A la suite de cette petite digression sur la
gynolâtrie éventuelle de St Jean, je suis assez curieux de savoir comment cette « femme vêtue de soleil » est interprétée par ceux qui ne croient pas qu’il s’agit de Marie. L’image de cette femme vêtue de soleil est très audacieuse du fait de son allusion au Ps 104, et à mon sens
unique dans la Bible. Que peut-on en dire d’autre ? C’est une vraie question.
5-
Mère Universelle, Mère de l'Eglise (adopté le 21/11/1964) Rappelé par Benoit XVI, le 8/12/2007.
Réponse : non il ne s’agit pas de mariolâtrie, ces formulations peuvent être jugées fausses ou excessives, mais ne sont pas mariolâtres d’après nos critères ci-dessus. La seconde fois où Jésus appelle Marie : « femme » est moment de la Croix. Le texte dit : «
Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme voici ton fils. » (Jn 19.26). Ce verset est interprété en fonction de la « femme » de la Genèse (Gn 3.15) et la « femme vêtue de soleil » d’Ap 12.1. Pour les Catholiques et les Orthodoxes cette « femme » est Marie. Comme il a été dit plus haut, la descendance de Marie c’est l’Eglise. Ap. 11.19 : « Dans sa fureur contre la femme, le dragon porta le combat contre le reste de sa descendance ceux qui observent les commandements de Dieu et gardent le témoignage de Jésus ». D’autres passages de l’Evangile (connus de tous) Jésus souligne la primauté de la filiation spirituelle sur la filiation naturelle. Les catholiques donnent donc à Jn 19.26 une signification extensive à tous les disciples de Jésus, au delà de la figure de Jean : « le » disciple par excellence. Dans le sens de cette interprétation, c’est Marie qui sert d’appui spirituel à Jean et alors Jean apporte le soutien matériel à Marie. Cet appui est spirituel et non
décisionnaire dans l’Eglise primitive comme on le voit écrit - justement pour nier ce rôle
décisionnaire à Marie.
6-
Reine du Ciel (retour en arrière).
J’ajoute que les catholiques ne sont pas polythéistes. L’assimilation « Reine des cieux » (1947) avec la « Reine du Ciel » proposée par
césar (ci-dessus) s’adosse à un panthéon polythéiste avec des rapports « familiaux » entre dieux et formation de couples ou au moins de relations sexuées entre dieux. L’expression « Reine du Ciel » fait allusion à Jr 7 et Jr 14 ; elle semble renvoyer au culte d’Astarté, déesse d’origine phénicienne aux multiples noms suivant la culture d’adoption : Athtart, Shaushka ou Shaushga, Ashtart, Ishtar, Inanna, Aphrodite, Turan, Vénus ou Tanit, etc. Il reste constant que ces divinités païennes sont incluses, quelque soit leur nom, dans un panthéon et sont en couple. Astarté est une des compagnes de Seth dans la mythologie égyptienne, son équivalent forme l’élément féminin du couple suprême avec Ba’al dans la mythologie babylonienne. Ces déesses ont des fonctions variées, mais souvent liées à la
fertilité et à la
fécondité, au thème de la
terre. La Bible se différencie parce qu'elle lie la « femme » au thème de la "vie" (Gn 3.15). Si
césar a raison, il faudrait démontrer que les catholiques professent ou cachent cet arrière fond polythéiste. Tâche ardue …. et même impossible à mon avis. Mais nous en venons à un des aspects de cette accusation, d’après césar toujours : Astarté «
se cache derrière la figure de l'humble servante de Nazareth, elle se déguise en "Marie", une Marie divinisée, qui en fait reçoit les attributs de cette puissance démoniaque » :
http://jesusetlabible.blogspot.com/2006 ... -ciel.html. Comment cela est-il possible ? Au fond, une seule explication possible : le catholicisme aurait un recours à l’
ésotérisme. Il nous parait important de souligner que l’accusation n’est pas doctrinale, mais renvoie à la thèse d’une
possession des catholiques : « le pape et les catholiques sont aux mains des esprits mauvais, la grande prostituée c'est l'Eglise catholique ». C’est la thèse de
Rebecca Brown que j’ai citée ci-dessus et de beaucoup de livres évangéliques que j’ai lus. Il n’existe naturellement aucune parade humaine à ce genre d’accusation. Je crois connaitre assez bien le sujet, ayant vécu longtemps et Afrique … en pratique : c’est une accusation très grave, qui désunit profondément les familles et qui laisse en général des traces difficiles guérir. C’est l’accusation que l’on se jette à la tête quand ou souhaite la mort de son parent de son voisin ou au moins qu’on espère bien ne plus le voir ou avoir affaire à lui en cette vie.
césar le sait-il, l'assume-t-il ?
