire usage du nom divin lorsque qu’un Juif adressait une bénédiction à un autre Juif. Le peuple connaissait-il se nom ? Flavius Josèphe raconte que pendant le siège de Jérusalem en 70, les Juifs se trouvaient dans une telle détresse qu’ils «
imploraient, ils invoquaient le redoutable nom de Dieu » (
GJ V, 438). Le peuple, dont Jésus et ses disciples étaient, connaissaient le nom divin et l'employaient à certaines occasions. Il est invraisemblable, quand l’on connaît ces éléments et d’autres, que Jésus n'ait jamais employé le grand et saint nom de son père : Jéhovah. L'interdiction totale de faire usage du nom divin est donc à situer dans une époque postérieure à celle de Jésus.
Tout cela est votre interprétation qui n'arrive pas à assimiler cette vérité pourtant évidente : le Dieu du Nouveau Testament n'est pas appelé du nom hébreu tétragrammique qu'il portait dans l'AT. Pourquoi ne parvenez-vous pas à comprendre que, d'une langue à l'autre, d'une foi à l'autre, Dieu a cessé de se faire désigner comme יהוה, nom ineffable[/b] devenu imprononçable ? Sans doute parce que, en tant que Témoin de Jéhovah, vous avez besoin de voir Jéhovah dans l'ensemble de la Bible, ce qui n'est pourtant pas le cas.
Votre examen est partiel et partial. Partiel parce que vous lisez le NT indépendamment de l’ancien. Partial parce que vous vous insurgez qu’une traduction biblique puisse introduire dans son texte le nom divin 237 fois, quand elle est fondée à le faire en cas de citations bibliques, mais vous êtes, curieusement, complaisante et silencieuse à l’idée qu’une autre traduction puisse supprimer le nom divin près de 7000 fois sans autre raison que le conformisme/la tradition (rabbinique). Et pour justifiez cette contradiction, vous n’avez pas d’autre choix que de postuler l’ineffabilité du nom divin qui n’a, rappelons-le, aucun fondement biblique. Absolument aucun. A l’entrée ineffable, le TLFI donne cette définition : «
Qu'il est impossible de nommer ou de décrire, en raison de sa nature, de sa force, de sa beauté. » Qu’est-ce à dire ? Dieu serait impossible à nommer et à décrire. Pourquoi Dieu se donne-t-il un nom et fait-il le voeu que celui-ci dure à jamais s’il est « impossible de (le) nommer » ? Pourquoi Dieu se présente-t-il à Moïse par son nom et en donne-t-il la signification si celui est ‘impossible à décrire’ ? Citez moi un verset de la Bible, un seul, qui déclare que le nom de Dieu est ineffable ?
De quels livres s'agit-il ? Du Nouveau Testament, de l'Ancien Testament, de commentaires... ? Où sont-ils passés, tous ces livres chrétiens qui renfermaient le nom divin ?
Le passage auquel je fais référence provient de la
Tosefta, que l’on date ordinairement de la fin du IIe siècle, Sabbath XIII, 5 :
[En cas d’incendie], on ne sauve pas les guilyonim et les livres des Minim, ils brûlent sur place avec les mentions [du Nom de Dieu qu’ils renferment]. R. Yossi le Galiléen dit : « Les jours de semaine, on se met à lire les mentions [du Nom de Dieu], et on les met à l’abri, tandis qu’on brûle le reste ». R. Tarfon déclare : « Que je sois privé de mes enfants [plutôt que de manquer], si [ces livres] tombaient dans mes mains de les brûler, eux, et les mentions [du Nom de Dieu qu’ils renferment], car si l’on me poursuit, j’entrerai dans un lieu d’idolâtrie mais je n’entrerai pas dans leurs maisons, car les idolâtres (serviteurs de dieux étrangers) ne Le connaissent pas et Le renient alors qu’eux Le connaissent et Le renient ». Et c’est pour eux que le verset dit : « Derrière la porte et les linteaux, tu as installé ton mémorial » (Is 57, 8). R. Ismaël dit : « Puisque pour faire la paix entre un homme et sa femme, Dieu dit : Que mon Nom écrit dans la sainteté soit effacé avec de l’eau ; les livres des Minim qui entraînent l’inimitié, la jalousie et les dissensions entre le peuple juif et son Père qui est aux cieux, à plus forte raison pourra-t-on les briser, eux, et les mentions [du Nom de Dieu qui s’y trouvent] ». Et c’est pour eux que le verset dit : « Certainement, je hais ceux qui te haïssent, et ceux qui se dressent contre toi, je les déteste. Je les hais infiniment, je les considère comme des ennemis » (Ps 139, 21-22). Et de même qu’on ne les sauve pas d’un incendie, on ne les sauve pas non plus d’un éboulement, d’une inondation et de tout ce qui pourrait les perdre.
