Florent52 a écrit :
Merci de vos réponses qui sont tout à fait honnêtes. Même si nous ne tombons pas d'accord finalement (l'athée et le croyant qui discutent tombent au final rarement d'accord, c'est bien connu) au moins je reconnais que la discussion est possible avec vous.
Je puis vous assurer que je regrette les débats qui s'emballent entre croyants et non-croyants, lorsqu'aucun "camp" ne veut faire de concession sur le mépris. Je pense que religion et athéisme doivent avoir un même but : l'accomplissement de l'Homme. Mais ceci ne peut passer que dans la considération et la paix.
Lorsque je parle d'"anodins" ici je veux dire que pour les premiers chrétiens les miracles du christ ne constituaient pas en eux-mêmes un élément de doute à l'égard de leur foi. Au contraire vous m'accorderez sans doute qu'ils leur paraissaient plutôt confirmer (même si c'est de manière subsidiaire, je laisse tomber la notion d'essor car elle nous emmène sur de fausses pistes ici) la nature particulière de Jésus.
Au fond, il me semble que le débat pose la question du rapport qui est fait entre ce que nous avons appelé le "merveilleux" et le "coeur" du christianisme.
Les évangiles constituent un tout, comme je vous disais plus haut. Ces éléments merveilleux sont inséparables de tout le reste parce qu'ils contribuent à
décrire qui est Jésus.
Il me semble qu'on ne peut pas dire que ces éléments "merveilleux" ont pour fonction de
"confirmer" sa nature. La multiplication des pains, la filiation divine, la guérison de malades et même, sous certaines formes, les apparitions post mortem, chacune prise isolément, ne donne pas à Jésus une
confirmation de ce qu'il est, ou disons plutôt qu'elle ne donne pas
seulement une telle confirmation. Ces éléments, faut-il le rappeler, sont communs à de très nombreuses religions.
Tous ces éléments, chacun considéré dans son contexte, disent quelquechose de particulier sur ce qu'était le Christ (en tout cas sur ce qu'on a cru de lui) au même titre que ses discours et ses paraboles. Qu'est le Christ? Il est celui qui nous donne Dieu sans aucun intermédiaire, il est celui par qui Dieu se donne à l'Homme. Il nous révèle que l'Humanité s'unit à Dieu. C'est l'annonce de l'Evangile, qui le dit aussi bien à travers ses faits "merveilleux" que ses sermons.
Désolé pour ce moreau de catéchisme, mais c'est pour vous dire comment ceci, qui est le "coeur du christianisme" commande, je crois, toute la rédaction des Evangiles. Et c'est ainsi que la résurrection "plus que fantômatique", dirai-je, prend un sens fondateur dans le christianisme, et que tous les épisodes "merveilleux" des évangiles viennent traduire comment se manifeste, pour nous aujourd'hui cette annonce sur Dieu et l'Homme et surtout sur ce qui caractérise Dieu : Un amour sans limite et détaché de toutes les réserves que les religions de tous les temps ont pu garder.
Si je ne me trompe, le mot grec utilisé pour parler des faits extraordinaires accomplis par Jésus voulait dire "signe" et non "évènement merveilleux".
Aujourd'hui notre attitude serait diamétralement inverse : nous ne verrions pas dans le merveilleux un élément de peu d'importance voire corroborant le caractère divin, mais nous nous défierions a priori de toute personne prétendant accomplir ou avoir vu accomplir de tels prodiges, que nous savons contraires aux lois de la nature (telle que la science nous la fait connaître).
Ces éléments de "merveilleux", inséparables de la doctrine, montrent de manière claire l'origine culturelle de la religion qui les porte, je ne dis rien de plus, mais évidemment ça signifie clairement la dimension historique humaine de l'ensemble (puisque ça forme un tout, vous l'avez concédé).
Je crois comme vous qu'aujourd'hui, des rumeurs d'évènements surnaturels à propos du gourou d'une nouvelle secte ne saurait qu'attiser la méfiance de beaucoup de monde.
Cependant, d'une part: je ne pense pas que de tels évènements étaient de "peu d'inportance", à l'époque où ceux-ci étaient davantage monnaie courante en ce qui concernait la religion et la vie de tous les jours, d'ailleurs. Au contraire, je pense que les faits surnaturels décrits par les Evangiles avaient un rôle initiatique essentiel, comme je vous le disais ci dessus.
