Vu que mon sujet a été effacé (comme tous les autres qui ont été écrits durant ces deux dernières semaines), je le réécris. Mais je me dis alors, autant le faire plus complètement… J’essayerai de m’étendre un peu plus, mais d’être assez court. J’expose ici donc les quelques arguments les plus essentiels fondant mon athéisme. Mais avant tout, j’aimerais traiter d’un autre petit problème (du moins, qui m’apparait comme tel) : l’abus de la science et de l’histoire.
Je m'excuse d'avance pour toutes fautes de frappes, de styles, et même de contenu.
Abus de la science et de l’histoire :
Ni l’histoire, ni la science ne peuvent en eux-mêmes constituer des arguments suffisants contre la religion. Je tenterai de résumer cela ainsi :
La religion ne part pas de faits réels : elle se donne un univers qu’elle modèle à sa façon. Parler de la science avec la religion, c’est comme parler de la littérature avec un chimiste ou du grec avec un latin. La religion se donne l’univers, elle se l’explique d’elle-même ; mais la science ne procède pas de la même manière. Alors que la religion part de ses idées pour former le réel, la science procède du réel pour former ses idées. La religion réduit le réel à ses fantaisies, et fait du réel une fantaisie (un leurre, un monde évanescent, trompeur, etc., où on sent bien l’influence du platonisme d’ailleurs, sur lequel je reviendrai). Vous avez donc là deux raisonnements tout à fait opposés. De plus, vous avez beau remonter aux origines de la vie avec la science, de l’univers, etc., vous tomberez toujours sur des questions métaphysiques que la religion se fera un plaisir de rattacher à elle-même, montrant ainsi la science comme étant vaine, car aboutissant toujours à des apories dont la religion seule détient les réponses.
En ce qui concerne l’histoire, il faut faire très attention à sa contingence. Par exemple, une religion peut se montrer comme nécessaire à une certaine époque de l’histoire, dans un certain contexte, etc. Elle peut aussi se prétendre être supérieure aux autres en mettant en avant la pureté de son histoire face aux autres religions. Mais qu’est-ce que cela nous apporte ? Rien. L’histoire aurait pu être autre. L’histoire d’une nation sous une religion, c’est l’histoire de la nation religieuse, mais bien de la nation, et non de la religion en soi. Par exemple, dans un autre contexte : avons-nous besoin de savoir le nombre de victimes fait par l’esclavage, le colonialisme, le fascisme, l’impérialisme, etc., pour savoir que ces idéologies sont a priori mauvaises ? Non…
Qu’on prenne garde, je ne dis pas que l’histoire et la science sont inutiles ; bien au contraire. Tout esprit libre est fasciné devant la science, de même que l’histoire (je suis moi-même un « admirateur » de Marx, je ne néglige évidemment pas l’histoire) ; mais il faut savoir les interpréter, et ne pas en faire une utilisation abusive. J’essayerai d’ailleurs de montrer ce que moi-même je retiens de l’histoire pour mon athéisme.
Logique :
Ce que je vise ici, ce sont essentiellement les arguments ontologiques. Un argument ontologique est donc un argument qui définit Dieu, sujet de certains prédicats, et en déduit par divers types d’inférence le postulat de son existence.
Par exemple, chez Descartes (qui reformule l’argument ontologique de saint Anselme) : nous avons tous une idée de Dieu. Par définition, Dieu est un être parfait. Donc nécessairement, Dieu existe, car s’il n’existait pas, il ne serait pas parfait.
Ainsi, dire à Descartes « Dieu n’existe pas » revient pour lui à parler d’un Dieu autre que ce dont il parle, à savoir un Dieu qui n’est pas parfait (dont l’essence ne contient pas l’existence).
Avant de traiter ce problème, j’aimerais vous partager un exemple de mon cours :
Le rouge est une couleur.
Le coquelicot est rouge.
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Le coquelicot est une couleur.