Ici, les
Minim sont identifier aux judéo-chrétiens. Comme le fait remarquer Dan Jaffé dans son article intitulé
Les sages du Talmud et l’Evangile selon Matthieu - Dans quelle mesure l’Evangile selon Matthieu était-il connu des Tannaïm ? publié dans la Revue de l’histoire des religions (2009) : "
L’une des questions fondamentales liées à ce passage est l’identification du terme « guilyonim » (גיליונים). Ce terme a fait l’objet d’importantes études depuis le XIXe siècle. Parmi les critiques s’étant intéressés à son analyse, nombreux sont ceux qui proposent d’y voir la corrélation guilyonim/Évangile. C’est par exemple le cas avec J. H. Schorr, J. M. Jost, J. Derenbourg, A. H. Goldfahn, H. Graetz, L. Goldschmidt et B. W. Helfgott. Selon cette approche, le vocable « guilyonim » serait une translittération hébraïque du grec εύαγγέλιον (euaggelion)." Ce point est tout a fait intéressant. Si ce terme
guilyonim correspond bien aux Evangiles, comme le soutiennent de nombreux érudits, alors ce document prouve que des judéo-chrétiens possédaient des exemplaires des Evangiles qui mentionnaient le nom divin. Devrait-on s’en étonner quand le NT incorpore des passage des Ecritures hébraïques qui, elles, en sont truffées ?
Jésus parle du Nom, il ne dit jamais יהוה. Ce qui est conforme à l'usage juif de se référer au nom de Dieu par HaShem (Le Nom), sans le prononcer. En cela, Jésus n'a pas dérogé à l'usage de ses contemporains.
Vous venez d’admettre que Jésus a bien à l’esprit « Le Nom » de Dieu dans sa prière modèle. Un auditeur juif sait de quoi il s’agit : Jéhovah. Si « Le Nom » de Dieu devient caduque pourquoi Jésus y fait-il référence ici ? Si « Le Nom » n’a plus d’importance, pourquoi Jésus attire-t-il l’attention de ses disciples sur sa sanctification ? Comment d’ailleurs sanctifier un nom dont on ne fait jamais usage ? pire, un nom qui serait destiné à l’oubli ? Il y a quelque chose qui cloche dans votre histoire. Par ailleurs, comment se fait-il que Dieu n'ait pas fait préciser quelque part que son nom, Jéhovah, n'était plus d'actualité avec l'avénement du christianisme ? Quand on voit la polémique qu'il y a eu autour de l'abandon de certaines références juives comme la circoncision, on a du mal à croire que les premiers chrétiens aient décidé de leur propre chef d'abandonner le nom divin et que cela soit passé comme une lettre à la Poste.
Ceux qui étaient nés et éduqués dans la foi juive, peut-être, sachant que le nom aux quatre lettres était alors déjà ineffable, lu "Adonaï" (Seigneur) et mentionné dans les conversations usuelles "HaShem" (le Nom). Mais qu'en était-il des Romains, des Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens, Colossiens... ? Le christianisme n'est-il qu'une branche du judaïsme, dont tous les croyants sont nés et éduqués dans la foi juive ?
De quel christianisme parle-t-on ? Du christianisme hybride des siècles suivants ? Il suffit de lire des auteurs chrétiens du IIe siècle comme le pseudo-Barnarbé, pourtant présent dans le
Codex Sinaiticus, avec ses interprétations de l'AT tirées par les cheveux pour constater la dérive... Les manuscrits grecs du NT les plus anciens que nous possédons datent de cette période post-apostolique. Pas avant. Les copistes ne sont pas étanches aux superstitions et philosophies. On est tout à fait fondé à se demander si ces chrétiens d'origine Gentile ou hellénisés ont pris des libertés dans leur travail ou se sont soumis à une tradition humaine bien établie. A dire vrai, les choses commencent à déraper du temps des apôtres déjà. Dans ses lettres, Paul met plusieurs fois en garde ses compagnons contre des membres de la congrégation déviants (2 Tm 2:16-19). Que la religion chrétienne ait mal tourné ensuite, en développant des concepts contraires à la foi chrétienne primitive (trinité, enfer, ...), c'est une chose bien connue des historiens qui ne qualifient pas le phénomène de cette façon (ce sont des historiens, pas des théologiens !), mais qui n'en soulignent pas moins l'évolution et les bouleversements que l'église et son credo connurent.