D'autre part, je ne suis pas sûr que cette méfiance, même aujourd'hui, soit générale. Bien sûr, il y aurait les sceptiques, les scientifiques athées, les esprits cartésiens, qui refuseraient peut-être en bloc tout le phénomène. Mais lorsque le leader est vraiment charismatique et populaire, lorsque les foules se déplacent, alors la ferveur naît. Et la raison s'étouffe vite, parce qu'elle n'est plus le critère premier. Nous pouvons le constater régulièrement, je pense. Comment aujourd'hui encore, malgré tout ce que vous dites sur notre défiance naturelle, tant de personnes sensées sont attirées par l'astrologie, la voyance...les sectes? Je ne veux pas les dénigrer à priori : je suis en train d'en défendre une qui est née il y a 2000 ans ("une religion est une secte qui réussit..."). Ce que je veux dire, c'est que le phénomène de la foi dans le surnaturel demeure, encore et toujours, quelque chose d'humain et de répandu.
Pour moi, qui suis croyant, une chose est sûre : si Jésus naissait aujourd'hui plutôt qu'avant, son but serait je pense que ce qu'il a à dire soit reçu par toute l'Humanité. Ce qu'il a à dire, c'est ça, le "coeur du christianisme". Et je ne suis pas persuadé que celui-ci serait délivré dans un cadre "merveilleux".
Voilà une phrase bien étrange.
Vous voulez dire que c'est notre vision particulière des choses qui nous empêche de voir des sorcières voler dans les airs et se rendre à des sabbats?
Je me pose la question.
J'ai l'intuition qu'il y a, en toutes sortes de domaines, un rapport entre foi et efficacité, un rapport qui nous est jusqu'ici difficile à saisir.
"Il suffit d'y croire", "quand on veut on peut", "à coeur vaillant rien d'impossible"...Les dictons populaires gardent la trace de ce qu'on peut, par ailleurs, observer d'un point de vue très rationnel : la médecine elle-même se doit de compter sur l'effet
placebo. Qu'en est-il de ces malades du cancer, à qui le spécialiste demande de se
battre?
Non, je ne pense pas que le rationnalisme nous empêche de voir des sorcières ou des lutins. Mais je me demande s'il ne ferme pas notre esprit à ce qui pourrait nous être invisible mais vrai.
Et de fait, comme vous le souligniez ultèrieurement, ce sont souvent les gens les plus simples et peut-être les moins cultivés qui adhèrent ou qui témoignent d'évènements extraordinaires. Bernadette Soubirous, par exemple. ...Mais déjà dans le Nouveau Testament, il est décrit cette tendance qu'a la sagesse à empêcher de croire.
Encore une fois merci de votre franchise. Vous reconnaissez cette particularité de l'époque c'est très bien.
Vous n'en tirez pas les mêmes conclusions que moi. Je me demande bien pourquoi. Mais chacun est libre de son avis.
...Alors qu'est-ce à dire? Est-ce qu'aujourd'hui, oui ou non, un croyant peut se dire que le "merveilleux" n'est qu'un langage codé pour mieux comprendre les voies du Seigneur, une broderie surajoutée de symboles populaires à visée initiatique?
Que certains passages des différents évangiles aient repris des traditions populaires légendaires, s'appuyant sur des prophéties de l'Ancien Testament, ça me semble indéniable aujourd'hui.
Que d'autres passages aient été composés, structurés, renforcés pour leur donner une puissance pédagogique, c'est possible.
Que certains aspects aient été influencés dès les premiers jours du christianisme, par des idées et traditions païennes, dans une certaine mesure, éventuellement, mais c'est une question complexe.
Tout n'est pas "merveilleux" de la même manière dans les évangiles.
Il y a la proclamation de la résurrection d'un homme qu'on a vu mourrir.
Il y a l'idée des annonces angéliques, de la naissance virginale.
Il y a les évènements merveilleux qui encadrent la naissance et la crucifixion de cet homme.
Il y a les récits de divers miracles et phénomènes étonnants qui accompagnent sa prédication.
Aujourd'hui encore, des guérisons
miraculeuses sont constatées. Elles sont souvent le résultat (ou la cause) d'une ferveur de masse. Peut-être pourra-t-on les
expliquer un jour?
Pour le christianisme, un miracle, c'est une parole de paix qui triomphe de toute forme de malheur. Cela laisse un champ très vaste, dans lequel la science est tout à fait libre de ne pas s'y retrouver. L'essentiel, c'est ce qui se
passe: l'avènement de l'amour, que le chrétien appelle "règne de Dieu".
Je me rappelle d'une petite carte postale que j'ai offerte à un ami, avec cette phrase: "là où un coeur se penche sur un autre, il y a toujours un miracle".
Jean-Paul II n'a pas été le seul responsable de la chute du mur de Berlin, et celle-ci n'a finalement pas résolu tous les malheurs de l'Europe Orientale, mais qui aurait cru que ce pape, à cette époque, dans son unique combat pour la paix, arriverait à avoir une influence déterminente dans une étape de ce processus qui a débloqué cette situation inhumaine qu'était le communisme tyrannique en Europe? Voilà un miracle. Ce n'est pas une histoire surnaturelle. C'est une histoire d'Amour.