Nous partons donc ici de deux prémisses vraies, mais arrivons à une conclusion qui est évidemment fausse. Pour rappel, ce syllogisme est bien valide, et même parfait. Où se trouve l’erreur ?
Avant Kant, on ne pouvait l’expliquer. On pouvait seulement vérifier d’une manière extralogique le bien-fondé du syllogisme. L’erreur se trouve dans le mélange de deux ordres (ou niveaux) de prédicats différents. Observez le coquelicot, et vous voyez qu’il est rouge (propriété). Comment passe-t-on de cette propriété, à la propriété de la propriété ? D’une manière extralogique. Le rouge est une propriété, la couleur est la propriété de cette propriété (prédicat du second ordre). Analysez autant que vous voudrez le coquelicot, rien ne vous permet de dire logiquement que le rouge est une couleur.
Il en va de même pour le prédicat de l’existence. C’est un prédicat du second ordre ; il soutient les choses. Mais encore une fois, vous pouvez analyser autant de fois que vous voudrez un objet singulier, rien ne vous permet de dire (si ce n’est avec un psychologisme, mais la logique se veut être une science pure) qu’une chose existe. Confondre les deux ordres permet de déduire des conclusions fausses à partir de raisonnements valides. Donc tout argument qui part de l’idée d’un être (soit Dieu) pour en arriver à sa conclusion suit une démarche erronée.
Le fait que l’homme conçoit chaque chose qui soit (détermination, etc.) comme existant relève de l’entendement humain, que je tenterai d’exposer ci-dessous.
Ontologie :
Je me rattache ici principalement à Feuerbach. Vous le savez sans doute, Feuerbach est vraiment le père de l’athéisme. Il y en a bien entendu eu d’autres avant lui (Curé Meslier, Diderot, etc.), mais il est certainement le premier à déconstruire la religion de l’intérieur : il la démystifie ! D’ailleurs, on peut voir en Feuerbach (1804-1872) l’origine de l’athéisme marxien, nietzschéen, etc.
Je propose de reprendre ici quelques extraits de l’Essence du christianisme (1841). Personnellement je l’ai lu dans la traduction de Jean-Pierre Osier (éd. Gallimard), mais vous renvoie ici à une vieille traduction de Joseph Roy (1864) pour pouvoir copier/coller plus facilement. Je m’excuse de la longueur assez importante de ces extraits.
D'après ce que nous venons de dire, il ne faudrait pas croire que l'homme sait directement que la conscience qu'il a de Dieu n'est pas autre chose que la conscience qu'il a de lui-même, car c'est précisément le manque de cette connaissance qui est le fondement de l'essence propre de la religion. Pour éviter ce malentendu, il est mieux de dire : la religion est la première, mais indirecte conscience que l'homme a de lui-même ; aussi la religion précède partout la philosophie, non seulement dans l'histoire de l'humanité, mais encore dans celle des individus. Elle est l'être de l'humanité dans son enfance ; mais l'enfant ne voit point en lui même il ne se connaît pas directement ; il se considère comme il considérerait un autre que lui. Le progrès historique des religions consiste en ce que les dernières regardent comme subjectif ou humain ce que les premières contemplaient comme objectif et adoraient comme divin. Les premières religions sont idolâtrie pour celles qui viennent après elles ; celles-ci reconnaissent que primitivement l'homme a adoré son propre être sans le savoir ; c'est là leur progrès, et par conséquent chaque progrès dans la religion est pour l'homme une connaissance plus profonde de lui-même. Mais chaque religion particulière qui accuse ses sœurs aînées d'idolâtrie, croit faire exception à cette règle, et cela nécessairement, car, dans le cas contraire, elle ne serait plus religion. Elle rejette sur les autres religions seulement ce qui est la faute de toute religion, si faute il y a. Parce qu'elle a un autre objet, une autre doctrine qu'elles, doctrine plus élevée et plus pure, elle se figure être au-dessus des lois nécessaires et éternelles qui fondent l'essence de toute religion ; elle considère son objet comme un objet surhumain. Mais ce qu'elle ne peut faire par elle-même, c'est-à-dire étudier sa nature comme un objet quelconque, le penseur peut le faire et aucun de ses secrets ne lui échappe. Et notre tâche, est précisément de prouver que la distinction entre ce qui est humain et ce qui est divin n'est qu'illusoire, qu'elle n'est pas autre chose que la distinction entre l'essence de l'humanité, entre la nature humaine et l'individu, que par conséquent l'objet et la doctrine du Christianisme sont humains et rien de plus. (Introduction, l’essence de la religion en général).