Comment Jésus est devenu Dieu de Frédéric Renoir aborde un de ces changements et pas des moindres... Et cette ambiguité du texte grec du NT qui nous est proposé par la critique textuelle entretient une confusion entre le Père et le Fils avec des "Seigneur" dans toutes les citations de l'AT, quand le texte hébraïque contient le tétragramme. Du coup on ne sait plus vraiment qui est qui et cela profite bien sûr à une doctrine qui émerge au même moment : la Trinité. Bref, tout ce grand bazar, à laquelle a été exposée la tradition manuscrite chrétienne, ne surprendrait pas un lecteur assidu de la Bible : Jésus et ses apôtres avaient annoncé une apostasie sans précédent après leur mort/départ (Mc 13:24-30, Ac 20:29, 2 Th 2:3, 2 Pi 2:1).
Pas plus qu'un Bjr en début de message ou un Cdlt à la fin. Les nomina sacra sont des abréviations. Comme dirait Asimov, "au prix du papyrus", il valait mieux écrire de façon succincte.
Combien de mètres de papyrus pouvait-on économiser en abrégeant
kurios par
KS ? Et quand les copistes choisissent d'abréger un mot comme
stauros qui, des Evangiles à la Révélation, n'apparait que 28 fois, est-ce toujours pour une économie substantielle de payrus ? « Bonjour » est-il dans la même veine que « Seigneur », « Dieu » ou « Jésus » ? Pourquoi avoir abrégé des noms sacrés (d’où
nomina sacra) plutôt que des mots secondaires, de moindre importance ? L’enjeu ne se situerait-il pas ailleurs que dans une économie de fourniture ? Tout simplement.
C'est justement ce que vous ne parvenez pas à faire, obnubilé que vous êtes par l'idée que rien ne devait changer entre l'Ancien et le Nouveau Testament, entre un texte en hébreu et un autre en grec, entre un récit national juif et des lettres "au monde entier ».
Les différences de formes, écrit tantôt en hébreu, tantôt en grec, ne sont pas la preuve que Dieu a changé. L’ouverture sur le monde, caractéristique du christianisme, non plus : il est l'évolution d'un dessein, pas un changement de Dieu. Il est l’abandon de la Loi, pas la perte d’un attribut divin.
Oui, en effet, le nom divin a si bien disparu des manuscrits chrétiens comme juifs, que l'on n'a plus aujourd'hui aucune idée de ce qu'il était. Si ça se trouve, les Juifs, Jésus et ses apôtres l'appelaient Cunégonde, allez savoir.
On se demande bien, d'ailleurs, où Jérôme a bien pu pêcher son histoire de Dieu PIPI ; parce que, dans votre Histoire parallèle, le Tétragramme יהוה avait complètement disparu bien avant la fin du IVe siècle, non ? Je vous cite : "le nom divin est dans tous les manuscrits, hébreux/grecs confondus, au Ier siècle puis il disparait complément des copies qui sont réalisées au IIe siècle et après". D'où pouvait bien sortir le Tétragramme que connaissait Jérôme ?
Parce que vous oubliez que cohabitent des versions bibliques d’époques différentes. Ce n’est pas parce que le nom disparait des manuscrit de la Septante au IIe, IIIe et IVe siècle qu’il ne se trouve plus de versions grecques antérieures à ces versions et contenant le nom.
Quel crime ?
Le crime de celui qui « aveugle l’intelligence des incrédules » et qui vous fait prendre des vessies pour des lanternes (2 Co 4:4). En bref, pour soutenir votre position, il vous faut 1) juger que la tradition manuscrite chrétienne est irréprochable et ne souffre d'aucune altération dans une période transitoire où l'apostasie fait rage, 2) estimer que l’AT ne sert pas à comprendre le NT, qu'ils sont indépendants, et souhaiter que l’ambiguité subsiste dans le NT avec le terme « Seigneur », quand un coup d’oeil à l’AT suffirait à distinguer le Père et le Fils, ou la lecture de la TMN/de Chouraqui/de Tresmontant ferait apparaitre immédiatement cette distinction dans le texte, et 3) souscrire à une tradition non biblique qui présente Dieu comme ineffable et faire ainsi l’impasse sur les près de 7000 occurrences du nom divin, sans aucune preuve scripturaire à l'appui sinon peut-être 1).
Cela ressemble bien à un raisonnement circulaire. C'est le serpent qui se mort la queue !

Le dieu de ce système de choses a aveuglé l’intelligence des incrédules - 2 Co 4:4