7-
St Alphonse de Liguori : "Tout est soumis a l'empire de la Vierge, tout et Dieu lui-même, c'est Marie qui tient notre salut entre ses mains "- Ch. V dans son œuvre " Gloire de Marie. page 120 ". Franchement, je ne connais pas du tout cet auteur. Une recherche de quelques minutes permet de trouver la formule suivante quelques lignes plus loin : « Il reste toujours vrai que le Fils est tout-puissant par nature, et la Mère seulement par grâce » ce qui signifie d’une part que Jésus est Dieu, que Marie n’est que ce que Dieu lui accorde, mais dire d’autre part que Dieu accorde la « toute puissance » à Marie est abusif.
http://www.livres-mystiques.com/partieT ... apit6.html. (Chapitre VI : « Marie est notre avocate »)
Réponse : oui cette proposition est mariolâtre (cas n° 4). Cette proposition est, pour moi,
hérétique comme la suivante d'ailleur
(cas n° 4) :
«
On lit dans les chroniques franciscaines que le frère Léon vit un jour deux échelles, l’une rouge, sur laquelle se tenait Jésus-Christ, l’autre blanche où était Marie. Il aperçut ensuite des âmes qui prenaient l’échelle rouge. Elles montaient quelques échelons, puis tombaient, elles essayaient encore et finissaient toujours par retomber. Alors on les engagea à prendre l’échelle blanche, et le frère Léon les vit monter heureusement, parce que la Sainte Vierge leur tendait la main. Ainsi arrivèrent-elles sans difficultés en paradis ». Les gloires des Marie, page 168.
8-
St Antonin : " Toutes les grâces qui ont été jamais départies aux hommes, leur sont venues par le moyen de Marie ".
St Bernardin : " C'est par la bienheureuse Vierge Marie, que toutes les grâces de la vie spirituelle descendent de Jésus-Christ ".
St Bernard de Clairvaux : « Marie est l'Aqueduc si désirable par lequel que s'il est quelques espérance d'obtenir la grâce d'arriver à la gloire, nous ne pouvons la voir réaliser que par l'entremise de Marie ».
St Bonaventure : " Nul ne peut rentrer dans le ciel, sans passer par cette bienheureuse Porte qui est Marie ».
Richard de St Laurent Abbé de Celles : "La volonté de Dieu et que nous ayons tout par Marie ": "Dieu n'accorde aucun bien a ses créatures sans les faire passer par les mains de la Sainte Vierge » - « Il faut recourir a cette Trésorière des grâces, seul canal par où le monde et chaque homme en particulier puissent recevoir les faveurs qu'ils attendent de Dieu". Toutes ces citations appartiennent à ce que j’appellerai la représentation de la «
canalisation de la grâce ou du salut ».
Réponse oui : (cas n° 5 ou 6) , sans correctif ou complément doctrinal, ces formulations sont mariolâtres.
Or ce complément doctrinal existe avec une représentation claire : « nul n’approche Jésus que par Marie et nul ne va au Père que par Jésus » :
«
La miséricordieuse Trinité demeure la Source Primordiale et vivificatrice de tout, le Verbe Incarné ayant accompli en Personne la Rédemption du Monde sur la Croix, ramène par son Eglise tout le cortège des rachetés dans le sein du Père. Le Christ a voulu associer sa Mère à toute son activité de Médiateur. Il a fait d’Elle la Co-Rédemptrice du Monde et la Trésorière de toutes les grâces de la Trinité. « Nul ne va au Père que par le Fils » - « Nul n’approche du Christ que par sa Mère ».
Léon XIII (1891).