Tu crois que l'amour est un attribut de Dieu parce que toi-même tu aimes; tu crois que Dieu est un être sage et bon parce que tu ne connais rien de meilleur que la bonté et l'intelligence ; tu crois que Dieu existe, qu'il est un sujet, un être, parce que toi-même tu existes, parce que tu es toi-même un être. Tu ne connais pas de bien humain au-dessus de celui d'aimer, d'être sage et bon et en général d'exister; car la conscience de tout ce qui est bon et heureux est liée en toi à la conscience de ton existence. Dieu pour toi existe par la même raison pour laquelle il est bon et heureux. Lia seule différence entre les qualités divines et l'être divin, la voici : l'être, l'existence ne te semble pas un anthropomorphisme parce que dans ce fait que tu es est fondée pour toi la nécessité que Dieu soit ; les qualités, au contraire, te paraissent anthropomorphisme, parce que leur nécessité, la nécessité que Dieu soit sage, bon, juste, etc., n'est pas une nécessité immédiate comme celle de l'existence, mais un produit de l'activité de ta pensée. Sage ou non, bon ou méchant, tu n'en existes pas moins. Exister est pour l'homme la chose première, l'être fondamental nécessaire à son imagination pour qu'elle puisse lui imposer des attributs. Aussi ces attributs, même en Dieu, il peut les nier, les rejeter, tandis que l'existence de ce Dieu est pour lui une vérité absolue et inattaquable. C'est encore une illusion. La nécessité du sujet repose sur la nécessité de l'attribut; tu n'es un être que parce que tu es un être humain; la certitude et la réalité de ton existence dépendent de la certitude et de la réalité de tes qualités humaines. L'attribut est la vérité du sujet; le sujet n'est que l'attribut personnifié, existant. La négation de l'un est donc la négation de l'autre. Même dans le langage ordinaire on se sert des qualités divines, la providence, la sagesse, la toute-puissance pour exprimer l'être divin. ?La certitude de l'existence de Dieu, dont on a dit qu'elle était aussi grande, même plus grande pour l'homme que celle de la sienne propre, dépend par conséquent de la certitude des attributs de Dieu. Pour le chrétien il n'y a que l'existence d'un Dieu chrétien, pour le païen que l'existence d'un Dieu païen qui soit certaine, réelle. Le païen ne doutait pas de l'existence de Jupiter, parce qu'il n'était pas choqué de la nature de ce dieu ; il ne pouvait se représenter la divinité sous aucune autre manière d'être, et cette manière d'être lui paraissait seule sublime et divine. La vérité de l'attribut est la seule caution de l'existence.
