Les chrétiens vont introduire une révolution théologique, puisqu'ils vont transférer à Jésus-Christ le titre Kyrios. Expliquer ce transfert, c'est définir la foi chrétienne. L'Église naissante proclame la seigneurie du Christ, actualisée par sa résurrection : "Que toute la maison d'Israël le sache donc bien :
Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié !" (Actes 2,36) et :
Jésus est Seigneur [Romains 10, 9].
Dans sa prière, l'Église naissante garde longtemps l'invocation primitive araméenne : Marana tha,
Notre Seigneur, viens ! [1 Corinthiens 16, 22 ; Apocalypse 22, 20].
La première confession chrétienne :
"Jésus est Seigneur" (Romains 10, 9) ; : "personne ne peut déclarer : «
Jésus est le Seigneur ! », s'il n'est pas inspiré par l'Esprit saint".(1 Corinthiens 12, 3) ; : "puisque vous avez reçu
Jésus Christ comme Seigneur, vivez unis à lui" (Colossiens 2, 6).
Or cette souveraineté du Christ, à l'avant-plan dans le titre Kyrios, est celle de Dieu même, si bien qu'on transfère au "
Seigneur de tous" [Actes 10, 36] ce qui convenait à Yahweh seul, par exemple l'invocation du Nom [Actes 2, 21 : "Alors quiconque invoquera
le nom du Seigneur sera sauvé."], ou les gestes et formules de
l’adoration :
"pour qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue reconnaisse que
Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu, le Père." (Philippiens 2, 10-11)
a écrit :Tu dis que Jésus c'est "le Père fait chair" mais alors quand il prie en disant "Père" des dizaines de fois à qui s'adresse t-il? A lui même ou à un autre dont il a reconnu selon Jean 14:28:" Le Père est plus grand que moi"?
Philippes,
A l'évidence les TdJ n'ont rien compris à la divinité du NT et notamment de l'évangile de Jean. Il n'est pas question d'"identifier" purement et simplement le "Yahvé" de l'AT au "Jésus-Christ" du NT -- mais pas non plus à son "Père": c'est plus compliqué que ça. Il y a d'un "Testament" à l'autre, si l'on veut les totaliser et les comparer ainsi, une
redistribution de la "divinité" d'une figure unique (en général) à une figure double (au moins), de sorte qu'une identification terme à terme est le plus souvent une erreur. Par contre, que les textes du NT parlent habituellement de Jésus-Christ comme ceux de l'AT parlent de Yahvé, ça me paraît une évidence massive, que
l'obsession de l'identité (qui est qui ?) a précisément tendance à occulter.
En Jean 1,1 ; l'absence d'article devant theos attribut oriente la compréhension du prédicat vers la "nature" plus que vers "l'identité", vers le "quoi" plutôt vers le "qui". Il s'agit de CE qu'est le logos et non de QUI il est (comme dans 'Dieu est amour" il s'agit de CE qu'est Dieu et non de QUI il est). Le Logos partage la même NATURE divine que Dieu, il est issu de la substance divine.
Ainsi, La divinité de l'évangile de Jean est
dynamique, elle part du Père au Fils et du Fils aux élus. Le Père étant la
source de cette divinité partagée, elle est paradoxalement corollaire d'une absolue
dépendance du Père ("je ne fais rien de moi-même", etc.) qui peut aussi s'exprimer en termes de
subordination (noter que le fameux "le Père est plus grand que moi", en 14,28, fait écho au v. 12: la divinité manifestée dans les élus après le départ de Jésus et son retour au Père sera "plus grande" qu'en lui seul; cf. 1,50; 5,20; 10,29; et 12,20ss). Toutes choses qui se comprennent très bien dans une perspective dynamique, mais qui deviennent des contradictions insurmontables dès lors qu'on les analyse en termes statique et rationnelle (Jésus ne peut pas ÊTRE à la fois dieu et inférieur à dieu, etc.)
"Car le Père est ami du Fils, et il lui montre tout ce que lui-même fait ; il lui montrera des œuvres plus grandes encore, pour que, vous, vous soyez étonnés." (5,20)
"Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout — et personne ne peut l'arracher de la main du Père. Moi et le Père, nous sommes un." (10,29-30)
"Amen, amen, je vous le dis, celui qui met sa foi en moi fera, lui aussi, les œuvres que, moi, je fais ; il en fera même de plus grandes encore, parce que, moi, je vais vers le Père" (14,12)