Réponse : non, cette représentation n’est pas finalement pas mariolâtre puisque la Primauté de Dieu est totale et que Marie dépend totalement de l’association que Dieu veut pour elle. Mais je ne comprends pas ce que signifie : «
Nul n’approche du Christ par sa Mère ». Ou bien je le comprends de la manière suivante : l’exclusivité de Marie, s’il faut en trouver une, est de nous avoir donné Jésus, immense miracle en celle qui n’a jamais fait de miracle. Son exclusivité est de nous avoir donné la Source du Salut qui est Jésus-Christ. Je ne comprends pas non plus la formule : «
Nul ne peut rentrer dans le ciel, sans passer par cette bienheureuse Porte qui est Marie ». L’image de la Porte unique me parait trop exclusive (l’image de la porte existe dans le Nouveau Testament, mais pas du tout dans ce sens). Vatican II (longtemps après Léon XIII) a écrit à propos des relations inter-religieuses qu’à coté de la voie « ordinaire » de l’Eglise, il y avait des « voies extraordinaires » de cheminement vers le salut. Je crois fondamentalement que l’Esprit Saint (qui est Dieu avec le Père et le Fils, n’en déplaise à certains …) a une infinité de manière de nous atteindre et de se manifester à nous. Donc ce qui me gêne n’est pas la vénération de Marie, mais c’est le fait qu’on affirme que c’est une voie exclusive – donc obligatoire. La vénération de Marie dans la prière individuelle des catholiques est optionnelle – pas du tout obligatoire.
9-
Marie Arche d’Alliance. Il existe un parallélisme de terminologie et de structure entre le récit de la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth (Lc 1.39-44.56) et le récit du transport de l’Arche d’Alliance (2 Sam 6.2-16) : voyage dans le région de Juda, manifestations de joie, cris (le terme grec : anaphoneo que la LXX utilise pour les acclamations liturgiques), visite : motif de bénédiction, sainte crainte et délai de trois mois. On retrouve cette Arche d’Alliance qui apparait en Ap. 11.19 comme une aire de paix dans un monde ébranlé par la Fin des Temps : «
Et le temple de Dieu dans le ciel s’ouvrit et l’arche de l’alliance apparut dans son Temple. Alors il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre et une forte grêle ». L’interprétation traditionnelle est que Marie est comme l’Arche d’Alliance qui a contenu les Tables de la Loi comme Marie à porté Jésus. Je vois donc Marie comme cette aire de paix, cette arche d'allliance qui est également la "
femme vêtue de soleil", un recours sûr et paisible en notre monde agité, mais ce recours est facultatif.
Quatre conclusions :
-
Dieu s’est révélé de façon progressive dans la Bible et ces révélations se complètent, elles ne s'annulent pas. D’abord un Dieu «
plus puissant que les autres dieux », puis le monothéisme strict, puis la Trinité révélée par Jésus. IL faut comprendre qu’aucune de ces étapes de la révélation n’annule la précédente. Par exemple : la Trinité n’annule pas le monothéisme (n’en déplaise aux musulmans et à d’autres sans doute). Il en est de même pour tout ce qui est dit de Marie dans l’Eglise catholique. Quoi qu’on dise sur Marie, le Dieu Trine reste de socle doctrinal absolu. Libre à chacun de ne pas vouloir le comprendre …
-
La doctrine mariale de l’Eglise catholique n’est pas mariolâtre. Je pense que ma petite grille d’analyse des textes est claire, sans nécessairement être exhaustive ... elle pourrait être complétée. Elle permet d’éliminer de façon très simple des textes qui sont douteux où mariolâtres, deux exemples sont donnés ci-dessus. Les cas 1. à 3. et 7. de mariolâtrie n’existent à notre avis pas du tout dans l’Eglise catholique.
-
Il faut admettre que l’accusation de mariolâtrie est un peu trop commode, mais pas si claire que ça, peut-être paresseuse. Cette accusation est un
fourre-tout qui évite une analyse plus précise de la doctrine catholique. Nous avons vu que cette accusation recouvre au moins trois volets qui ne peuvent être analysés qu’avec des méthodes différentes : 1. la pratique religieuse déviante (statues, cierges, etc …), 2. Le contenu explicite du dogme et 3. le soupçon d’ésotérisme (doctrine non explicite).
-
A l'inverse de ce qui est craint par beaucoup, la vénération de Marie n'est proposée qu'à ceux qui la comprennent - et non à ceux que cela heurte. Ceux qui ne croient pas à la divinité de Jésus ou ceux pour qui
l'expression même de Marie, Mère de Dieu est déjà mariolâtre en sont manifestement dispensés. Dieu aux milliers de voies pour nous rejoindre, ne nous oblige pas à faire ce qu'on ne comprend pas ou ce à quoi on n'adhère pas. Comme dirait l'autre :
Peace
!