Ce que l'homme regarde comme vrai, il se le représente immédiatement comme réel, parce que dans l'origine il n'y a de vrai pour lui, vrai dans le sens de non rêvé, non figuré, que ce qui existe réellement. L'idée de l'existence est l'idée première, originelle de la vérité; ou bien, l'homme fait d'abord dépendre la vérité de l'existence, et plus tard l'existence de la vérité. Eh bien! Dieu est l'être de l'homme contemplé comme la plus haute vérité ; il est donc aussi divers, ou, ce qui est la même chose, la religion est aussi diverse que sont diverses les déterminations sous lesquelles l'homme conçoit sa propre nature; et comme ces déterminations sont essentielles à l'homme, que sans elles il n'existerait pas, qu'elles sont pour lui la vérité, il s'ensuit qu'en Dieu, puisqu'elles sont les mêmes, elles sont aussi la vérité absolue et, par conséquent, la plus haute existence. De là pour chaque religion la certitude de l'existence de Dieu est une certitude immédiate. Aussi nécessairement le Grec était : Grec, aussi nécessairement Grecs étaient ses dieux, aussi nécessairement certaine était leur existence pour lui. La religion est la contemplation de l'essence de l'homme et du monde, contemplation identique, complètement d'accord avec la nature humaine. (Ibid.)
Dans la religion, l'homme divise sa nature en deux natures distinctes, il se met en opposition avec lui même ; il place vis-à-vis de lui Dieu comme un être opposé au sien : Dieu est l'être infini, l'homme l'être fini; Dieu parfait, l'homme imparfait; Dieu éternel, l'homme passager ; Dieu tout-puissant, l'homme impuissant; Dieu saint, l'homme pécheur; Dieu, l'être essentiellement positif, embrasse toutes les réalités ; l'homme, l'être essentiellement négatif, n'exprime que le néant. Mais, comme nous l'avons déjà dit, l'homme dans la religion a pour objet sa propre nature, dont il ne peut pénétrer les mystères. Il faut donc prouver que cette opposition, cette discorde entre Dieu et l'homme n'est qu'une opposition de l'homme avec lui-même, avec son propre être. Cette assertion contient déjà sa preuve en elle-même. En effet, si l'être divin, objet de la religion, était autre que l'être de l'homme, une séparation, un désaccord ne pourrait avoir lieu. Si Dieu est réellement un autre être, que m'importe sa perfection? Un désaccord, une scission ne peuvent se produire qu'entre des êtres qui, malgré leur séparation réciproque, peuvent être un, doivent être un et par conséquent ne font qu'un. De ce principe général il résulte que l'être avec lequel l'homme se sent en désaccord doit être inné en lui, mais en même temps d'une autre nature, d'un autre mode que l'être dont il reçoit le sentiment, la conscience de sa réconciliation et de son unité avec Dieu, ou, ce qui est la même chose, avec lui-même. (I, Dieu comme être de raison ; Osier traduit cela comme : Dieu comme être de l’entendement).
La raison est pour elle-même le criterium de toute vérité, de toute réalité. Ce qui est sans raison, ce qui se contredit n'est rien. Ce qui est en contradiction avec la raison est en contradiction avec Dieu. Ainsi, la raison ne peut allier avec l'idée de la suprême réalité les bornes du temps et de l'espace ; aussi elle les rejette en Dieu. La raison ne peut croire qu'en un Dieu d'accord avec sa propre essence, qu'en un Dieu qui n'est pas au-dessous de sa propre dignité, c'est-à-dire elle ne croit qu'en elle-même, en la vérité, en la réalité de sa propre essence ; elle ne se met pas sous la dépendance de Dieu, mais Dieu sous la sienne. Même dans les temps de foi aux miracles et à l'autorité religieuse elle se faisait, sinon en réalité, du moins d'après la forme, le criterium de la Divinité. Dieu, disait-on alors, est tout et peut tout, mais il ne peut faire rien qui se contredise, rien qui soit en contradiction avec la raison. Ainsi au-dessus de la puissance de la Toute Puissance est la puissance de la raison, au-dessus de l'être divin l'être de la raison comme criterium de ce qu'on doit affirmer ou nier de Dieu. Ce que dans mon intelligence je reconnais comme essentiel, je le fais exister en Dieu; ce que la raison reconnaît pour ce qu'il y a de plus grand, de plus parfait, c'est Dieu ; mais c'est justement dans ce que je reconnais comme essentiel que se révèle l'essence de ma raison, que se montre toute la puissance de ma faculté de penser. (Ibid.)
La raison est ainsi l'ens realissimum, l'être réel par excellence de l'ancienne ontothéologie. Au fond, nous ne pouvons penser Dieu, dit l'ontothéologie, qu'en lui attribuant toutes les réalités qui sont en nous, mais saris limitation aucune. Les qualités essentielles, positives, sont les mêmes en Dieu qu'en nous; en nous limitées, en Dieu infinies. Mais qui ôte à ces qualités leur limitation et leur donne l'infini pour attribut? C’est la raison. Qu'est par conséquent l'être conçu comme infini, sinon l'être même de la raison mettant de côté toute barrière, toute limitation. Ta manière de penser Dieu révèle ta manière de penser en général; la mesure de ton Dieu est la mesure de ton intelligence. Pensestu Dieu, par exemple, comme un être revêtu d'un corps, eh bien ! le corps est la borne de ton intelligence, puisque tu ne peux rien te représenter d'incorporel. Penses-tu Dieu, au contraire, comme un être immatériel, tu affirmes par là la liberté de ton intelligence, et son indépendance delà matière. Dans l'inanité de l'être divin, tu ne fais que rendre sensible l'infinité de la raison, tu ne fais que déclarer ceci : la raison est l'être suprême. (Ibid.)
Si quelqu’un veut vraiment se faire une idée de l’athéisme vrai, je ne peux que le renvoyer à la lecture de l’Essence. Il y a là les idées les plus fondamentales qui soient. Dieu, c’est l’homme ; l’homme c’est Dieu. Dieu c’est l’entendement humain renversé. (L'entendement a été ici traduit par raison). Mais c’est humain. La religion n’est qu’un stade de développement de l’esprit humain, cela s’affirme par le contenu des religions variant à travers le temps.La raison est l'être indépendant, maître de soi. Est esclave et dépendant tout ce qui n'a pas d'intelligence. Un homme sans intelligence est aussi un homme sans volonté. Qui n'a pas d'intelligence se laisse séduire, éblouir, employer comme instrument. Comment pourrait-il être libre dans ses actions, par sa volonté, celui qui clans sa pensée n'est qu'un instrument d'autrui? Celui-là seul qui pense est libre. Ce n'est que par son intelligence que l'homme abaisse, les êtres en dehors de lui au rang de simples moyens de son existence. Il n'y a d'indépendant que ce qui est à soi-même objet, à soi-même son propre but. Être sans intelligence, c'est être pour d'autres, être objet; être intelligent, c'est être pour soi, être sujet. Ce qui n'est que pour soi rejette toute dépendance d'un autre être. Nous dépendons bien, même lorsque nous pensons, des êtres extérieurs; mais dans l'activité de la pensée comme telle, nous sommes libres, car l'activité de la pensée n'agit que sur la pensée. « Quand je pense, dit Kant, j'ai la conscience que c'est moi qui pense et non pas un autre être ; je conclus que cette pensée en moi n'est pas inhérente à autre chose en dehors de moi, qu'elle n'appartient qu'à moi seul, que par conséquent je suis substance, c'est-à-dire que j'existe par moi-même et ne suis point l'attribut d'un autre être.» Quoique l'air soit un besoin pour nous, cependant, comme physiciens, d'un objet de besoin nous en faisons l'objet de l'activité désintéressée de la pensée ; il devient pour nous une chose purement et simplement. Il n'y a de dépendant que ce qui est l'objet d'un être autre que soi. Ainsi, la plante dépend de l'air et de la lumière, elle est un objet pour la lumière et l'air et non pour elle-même; mais réciproquement la lumière et l'air deviennent objet pour la plante, et la vie physique consiste dans ce changement continuel qui fait qu'un même être devient tour à tour sujet et objet, but et moyen. La raison seule est l'être qui se sert et jouit de toutes choses sans que rien puisse jouir d'elle ; c'est l'être satisfait, rassasié de lui-même, le sujet absolu qui ne peut être/ abaissé au rang d'objet ou de moyen pour un autre être parce que lui-même, fait de tous les objets, de tous les êtres, des attributs de sa propre nature ; c'est l'être qui comprend en lui toute chose, parce que lui-même n'est point une chose, parce qu'il est libre, en dehors de tout. (Ibid.)
Je voudrais aussi exposer un argument très intéressant, que je tire de l’Éthique de Spinoza. Pour rappel, Spinoza est panthéiste. Que dit la religion ? Elle prétend une création ex nihilo du tout par un Dieu. Dieu est bien et bel identifié à la plus grande sagesse qui soit. Donc, Dieu à travers le « temps » (qu’il crée lui-même d’après la plus part des religions), crée le monde à un moment et pas un autre. Soit, Dieu jugeait le monde nécessaire, bon, etc., à un certain moment et pas à un autre. Donc, Dieu changeait d’avis, de vision, appelez ça comme vous voudrez un moment ou un autre. Or Dieu est toute sagesse (qu’il soit en acte ou en puissance, ce n’est pas la question) ; donc il ne peut changer d’avis. Cela prouve que l’homme, être de volonté, a cru en sa volonté qu’il a attribuée d’une manière infiniment plus grande à un être infiniment plus supérieur.
On pourrait encore dire que Dieu avait en lui, depuis toute « éternité » l’intention de créer le monde ; mais comme nous le savons, toute détermination est négation ; par suite, un être aussi puissant ne peut être déterminé par rien.
Histoire :
Je veux ici parler, très brièvement, de la récupération judéo-chrétienne (et plus tard, de l’Islam) de la philosophie païenne grecque. (Je fais référence ici à mon cours). Ce sujet est très vaste et assez compliqué, j’espère pouvoir regrouper ici les faits les plus « marquants ».
C’est surtout durant la période (Ier siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère) dite médioplatonicienne que s’opère cette récupération. C’est à cette époque qu’a lieu à proprement parlé la plus grande partie du syncrétisme. Il ne s’agit pas encore à cette époque à proprement parler de la religion, mais bien de sa genèse.
Le moyen platonisme chercha à « réconcilier » différentes tendances : platonisme, stoïcisme, péripatétisme et le néopythagorisme. Par exemple, l’idée naitra que Platon (proche du pythagorisme) n’aurait fait que reprendre les thèses de Pythagore ; plus tard, Philon d’Alexandrie dira que Pythagore a reçu toutes ses connaissances par Moïse (se référent par là à la Torah). Les apologistes chrétiens iront dans ce sens-là encore ; c’est ce qu’on appelle le larcin des Grecs.
Dans le Timée, Platon explique la création du monde par le Démiurge. Ce dialogue est pour Platon bel et bien un mythe, qu’il n’est absolument pas nécessaire de croire, il s’agit plutôt d’un passe-temps pour le dialecticien… Or dans ce dialogue, le Démiurge (identifié plus tard à Dieu) crée le monde par la parole (rapprochement avec le judaïsme et le christianisme). Le terme logos traduit raison et parole à la fois en grec. C’est ce logos qui sera identifié au Verbe, soit au Christ. Cette création sera soit interprétée comme ab aeterno, soit comme in tempore.
Les idées communes des stoïciens seront rapprochées des idées platoniciennes ; petit à petit elles seront non plus hors du Démiurge (comme dans le Timée), mais bien en lui, dans son intelligence. Par ailleurs, on ira aussi chercher des idées dans le Parménide et la République, assimilant ainsi le Démiurge à un Dieu créateur, bon, et unique (UN).
L’idée de l’âme par exemple ; on retrouve cette idée d’âme coincée dans un corps (soma) comme dans un tombeau (sema) chez les pythagoriciens.
Il y avait aussi chez les stoïciens l’idée d’un souffle divin (composé d’air et de feu), soit le pneuma, qui sera traduit par spiritus en latin. À partir d’Origène, le pneuma sera identifié à la troisième personne de la Trinité.
La philosophie est pleinement récupérée par le christianisme chez Augustin (opposé de ce point de vue là à Tertullien). Le Christ est assimilé à l’incarnation de la philosophie suprême ; les iconographies du 3e siècle montrent les apôtres avec des palliums, etc. La vie monastique devient une bios philosophos, etc. Chez Augustin, philosopher devient aimer Dieu d’ailleurs. Et ainsi de suite… Je peux admettre qu’il y ait des erreurs historiques ; certes, mais de là à trouver toute une religion sous une autre forme avant sa genèse, ça pose bien des problèmes.
Éthique :
Les réelles raisons qui fondent mon athéisme sont éthiques. Pour moi, les trois monothéismes croient en un Dieu infantile, jaloux et inepte.
Je veux avant tout préciser que je parle ici d’éthique, et non de morale. Deleuze, dans Spinoza, Philosophie pratique propose une différence entre l’éthique et la morale. C’est cette distinction qui est essentielle pour moi. Pour faire simple : la morale renvoie toujours à la notion du Bien et du Mal, tandis que l’éthique renvoie au bon et au mauvais. La différence est que, alors que les premières notions renvoient à des éléments transcendants (Dieu, la société, etc.), l’éthique fait référence à l’individu. Les premières s’appuient sûr du néant : ni le Bien, ni le Mal n’existent en soi. En vertu de quoi pourrait-il exister ? Soit on nage dans des supercheries, soit on fait référence au réel. Mais le réel est éthique, il est concret, immanent, il fait référence à l’individu. Si une chose est bonne pour l’individu, elle est bonne indépendamment de toute valeur morale derrière. Or la religion prétend établir cette notion d’une manière universelle ; elle considère donc l’homme générique, mais même là elle se goure. D’ailleurs, en latin, malus et bonus traduisent à la fois mal/mauvais et bien/bon à la fois. Mais en réalité, ces termes sont très fortement opposés.
Et que promet Dieu à des êtres comme moi ? La punition. Pourquoi ? Parce que j’ai fait du mal. Donc, Dieu, être sage, tout puissant, omniscient, etc., est capable de me punir en me faisant subir ce pour quoi il me punit. Là on me rétorquera sûrement que, Dieu ne me punit pas, mais en me détournant de lui, je me détourne du Bien, et me fais mal nécessairement (conséquence de mon acte). Dans ce cas, Dieu n’est donc pas tout puissant. Soit, Dieu fait le bien par le mal, ou le mal par le bien (si on inverse) ; ce qui est absurde.
Dernièrement, c’est le libre arbitre, idée on ne peut plus archaïque tant encrée en l’humain qui est problématique dans les religions. D’ailleurs pas étonnant que toutes les religions trébuchent sur ce genre de problème qui lie déterminisme, liberté, responsabilité, etc. L’erreur fondamentale vient de là : le libre arbitre. Qu’est-ce ? C’est une volonté en l’humain qui n’est déterminé par rien d’autre que lui-même. Je vous prie d’essayer de penser l’impensable : une chose, quoi qu’il soit, dans notre univers, qui n’est déterminé par rien d’autre que lui-même. Vous pourriez dire peut-être Dieu ; mais le reste ? S’il y a détermination (cause et conséquence), il y a pleinement. On ne peut dire qu’il y a détermination et qu’il n’y en a pas, c’est une antilogie. Or le monde nous montre bien que tout est déterminé, par une cause antérieure, etc. L’homme n’échappe pas à cela. La religion, ici encore, repose sur une méconnaissance de la réalité.
J’espère ici avoir pu donner un aperçu plus ou moins cohérent de mon athéisme,
Et en espérant pouvoir créer d'intéressants débats,
Bien cordialement,
maymay